• 1888 - 2008, une drôle de coïncidence

        Une heure ! Ils affluent de tous les points de la ville et de la Cité. Riches d'aujourd'hui, riches de demain et aussi riches de la veille, qui s'évertuent et luttent contre la débâcle, millionnaires dont l'herbe a fait du foin qu'ils engrangent dans leurs bottes, ou encore millionnaires dont le foin a flambé comme un simple feu de paille !
        Va, cours, vole – parfois dans les deux sens du verbe – misérable suppôt de la Fortune ! La roue tourne, accroche-toi à ses rais, essaie d'en régler le mouvement ! Voyez-les se bousculer, se passer sur le corps, pour agripper la roue fatale, pour s'y cramponner avec l'opiniâtreté des rapaces ; aujourd'hui au-dessus, demain en dessous ! La roue tourne et tourne, et l'essieu grince et craque… Et ses craquements ont de sinistres échos : Krach !
        Depuis le matin, boursiers, boursicotiers, vont et viennent, se croisent dans les rues, affairés, fiévreux, sans s'arrêter, échangeant à peine un bonjour sec comme le tic-tac de leur chronomètre : Time is money ! Avant la soirée les meilleurs amis ne se reconnaissent plus. To buy or not to buy ? That is the question ! monologue le sordide Hamlet du commerce. Il n'envisage plus l'univers qu'au point de vue de l'offre et de la demande. Produire ou consommer : tout est là !

    Georges Eekhoud, La Nouvelle Carthage (1888)
    Deuxième Partie : Freddy Béjard, Chapitre IX : La Bourse


    Tags Tags :
  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :