• Titre :        L' offensive des sectes
    Auteur :     H.-Ch. Chery.
    Séries :     Rencontres, 44
    Édition :     1954, 3e éd. revue et augmentée, 1959
    nombre de pages : 503 p. et 520 p. pour l'édition augmentée

        Cette troisième édition revue et augmentée de la désormais classique Offensive des Sectes conserve la division primitive de l'ouvrage. Cependant les pages relatives à l'implantation des sectes région par région ont été supprimées. Par contre des fiches nouvelles ont été ajoutées concernant des 'groupements dont quelques-uns ont un caractère occultiste ou syncrétiste, tout en se réclament du christianisme" (p.14). Autre addition : un document nouveau sur Georges de Montfavet, une liste des prétendus "Christs" contemporains, une note sur l'implantation du Pentecôtisme chez les Tziganes, etc. Enfin les statistiques ont été modifiées et une place à part réservée à une étude neuve et fortement documentée sur les petites Eglises catholiques non romaines.
        AU début de cette troisième édition, le Père Chéry s'interroge (p.28-34), comme il le faisait déjà dans les deux premières, sur la typologie de son sujet et donne son adhésion à la classification de Léopold von Wiese et Howard Becker dans leur Systematic Sociology. Malheureusement il n'est plus question de cette division dans le reste de l'ouvrage. Toutes les dissidences nous sont présentées comme sectes, sauf les Eglises catholiques non romaines judicieusement rapportées en appendice dans l'ouvrage actuel. En réponse à certaines critiques déjà faites contre ce procédé, l'auteur insiste sur le caractère pastoral de son travail. Il veut simplement "fournir une documentation sur les dissidences chrétiennes à propos desquelles on peut s'interroger" (p.15). Cette fin est légitime. Mais pourquoi dès lors ne pas intituler ce livre : le non conformisme ou les dissidences religieuses en France ? Il ne resterait plus qu'à classer les différenciations en question suivant une typologie. Le point de vue pastoral lui-même gagnerait à ces clarifications.
        Cette réserve ne doit pas empêcher de reconnaître les qualités de ce bon travail. Le sociologue y trouvera un abondant matériau. S'il y a des rectifications à faire, elles sont de détail. La fiche sur l'Anabaptisme contient ainsi une erreur notable : le mouvement anabaptiste militant ne sort pas de celui, essentiellement pacifique, de Grebel et de Hutter, contrairement à l'affirmation de l'auteur (p.50-51).
        Reste à parler des statistiques. On sait les divergences qui ont opposé les différents auteurs traitant de ces questions pour notre pays. Le Père Chéry a revu ses statistiques précédentes et surtout ses principes de comptabilité. S'agissant de groupements de convertis, il adopte cette fois le nombre des membres baptisés connu officiellement comme seul normatif. Il faut se réjouir de ce progrès dans la méthode. Pour les groupements dont les statistiques ne sont pas communiquées au vulgaire, nécessairement des divergences subsistent suivant les appréciations d'un chacun. Au total, c'est-à-dire en tenant compte de la demi-douzaine de groupements nouveaux étudiés dans réédition et des progrès réalisés par certaines sectes depuis 1951 date de la première enquête du Père Chéry, on arrive à 125.000 dissidents en France. Cela représente une estimation en recul de plus de 25.000 membres sur la première. On voit donc se réduire le fossé séparant les auteurs. Ainsi l'effectif des "sectes protestantes" atteint actuellement d'après le P. C. 89.000 individus au lieu des 120.000 avancés par la précédente édition. Si l'ont tient compte de l'importante augmentation survenue ces dernières années dans les rangs des Témoins de Jéhovah et des Pentecôtistes (peut-être 25.000 en tout entre 1954 et 1959), il semble que les statistiques fournies dans la présente édition puissent être acceptées comme valables. Elles représentent vraisemblablement un maximum mais qui ne semble pas indûment gonflé.
        On le voit, l'ouvrage du Père Chéry est tout recommendable. M. Desroche le qualifiait lors de sa première édition "l'un des travaux les plus intelligents sur la question" ; la mise au point actuelle mérite au moins les mêmes compliments.
    Séguy Jean, in Archives des sciences sociales des religions, Année 1960, Volume 9, pp. 176-177
    source : persee.fr


        Pour notre part, on ne voit pas qu'à critiquer la typologie, on y trouve concernant l'antoinisme beaucoup d'erreur. Concernant la typologie, d'un côté dans l'introduction on aurait envie de classer l'Antoinisme parmi les Confessions, de l'autre il se retrouvera dans le corps de l'ouvrage parmi les sectes guérisseuses (avec la Christian Science, la "Soeur Gaillard" et les Disciples de Georges "Christ"). En effet, l'auteur signale que dans l'ouvrage, il utilise "le terme "Secte" comme vocable commode et court, mais sans ignorer qu'il recouvre des réalités fort diverses".
        Pour l'auteur (reprenant le travail de Léopold von Wiese et Hovard Becker, également repris par Jean Labbens) qu'est-ce qu'une confession ? :
        "La Confession ne prétend nullement rassembler en elle tous les citoyens d'un même pays, encore moins tous les hommes. Elle accepte qu'il y ait plusieurs vois d'accès auprès de Dieu, plusieurs organes chargés d'assurer la transmission de la grâce et du salut. C'est ainsi que les confessions protestantes évitent généralement d'ouvrir entre elles des controverses, préférant polémiquer contre Rome, justement parce que celle-ci ne renonce point à ses prétentions universalistes. Mais, comme l'Eglise, - et même plus que l'Eglise - la Confession admet l'ordre établi et la culture ambiante dont elle ratifie les normes."

        Régis Dericquebourg reprend le mot de Weber "cult" comme équivalent de "confession".

        La fiche signalétique signale succinctement entre autre la doctrine : mélange de spiritisme, de théosophie, de métempsychose et de christianisme (le Christ étant réduit à un rôle de médium guérisseur), - le tout orienté vers le "soulagement de l'humanité souffrante".
        Puis il parle, dans les culte et pratique, du fait qu'on "impose les mains aux malades, en public en Belgique, en privé en France". Dans la 2e partie on comprend que l'auteur déduit cela par une erreur de jugement : pour lui, les Belges ne guérissent qu'en séance publiques, au cours d'une "Opération générale" ; les Français ne guérissent que par des opérations individuelles en rencontrant le guérisseur dans la sacristie (sic). Erreur car il n'existe pas d'imposition des mains.
        Un rite important est l'enterrement, c'est en effet, le seul rite existant, les baptêmes, communions, mariages n'étant pas "célébrés".

        La deuxième partie, les Principales sectes au travail en France, nous offre un grand chapitre : p.251 à 266.
    - Une "Opération" au Pré-Saint-Gervais
    - Qui fut "le Père Antoine" ?
    - La "doctrine" antoiniste
    - Les Antoinistes en France
        Les 5 dernières pages consacrées à la carte géographique de l'Antoinisme en France. Elles nous serons utiles pour montrer l'origine des temples.
        Cette partie commence en déclarant : "Évidemment, on froisserait singulièrement les disciples de Mme Mary Baker-Eddy si on leur disait que la Christian Science est un Antoinisme pour dames distinguées, et l'Antoinisme une Christian Science pour milieu populaire. Et pourtant."
        On suit avec le Père Chéry (truffé d'erreur d'appréciations) une Opération au temple de la rue du Pré-Saint-Gervais (voir dans le thème correspondant).
        L'auteur signale que "presque tous les Antoinistes" sont des anciens catholiques qui n'ont rien trouvé dans les Eglises qui correspondît à ses aspirations. Un frère lui disant que certains fidèles iront vraisemblablement faire brûler un cierge à l'Eglise catholique. Mais les fidèles, continu le frère, viennent de toutes les religions, catholiques, mais même mahométans, etc.
        Suivent trois chapitres prenant leur source dans le livre de Pierre Debouxhtay et surtout un tract de M. l'abbé Desmettre, "Nos quartiers", Lille, 1949 : Un chrétien devant l'Antoinisme ; et le chapitre consacré à l'Antoinisme par M. Maurice Colinon dans son livre d'ensemble Faux prophètes et sectes d'aujourd'hui (Plon, 1953), pp.112-122. Signalons que Jean Séguy disait à propos d'un autre ouvrage de cet auteur, Guide de la France religieuse et mystique, où il évoque également Louis Antoine que "l'à-peu-près semble avoir présidé à la rédaction de certaines notices." L'auteur s'est aussi inspiré d'un Aperçu sur l'Antoinisme (de 1953) écrit selon l'auteur par le frère Albert Jeannin, desservant du temple du Pré-Saint-Gervais. Selon d'autres sources, le fascicule est de Yves Montreuil. 

        Entre autre erreur, on apprend que le fils des Antoine, qui travaillait comme chef de gare à Jemeppe était "anormal", qu'ensuite Louis Antoine prêchera un "nouveau spiritisme". L'auteur compare sa physionomie à Karl Marx, Jemeppe est rebaptisée Jemeppes, et que le 25 juin est devenu la Pâque des Antoinistes. Pour l'auteur, nous l'avons déjà relevé, les Belges ne guérissent qu'en séance publiques, au cours d'une "Opération générale" ; les Français ne guérissent que par des opérations individuelles en rencontrant le guérisseur dans la sacristie (sic) le tout en imposant les mains (contrairement à ce qu'affirme Paul Lesourd). La Révélation aurait été sténographiée par M. E. Deregnaucourt et Mme Desart. Le frère Florian Deregnaucourt se voit donc ici rebaptiser (un prêtre en à bien le droit dans son ministère, mais dans un ouvrage pour le public) par un E., et il prend le rôle de plus du frère Ferdinand Delcroix.
        On se demande comment ce prêtre qui prétend impossible de résumer clairement les théories de l'antoinisme, s'en tire si bien dans son chapitre sur la "doctrine" antoiniste. Hormis son parti pris péjoratif, on ne découvre qu'une erreur à propos de l'éther où le corps s'évade après plusieurs incarnations, et que l'on peut "capter les messages lancés dans l'éther par un Esprit, quand on a la même longueur d'ondes que lui. Pour l'avoir, il faut magnétiser ses organes, renoncer à son intelligence pour retrouver son instinct primitif, qui est naturellement bon et altruiste, etc.".
        L'Auréole de la Conscience, livre unique pour le Père Chéry, est un indescriptible fatras, et il conseille d'avoir du temps et du courage pour le comprendre.
        Puis il plagie Pierre Debouxhtay (on comprend pourquoi il s'en tire à si bon compte) concluant que la doctrine antoiniste est "un mélange de spiritisme, de théosophie, d'occultisme, mal assimilé, mal digéré, attribué à des "révélations" d'En-Haut [...] aboutissant à une sorte de matérialisme spiritualiste - voilà l'Antoinisme".
        On apprend dans le chapitre suivant l'organisation des Antoinistes en France qu'on s'occupait de faire des traductions en quelques langues étrangères. Peut-être cela a été abandonné, ou cela est encore en court, cependant on ne trouve nul part de traduction des oeuvres de Louis Antoine.
        Les dons anonymes (ou le travail non rémunéré des adeptes) ont permis la construction des temples, par exemple celui d'Evreux en 1948 (5.500.000), celui de Rouen en 1950 (3.900.000), celui de Bernay (un peu plus de 4 millions), etc.
        Suit la carte géographique de l'Antoinisme en France qui nous servira pour recouper les informations de 1934 de Pierre Debouxhtay.


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  •     Auteur : Paul Lesourd
        Titre : Solutions Religieuses Autres Que Les Grandes Religions Pour Les Âmes À La Recherche De Dieu
            Les religions minoritaires et les mouvements philosophico-spiritualistes.
        Editeur : Presses De La Cité - Coll. Coup d’œil, 1973 - 332 pages
        cf. https://books.google.de/books?id=PNv5DwAAQBAJ&pg

        L'Académie des sciences morales et politiques a décerné le prix du baron Stassart à M. Paul Lesourd pour son ouvrage Solutions religieuses autres que les grandes religions pour les âmes à la recherche de Dieu.
    Prix académiques et littéraires, Bibliothèque de l'école des chartes, 1973, Volume 131, pp. 705-706
    source : persee.fr

        Le prix Stassart, que décerne l'Académie des sciences morales et politiques, a été fondé par un écrivain belge, Goswin baron de Stassart, mort en 1854, de son vivant membre correspondant de cette Académie. Par son testament, en date du 19 mai 1854, il a légué une rente de 500 francs pour faire l'objet d'un prix à décerner tous les six ans par l'Académie (section de morale), alternativement au meilleur éloge d'un moraliste désigné par l'Académie, ou au meilleur mémoire sur une question de morale. L'Académie a plusieurs fois proposé pour ce prix des sujets relatifs à la pédagogie, notamment une étude sur Channing (concours de 1871), et la question des devoirs et des droits de l'Etat et de la famille en matière d'enseignement et d'éducation (concours de 1882).
    source : http://www.inrp.fr/edition-electronique/lodel/dictionnaire-ferdinand-buisson/document.php?id=3670
    http://www.hiram.be/Goswin,-baron-de-Stassart-1780-1854_a1550.html

    4e de couverture :
        Innombrables sont ce qu'on appelle "les petites religions" que le professeur Lesourd préfère nommer les Religions minoritaires. Mais généralement, si on connaît leur nom ou leur réputation, on ignore tout de leur doctrine, de leur théologie, de leurs rites.
        Le présent livre donne, pour les principales, tous les détails tous les renseignements historiques et liturgiques. Il montre leur importance en rappelant les grands traits de leur histoire, de la vie de leurs fondateurs et de leur évolution. Il indique comment ces religions minoritaires bénéficient ou tentent de bénéficier de la crise que traversent l'Eglise catholique et certaines branches de l'Eglise protestante. De plus, par l'exposé qu'il fait des doctrines de ces religions, il ouvre pour les âmes inquiètes ou désorientées, une fenêtre vers l'au-delà à travers des croyances ou des rites qui leur apporteront le calme, la sérénité et peut-être la foi qu'elles étaient en train de perdre.

        Le professeur Lesourd traîte ces religions minoritires très objectivement, sans parti pris, sans porter de jugeent de valeur, sans discuter leur théologie. C'est une oeuvre d'historien, d'archiviste. Il a joint à ces religions minoritaires quelques-uns des mouvements philocophico-spiritualistes qui ne sont pas des religions proprement dites mais qui parfois en tiennent lieu. Tout cela forme un ensemble de grande valeur historique et psychologique.


        Chapitre III - Les Antoinistes (p.79-88)
        Une page d'illustration représentant le Père, la Mère et l'Arbre de la Science de la Vue du Mal.
        Introduction présentant le Père, et signalant que les dix principes (cités in extenso) sont "la base de ce culte".
        L'auteur est renseigné et cite souvent les Tomes ou les propos des adeptes : "la fortune n'est qu'un dépôt qui nous est confié et dont nous devons rendre compte à notre entrée dans le monde des âmes. Si on nous retire la lutte matérielle, c'est pour nous permettre d'élever notre âme et de servir Dieu".

    Extraits :     
        L'auteur précise que "le culte n'établit aucun diagnostic, ne conseille ni ne déconseille un médicament ni une opération chirurgicale, ne fait ni passe, ni imposition des mains, ni prédiction d'avenir".
        Par rapport aux autres mouvements religieux, le Culte Antoiniste se borne à faire son travail spirituel pour l'humanité souffrante. Il s'efforce de répandre, dans ses temples et salles de lecture, l'amour et la loi morale pour celui qui veut les connaître. Il ne voit en tous les hommes que des frères, en toutes les religions que des individualités travaillant à un idéal commun.
        L'opération est plus importante qu'une bénédiction car "par la bonne préparation de cette prière en commun faite au nom du Père, on coupe les fluides contraires qui valent l'épreuve à ceux qui viennent demander assistance, on les opères de ces fluides. L'opération s'étend sur l'humanité entière. Celui dont la foi est encore incertaine trouve au cabinet de consultation, l'aide spirituelle pour se relier au Père et les conseils nécessaires pour sortir de ses épreuves. Aucun constat médical n'est établi. Chacun se rend compte par lui-même de ce qu'il a obtenu..."
        Le culte est légalement une religion à l'égal de toutes les autres, dont il a les caractéristiques extérieurs essentiels, ses livres sacrés contenant la Révélation du Père, ses temples, ses ministres, son emblème religieux, ses exercices rituels ; ceux-ci sont réduits au minimum, car le Culte étant tout intérieur ne s'harmonise qu'avec la plus grande simplicité de forme. C'est dans le recueillement et le silence que naissent et se développent les plus nobles aspirations de la pensée.
        L'Antoinisme est le pacificateur des esprits, puisqu'il travaille à se dégager de tout ce qui divise les êtres. Nous ne sommes divisés que par l'intérêt, dit le Père. Le culte est étranger à toute préoccupation politique et dénué de toute ambition d'aucune sorte ; il supprime toute distinction honorifique dans son sein (il n'y a que des frères et des soeurs et un desservant dans chaque temple) ; il écarte toute idée de salaire quelconque pour les adeptes, refuse tout testament s'il y a de la famille, toute forme de subside ou de cotisation, il n'accepte que des dons anonymes.
        "Le Père était un prophète. Il s'est tourné vers Dieu pour puiser en Lui la Révélation de notre temps.
        "La mission de la Mère fut de mettre le travail moral à la portée de ces forces humaines. Elle mit le culte au point pour permettre aux enfants du Père de se rapprocher de Lui. Elle s'est tournée vers les masses pour les amener à la pratique de la parole de Dieu et au travail moral.
        "Père et Mère sont les fondateurs du Culte Antoiniste. Ils constituent l'unité. Nous n'étions pas trop de deux, disait la Mère, pour soulever la grosse pierre."
        L'auteur fini par dire que le nombre d'adeptes du Culte Antoiniste est impossible à déterminer étant donné la liberté complète laissée par le culte à chacun, vis-à-vis de la pratique religieuse. Néanmoins on estime à 150 000 le nombre des pratiquants et à plusieurs millions le nombre des sympathisants. Le principal centre à Paris est : 49, rue du Pré-Saint-Gervais, Paris (XIXe).


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  • Auteur      Eaubonne, Françoise d’ (1920-2005)
    Titre         Dossier S comme sectes [Texte imprimé]  / Françoise d’Eaubonne
    Publication     Paris : A. Moreau, 1982
    Description mat.     313 p. ; 22 cm
    Collection     Collection Confrontations
    ISBN         2-85209-002-3 (Br.)  : 79 F
    Note générale     Bibliogr. p. 307-308
        La couv. porte en plus : "voyage chez les marchands d’absolu et d’alternatives, gourous et gouroufiés"
    Mat-Collectivité
        Association internationale pour la conscience de Krishna
        Association pour l’unification du christianisme mondial
        Mission de la Lumière divine
    Mat-Nom commun     Sectes -- 20e siècle
            Antoinisme
            Ecoovie (Mouvement)
            Enfants de Dieu (Mouvement)
            Longo Maï (Mouvement)
            Pentecôtistes
            Rose-croix
            Scientologie
            Sectes
            Témoins de Jéhovah
            Trois Saints Coeurs (Mouvement)

    source : opac.prov-liege.be

        L'auteure semble honnête et elle l'est dans la plupart des cas. Chose rare, elle alla même enquêter sur le terrain pour diverses sectes, comme les Témoins de Jéhovah.
        Cependant elle tombe, pour l'antoinisme, dans le même travers que beaucoup d'autres qui se contente de promesse sur la 4e de couverture. Ainsi, on ne sait pas quelles sont ses sources pour la secte belge, mais les erreurs sont légions.

        4e de couverture : Après le lointain massacre de la Guyana, la cascade de procès intentés à l'Eglise de Scientologie, les scandales Moon, la mort du fils de l'écrivain Roger Ikor, le public s'est passionné et inquiété.
        Le phénomène "secte", en passe de devenir un véritable fléau social, nécessite d'autant plus une enquête approfondie que beaucoup de celles-ci ne disent pas leur nom et se cachent derrière l'apparence de communautés et de coopératives, profitant du légitime besoin d'"alternative" des jeunes pour les mystifier et les exploiter. Quand Dieu ne fait plus recette, on recourt à la vie associative et à l'écologie.
        Que ce soit la prostitution institutionnalisée des "Enfants de Dieu", la mystique de pacotille des "Hare Krishna" au prétendu orientalisme, les captations d'énormes capitaux par Moon, le néo-nazisme de la "Nouvelle Acropole" ou les électromères science-fiction des Scientologues, que ce soit la famine et la danse à la plaine lune d'Ecoovie, l'exploitation sexuelle des femmes et du travail des fugitives du Nicaragua par telle secte "guyanesque" de Provence, chacun de ses groupes est ici étudié dans son histoire, son idéologie, ses avatars, sa finance et souvent ses morts suspectes. Religieux ou non, il range sous le joug les plus divers de la grande déception gauchiste.
        Françoise d'Eaubonne fait preuve dans ce compte rendu des qualités d'analyse et de dénonciation, d'humour et d'érudition qu'on lui connaît depuis "Le féminisme, histoire et actualité" aux mêmes éditions.

        Citations générales (p.162) : Mystifiés par des gourous : voilà leur trait commun. Mais la définition est plus importante que le nom. Continuons donc à placer sous celui, désuet à notre sens, de "secte" ces groupuscules qui se caractérisent par une vie communautaire fermé, rompant les ponts entre l'adepte et tout son passé, prétendant plus ou moins à l'autarcie et se signalant par le fanatisme commun pour une idée centrale, de moins en moins religieuse - en générale un aspiration "à la mode", écologique, alternative, voire parapsychologique, néo-fasciste, ou néo-révolutionnaire émise par un gourou (qui ne dit pas son nom) et régenté par une chefferie (groupée autour de lui et, en général, s'enrichissant du travail et des dons communs.)
        Cette définition a l'avantage de réunir tous les traits qui prédisposent un groupe à devenir mystificateur, dangereux et antisocial. Cependant, nous verrons par la suite que des sectes authentiques n'y correspondent pas dans la mesure où elles se contentent de diffuser un "enseignement" (infaillblement : une idéologie, religieuse ou non, à dormir debout) sans exiger une vie communautaire rompant les liens avec l'extérieur. Ce sont, en général, les plus vieilles sectes, et les moins néfastes car moins susceptibles d'attenter à la liberté individuelle.
        L'auteure précise sa pensée à la page 243 : Les sectes déjà anciennes comme les Antoinistes, les Rose-Croix, etc., ne montrent pas ce type d'avidité. Peut-être parce qu'elles sont en perte de vitesse ?
        Remarque injustifiée car se sentant en perte de vitesse, une vraie secte, comme l'explique Jean-Yves Roy dans Le Syndrome du Berger, s'enferme dans sa croyance de détenir la vérité et va jusqu'au bout de ses moyens, même si c'est la mort qui garantira la solution et de sauver la face.

        A la page 201, l'auteure se demande si le régime giscardien était-il si favorable aux sectes, et pour quelles raisons ? En retour, on se demander si le rapport n'était pas une réponde expéditive au laxisme des gouvernements précédents ? En effet, le rapport ne sort qu'après le double mandant de Mitterand alors qu'un rapport avait déjà été réalisé sur cette question en 1983 par Alain Vivien (qui commence son travail en 1978, donc sous Giscard d'Estaing, travail qui sera interrompu par la dissolution de l’Assemblée Nationale de 1981), à la demande du premier ministre Mauroy durant lequel la France voit l'abolition de la peine de mort, l'autorisation des radios locales privées, la loi d'amnistie, qui inclut les délits homosexuels, la régularisation des immigrés sans papiers qui exercent un travail et peuvent le prouver, la création de l'impôt sur les grandes fortunes, la loi-cadre Defferre sur la décentralisation, le passage de la majorité sexuelle à 15 ans pour tous, homos et hétéros, le durcissement du contrôle des changes, la loi Roudy sur l'égalité salariale entre hommes et femmes dans les entreprises...
        Alain Vivien reviendra plus tard semble-t-il sur l'idée de légiférer contre les sectes comme en témoigne cet extrait d’interview publiée dans le Figaro le 29 avril 1992 : « Il ne faut pas créer de législation particulière au risque de faire apparaître les sectes pour des martyrs. L'arsenal dont nous disposons est tout à fait suffisant, il suffit de l'appliquer ! ». (source : wikipedia).

        Françoise d'Eaubonne donne, elle, comme moyen d'action contre les sectes, un peu les mêmes que Alain Woodrow à savoir :
    - application des lois existantes (p.282);
    - information (j'ajouterai information des faits avérés allant contre les lois existantes)(p.278), sinon "après avoir voulu protéger l'individu contre les sectes, il serait déplorable de livrer toute association d'individus marginalisés à l'Etat" (p.282)(c'est ce que font actuellement les rapports ministériels);
    - un changement de société proposant une alternative, notamment de la société d'abondance actuelle (pp.283 & 272).
        Bref, on voit que le gouvernement de droite de Chirac n'a pas suivi l'avis de la journaliste, et ne s'est pas donner la peine de consulter des chercheurs sur la question, mais se basent sur des informations fournies par les Renseignements généraux et par des associations spécialisées, telles l'UNADFI. Le premier rapport officiel datant de 1995 a établi une liste de sectes, désormais considérée comme caduque par le rapport de 2003, nous renseigne Wikipedia (cf. http://www.prevensectes.com/mivi3.pdf). Ce dernier parle des dérives sectaires concernant les atteintes à la santé, en remontant aux années précédentes, mais on n'y lit aucune condamnation contre l'antoinisme.
        Le problème est en fait que le rapport avec la liste reste diffusé sur internet. Et on ne lit plus rien dans les précédents et suivants rapports sur l'antoinisme, même par une atténuation du rapport caduque, comme pour les Témoins de Jéhovah, qui refusent la transfusion sanguine, mais dont il est dit qu'ils restent un mouvement qui " ne peut être assimilé à une secte absolue, mais dont certains aspects du comportement sont inacceptables dans la mesure où ils remettent en cause des droits fondamentaux de la personne humaine " (source : http://www.prevensectes.com/rev0202.htm#21a) ou la Science Chrétienne, qui pour la sociologue Anne-Cécile Bégot, est proche de la secte, pointant la « rupture avec le monde environnant (...) [et la] reconnaissance et soumission à une autorité », bien qu'elle considère qu’il faille nuancer ces éléments en France car le mouvement a dû s'accommoder de la laïcité environnante. En définitive, elle estime que le groupe tendrait « vers un type d'organisation religieuse intermédiaire entre la secte et l'Église : la dénomination ». Elle considère également que le mouvement est peu prosélyte en privilégiant « la qualité de ses recrues plutôt que la quantité ». (source : http://fr.wikipedia.org/wiki/Science_chr%C3%A9tienne#Point_de_vue_sociologique)
       Il n'y a que le rapport belge qui dénonce : "L'établissement d'un répertoire des mouvements sectaires (cf. le rapport de la commission d’enquête française) lui [M.Nefontaine] paraît dangereux, parce que cela donnerait également une mauvaise image d’organisations tout à fait honorables (par exemple l’Ecole de la Rose-Croix d’or, l’antoinisme, les Hommes d’affaires du plein évangile)" (source : http://www.ciaosn.be/49K0313007.pdf).

        Maintenant voyons le chapitre que consacre l'auteure au mouvement religieux qui nous intéresse. Il fait partie de la Deuxième partie, sur les Petites déviations ou les Bourgeonnements du délire, avec les Pentecôtistes, les Trois Sains Coeurs (ou Les adeptes de Jason), la Mission de la lumière divine, les Rose-Croix (ou L'ésotérisme séculaire) et les Témoins de Lucifer (ou L'humour noir ?).
        Le chapitre 5 sur l'antoinisme ou la foi du guérisseur comporte pas plus de 3 pages (pp.149-151), et on s'étonne de trouver autant d'erreurs en si peu de pages. Nous consacrerons donc une petite note pour chaque phrase qui appelle un commentaire.

        Trois adresses à Paris ; vingt-cinq en provinces ; trente-deux en Belgique ; n'est-ce pas beaucoup pour une secte de vingt mille membres ? (1)
        Le fondateur, né en 1846, est un pauvre mineur, puis ouvrier métallurgiste qui n'a de remarquable, outre sa beauté physique, qu'un extraordinaire piété. Comme il est de culte catholique, ses parents pensent l'envoyer au séminaire. Mais il préfère se marier (2) ; il épouse Jeanne-Catherine Collon après avoir voyagé en Allemagne et en Pologne où il a peut-être rencontré des initiés. Le spiritisme le passionne après la quarantaine ; il sera l'auteur d'un greffon étrange du spiritisme sur le catholicisme, et fondera ainsi "Le Nouveau Spiritisme" en 1906 (3).
        Sa réputation de guérisseur s'étend si rapidement qu'on fait bientôt de lui "l'égal d'Adam, de Moïse et de Jésus". Il est le Père, et son épouse la Mère. Il mourra en 1912, et Jeanne-Catherine huit ans plus tard (4).
        Une célèbre photo du culte antoiniste le représente, majestueux, impressionnant. Déjà âgé, il rayonne, barbe fleuve et cheveux torrentiels. Leur blancheur contraste avec le noir profond du regard. Le nez est droit comme une colonne grecque. Il élève la main d'un geste emphatique. "Le Régénérateur de l'Humanité" sait tirer parti de son apparence (5).
        Ses fidèles le fêteront le 25 juin, et sa femme aura le 3 novembre. On récite des prières et on chante en leur honneur dans tous les temples antoinistes français et belges (6).
        L'enseignement de cet apôtre de l'imposition des mains (7) est surtout contenu dans une dizaine de petits poèmes libres qui s'intitulent "principes". Ses disciples les diffusent ; ils tiennent des réunions et des conférences auxquelles tous sont conviés par prospectus (8) car le culte est ouvert à tout venant. Là on recommence à prier et on tente de guérir, les mains posées sur le mal. Les guérisseurs sont vêtus de noir (9).
        Les "principes" montrent une tolérance fort estimable ; on ne doit pas prêcher, on doit respecter toutes les croyances, et aussi l'incroyance ; faire la charité n'est jamais que la faire à soi-même ; toute souffrance est due au besoin de posséder ; imposer le respect aux autres est agir selon l'intelligence, mais contre la conscience. Âme profondément charitable, Antoine niait l'existence du mal ; il avait une conception "fluidique" du monde et du fonctionnement de notre mental qui correspondait à cette époque spiritiste où tout l'inconnu était placé sous le nom fourre-tout de "fluide". Et c'est bien un fluide lumineux qui semble émaner de lui, sur la photo du culte antoiniste.
        Sans entrer dans les détails, Didier Deplaige, producteur à Antenne 2 et J.-M. Leduc, journaliste et musicien, qui respectent cet insolite mystique, affirment qu'aujourd'hui "autour des Antoinistes gravitent d'autres groupes certes moins recommandables". On peut en effet supposer qu'une secte si fort axée sur la guérison en dehors de la médecine peut s'ouvrir à toutes sortes de charlatans qui abusent de la crédulité et vivent de la pathologie des naïfs (10).
        Tel est en effet l'écueil réservé à tout ce qui, sous forme de secte, voit le jour ; y compris à celles animées des meilleures intentions. Alors que les Partis et les Eglises ont donné l'exemple d'une telle détérioration de la foi ou de l'idéologie qui leur a donné naissance, en dépit d'un si grand nombre de personnes à surveiller leur évolution et à leur rafraîchir la mémoire, comment voudrait-on que des minorités fragiles et circonscrites par un milieu global indifférent ou hostile puissent maintenir, au-delà de leurs premiers fondateurs, l'excellence de leurs objectifs ? (11)
        De nombreux exemples peuvent être produits à l'appui de cette remarque. L'antoinisme ne fait pas exception. Après l'apostolat d'un illettré qui semble avoir montré toute sa vie une vertu naïve mais solide et sincère, ce serait "miraculeux" (12) si ceux qui se réclament du "nouveau spiritisme" avaient été capables de se montrer aussi honnêtes qui lui, aussi dévoués à "régénérer l'humanité", surtout dans un domaine où abondent les marchands d'élixir et d'orviétan de toute sorte.


    (1) C'est d'autant beaucoup de temples quand on en compte plus qu'il n'y en a : en Belgique il n'y a jamais eu plus de 31 temples. Par contre, en 1982, il y avait 28 temples en France. On ne sait pas quelle est la source de l'auteur pour donner le chiffre de 20.000 membres.
    (2) C'est la première fois que je lis cette histoire de séminaire. En tout les cas, il a 27 ans, c'est déjà un homme quand il se mari, et n'a donc pas à demander l'autorisation de ses parents pour cela. Il se mari d'autant plus que Catherine Collon est alors enceinte.
    (3) En 1906, c'est le Nouveau Spiritualisme qu'il fonde, et non le Nouveau Spiritisme. Il s'en était séparé officiellement en 1905.
    (4) Ce n'est pas 8 ans, mais bien 28 ans plus tard.
    (5) L'auteure insiste sur la beauté de Louis Antoine. C'est une femme. Jules Bois, cependant (certes c'est un homme) en fera un autre portrait : "C'est un microcéphale, les cheveux coupés très ras, une barbe de l'avant-veille, et je ne sais quelle teinte grisâtre sur tout sa personne, provenant sans doute de l'âge, qui a décoloré ses cheveux et ses regards, de cette fumée aussi qui remplit tout Jemeppe, habille les êtres et les choses. Il parle avec une certaine difficulté, soit que le français ne lui serve pas de langage habituel, soit que sa nervosité, toujours en éveil, donne un tremblement à ses paroles."
    (6) On ne récite pas de prières et on ne chante pas dans les temples antoinistes où le silence est de rigueur, sauf pour le lecteur. L'auteure n'a donc pas pris la peine d'aller dans un temple pour vérifier ses sources, alors qu'elle le fit pour d'autres sectes bien plus dangereuses.
    (7) Louis Antoine n'imposera plus les mains à partir de 1901.
    (8) Je n'ai jamais eu connaissance de prospectus. Mais admettons.
    (9) Il n'est pas nécessaire de prier, mais on peut le faire. Ensuite on ne tente pas de guérir dans les salles de lectures, mais uniquement dans les temples où les adeptes assistent à l'Opération Générale pour obtenir selon sa foi. De plus, on ne pose pas les mains sur le mal, ni dans les temples ni dans les cabinets de consultation, ni dans les salles de lecture. Pour finir, il faut porter le costume pour être guérisseur, mais ce n'est pas parce qu'on est guérisseur qu'on porte le costume. C'est donc par un flot d'erreur que l'auteur fini son plaidoyer contre le culte pour ensuite pendre presque la défense de Louis Antoine.
    (10) C'est encore cependant mal connaître le fonctionnement du mouvement : tous dons revient au centre, Paris pour la France, Jemeppe pour la Belgique. Un charlatan ne pourrait donc pas vivre de la pathologie des naïfs, car il ne peut rien en garder pour lui. De plus, en cas de manquement au pratique du culte (qui ne va pas sur le terrain de la science, rappelons-le), l'exclusion est possible.
    (11) Je trouve justement que l'Antoinisme a très bien réussi à se maintenant dans la même foi, le même amour et le même désintéressement. Même si bien sûr, il n'est pas exclu que certains adeptes aient agi contre la loi. Comme le dit le Père, les lois humaines sont alors là pour servir pour punir le contrevenant, mais pas pour autant tout le groupe.
    (12) Pour les adeptes du "nouveau spiritisme", je ne sais pas, mais pour les adeptes du "nouveau spiritualisme", je témoigne encore une fois, de leur bonne foi. C'est d'ailleur la raison pour laquelle le groupe ne va pas sur le terrain de la science, et laisse le libre-arbitre à chacun de se soigner selon leur foi, en ayant recourt au médecin, au culte, ou au deux. Signalons d'ailleurs que pour l'antoinisme, il n'y a pas de miracle, il n'y a que la foi et la conscience qui compte.


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  • Auteur      Mat-Hasquin, Michèle
    Titre         Les sectes contemporaines
    Édition     2e éd. rev. et augm
    Publication     Bruxelles : Ed. de l'Université de Bruxelles, 1983
    Description mat.     119 p. ; 24 cm
    Collection     Laïcité. Série "Documents" ; 1
    ISBN         2-8004-0806-5
    Note générale     Bibliogr. p. 114-115. Indexographique
        Index
    Mat-Collectivité     Association pour l'unification du christianisme mondial
    Mat-Nom commun     Antoinisme
            Sectes -- Belgique -- 20e siècle
            Sectes -- Occident -- 20e siècle

    source : opac.prov-liege.be

        Il s'agit ici d'une thèse, et non d'un ouvrage à sensation d'un journaliste (même si on doit avouer sur les ouvrages d'Alain Woodrow et Françoise d'Eaubonne n'étaient pas si mauvais). Cet ouvrage sur les sectes est édité par les Editions de l'Université de Bruxelles, et fait partie de la collection Laïcité, éditée par le Centre d'Action Laïque qui comprend quatre séries : Recherches, Pédagogie, Documents, Manuels de morale. L'ouvrage est dans la série Documents.
        Nous voilà donc endin devant un ouvrage général sur les sectes (et évoquant l'antoinisme) qui ne soient pas un brûlot anti-secte, mais une étude du phénomène qui prend soin de comparer aussi ces mouvements religieux avec les Eglises établies.
        "Ni historique, ni catalogue exhaustif, cette étude tentera de mettre en évidence des structures dogmatiques et des mécanismes institutionnels, des fonctions et des formes essentielles du phénomène sectaire à partir d'exemples choisis parmi les groupes actifs aujourd'hui en Belgique et en France" (p.15). On peut dit que c'est un pari réussi.
        On comprend donc finalement que l'auteure n'a pas grand chose à dire à propos de l'antoinisme. Relevons les occurences :
    - "Lieu commun dans l'histoire des religions, l'origine divine du message est souvent attesté dans le corpus doctrinal des sectes. Le nouvel Evangile de la secte des Trois Saints Coeurs rassemble les messages dactylographiés par le pape Jean, alias Roger Melchior, sous la dictée de Dieu le Père. Louis Antoine, prophète de l'Antoinisme, et Ellen White, qui a organisé le mouvement des Adventistes du Septième Jour, bénéficièrent de révélations divines" (p.22).
    - "Même discrédit jeté sur la matière dans les textes doctrinaux de l'Antoinisme, assez diffus eux aussi mais tout aussi catégoriques que les écrits de la Christian Science. "La matière n'est que de l'imagination de l'esprit, lit-on dans le Développement de l'Enseignement du Père (s.l.n.d., p.109), l'obstacle qu'on doit surmonter pour arriver au vrai bonheur". Le mal, la souffrance, la mort n'ont donc pas d'existence réelle. Ils sont l'effet de notre appréciation des choses, de l'incompatibilité radicale entre la conscience et l'intelligence qui ne nous rend compte que des effets, sans nous éclairer en rien sur les causes, puisqu'elle perçoit par l'intermédiaire de la matière. Quand aux plaies du corps, "vêtement de l'âme", elles sont toujours la cause des plaies de l'âme, de ses imperfections (voir infra, pp.99-100)" (p.31-32). [les pages 99-100 citent quatre des Dix principes (le 6e, le 7e, 8e, et le 10e) et un extrait du Développement, pp.364-367].
    - "De la canonisation à la divinisation, il n'y a qu'un pas et les marques de respect dont les dévots entourent la personne du leader charismatique ou son souvenir montrent qu'il est souvent franchi. Les Antoinistes et les Amis de l'Homme vénèrent avec dévotion la mémoire de leurs prophètes, Louis Antoine, le "Père", et Lydie Sartre, la "chère maman". Dans le temple de Boston, un sanctuaire, éclairé par l'étoile de Bethléem, est réservé à Mary Baker-Eddy." (p.75).

        Comme nous le disions, l'auteure inclue une critique de phénomène sectaire dans les Eglises établies. On peut lire notamment : "Il procède, comme le remarquait Jacques Ellul à propos de Harvey Cox, un des théologiens de la sécularisation, de cette assimilation entre christianisme et religion que nous avons évoqué, de la 'certitude implicite que le christianisme étant la meilleure religion, tout renouveau religieux doit forcément aboutir à un renouveau chrétien', qu''il vaut mieux un homme religieux qu'irreligieux : sa demande religieuse prépare à la foi au Christ'." (p.73). C'est un phénomène sectaire que ne connaît pas l'antoinisme qui demande de "[respecter] toute croyance & celui qui n'en a pas". La conclusion de l'ouvrage abouti à ce constat : "Légalement, la ligne de démarcation est difficile à tracer entre conversion et lavage de cerveau". Et comprenant qu'il n'est pas aisé à l'homme "d'assumer sa difficile condition dans cette société-ci", Michèle Mat-Hasquin en arrive à la conclusion que "ce n'est point par perversion que l'homme s'est fabriqué de nouveau cette gangue mythique et cette topographie sacrée. Ce n'est point par stupidité mais par l'impossibilité de vivre dans cette tension, dans ces affrontements." Et si l'on veut que cette 'gangue mythique' disparaissent, il faut, citant Jacques Ellul que "l'on apporte une réponse qui soit satisfaisante et qui en même temps éclaire. Réponse et raison de vivre qui doivent être conjugués. (p.94-95). Cela était vu et étudié par Jean-Yves Roy dans le Syndrôme du berger.

        Donc comme je le disais, l'auteure n'a pas grand chose à dire ou à critiquer à propos de l'antoinisme : le terme apparaît ) propos de l'origine divine de la Révélation (ce qui vaut pour la plupart des religions), sur les textes diffus condamnant la matière (ce qui est un point de la doctrine qui est "à prendre ou a laisser", comme le caractère divin de Jésus, Dieu s'étant fait chair ou le caractère tout aussi diffus de la Trinité), et enfin la vénération ou dévotions des adeptes envers le Père (encore une fois ce qui vaut pour le christianisme et Jésus ou l'islam et Mahomet, et le bouddhisme et Bouddha, etc., etc., etc.).

        Cependant quelque chose me gène quand même dans cette étude. On dirait que l'auteure semble prendre comme un fait établi que l'Antoinisme est une secte. En effet, les Textes en fin cite la Révélation comme des textes de l'A.U.C.M., des Enfants de Dieu, de la Mission de la lumière divine, ou des Trois Saints Coeurs. Mais pas d'extraits là de la Bible (même si on en trouve dans le corps de l'ouvrage). Le but de l'auteure, comme le prouve sa conclusion, est de comparer les Eglises établies avec les sectes. Et l'antoinisme, pour l'auteure, fait partie des sectes. Mais on ne sait pas quel moyen l'auteure est arrivé à cette conclusion, hormis le fait de suivre l'avis de H.-Ch. Chéry ou Maurice Colinon dont les compétences en ce domaine ne sont pas des plus fondées. 

        L'auteure semble donc de parti-pris, et l'antoinisme se retrouve étudié à côté de mouvements religieux dont le caractère sectaire ne fait aucun doute. C'est donc de la diffamation. On lit en effet l'expression "les textes doctrinaux de l'Antoinisme", l'expression mal choisie, car connaissant l'antoinisme, on sait que le Père dit qu'il faut en comprendre en en appliquer ce qu'on veut selon son degré de compréhension. Ensuite, parlant de la contestation de la doctrine (p.76) comme étant interdite dans la secte ou l'Eglise, on sait que le cas ne se présente pas dans l'antoinisme, puisque des temples suivent le travail moral de Mère, alors que d'autres l'on contestés et ont décidés de retirer les photos. Finalement, l'auteure ne critique même pas le fait que l'antoinisme pratique la guérison spirituelle, car elle n'a aucun procès sur lequel s'appuyer pour le condamner.
        On peut donc finalement se demander pourquoi l'antoinisme figure dans cette étude, hormis le fait qu'il soit, par parti-pris, considérer comme une secte, sans en avoir les traits caractéristiques. Et il est dommage que cela n'ait pas été spécifié, car c'est ce qu'on aurait pu attendre de ce genre d'ouvrage.


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  • Titre        Guide de la France religieuse et mystique
    Auteur        Maurice Colinon
    Éditeur        Tchou (Centurion), 1969
    Longueur    769 pages

        Evoque l'antoinisme brièvement.

        L'ouvrage pose, d'abord, un certain nombre de problèmes quant à sa description bibliographique. La couverture proclame les éditions du Centurion comme éditeur. A l'intérieur, au dos du faux-titre, la maison Tchou est associée au Centurion. De plus, on nous indique, ici encore, que "ce guide a été réalisé à l'initiative de François Caradec". Qu'est-ce qui distingue un auteur d'un initiateur ? Surtout lorsque l'auteur de la couverture confesse, toujours au dos du faux-titre : "qu'il tient à exprimer sa particulière gratitude à M. l'abbé Paulet, ... qui a bien voulu mettre à sa disposition une irremplaçable documentation, sans laquelle ce livre n'eût pas été possible"? Quelle a donc été la part de M. Colinon ?
        L'ouvrage prend un partie générale et un dictionnaire alphabétique des lieux retenus comme particulièrement intéressants et significatifs. Les pèlerinages reçoivent la part du lion. Leurs légendes sont rapportées abondamment, avec une note bibliographique de ci de là. On a du mal à formuler un jugement sur un ouvrage de cette taille, tant il y faudrait de compétences diverses. Pour nous en tenir à ce que nous connaissons, signalons l'importance donnée aux sectes, confessions et religions non-catholiques ou non-chrétiennes. Mais l'à-peu-près semble avoir présidé à la rédaction de certaines notices. Ainsi celle sur les baptistes (p.82-83), où l'on relève au moins quatre erreurs, dont l'une statistique : il n'y a pas - et de loin - 20.000 baptistes en France ! Les dix-sept lignes consacrées aux mennonites (p.89) contiennent dix erreurs ou approximations, dont l'une statistique : il n'y a pas 10.000 mennonites en France, mais quelques 2.000 baptisés (Arch., 29, n°243) représentant une population ethnique d'au plus 5.000 personnes. Les pentecôtistes, par contre, sont probablement beaucoup plus de 10.000, en dépit de l'affirmation les concernant ici (p.94). On nous assure (p.95) que les quakers ont "supprimé... le culte" ; ce qui contredit ce qui affirmé plus bas concernant leurs réunions.
        On a des surprises du même genre dans la partie alphabétique. Ainsi à l'article Cahors (p.218-220), où Jean XXII, présenté en parallèle avec Jean XXIII, semble n'exister que par ce dernier ("Jean Vingt-Trois-Moins-Un, pape" !). On oublie de nous dire que ce pape du XIVe siècle entretenait des opinions peu orthodoxes sur la vision béatifique. De même on nous signale d'Alain de Solminihac que son "heureuse influence a été comparée à celle de saint Charles Borromée". Sans doute veut-on par là suggérer que le premier avait fait du second son modèle. Enfin on n'a quasi rien dit sur Cahors "religieux et mystique" lorsqu'on a évoqué Jean XXII, Solminihac et une liste d'évêques des premiers siècles sur lesquels on ne sait pas grand-chose. Carcassonne, il est vrai, se trouve encore plus mal traîté, puisque de cette ville même il n'est pratiquement pas question dans l'article sub verbo (p.224). Sans parler du caractère anecdotique pouvant être sujet à caution, comme dans l'article Montbéliard (p.459) où l'on détecte "une colonie mennonite, la plus importante d'Europe occidentale". C'est beaucoup dire pour une Assemblée de 300 membres au maximum. Amsterdam en compte beaucoup plus ! L'A. aurait dû s'en douter, qui fait venir de Hollande les mennonites français, en réalité bernois d'origine. De même aurait-on pu s'éviter de contredire ici ce qui est dit p.89 au sujet des ministères dans les communautés mennonites, sans jamais, d'ailleurs, être exact !
        Dernière caractéristique : l'ouvrage est écrit d'un point de vue catholique. Ceci nous vaut une carte des "apparitions de la Vierge en France" (p.32), qui pourrait être intéressante. Mais en lisant le texte de la page précédente on s'aperçoit qu'il s'agit en fait d'une carte des "vingt-cinq apparitions de la Vierge en France" qui "selon les spécialistes... méritent une attention particulière". Donc même pas une représentation de toutes les apparitions tenues pour orthodoxes par l'Eglise catholique et ayant suscité un culte public ! Enfin, l'historien même catholique ressentira éventuellement une certaine gêne devant des affirmations de ce genre : "Le culte de la Vierge Marie date  des premières années du christianisme. Les Pères de l'Eglise pensent que les apôtres, qui allaient souvent prendre conseil auprès d'elle de son vivant, entourèrent de dévotion son souvenir, à défaut de ses restes charnels (puisqu'on sait qu'il est admis que Marie fut ravie au Ciel, au jour de son Assomption)" (p.68). Admis par qui ? Par les Pères de l'Eglise ? Les historiens ? Les uns et les autres ? Ou ni les uns ni les autres ? Ou encore certains parmi les uns et personne parmi les autres ?
                  J.S.

    Jean Séguy, in Archives des sciences sociales des religions, 1970, Volume 29, pp. 199-200
    source : persee.fr


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  • Titre        Les sociétés secrètes et les sectes
    Auteur        Jean-Pierre Bayard
    Éditeur        Lebaud, 1997
    ISBN        2866452550, 9782866452551
    Longueur    280 pages

        Evoque l'antoinisme aux pages 183 et 184 :

    L’Antoinisme
       Cette secte chrétienne a été fondée par Antoine Louis, ancien mineur belge, né le 7 juin 1846 à Mons-Crotteux et mort en 1912 à Jemeppe-sur- Meuse. Il découvrit en 1888 ses dons de guérisseur et de médium en participant chez des amis à une séance de spiritisme où l’on faisait tourner les tables. Il voulut « soulager l’humanité souffrante », devint un guérisseur réputé : en 1901 il fut condamné pour exercice illégal de la médecine. Antoine affirma alors que la maladie n’existait pas, que nos troubles étaient occasionnés par le péché. II proscrivit tout médicament. Pour avoir une santé parfaite, il suffisait d’être pur. Il fonda ainsi, vers 1905, un groupe spiritualiste « Les Vignerons du Seigneur » ; ses fidèles le nommèrent le Père.   Le culte, fondé sur la foi profonde et désintéressée, pratiquant l’amour du prochain, respectait toutes les croyances. La prière apportait la guérison, transmise par l’imposition des mains. L'homme étant bon naturellement, il devait suivre son intuition et sa conscience. Antoine enseignait aussi que la réincarnation était la loi d’évolution normale de tout être.
        Lorsque Antoine se fut désincarné, le 25 juin 1912, on pouvait penser que le culte disparaîtrait. Sa veuve, la Mère, continua cependant, jusqu’à sa mort, en 1941, à y donner de l’extension. A sa mort, le neveu d’Antoine, le père Dor, l’ayant remplacé, des dissensions apparurent. Le père s’installa dans le Hainaut, tandis qu’un autre Antoiniste, Jousselin, pratiquait à Verviers. Certains voulurent diviniser le père Antoine, d’autres s’y refusèrent.
        La guérison demeure une des activités importantes du groupe. Mais alors que les Antoinistes belges considèrent qu’elle ne peut se réaliser qu’en assemblée réunie pour le culte dominical, les Antoinistes français pensent qu’il s’agit d’un acte strictement individuel.
        S’il y eut près de 500 000 fidèles, il semble qu’aujourd’hui le mouvement connaisse une grande désaffection. Il reste encore en Belgique plus de trente temples, presque autant en France, et à peu près 150 000 membres. Les temples de Paris sont situés rue des Grands-Augustins, dans le 6e arrondissement, et au 34 rue Vergniaud, dans le 13e arrondissement.

    Adresse : Antoiniste, 49 rue du Président-Gervais, 75019 Paris.

    source : Google Books

        Un même ouvrage peut-il rassembler des associations aussi différentes que la Franc-Maçonnerie, l'Eglise de Scientologie ou les Adorateurs de l'Oignon ? Sans aucune doute, si son but - comme dans le cas présent - est d'étudier l'ensemble des sociétés à caractère initiatique en y discernant la part du spirituel et du mercantilisme, de la sagesse et des errements.
        Jean-Pierre Bayard a mené une enquête rigoureuse, mais sans hostilité préconçue ni complaisance, en distinguant les sociétés secrètes de type traditionnel fondée sur la transmission d'une connaissance spirituelle et les sectes qui prennent le sens d'embrigadement et d'intolérance.
        En accordant une large place à des avis opposés, tels ceux émis dans le Rapport sur les sectes de l'Assemblée Nationale ou dans le débat sur le rapport initié par le Centre d'Études  sur les Nouvelles Religions, il présente l'historique des mouvements, leurs buts, leurs recherches, et révèle les rites de passage et d'initiation.
        Plus de 300 sociétés secrètes sont présentées et analysées : les ordres de chevalerie (Malte, Toison d'Or, Prieuré de Sion, ...), les ordres maçonniques, les Roses-Croix, les Cathares, les sociétés mystiques occidentales (Quakers, Mormons, Adventistes, ...) ou orientales (Zen, Krishnamurti, Tantrisme, ...), et des sectes diverses dans leurs origines, leurs buts et leurs activités.
        Jean-Pierre Bayard, docteur ès lettres, spécialiste du monde secret, ésotérique et légendaire, est l'auteur de nombreux ouvrages dont La Symbolique de la Rose-Croix, Le Compagnonnage en France, La Spiritualité de la Franc-Maçonnerie.

    source : http://www.prevensectes.com/bayard.htm


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  • Du spiritisme à l'antoinisme

        " L'an mil huit cent quarante-six,  le huit du mois de juin à midi, par-devant nous, Nicolas-Joseph Jacquemin, Bourgmestre, Officier de l'état civil de la commune de Flémalle-Grande, canton de Hollogne-aux-Pierres, arrondissement et province de Liège, est comparu Martin Antoine, houilleur, âgé de cinquante ans, domicilié dans cette commune, hameau de Mons. " Qu'avait-on ce jour-là de si important à déclarer chez Martin Antoine dit 'Eloi' ? Un fils, bien sûr, et de sexe masculin. Catherine Castille, 49 ans, venait de mettre au monde à quatre heures du matin (le 7 ou le 8, il subsiste un léger doute) un enfant qu'on prénommerait Louis-Joseph, et dont le nom de famille officiel a, un court moment, été 'Eloi' : l'heureux géniteur, dans sa précipitation ou par ignorance, avait décliné le sobriquet dont on l'affublait plutôt que son identité véritable. 'Eloi' venait d'avoir son onzième (?) et dernier fils.
        Baptisé le jour même, Louis-Joseph est élevé rue des Priesses, au lieu-dit 'A la chapelle', et c'est à l'école primaire de Mons (Flémalle) qu'il reçoit sa maigre instruction. A douze ans, il descend à la mine, y exerce pendant deux ans les fonctions de pousseur de bennes, manoeuvre de fond, tailleur de veines. On le dit autodidacte et débrouillard, gentil euphémisme pour une inaptitude scolaire que ses hagiographes s'empressent de contester (1). Mais il est certainement de santé fragile et devient rapidement ouvrier métallurgiste, délaissant le pic. Devenu machiniste, il est inscrit à la milice en 1866, et remplit ses obligations militaires à Bruges, au 3e régiment de ligne. Il combat - et tue (2) - lors d'un rappel sous les drapeaux à l'occasion de la guerre franco-allemande, mais lorsqu'il revient dans la vallée de la Meuse, il n'a plus d'employeur et décide alors de s'expatrier en Prusse rhénane : il y travaille pour les usines Cockerill. C'est l'époque où il aurait découvert le 'phénoménologie' d'Hegel, qui imprégnera le discours antoiniste : conscience et intelligence, apparence contre réalité. Mais, comme le suggère délicatement sa biographe soeur Yvette, il avait "pris un pain sur la fournée". En d'autres termes, il se doit de revenir en Belgique et d'épouser le 15 avril 1873 une dame Jeanne Catherine Collon, qui lui donne une descendance dès le 23 septembre de la même année. L'enfant naît en Prusse et sera baptisé du nom de Louis-
    Martin Joseph.
        En août 1876, Louis-Joseph Antoine revient en Belgique, à Jemeppe, et décide de s'installer comme marchand des quatre saisons. Erreur funeste, les affaires de marchent guère. Il repart alors pour la Pologne en février 1879 où il devient chef-marteleur pour les aciéries de Pragua, aux alentours de Varsovie.
        C'est une époque importante car il s'y enrichit de manière considérable : "Sa femme tint une pension qui fit fortune", rapporte sa biographie officielle. Soit. Toujours est-il qu'il rentra en Belgique, comme le veut la formule, "avec du foin dans ses bottes". Il s'installe rue du Bois-du-Mont et... fait bâtir vingt maisons ouvrières mais confortables. Est-ce en 1884, en 1889, voire même quelque temps plus tard que Louis-Joseph Antoine adhéra au spiritisme alors fort prisé dans la région liégeoise ? Difficile à dire. En tout cas, il prêche le catholicisme (3) jusqu'en 1888 et perd son fils unique le 23 avril 1893. Or celui-ci sera enterré selon le rite spirite. Portier-encaisseur à la fabrique de Lexhy, près de la gare de Jemeppe, celui qui allait devenir le 'père Antoine' a désormais une activité professionnelle réduite et se consacre de plus en plus à ce spiritisme. Il crée la société spirite liégeoise 'Les vignerons du seigneur' et, en 1896, édite le Petit catéchisme spirite. Le succès est tel qu'en 1900 il quitte toute activité extérieure et achète un immeuble situé au croisement des rue des Tomballes et du Bois-du-Mont, immeuble susceptible d'abriter ses fidèles.
        Mais le corps médical l'a à l'oeil : c'est que le 'père Antoine' prétend guérir, et que, s'il se refuse à tout salaire, un tronc destiné aux 'oboles' est aménagé dans l'antichambre de son cabinet. Le Parquet, saisi d'une plainte, fait ouvrir à la police de Jemeppe une enquête discrète. En 1901, le père Antoine se retrouve devant les tribunaux pour pratique illégale de la médecine : "Depuis douze ans, dira le guérisseur au juge, je me livre journellement à la guérison des malades, je n'ai aucun diplôme, je guéris toute les maladies ou plutôt je soigne toute espèce de maladie. Chaque malade que je reçois entre dans mon cabinet, je lui pose la main sur la tête et je me recueille, je me livre à la prière et pendant ce temps m'arrive l'inspiration qui me permet de dire la maladie ou l'infirmité dont souffre le patient ; quand celui-ci a foi en moi, je ne me trompe jamais ; j'insiste et je répète que je crois fermement que je ne me trompe jamais sur la cause du mal. Quand le siège du mal est ainsi déterminé, je fais des passes avec la main sur la partie malade et, ce faisant, je me confine dans mon examen du malade... J'ai une recette générale ; elle consiste dans un morceau de papier que j'ai magnétisé par attouchements et par des prières ; en trempant ce papier dans de l'eau, celle-ci acquiert une vertu supérieure qui la rend propre à guérir les personnes qui la boivent : deux papiers sont bons pour magnétiser un litre d'eau... " (Le Soir, 9 juin 1934). Louis-Joseph Antoine est condamné à 60 francs d'amende avec un sursis de deux années.
        Cette condamnation aura pour effet de modifier profondément les activités du guérisseur : plus aucun recours aux prescriptions (Louis-Joseph prescrivait notamment la 'liqueur Koene' à ses adeptes), et une défiance absolue envers l'argent. D'autre part, la fédération des groupes spirites, qui pose problème aux antoiniste dès 1902, et la montée de la théosophie à l'intérieur des cercles spirites, poussent en définitive le 'père' à quitter le spiritisme de manière résolue dès 1906. La rupture est très nette : d'un seul coup, le 'père Antoine' a la révélation que le spiritisme, manifestation matérielle des esprits, est du domaine de la seule science, qu'il est périmé (4), et que lui doit s'occuper désormais de 'spiritualité'. La rupture antoiniste est amorcée, elle a exactement la même genèse que la théosophie : sur une souche spirite, l'éclosion d'un dogmatisme de l'âme (5). Il crée le Nouveau spiritualisme et déclare en 1907 au journal La Meuse : "Je ne suis plus spirite".
        La religion ainsi créée va bénéficier d'un essor considérable le 15 juin 1907, lorsque le fondateur se retrouve une seconde fois devant les tribunaux. Mêmes charges, mais un jugement opposé car le 'père' a retenu la leçon : on acquitte le prévenu le 22 octobre, l'antoinisme a désormais les mains libres. Sur quoi repose le culte ? En fait, le rite est assez simple : le dimanche et les quatre premiers jours de la semaine, à 10 heures précises, le 'desservant' ou ministre du culte procède à l''opération' en répandant sur la foule, de la main droite (6), le 'fluide éthéré du Père', ce même qui était utilisé auparavant par Louis-Joseph pour les guérisons. Puis il rappelle à voix haute les dis principes du Dieu révélés au Père. Enfin, un lecteur transmet une courte pensée du fondateur (7). Au total, le rite complet dure de 15 à 30 minutes. L'adepte quitte ainsi le temps avec un peu du 'fluide vert' (8) du père Antoine, ce fluide qui est 'la foi qui guérit'. Selon les rares chiffres dont on dispose, à partir de cette époque, le 'père Antoine' aurait reçu quotidiennement quelque 400 à 500 visiteurs, et de 500 à 1.200 à partir de 1910. Bien sûr, il n'est plus question d'imposer les mains individuellement : on procède désormais à des guérisons de foules.
        Et en 1910, l'antoinisme vient au Parlement : une pétition signée par 160.000 personnes est déposée le 2 décembre au greffe de l'assemblée et demande la reconnaissance légale du culte. "Jamais même pour le S.U. (suffrage universel) et pour l'instruction obligatoire on n'était parvenu à réunir autant de signataires", remarque le journal Le Soir. Le mouvement dit ne pas souhaiter de subsides, mais la simple reconnaissance du fait cultuel et de son patrimoine : le temple de Jemeppe-sur-Meuse élevé en 1910 rue Alfred Smeets aurait coûté la bagatelle de 100.00 francs de l'époque. La presse nationale commence à s'intéresser à ce 'dieu nouveau' qui est, au physique, "un homme de taille assez haute, mais au dos voûté. Il a les cheveux gris coupés ras. Il porte une redingote fermée jusqu'au cou par une seule rangée de boutons. Il mâche continuellement de la gomme. Son attitude est simple et franche. Pas de pose, pas de bluff. Il est modeste et convaincu" écrit Jean de Bruxelles. La Belgique lui jette ainsi un dernier regard, car... le 25 juin 1912, 'Antoine le Guérisseur' s'éteint. Davantage perçu comme un illuminé qu'un charlatan, il laisse derrière lui plusieurs dizaines de milliers de fidèles organisés tant en France qu'en Belgique, quelques relais en Allemagne, au Brésil, aux Etats-Unis, une imprimerie et plusieurs hebdomadaires dont l'un au moins atteint un tirage de 20.000 exemplaires. Le 25 juin devient ainsi une date clé du calendrier antoinistes (9) : les adeptes pensaient au départ qu'il se réincarnerait dans les trois jours (10). Ne voyant rien venir, ils optèrent pour la seule interprétation possible à leurs yeux : le père Antoine était devenu assez parfait pour ne plus nécessiter de réincarnation, le 25 juin est donc fête de la 'désincarnation".
        Pour mémoire, citons l'autre grande fête antoiniste : le 15 août, anniversaire de la consécration du premier temple, celui de Jemeppe. Mais tous les Liégeois savent que le 15 août est traditionnellement jour de fête mariale, fête qu'un culte de souche mosane se devait de récupérer. (11)
        L'antoinisme, qui prend en 1922 forme d'asbl et devient la même année établissement d'utilité publique sur proposition du ministre de la Justice de l'époque (?)(12), va devenir rapidement schismatique (13) : dès les premiers mois qui suivent le décès du 'père' et alors que la 'mère Antoine', alias Jeanne-Catherine Collon, est contrainte de reprendre tant bien que mal les rênes du mouvement, le propre neveux du fondateur, Pierre Dor, fait scission, et ouvre un temple similaire à Roux, dans le Hainaut. Ses adeptes témoignent qu'il soigne lui aussi par imposition des mains et même à distances, 'par la pensée'. Cela lui vaudra le 24 février 1914 une descente en règle du Parquet de Charleroi, escorté de huit gendarmes. Son public est de moyenne bourgeoisie, il vend effectivement des brochures prônant ce qu'on appelle alors à tort le végétarisme - il s'agit en fait de végétarisme, comme le pratiquait lui-même le 'père Antoine' - mais aucune trace de l'exercice illégal de l'art de guérir. Ce que les pandores ignorent peut-être et que soulignera en juillet 1936 notamment le journal d'extrême-droite Cassandre, c'est que les guérisons, chez les disciples d'Antoine, s'effectuaient en catimini, après les rite, dans un local annexe : chaque 'patient' a son numéro, et on appelle les clients à la criée. La secte Glaube und Hoffnung, de Luxembourg, ne procède pas autrement à l'heure actuelle.
        Autre schisme, survenu après la deuxième guerre cette fois : le desservant du temple situé quai des Ardennes, à Liège, devait ouvrir à Angleur un temple où il se proposait de revenir au 'culte antoiniste primitif' (14). H., non autrement désigné, sera assigné en 1949 devant le tribunal correctionnel, et le dossier ira en appel : les antoinistes auraient voulu qu'il soit condamné à fermer son temple, ce qui fut refusé en instance et en appel. Par contre, la Cour lui fit défense d'apposer l'enseigne 'culte antoiniste', le souhait d'induire une confusion entre les deux cultes étant évident.

      La deuxième mort d'Antoine
        L'association Culte antoiniste de 1922 est sans doute la seule secte dont les comptes annuels figurent au Moniteur. Sa mauvaise santé actuelle n'est donc pas un mystère : les comptes bien sûr en équilibre, mais dénotent une activité minimale. 7,4 millions à 8,5 millions de nos francs selon les exercices... Et pourtant ! En 1912, lorsque le 'père Antoine' est porté en terre, les rues de Jemeppe sont noires de monde, les reportages photographiques sont éloquents. Une étude des implantations antoinistes de l'époque réalisée par sa biographe 'soeur Yvette' montre qu'au 1er septembre 1912 il y avait deux temples en Belgique, et 55 maisons de lecture dans notre pays et en France, sans compter les antennes ouvertes en Egypte et au Brésil ; qu'en août 1914 existaient désormais sept temples en Belgique et soixante et une maison de lecture, toutes situées en Wallonie exception faite de celle d'Ixelles. Août 1930 est en quelque sorte une apogée puisqu'il voit fonctionner 124 maisons de lecture, mais, et c'est le revers de la médaille, les coteries commencent à inquiéter les dirigeants de la secte, une limitation des maisons de culte est décidée. En 1934, on fait état de 27 temples (dont 19 dans la seule province de Liège) et 15 en France. L'antoinisme est désormais présent au Canada, au Congo, aux Etats-Unis. "Cent mille petits-bourgeois, artisans et femmes", tel serait le nombre des adeptes.
        En 1993, le coeur du culte de trouve rue Hors-Château à Liège, un temple qui ne reçoit plus guère que 300 adeptes chaque semaine. Il existe encore 30 temples en Belgique dont 20 en province de Liège et... un en Flandre, à Schoten-Deuzeld. Mais ce dernier, s'il existe, est fermé faute de fidèles. Le sort de celui de Stembert n'est guère plus enviable : il est fermé, faute de moyens pour le restaurer (15). Paradoxalement, les choses vont un peu mieux en France, où subsistent une trentaine de temples, ainsi qu'au Zaïre, au Canada, en Italie et en Allemagne, où il existent des maisons de lectures. Les adeptes ? 500 adeptes 'costumés' - portant lévite noire descendant jusqu'aux mollets pour les hommes, robe noire et bonnet surmonté d'un diadème pour les femmes - pour l'ensemble de la Belgique au grand maximum. Un premier signe d'inquiétude : alors que, statutairement, huit membres doivent siéger au conseil général qui préside le culte, seuls quatre siègent effectivement à l'heure actuelle. Un deuxième signe, plus funeste encore : au début du siècle, le 'père Antoine' recevait et prétendait guérir les personnes atteintes de troubles physiques (16). Les nouveaux adeptes antoinismes, eux, veulent guérir du chômage (17). Il n'est pas certain que le fluide du 'père' y puisse grand-chose.


    Alain Lallemand, Les sectes en Belgique et au Luxembourg (p.45-49)
    Editions Aden - 1994 - 238 pages
    source : Google Books

    (1) Cependant, pour un houilleur, devenir machiniste puis chef-marteleur, et émigrer à l'étranger, n'était pas chose commune.
    (2) C'est pendant un exercice que Louis Antoine tuera. Ce n'était donc pas un ennemie, mais un camarade. On comprend que cet évènement ai pu le tourenter.
    (3) On dirait plutôt qu'il pratiquait le catholicisme. La biographie due au Frère Deregnaucourt et Soeur Desart dit qu'il "professa la religion catholique jusqu'à l'âge de 42 ans", il exposé publiquement son catholicisme.
    (4) Il ne prétendait pas que le spiritisme était "périmé", mais qu'il n'était plus de son ressort.
    (5) Je ne sais pas si l'on peut parler de dogmatisme, quand on met en avant le libre-arbitre. Le seul dogme que Louis Antoine loue est la réincarnation, dogme qui lui vient du spiritisme.
    (6) Il me semble que même en France, le desservant serre les mains à la grande tribune, mais ne tend pas une main.
    (7) On confond ici l'Opération et la Lecture de l'Enseignement. En France, L'opération est faite, puis la récitation des dix principes. En Belgique, l'opération seule. Le soir a lieu la lecture de la Révélation.(8) Joli expression qui n'est pas utilisé, me semble-t-il, par les antoinistes. Les temples sont verts, mais le fluide ne connait pas de couleur, il est lourd ou éthéré.
    (9) Actuellement, c'est encore vrai du côté français.
    (10) Pas tous les adeptes, mais certains adeptes. C'est une précision analysée par Pierre Debouxhtay.
    (11) La majeur partie des premiers adeptes étaient déchristianisés comme le rappelle Régis Dericquebourg.
    (12) En fait, le ministre de la Justice de l'époque proposait de créer cette association d'utilité publique pour faire face au vide juridique : en effet, la Constitution belge ne reconnait alors que les religions établies lors de sa création. L'antoinisme ne pouvait donc pas être reconnu religion par l'état. Puis le statut d'asbl, à sa création, fut donner au culte.
    (13) La scission avait déjà lieu lors de l'incarnation du Père (Pierre Dor s'installe à Roux en 1909), qui déclarait à propos de son neveux "qu'il suivait son chemin".
    (14) Il semble que ce soit l'inverse, puisque à la désincarnation de Mère, le 4 novembre 1940, le frère Nihoul et le Conseil d'Administration décide de retirer les photos des temples, donc celui du Quai des Ardennes n'en avait plus. Ainsi H. voulait revenir au temple tel que Mère l'avait laissé, donc avec photos.
    (15) Ce temple est actuellement en cours de rénovation, des Solidarités de groupes y ont déjà cours tous les 15 jours.
    (16) Le Père voulait guérir l'âme, plutôt que le corps. L'âme guéri, devait permettre la guérison du corps.
    (17) Racourci déloyal, car le culte veut guérir, non du chômage, mais des problèmes liés au chômage : manque de confiance en soi, tristesse sociale, désenchantement, etc.


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