• André Towianski et le towianisme

        Venu en 1841 s'entretenir avec Adam Mickiewicz, il avait aussitôt rend la raison à sa femme, atteinte de démence. Le poète avait vu entrer dans sa chambre "un homme de haute taille, à l'aspect militaire, vêtu d'une redingote boutonnée jusqu'au cou, muni de grandes lunettes rondes qui laissaient voir des yeux profonds, sous un large front dégarni, avec une expression à la fois imposante et douce."

    Un Messie sous Louis-Philippe (L'Echo du Merveilleux 15-02-1913)(gallica)


        Inféodé à la secte de Vintras dont il se sépara par la suite pour se déclarer une réincarnation de Napoléon et prêcher une série d’erreurs qui se rapprochent de celles professées par les Vaudois et par Swedenborg, avait fondé à Paris une association religieuse et politique, sous le nom des « bons frères ».


        Les partisans de Towianski croient à l'immortalité de l'âme et à son action continue. Chaque homme a reçu une mission de l'Être Suprême. Si cette mission n'est pas remplie, l'âme est dans une continuelle souffrance, elle entre dans le corps d'un enfant nouveau-né et poursuit sa tâche de génération en génération.
        D'après cette croyance, il résulte que l'âme de Napoléon qui avait pour mission de régénérer le monde, d'établir l'unité sur la terre, souffre. C'est cette âme sans doute qui est entrée dans le corps de Towianski, pour continuer et accomplir sa tâche. Waterloo, il l'appelle Golgotha moderne, le portrait de Napoléon, fait d'après la pensée de Towianski représente un homme qui souffre après sa mort et qui contemple avec douleur son oeuvre inachevée.
        D'après la conviction de ses disciples, Towianski guérit les malades, par l'attouchement, lit dans l'avenir et a prédit plusieurs faits qui se sont accomplis.
        Le gouvernement Français lui donna l'ordre de quitter Paris. Il visita Rome et alla en Suisse. Ses disciples lui sont restés fidèles, quelques uns ont fait le voyage à pied pour le voir, pour l'entendre. Si nous sommes bien informiés, déux ont perdu la raison, et les disciples prétendent que c'est la punition de Dieu, parce qu'ils sont entrés dansle cercle le plus intime n'ayant pas la foi.
        Ce qui nous intéresse le plus, c'est que la doctrine de Towianski embrasse dans la génération générale l'avenir des Israélites.
        Ils ont déjà expié leurs péchés, Dieu leur a pardonné. »
        « C'est un peuple aimé de Dieu, par suite des migrations des âmes, il y a sur le monde plus d'Israélites qu'on ne le croit,
        « Le Messie sortira du pays Slave et si Towianski n'accomplit pas sa tache, il en prépare la voie à un autre plus heureux.
        « Le monde commencera une nouvelle ère par le concours des trois grands peuples, des français, des slaves et des juifs
        Ces doctrines ainsi que la cordiale fraternité qui règne parmi les disciples de Towianski ont séduit quelques Israélites. On voyait parmi les nobles, parmi les officiers de l'armée polonaise, quelques Juifs qu'on y recevait avec amour et fraternité.
        Ces doctrines, mélange des idées chrétiennes et juives, des rêves de Swedenborg et des pensées de Fourrer, accompagnées de quelques guérisons à l'aide du magnétisme, ont fanatisé des disciples dévoués, et parmi tant d'autres, comme nous l'avons déjà dit, le poète, le professeur Mickiewicz. Charles Rozycki, colonel dans l'armée insurrectionnelle, homme de grands talents militaires est de leur nombre.
        Nous ne nous permettons pas de juger les doctrines que nous ne connaissons que superficiellement. Si nous en avons donné une esquisse, c'est pour rpouver combien l'idée de salut par l'action d'un homme supérieur est accréditée en Russie, en Pologne, puisqu'un Messie  Pris, peut grouper autour de lui des savants, des militaires et des disciples de toutes les croyance.

    Jan Czyński, La Pologne catholique et la Pologne libérale, 1848, p.77-79
    source : gallica

     

        Pour Towianski, la France n’était toutefois pas uniquement le lieu de l’expiation, elle était également (comme d’ailleurs la Russie) censée jouer un rôle actif primordial dans la réalisation de sa mission. Les Polonais en pèlerinage, en tant que premiers appelés, constituaient le « canal » par lequel la révélation devait lui parvenir. Towianski envisageait la propagation de sa « science » par le biais de la « Loi d’harmonie » qui peut être résumée comme suit : l’homme doit vouloir sans cesse pousser son esprit vers Dieu, il doit vouloir briser les chaînes qui le tiennent à la « terre » et orienter son être vers la réalisation de la parole du Christ. Il doit pour cela réaliser le triple sacrifice : celui de l’esprit, celui du corps et celui de l’action. Lorsqu’il est disposé à ce sacrifice, l’homme élève son « ton » chrétien, il attire ainsi sur lui une « colonne lumineuse » composée d’esprits élevés (à tel point qu’ils ne peuvent plus exister dans une enveloppe corporelle) qui l’aide à garder l’élévation de son « ton », mais il attire également les esprits d’autres hommes, ceux de ses contemporains disposés au sacrifice. Si les hommes se groupent pour élever leur « ton », ils attireront un plus grand nombre d’esprits enclins à les imiter. La « Loi d’harmonie » est donc celle par laquelle un esprit (ou un groupe d’esprits) qui élève ou cultive son « ton » attire d’autres esprits qui acceptent le sacrifice. Les Polonais de la Grande Émigration devaient donc tous ensemble élever leur « ton » chrétien et convaincre ainsi d’autres nations de les imiter. Towianski pensait que certaines nations étaient élues par Dieu, il pensait aussi que, parmi celles-ci, la France jouait un rôle de premier plan car elle avait déjà été préparée.

    Jeremy Lambert, « Le towianisme en France. La France dans le towianisme. », in « Slavica
    Bruxellensia », n°3, Université Libre de Bruxelles, juin 2009, pp. 61-73.
    source : ulb.ac.be


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