• Guérisons miraculeuses - Le culte antoiniste (Le Journal, 4 fév 1938)

    Guérisons miraculeuses - Le culte antoiniste (Le Journal, 4 fév 1938)

    Guérisons miraculeuses - Le culte antoiniste

        Si vous êtes passé rue Vergniaud, vous avez peut-être remarqué une petite chapelle d'allure modeste, qui porte cette inscription assez surprenante : Culte Antoiniste.
        Entrons donc. Le luxe ne nous éblouit guère ; les murs n'étincellent pas sous l'or et les pierres précieuses : ils sont désespérément nus. On y voit une chaire à deux étages ainsi que des bancs de bois pour les fidèles.
        Une chose attire le regard, c'est un grand portrait du Père Antoine, un homme barbu, hirsute, au regard étonné et bon enfant.
        Le jour où je pénétrai dans la chapelle antoiniste, il y avait un service. Le petit local était rempli d'assistants fort pieux. D'où sortaient-ils ces hommes et ces femmes en costume noir, au visage austère et ratatiné, à la démarche gauche des paysans ?
        C'était bien extraordinaire de voir en plein Paris de pareils types d'une humanité qui semble ne devoir habiter qu'à la campagne et dans les petites villes de province.
        Tout ce monde était pieusement recueilli et attendait la célébration de l'office. Il faisait bien froid dans la chapelle. Tout à coup, un petit brouhaha se produisit ; un homme d'une cinquantaine d'années, vêtu d'une vieille redingote, entre par la porte de la sacristie. Suivi par une espèce de vieille fille revêche, aux cheveux soigneusement tirés, il monte dans la chaire. Tous deux restent un bon moment immobiles. On entendrait voler une mouche. Personne ne bouge, on n'ose ni tousser, ni se moucher. Alors la vieille fille ouvre un livre noir et se met à lire d'un ton monotone, des mots, des mots que je comprends à peine.
        La pendule, sur le mur, marque la demie. Instantanément, la lectrice s'arrête, et le quinquagénaire s'écrie avec conviction :
        – Au nom du Père, merci !

    Le « Père »

        Cela ne fait pas mon affaire. J'avais entendu parler des guérisseurs antoinistes. Où se trouvaient donc les malades et qui opérait ?
        J'allais quitter la chapelle, assez découragé, quand une vieille fille en noir, aux cheveux tirés, ressemblant comme deux gouttes d'eau à celle qui était montée en chaire, me renseigna :
        – C'est le matin, à dix heures, que nous nous réunissons pour prier en commun. Vous savez qu'il existe des temples en Belgique, et en France dans différentes villes comme Saint-Etienne, Tours, Lyon, etc... Eh bien, nous nous arrangeons pour prier à la même heure ; nos volontés tendues en même temps vers le même but produisent ainsi les guérisons demandées.
        C'était ma foi vrai : Des temples antoinistes existent un peu partout. Le Père Antoine fonda sa religion en 1906. C'était un ouvrier belge, un mineur de Jemmapes. Il avait la foi. Souffrant d'une maladie déclarée incurable, il réussit à se guérir lui-même. De là à guérir les autres, il n'y avait qu'un pas. Il le franchit vite. Type complet de l'autodidacte illuminé, il se mit à écrire la nouvelle révélation. C'est un mélange de considérations métaphysiques et religieuses d'un vague et d'un confus surprenants. Et pourtant, ces phrases fuligineuses exercèrent un grand attrait sur les masses populaires.
        Le Père Antoine obtint d'ailleurs plusieurs guérisons. Les fidèles se pressèrent si nombreux autour de lui qu'un temple magnifique s'éleva bientôt à Jemmapes. Lorsque le père mourut, le chef de la religion fut la mère. Dans chaque temple, le desservant prend le nom d'adepte. Il faut lui rendre cette justice qu'il est toujours désintéressé. Les Antoinistes sont de braves gens convaincus et leurs prêtres méprisent l'argent.

    « Priez et Dieu vous guérira... »

        De nombreux consultants se trouvaient dans la chapelle quand j'y arrivai. La demoiselle en noir que j'avais déjà vue la veille se mit à lire les dix principes de Dieu, qu'elle termina en déclarant d'une voix ferme :
        – Mes frères, au nom du Père, merci !
        Puis on se mit à prier, ensuite de quoi les malades passèrent dans ce que l'on peut appeler la sacristie. L'adepte vérifiait le nom de chaque consultant, car ces noms sont transmis à Jemmapes, ainsi que dans les autres centres où il existe des temples antoinistes, afin que les fidèles puissent prier pour tel cas déterminé.
        – Courage, mon frère, conseilla l'adepte à un vieillard perclus de rhumatismes. Vous savez ce que le Père a déclaré : un seul remède peut guérir l'humanité : La Foi ! C'est de la Foi que naît l'amour, qui nous montre dans nos ennemis Dieu lui-même. Par conséquent, aimez vos ennemis plus que tout au monde !
        – Oui, oui, j'essaierai, fit le bon homme.
        – Il ne faut pas essayer, il faut le faire. Rappelez-vous que les plaies du corps ne sont que les conséquences des plaies de l'âme. Priez, priez, mon frère. Et Dieu vous guérira !
        Le rhumatisant s'en alla tout réconforté. Mais il boîtait toujours en marchant.

    JEAN DORSENNE. 

    (A suivre)

    Le Journal, 4 février 1938


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