• Auteur :  Lucien Roure
    Titre :    Un Prophète contemporain, Antoine le Guérisseur
    Editions :    Les Etudes, Volume 166 ; 20 janvier 1921 ; pp.177-189
        reproduite dans le volume Au Pays de l'Occultisme, Paris, G. Beauchesne, 1925

    à lire sur la site Gallica :

    Études (1897)
    Études (1897)
    Source: Bibliothèque nationale de France


        Après ses récentes études sur Le merveilleux spirite (Beauchesne, 1922) et Le spiritisme d'aujourd'hui (Beauchesne, 1923), le P. Lucien Roure présente au public un nouvel ouvrage sur l'Occultisme, domaine souvent confondu avec le précédent, mais qui en diffère plus ou moins profondément.
        Exactement, ce livre parle de l'histoire, de la doctrine, du sens de l'Occultisme et des mouvements divers qui s'y rapportent.
        L'auteur a tenu à donner, d'ailleurs sans étalage d'érudition, mais avec l'indication précise des références, les sources historiques et l'évolution des doctrines, la vie et le caractère des personnages qui créèrent et répandirent ces doctrines : courtes biographies qui présentent souvent un intérêt fort piquant.
        Il esquisse ensuite les grandes lignes des diverses doctrines, en clarifiant parfois, reconnaît-il, les expositions flottantes ou obscures. Puis il caractérise brièvement le sens de chaque mouvement étudié, le juge à la lumière des craies données de la science, de l'Ecriture Sainte ou même des religions orientales, dont ces mouvements occultistes se réclament.
        Le P. Roure suit ce plan, assez librement d'ailleurs, dans une suite de chapitres traitant : de l'Occultisme moderne ; du Théosophisme ; de la Christian Science, avec quelques pages sur E. Coué ; du prophète contemporain, Antoine le Guérisseur, l'ancien mineur de Liège ; des Amitiés spirituelles de Sédir ; de la Philosophie cosmique ; des Adventistes du septième jour ; du Panfreudianisme ; un Appendice parle des Superstitions du Front de guerre 1914-1918.
        L'énoncé des chapitres suffit à montrer l'intérêt d'actualité que présente le livre du P. Roure. Dans sa préface et sa Conclusion, l'auteur destine son travail aux "explorateurs" ; aux âmes avides de savoir, de remplir le vide d'une existence douloureuse, à ces âmes qui croient trouver en l'Occultisme un remède de leurs maux. Reconstituer objectivement l'échafaudage parfois à la divinité, rien n'est aussi propre à dissiper le mirage.
        On s'étonnerait de voir rapprochés les noms d'Antoine le Guérisseur et du Dr Freud. Mais on rendra justice au P. Roure en reconnaissant qu'il a soigneusement fait valoir le côté scientifique du Freudisme et qu'il a distingué le caractère outrancier de ce qu'il appelle le "Panfreudianisme".
        Disons enfin que l'on aime à voir dans ce livre nouveau, avec la clarté et la bonne ordonnance de la composition, les marques d'un esprit judicieux et pondéré : qualités précieuses avec un objet d'étude comme l'Occultisme.
           Et.[ienne] Pialat
    Revue néo-scolastique de philosophie, Année 1926, Volume 28, Numéro 9, pp. 82-83 (source : persee.f)

        Note : L'étude de Lucien Roure est Le même auteur évoque également l'antoinisme dans Le merveilleux spirite.

    Lucien Roure - Au pays de l'occultisme ou par delà le catholicisme (1925)(recension)

    Recension dans La Croix 30 janvier 1921


        Voyons si, concernant l'antoinisme, l'esprit est "judicieux et pondéré" ?
        L'auteur commence avec une description du temple de Liège, et précise qu'il y en a d'autres à Jemeppe (banlieue de Liège), à Monaco et qu'il y a une vingtaine de salles de culte en Belgique et à l'étranger (Bruxelles, Spa, Stavelot, Verviers, Paris, Vichy, Nice, Nantes, Tours. "La religion antoiniste compterait jusqu'à 18000 adeptes fervents, sans parler de ceux qui subissent l'action de l'esprit antoiniste" (p.178).
        Suit une biographie courte et neutre, sauf quand à évoquer le fils des Antoine qui est décrit comme s'étant "toujours montré maladif et bizarre, et dont les parents s'étaient peu occupés." Pierre Debouxhtay réfute cela, "de santé chétive", il précise d'un côté le témoignage de Bourguet (curé de Saint-Antoine à Liège) qui va dans se sens et d'un ingénieur T.D. qui a connu à l'école primaire, le jeune Antoine, qui était un bon élève (p.59, note 17). Il suivi des cours à l'Ecole Moyenne de Seraing, puis devint employé à la Société des Chemins de Fer du Nord Belge. Puis Lucien Roure précise qu'il fit savoir à ses parents "après sa désincarnation qu'il était devenu pharmacien à Paris." Pierre Debouxhtay dit qu'il "est certain que [les antoinistes] y ont cru jadis". En 1934, "les Antoinistes disent ignorer cette réincarnation" (p.59).
        Lucien Roure se demande ensuite pourquoi avoir donné à la Société spirite d'Antoine le nom des Vignerons du Seigneur "dans une pays qui ne se distingue guère par la culture de la vigne" (p.179). Premièrement on peut prendre cette expression dans un sens figuré, deuxièmement, Pierre Debouxhtay racontera comme la culture de la vigne était encore en cours à l'époque de Louis Antoine sur les hauteurs le long de la Meuse, donc à Jemeppe.
        L'auteur pense qu'à partir du moment où la santé de Louis Antoine déclina, on changea le nom de Guérisseur par Généreux (qui, précise-t-il, "ne signifie rien. On n'y peut guère voir qu'un effort maladroit pour remplacer le nom de guérisseur par un autre de consonance analogue qui dissimulât le changement". "Peut-être voulait-on éviter de laisser croire que l'antoinisme était tout entier dans le don de guérir et que ce don allait disparaître avec Louis Antoine ? Au surplus, à partir de 1906, l'enseignement moral l'emporte de plus en plus. Antoine prend toujours davantage conscience de sa mission de Révélateur." (p.179-80). On ne peut qu'abonder en ce sens, cela corroboré par de nombreux témoignages dans l'Unitif. Cependant le don de guérir est resté, jusqu'à faire dire à Régis Dericquebourg que "bien qu'il prétende oeuvrer à l'évolution morale de l'humanité, l'antoinisme maintient la thérapie religieuse au premier plan de ses activités et ses responsables sont fondamentalement des guérisseurs" (p.43, conclusion pour l'Antoinisme, dans Religions de guérison, Cerf & Fides).
        Lucien Roure dit ensuite que "la littérature antoiniste est abondante plutôt que riche". On ne cherchera pas à savoir ce qu'il a voulu dire par là. En tout cas, il précise en disant qu'on aurait tort "de chercher en tout cela un ordre, un développement doctrinal. Tout est jeté pêle-mêle, et on se répète indéfiniment" (p.180). Certainement l'auteur trouve-t-il que la Bible est bien agencée comme il faut dans un ordre doctrinal correct et que les Evangiles ne se répètent pas indéfiniment.
        La description du Père est loin d'être neutre : "toute la gaucherie de pensée et de langage qu'on rencontre chez l'homme du peuple sans cultre aucune - Antoine se glorifie de n'avoir jamais étudié - et qui se mêle de dogmatiser" (p.181).
        Suivent les points importants de l'enseignement selon l'auteur : Guérison par la foi (étonnant que cela vienne en premier lieu, alors qu'il disait que ce point n'était plus le centre de l'enseignement moral du Père), Amour du prochain, Solidarité, Morale sans Dieu (en préciser "amour du prochain, solidarité acceptée, voilà les deux grands principes de la morale antoiniste"), Intelligence et Conscience, Fluides, La Matière n'existe pas, Notion de Dieu (où il est dit que de vouloir se prétendre être Dieu serait "un délire d'orgueil ou de niaiserie"), Nihilisme moral ("Tandis qu'elle présente aux esprits simples un certain aliment moral, elle tient en réserve pour les adeptes plus curieux ou plus dociles des griseries malsaines", encore une fois, l'auteur se contredit car il parlait plus haut de "ceux qui subissent l'action de l'esprit antoiniste". Il rapproche ce point de la pensée tolstoïenne dont "est sorti le bolchévisme", "doctrine d'anarchie et d'amoralité"), Occultisme ("courant trouble d'occultisme, doctrines hermétistes, emprunts faits à la Kabbale et au Talmud" avec comme preuve l'histoire d'Adam que l'auteur relate).
        Sur l'Enseignement en général, Lucien Roure dit que "les théories reçues subissent un certain filtrage avant de passer en acte. Et cependant on peut soupçonner les ravages que doivent exercer dans des esprits crédules et dociles de pareils enseignements. Ceux qui ont vu de près les antoinistes convaincus disent leur obstination farouche en leur foi. Ils s'y enferment, inaccessibles à toute pénétration du dehors" (p.185). Là encore on peut rapprocher ce comportement à celui des Chrétiens dont l'auteur fait parti. Les protestants savent ce qu'est l'obstination catholique.
        Par un crescendo, l'auteur conclu en disant : "Toutes ces révélations - délire d'un cerveau malade - sont proposées avec le plus grand sérieux, expliquées, commentées, c'est-à-dire embrouillées à plaisir par le Père. Quel effet de désagrégation tout ce fatras incohérent ne devait-il pas produire sur des esprits incultes ? A coup sûr, il devait avilir en eux l'idée du mariage - idée si haute dans la Bible - et l'idée de la femme, rangée du côté de la matière essentiellement mauvaise". On voit que l'auteur n'a rien compris. Tout d'abord l'idée de mariage n'était déjà plus si haute à l'époque du fait de la déchristianisation de la société, dont l'antoinisme n'est pour rien. Ensuite la femme n'est pas "rangée du côté de la matière",  au contraire, l'Enseignement nous apprend que
        "Dupes des apparences, nous croyons que le sexe existe, mais en nous acquérant progressivement l'amour, nous surmonterons cette fausse vue, puisqu'elle résulte seulement de la matière, toujours plus convaincus que chacun de nous fait partie de l'individualité d'Adam qui constitue l'humanité entière." (p.LVII) et "L'histoire d'Adam a été dénaturée, contrefait par ceux qui ont voulu se pénétrer de la réalité et qui l'ont imaginée telle qu'elle est dans les livres sacrés.
        C'est cette contrefaçon qui sert de base à l'éducation de l'humanité. Elle fait perdre à la femme tous ses droits matériels, la considérant comme n'étant pas réelle parce qu'elle est du sexe opposé à celui d'Adam. C'est ce qui nous fait dire que Adam est le moi conscient parce qu'il représente le côté réel, celui de Dieu, tandis que Ève représente l'erreur qui résulte de l'amour de bestialité." (p.LXIII)
        Puis disant que "l'Arbre symbolise le matière et le mal", et que c'est le "principal emblème du culte" des Antoinistes, il en conclut tout naturellement que "leurs hommages comme leurs pensées se concentrent autour du Principe mauvais" (p.187). Citant les pages XXXVII à XXXIX du Couronnement de l'Oeuvre révélé, il nous dit : ""voilà le culte luciférien expressément formulé" en souhaitant que "la masse des Antoinistes ne va pas à ces excès, qu'elle s'arrête à l'enseignement moral du Père, - et quel enseignement moral ! - sous l'apparence d'un amour universel, le nihilisme. Dans le fouillis de l'Antoinisme, il y a des recoins plus malsains, il y a des doctrines dont la totale explication est réservée aux initiés et d'où se répand sur tout l'ensemble une odeur de perversité. L'Antoinisme est sorti du spiritisme, et l'on sait que le démon erre dans les parages où le spiritisme fréquente" (p.187-188).
        En effet, selon lui "les seules cérémonies un peu marquantes semblent être celles des funérailles : autour du corps se réunissent les adeptes. Ils portent la robe noire plus ou moins longue, selon le degré d'initiation". L'auteur n'aura donc pas lu la réponse du Père publiée dans le Développement, p.217-218 (donc 10 ans avant son texte) : "Revenons aux personnes qui voudraient voir apporter des modifications à la robe, croyant qu'elles en obtiendraient une plus grande satisfaction. N'est-ce pas attacher plus d'importance à l'effet qu'à la cause qu'elles ont toutes ces pensées ? C'est la preuve qu'elles ignorent pourquoi la robe nous a été révélée. Sachons qu'elle ne peut nous être profitable que pour autant que nous respectons sa révélation. Le fluide qui en découle opère de toutes façons, suivant ce que nous en faisons, car si nous en abusons, la robe peut nous être autant nuisible qu'elle nous est efficace quand nous la revêtons pour être d'accord avec sa raison d'être."
        Il explique ensuite le succès de l'antoinisme par le succès des guérisons obtenues et "l'incohérence même et l'absurdité de l'Enseignement, qui procurent aux simples l'illusion de la profondeur et du mystère. Il y a le besoin de crédulité, nulle part si intense que chez les incrédules. Il y a surtout l'ignorance religieuse des masses. Sur cette ignorance, le succès d'une religion telle que l'Antoinisme jette un jour lamentable. Concluons : il est besoin de rendre le Christ au peuple."
        L'auteur répond donc à l'origine de l'ignorance religieuse des masses : l'Eglise même, qui, dit-il, devrait maintenant, face aux succès des sectes, rendre le Christ au peuple...
        Et pour rassurer Lucien Roure, disont que Pierre Debouxhtay déclarait dans l'Antoinisme, en 1945 que "dans l'ensemble les adeptes sont de fort braves gens, très charitables et très serviables" (p.29).


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  • Patrick Ravignant - Les maîtres spirituels contemporains (1972)

    Titre        Les maîtres spirituels contemporains : de Fulcanelli à Aurobindo, de Gurdjieff à Meyrink, de Steiner à Guénon.
    Auteurs        Patrick Ravignant (avec la collaboration de Pierre Mariel, historien)
    Éditeur        Culture, art, loisirs, coll. Bibliothèque de l'irrationnel, 1972
    Longueur    253 pages, Illust. n-b. Index.

        Evoque Louis Antoine et l'antoinisme à la page 26.

    source : Google Books

    Sommaire :
        Les courants religieux / Les maîtres d’Occident / Les maîtres d’Orient / es groupes et les écoles /Les théoriciens de la maîtrise / Les écrivains chercheurs de voie / Les maîtres et la politique / Les calomnies / La contre-initiation / Les marginaux / Bibliographie / Table des personnages / Table des écoles et des mouvements / Index.

        L'avertissement prévient du double objectif de l'ouvrage : permettre au lecteur d'acquérir un certain nombre d'informations générales et lui offrir des lumières plus précises sur tel personnage ou tel courant. (p.9). On verra que les informations sont très générales en effet.
        Chaque chapitre s'ouvre sur une introduction. Le chapitre concernant l'antoinisme est Les Courants Religieux. Les auteurs veulent "rendre compte de la prodigieuse richesse et diversité d'une vie spirituelle, qui, malgré tous les obstacles d'une civilisation hyper-matérialiste - ou peut-être à cause d'eux - s'épanouit, depuis quelques décennies, sur toute la surface de la planète" (p.13). Ils préviennent qu'on leur "reprochera des omissions" (p.13). Malheureusement il ne s'agit pas là que d'omissions, mais d'erreurs. De plus, même si on a l'impression qu'ils se veulent neutres, les auteurs y vont souvent de leur point de vue : parlant de la Soko Gakkaï, on lit que son fondateur "[flatta] le caractère belliqueux de ses compatriotes" japonais (p.32). Voilà une remarque raciste. Et quand ce n'est pas du racisme, c'est de l'ethnocentrisme : "En Orient, les deux derniers siècles furent incontestablement plus riches, spirituellement, que la plupart des époques précédentes. La rencontre avec l'Occident fut pour beaucoup dans cet extraordinaire jaillissement de nouvelles énergies mystiques" (p.67).
        Ils précisent que "certaines formes [de religion], telles que les adventistes, et surtout la Christian Science, paraîtront, par bien des côtés, aberrantes" (p.15). Voilà de la discrimination. En tout cas, ils les ont "traitées beaucoup poins longuement que le caodaïsme ou l'antoinisme". Ils précisent qu'ethnologiquement, "les religions ne recherchent pas les clefs d'une compréhension métaphysique de l'univers, elles ne prétendent pas dévoiler des arcanes majeurs, ouvrir les portes de la grande connaissance ; elles visent à tout autre chose : édifier une communion de vivants" (p.15). Mais pour eux, "les dogmes et les rites servent de support, de moyen de transfert à cette convergence de forces." "Une assemblée d'hommes et de femmes, généralement d'une assez grande médiocrité, réunis pour effectuer ensemble un certain nombre de geste rituels dont ils ignorent le plus souvent la signification, et quelque chose est branché. C'est la grande jonction, le 'joint' comme disent les drogués, qui forment sans le savoir un cercle religieux, mais d'une religion inversée, tragiquement tueuse d'âmes" (p.15-16). Ils incluent le christianisme dans cette définition. Ils concluent en disant que "les religions n'ont jamais été des écoles de sagesse" (p.15). Qu'est-ce que c'est que ça pour une introduction, dirions-nous en français de Belgique !
        Mais venons-en à l'antoinisme. Là encore la neutralité n'est pas de rigueur, car toutes les sitations de la Révélation est suivies d'un 'sic' dont le sens est "Ainsi dans le texte, aussi étrange et/ou incorrect qu'il paraisse."
        Et les erreurs sont si fréquentes qu'elles aboutissent à des non-sens. Sans parler du parti-pris que toute religion à une face cachée ! (cette idée, pour l'antoinisme vient de Lucien Roure, partant d'une erreur concernant la robe) Lisons plutôt... et corrigeons...

    LOUIS ANTOINE ET L'ANTOINISME
        Les parents de Louis Antoine (1846-1912) eurent onze enfants. Le père était mineur de fond. En 1857, à douze ans, Louis commença de descendre dans la mine, puis fut apprenti boulanger (1). A vingt-quatre ans, il émigra en Allemagne, puis en Pologne.
        Il revient dans le Borinage (2) où il épouse Jeanne-Catherine Collon. Ayant amassé un petit pécule, il 'bricole' dans les assurances tout en étant concierge, à Jemeppe-sur-Meuse, des 'Tôleries liégeoises'. Ayant assisté à des séances de spiritisme, Louis Antoine et sa femme se découvrent des dons de médium (3). Ils organisent dans leur modeste logement des séances de tables tournantes (4) et acquièrent vite une grande renommée dans les cercles spiritualistes de la Wallonie. Puis, sur les conseils d'un "désincarné", Louis Antoine devient guérisseur (5), mais il s'intéresse davantage aux misères morales. Doué d'un remarquable sens de l'organisation, les Antoine fondent une secte christique : les Vignerons du Seigneur (6).
        Antoine fut poursuivi pour exercice illégal de la médecine ; une condamnation, légère, ne fit qu'accroître sa renommée. Il fut proclamé Antoine le Guérisseur. La foule se pressait à la porte de son cabinet de consultation. Sa femme partageait son don et son prestige (7). On prit l'habitude de les nommer le Père et la Mère.
        Vers 1906, Antoine est conduit par des messages spirites à fonder une religion nouvelle, l'antoinisme (8), qui compte rapidement des dizaines de milliers de fidèles. Il meurt en 1912, mais sa femme lui succède à la tête de l'Eglise.

    L'Eglise antoiniste
        Des temples sont édifiés non seulement en Wallonie et dans les Flandres, mais à Paris, à Monaco, dans de nombreuses autres villes d'Europe occidentale (9). Ce sont des salles austères où sont chantés des hymnes, où sont prononcés des sermons, où sont lues des pages de l'oeuvre écrite, abondante, du Père et de la Mère (10). Ces ouvrages, rédigés dans un style simple, sont accessibles à de braves gens peu cultivés, mais bon et sincères.
        Il se constitue une sorte de clergé (11). Les plus fervents des antoinistes adoptent un uniforme : redingote noire et chapeau rond pour les hommes ; jupe longue, à plis, capeline et fichu noir pour les femmes. Les plus doués prêchent la parole du Père et imposent les mains sur les malades. D'autres sont vendeurs de brochures et propagandistes itinérants. Depuis la mort de la Mère, en 1920 (12), l'Eglise antoiniste est régie par un collège d'inspirés (13). Les fidèles doivent avoisiner le million. Les finances sont prospères et bien gérées.

    L'arbre
        L'emblème de l'antoinisme est "l'arbre de la science du Bien et du Mal" (14). Il figure, à la place d'honneur, dans tous les temples et est l"objet de nombreuses exégèses (15). Il semble bien qu'à côté du culte public existe un enseignement initiatique secret, réservé aux authentiques continuateurs du Père et de la Mère (16). L'arbre est ainsi explicité, selon une doctrine proche de la cabbale hébraïque : [suivent des citations et explications accompagnées de 'sic', sur l'interprétation de Louis Antoine de l'histoire d'Adam, Eve et le serpent] (17).

    La dogmatique
        En bien des points, l'antoinisme ne brille pas par la clarté (18). On peut, au moins, en dégager un rudiment de dogmatique. [quelques phrases sur la foi guérissante, l'inexistence de la matière avec un rapprochement de la Christian Science, de l'amour du prochain et de ses ennemies, l'absence de Dieu, du panfluidisme, ambiguïté des notions du bien et du mal...](19).
        Les rituels sont réduits à une extrême simplicité. Ni baptême ni autres sacrements. Le mariage est un échange de mutuelles promesses devant la communauté (20). La seule cérémonie solennelle a lieu aux enterrements. Autour du corps se réunissent les adeptes (21). Un drap vert recouvre le cercueil. Derrière, vient la bannière noire avec l'emblème antoiniste : l'arbre. Au cimetière, un discours est prononcé (22). Le désincarné est descendu en terre, et sur la tombe, rien, par un nom, pas une pierre (23).

    OUVRAGES A CONSULTER :
        Les brochures en distribution dans les temples antoinistes et, spécialement : l'Enseignement, par Antoine le Guérisseur (1905) ; Révélation, par Antoine le Généreux (1910) ; le Couronnement de l'OEuvre révélée (1910)(24) ; L. Roure : Au pays de l'occultisme (Paris, Beauchesne, 1948).

    (1) Si certains auteurs notent que Louis Antoine a pratiqué de nombreux métiers, il ne fut jamais boulanger. Malheureusement, je crois savoir d'où vient l'erreur des auteurs : Alain Lallemand nous dit que sa biographe, soeur Yvette, écrivait qu'il avait 'pris un pain sur la fournée', voulant dire par là, qu'ayant mis enceinte sa future femme, il l'épousa. Ajoutons par ailleurs que le fait qu'il soit boulanger ou assureur ne nous apprend rien sur le parcours de Louis Antoine. Il aurait été plus judicieux d'évoquer la lampe s'éteignant dans la veine de mine qu'il prit pour un signe.
    (2) La région liégeoise n'est pas le borinage. Les auteurs confondent ici les deux régions minières et industrielles de la Belgique.
    (3) A ma connaissance, Mère n'eut jamais des dons de médium. Elle secondait plutôt toujours de loin son mari dans les tâches quotidiennes. C'est à la mort de Louis Antoine qu'elle pris le mouvement en mains, et comme elle le disait "Quand le Père est parti, il ne m'avait fait aucune recommandation que celle de suivre ses inspirations et j'ai eu beaucoup de tourments après son départ". Cela contredit donc la suite de ce que disent Patrick Ravignant et Pierre Mariel.
    (4) Plutôt que de logement, parlons de maison. Puis il n'eut certainement que peu de 'séances de tables tournantes', premièrement car cela n'était pas le fort d'Allan Kardec, et deuxièmement, car comme il est dit dans sa biographie : il ne s'attarda pas "dans le domaine expérimental pour lequel Il n'avait aucune aptitude et qui ne Le tentait nullement."
    (5) Disons plutôt qu'un 'désincarné' lui donnait les remèdes pour soigner les malades et de là, il devint guérisseur, secondé par le Dr Demeure et le Dr Carita, notamment.
    (6) A ma connaissance, la Mère n'eut pas de rôle dans la fondation de la secte spirite (et non christique). Son fils par contre assistait plus souvent aux séances.
    (7) Encore une fois, même si elle est décrite comme une "âme d'élite" dans la biographie, on dit simplement qu'elle "partage en tout sa mission". On ne parle pas de don d'invocation des esprits pour guérir. Et le prestige viendra plus tard.
    (8) C'est plutôt par des messages avec Dieu (qui est à l'intérieur de chaque homme pour l'antoinisme), qu'il est conduit à fonder une nouvelle morale, le Nouveau Spiritualisme. Le nom "antoinisme" viendra plus tard.
    (9) La formulation laisse à penser qu'il y eut plusieurs temples en Flandre, hors il n'y eut que celui de Schoten, près d'Anvers. Et il y eut surtout des salles de lecture dans de nombreuses villes d'Europe occidentale, mais pas de temple.
    (10) Des trois affirmations, seule la dernière est exacte : pas de chant et encore moins de sermons ! De plus, pour certains l'oeuvre écrite du prophète Antoine n'est pas si abondante que ça, comparé à la production de Mary Baker-Eddy, ou Joseph Smith. Ensuite, les propos de Mère, contenus dans les Tomes, ne sont pas lu en public dans le temple.
    (11) Il s'agit bien d'une "sorte de clergé", car il n'y a que peu de hiérarchie dans l'antoinisme, le port du costume ne donnant droit en quelques sortes qu'à lire la Révélation en public, accueillir les frères et soeurs ou tenir un temple et donc être guérisseur.
    (12) Mère s'est désincarnée en 1940, et non en 1920. Françoise d'Eaubonne faisait la même erreur.
    (13) Le mouvement est régi par un collège des desservants, qui ne font pas que gérer les finances "prospères". Disons plutôt qu'il y a une direction morale et matérielle.
    (14) Il s'agit de l'Arbre de la Science de la Vue du Mal.
    (15) Il n'y a pas d'exégèse (Analyse interprétative d'un texte de la pensée d'un auteur) dans l'antoinisme, chacun pouvant se faire l'avis selon son degrés d'élévation morale.
    (16) Rien n'existe à côté du culte public. Tout est dans la Révélation qui est en vente et lu dans les temples. Qui serait les "authentiques continuateurs du Père et de la Mère ? Je ne peux le dire... c'est secret ;) Il n'y a que les Tomes qui sont disponibles qu'aux costumés en France. Mais ils ne contiennent rien de secret et encore moins d'initiatique. Jean-Marie Defrance, dans Réveil, l'Apôtre de Jemeppe et sa Révélation dit lui au contraire : "Ce que je viens de découvrir n'est pasune confrérie fermée ou limitée à l'une ou l'autre caste, où l'on se chuchote des 'secrets' périms. On ne vous demande pas : 'Avez-vous volé ou tué ?' ou 'Etes-vous contagieux ?' On sait que vous avez d'autant plus besoin d'amitié que vous êtes plus malheureux." (p.6)
    (17) Inutile de recopier cette partie qui est à lire dans le Couronnement de l'Oeuvre Révélée, en vente et lu également dans les temples. La cabbale hébraïque n'a aucun rapport avec l'interprétation de Louis Antoine, le rapprochement vient uniquement du fait que la source est la même : l'Ancien Testament ou Torah.
    (18) Les auteurs se contredisent, souvenons-nous qu'ils disaient que les "ouvrages, rédigés dans un style simple, sont accessibles à de braves gens peu cultivés, mais bon et sincères".
    (19) Autant dire que les auteurs n'ont rien compris. Ils confondent la charité matérielle et la charité morale, il parle de l'absence de Dieu puis cite un passage de la Révélation disant qu'il est l'auteur de toutes choses...
    (20) Il n'y a pas d'échange de mutuelles promesses devant la communauté pour célébrer un mariage. Mère disait seulement que pour les personnes le souhaitant, le couple pouvait assister aux Opérations générales durant la semaine, et demander une pensée lors d'une consultation. De même pour les "baptêmes".
    (21) Il n'est pas précisé que cette réunion n'a pas lieu dans le temple, le corps d'un désincarné ne représentant que de la matière, il n'y a plus sa place.
    (22) Un discours n'est pas le mot, c'est le chapitre Réincarnation qui est lu. Si un discours veut être dit, c'est cependant possible.
    (23) C'est possible, mais il est aussi possible d'avoir son nom et une pierre, parfois avec l'Arbre représenté.
    (24) C'est malheureux à dire, mais vous ne trouverez aucun de ses livres en vente dans les temples ! Il est clair maintenant pourquoi les auteurs n'ont rien compris à l'antoinisme. Ils n'ont pas lu l'essence de la Révélation. Mais comme pour eux tout est secret et initiatique, ils ont préféré s'en remettre uniquement à l'ouvrage de Lucien Roure, publié 30 ans avant. Donc l'Enseignement d'Antoine le Guérisseur a été brûlé par le Père lui-même. Il n'est plus en vente, puisqu'il ne doit rester que 2 ou 3 exemplaires maximums dans quelques rares bibliothèques ou greniers. La Révélation d'Antoine le Généreux (1910), ne porte plus se titre depuis 1912. On peut acheter la Révélation par le Père Antoine, ou simplement la Révélation par le Père, telle que révélée dans son temple, à Jemeppe-sur-Meuse de 1906 à 1909.


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  • De l'Antoinisme, ou, le renouveau gnostique en Belgique
      Wyss, Paul     Date d'édition:1922
    Bruxelles, Baulex, in-8°, 64 p.

        En 1918, il publie déjà un article sur le sujet dans la Revue de théologie et de philosophie.

        Un pasteur protestant de SERAING a aussi écrit un livre (introuvable) où il parle du dorisme. Il y a quelques années, un des derniers exemplaires pouvait encore être consulté (mais non emporté) à la Bibliothèque des Chiroux à LIEGE. dans ce livre, ce pasteur considère l'Antoinisme et le Dorisme comme étant le "renouveau du gnosticisme" en Belgique!
    source : http://antoinisme-documentation.skynetblogs.be/post/4758874/une-dissidence-de-lantoinisme-le-dorisme


        Pierre Debouxhtay (Antoine le Guérisseur et l'Antoinisme, p.285) évoque les réactions protestantes face à l'antoinisme :
        De leur côté les protestants se montrèrent inquiets de l'expansion antoiniste. En 1910, dans une brochure de douze pages consacrée au spiritisme, le pasteur de Seraing, M. Giron-Galzin, pris à partie les antoinistes. Il y a une dizaine d'années, M. le pasteur Paul Wyss publia un ouvrage "De l'Antoinisme, ou, le renouveau gnostique en Belgique". Le pasteur Ch. Rumpf, de Verviers, avait publié pendant la guerre (L'Antoinisme à la lumière de l'Evangile de Jésus-Christ. Imprimerie de Nessonvaux, 1917) une brochure de douze pages où l'antoinisme est analysé sans malveillance, M. Rumpf estime que "la vogue même momentanée d'une doctrine aussi fantaisiste est un triste symptôme de l'affaissement spirituel de nos populations". Une autre brochure (Exposé des doctrines de l'Antoinisme, s.l.n.d.) de huit pages, signée H.K.B. déclare qu'Antoine a été inspiré par le diable.

    La Revue des Lectures en cite la conclusion : La moralité de toute cette histoire de l'antoinisme, où foisonne l'absurdité, elle a été tirée, il y a près d'une quinzaine d'années, par le pasteur protestant Paul Wyss (De l'Antoinisme, Bruxelles, 1923, p. 4) : « Les libres-penseurs irréligieux contempleront, avec nous, les résultats de leurs campagnes antichrétiennes pendant un demi-siècle : puissent-ils voir, avec La Réveillière, membre du Directoire, « que le peuple veut une religion et que, quand on ne donne pas au peuple une religion, il s'en fait une ». 


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  • Un siècle de renouveau de l'occulte (1847-1940) : spiritisme, théosophie et antoinisme en Belgique
      Landresse, Christian (chercheur à l'ULB)    Date d'édition:1998
    Section:        Mémoire Histoire

    source : http://bib7.ulb.ac.be/uhtbin/cgisirsi/Jq7eUBl7oO/S.HUMAINES/204380169/60/170/X

     

        C'est une des principales sources du master de Marijke De Sadeleer, De Kracht van Genezing, De keuze voor een magnetische behandeling in België (1860-1910) (KU Leuven, 2013).


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  • Jules Bois, Le miracle moderne (1907)

    A lire et télécharger sur archive.org : Jules Bois, Le miracle moderne (1907)

    ainsi que sur gallica.fr : Le miracle moderne / Jules Bois (1907)

    La Métapsychique - La Surâme et le Surhomme - La Téléphatie et les Fantômes des Vivants - Rayons Humains - Maisons Hantées - Aventures d'un Revenant - Un Chapelet de Voyantes - Le Mystère des Tables Tournantes Éclairci - Le Mécanisme du Miracle de Lourdes - Les Professeurs de Volonté - Le Miracle est en Nous - Création d'une Humanité Supérieure.

    Le premier chapitre de la quatrième partie est consacré à Louis Antoine et le chapitre II au Zouave Jacob.

     

    Recensions :

    Jules Bois, Le miracle moderne (1907)(Figaro 26 août 1907)

    Figaro, 26 août 1907

    Jules Bois, Le miracle moderne (1907)(Le Penseur juillet 1907)

    Le Penseur, juillet 1907

    Jules Bois, Le miracle moderne (1907)

    Mercure de France, 1er juillet 1907


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  • Albert-L. Caillet - Traitement mental et culture spirituelle, la santé et l'harmonie dans la vie humaine (1912)

    Auteur : Albert Louis Caillet (1869-1928?)
    Titre : Traitement mental et culture spirituelle, la santé et l'harmonie dans la vie humaine
    Éditions : Vigot Frères Éditeurs, 1912
    https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k759781

        Antoine le Guérisseur. - Louis ANTOINE, dit le Guérisseur, est un simple ouvrier né à Mons-Crotteux (Belgique) en 1846. Il est le cadet de onze enfants. D'abord mineur de charbon comme son père, il entra ensuite au Usines Cockerill, fut soldat dans les chasseurs à pied, travailla un moment en Allemagne, et finalement devint employé  aux Forges et Tôleries Liégeoises, à Jemeppe-sur-Meuse (Province de Liége). C'est là qu'aujourd'hui il exerce son pouvoir toujours croissant de Guérisseur et de Révélateur d'une doctrine qui les plus grandes analogies avec celles que nous avons nous-mêmes exposée et qui est celle des Védas.
        L'important mouvement spiritualiste dont Antoine est le chef a débuté à Jemeppe vers 1906; aujourd'hui il possède un "Temple" et plusieurs milliers d'adhérents: on dit même Centaine de Milliers, en Belgique.
        Il parait avéré qu'il a été recueilli en sept ou mois, et rien que dans une partie de la Wallonie Belge, 150.000 signatures à une pétition tendant à faire reconnaître officiellement en Belgique le "Culte Antonin".
        Antoine le Guérisseur, guéri, dit-il lui même, par la Foi. Il opère quatre fois par semaine dans son temple et il peut guérir un nombre quelconque de malades, même absents. C'est bien le Traitement Mental pur qu'il professe.
        Elevé dans la religion catholique, Antoine est devenu plus tard Spirite, et c'est à partir de ce moment que ces pouvoirs se sont manifestés, et qu'il est entré en relations constantes avec l'Invisible.
        Les procédés d'Antoine sont donc, autant qu'on peut voir, extrêmement analogues à ceux de la Christian Science, sauf toutefois l'absence de la figure prépondérante du Christ qui joue un si grand rôle dans la secte de Mrs. Eddy.
        Mais, comme mode opératoire et comme résultats absolument prouvés par d'innombrables certificats, on peut dire qu'il y a identité entre les deux méthodes.

     source : gallica

    Albert-Louis Caillet - Traitement mental et culture spirituelle, la santé et l'harmonie dans la vie humaine (1912)

    (encart publicitaire dans Le Fraterniste, 4 avril 1913)


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