• Antoinisme et Maboulisme, signé X (Vers l'Avenirs, 5 mars 1920)(Belgicapress)

    Antoinisme et Maboulisme, signé X (Vers l'Avenirs, 5 mars 1920)(Belgicapress)Antoinisme et Maboulisme !

        Les Antoinistes vont recommencer leurs pétitionnements à la Chambre pour obtenir la reconnaissance officielle de leur « religion ». Ils ont déjà plusieurs tentatives à leur actif. Il se pourrait qu'ils obtinssent satisfaction. Les Antoinistes peuvent compter, en effet, sur les sympathies de tous les anticléricaux, de tous les ennemis de la religion, tout heureux de croire faire pièce au catholicisme et à l'Eglise en favorisant une secte d'illuminés dont le cas relève de la neurologie.
        J'ai connu le Père Antoine, qui fonctionnait à Jemeppe-sur-Mense, et qui fut le prophète de l'Antoinisme. J'ai connu son neveu, le Père Dor, qui fonctionnait à Roux, près de Charleroi, et qui eut en justice des démêlés qui éclairèrent singulièrement le genre de « sacerdoce » auquel il se livrait !
        Un journal bruxellois vient de publier un plaidoyer en faveur des Antoinistes. Leur « culte » l'a séduit par sa simplicité et, dit-il, l'enseignement du Père s'inspire d'une haute philosophie...
        Non, mais laissez-moi rire ! J'offre un lapin de craie à celui qui pourra dégager quelque chose de clair et de lucide de la lecture de cet enseignement. C'est un assemblage de phrases plus vides les unes que les autres, un texte qui ne peut impressionner que les imbéciles prenant pour de la profondeur de pensées ce qu'ils ne comprennent pas.
        Si l'Antoinisme se bornait à prêcher les doctrines du Christ, comme il le prétend, s'il se donnait pour mission de répandre l'amour du prochain, le pardon des injures, il serait inoffensif. Mais il va un peu fort, et devient dangereux, quand il préconise la « Foi », sa « Foi » à lui, pour la guérison des maladies.
        J'ai été voir procéder le Père Antoine, quelques années avant sa « désincarnation » : c'est ainsi que les Antoinistes appellent la mort. Le Père, qui avait, je dois le reconnaître, une bonne tête, un aspect de brave homme doux et sensible, vous accueillait dans un petit cabinet, debout. On lui exposait de quoi l'on souffrait. Il vous promettait la guérison. « Croyez », disait-il, je vais prier pour vous. Vous serez guéri. – Mais, hasardait-on, dois-je aller chez le docteur ? – Non, mes prières suffisent, répondait-il !
        C'était par trop simpliste comme traitement, avouons-le.
        On prêtait à Antoine beaucoup de guérisons, que je n'ai pu vérifier. Toutefois, il y en eut une que je connus et qui me parut radicale.
        Une femme était allé consulter le Père au sujet de son époux. C'était un alcoolique qui faisait la vie dure à sa femme. Et le Père promit une amélioration. Celle-ci se produisit d'ailleurs, et comment ! Après une violente scène, l'alcoolique un jour se pendit !... Y eut-il beaucoup de guérisons de l'espèce ? C'est ce que j'ignore.
        Les Antoinistes ont voulu surenchérir sur la Religion. Ils sont allés trop loin, ils ne devaient pas exagérer. C'était un peu présomptueux de la part du Père Antoine et de ses disciples de dire : « Je suffis ». Cela ne vaut pas le « Aide-toi, le Ciel t'aidera ».
        Pour obtenir la reconnaissance de leur culte, les Antoinistes arguent des milliers et des milliers d'adeptes qu'ils ont faits.
        Qu'est-ce que cela prouve, sinon que les malheureux gogos et naïfs sont légion, ce qui n'était plus à démontrer. La vogue des rebouteux, guérisseurs, batteuses de cartes et autres escrocs de la crédulité humaine s'explique ainsi et ne s'en justifie pas cependant.
        Le Père Antoine faillit, il y a une dizaine d'années, avoir un sérieux concurrent en la personne d'un rustre nommé Baguette et qui s'intitulait le « bon Dieu de Ressaix ».
        Ce Baguette était un ouvrier mineur de mœurs assez peu recommandables et qui, un jour, avec un « culot » invraisemblable, voulut faire des miracles.
        En moins de quarante-huit heures de temps, il eut une clientèle nombreuse, et pourtant Baguette ne faisait pas de frais de mise en scène.
        Il ordonnait la guérison aux malheureux patients qui venaient se confier à lui, n'hésitant pas à dire à un paralytique qui se traînait péniblement sur ses béquilles : « Tape-ça èvôye, d'jet tel' dis ». Le butor se faisait menaçant si on n'obtempérait pas de suite, mais malheureusement aucun malade de guérit par son fait.
        Il n'en eût pas moins continué peut-être, d'autant plus que, malgré tout, ceux qui allaient le voir lui faisaient l'aumône, et Baguette, ne travaillant plus, se laissait engraisser à ne rien faire, quand le parquet de Charleroi s'émut. La « religion » prêchée par Baguette ne se développa point. Un juge d'instruction le fit comparaître à son cabinet, le sermonna, lui faisant comprendre que ce qu'il faisait c'était de l'escroquerie. Choisissez, lui dit-il, et si vous voulez continuer à faire des miracles, je vous enverrai en prison. Le « Messie » de Ressaix se le tint pour dit, et on n'en entendit plus parler. C'est pourquoi le pays de Binche ne verra jamais s'élever un temple dédié à Baguette.
        Les Antoinistes ont été plus heureux. Ils devraient savoir se contenter de leurs succès sans réclamer une consécration officielle !
                                                                                                                 X.

    Vers l'Avenirs, 5 mars 1920 (source : Belgicapress)


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