• Hermann Hesse - Les antinomies

        Mais tu ne devras jamais oublier ce que je t'ai dit souvent : nous sommes faits pour reconnaître avec précision les antinomies, tout d'abord en leur qualité d'antinomies, mais ensuite en tant que pôles d'une unité. Il en est également ainsi du Jeu des perles de verre. Les natures d'artistes en sont éprises, parce qu'on peu y faire montre d'imagination ; les esprits rigoureusement scientifiques et spécialisés le méprisent - et avec eux beaucoup de musiciens - sous prétexte qu'il lui manque ce degré de rigueur dans la discipline où peuvent atteindre les sciences particulières. Soit, tu apprendras à connaître ces antinomies et tu découvriras avec le temps que ce ne sont pas là des antinomies d'objets, mais celles des sujets, que par exemple un artiste qui fait oeuvre d'imagination évite les mathématiques pures et la logique non parce qu'il a décelé quelque chose en elles, ni parce qu'il y trouve à redire, mais parce que d'instinct il est porté ailleurs. Tu pourras, à ce genre d'inclinations et de répugnances instinctives et violentes, reconnaître avec sûreté les âmes mesquines. Dans la réalité, c'est-à-dire chez les âmes grandes et les esprits supérieurs, ces passions n'existent pas. Chacun de nous n'est rien de plus qu'humain, rien de plus qu'un essai, une étape. Mais cette étape doit le conduire vers le lieu où se trouve la perfection, il doit tendre vers le centre et non vers la périphérie.

    Hermann Hesse, Le Jeu des perles de verre, p.141-42
    Le Livre de Poche, Calmann-Lévy, Paris, 1943


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