• Claire Lejeune - Déplacement catastrophique de Dieu dans la mentalité

        Assurée de se savoir inconditionnellement aimée par la Mère-nature, légitimée par la Vie elle-même, la différence du Fils en quête de sa langue à soi, se souciera, comme d'une guigne, de la caution, de la bénédiction et du pardon de Dieu le Père. Désormais inutile, Dieu mourra de sa belle mort. Refermée, la parenthèse patriarcale où l'humain s'initie à la connaissance du lien transfini qu'il incarne entre le fini et l'infini, s'enfouira dans sa mémoire, à la juste place qui lui revient.
        Déplacement catastrophique de Dieu dans la mentalité. De Créateur de la nature, il est devenu sa créature. Fin devenue le grand moyen. Au lieu d'être l'Impensable penseur du commencement et de la fin des temps, l'UN transcendantal se retrouve Objet d'expérience intérieure, Objet de connaissance, Objet pensé dans sa duplicité: à la fois bénéfique et maléfique, lieu commun du bien et du mal; advenu en ce lieu précis de la mémoire où s'ouvre la faille entre l'orient et l'occident, à l'instant même de notre chute dans la béance historique. Dieu très exactement cerné, repéré par la pensée à la charnière sanglante de la nature et de la culture, sur les lieux du meurtre de la Mère et de l'Enfant solaires, meurtre qui fonde en même temps la civilisation du Livre et la fatalité de la guerre. Localisé dans l'espace et dans le temps, Dieu perd le mystère qui perpétuait son règne et celui de l'Histoire. Par sa destitution, l'utopique communauté des enfants du soleil devient imaginable et réalisable.

    Claire Lejeune, Des mots pour franchir l'abîme entre dire et sentir
    source : Balises, Archives & Musée de la littérature asbl


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