• La cerise de Berkeley

        Je vois cette cerise, je la sens, je la goûte : or je suis sûr que rien ne peut être ni vu, ni goûté, ni touché ; donc, elle est réelle. Supprimez les sensations de douceur, d'humidité, de rougeur, d'acidité, et vous supprimez la cerise. Puisqu'elle n'est pas une existence distincte des sensations, je dis qu'une cerise n'est rien de plus qu'un agrégat d'impressions sensibles, ou d'idées perçues par des sens différents : idées qui sont unifiées en une seule chose par l'intelligence ; et cela, parce qu'on a observé qu'elles s'accompagnent l'une l'autre. Quand j'ai certaines impressions déterminées de la vue, du tact, du goût, je suis sûr que la cerise existe ou qu'elle est réelle ; sa réalité, d'après moi, n'étant rien, si on l'abstrait de ces sensation. Mais si, par le mot cerise, vous entendez une nature inconnue, distincte de toutes ces qualités sensibles, et par son existence quelque chose de distinct de la perception qu'on en a, je l'avoue, ni vous, ni moi, ni personne au monde ne peut être assuré qu'elle existe.
    [...]
        Cependant, qu'on y prenne garde, Berkeley prétend bienne point nier l'existence des choses. [...] Si le feu réel diffère beaucoup de l'idée de feu, la douleur réelle qu'il occasionne est aussi très différente de l'idée de cette même douleur ; et cependant personne ne prétendra que la douleur existe ou puisse exister en une substance non percevante, pas plus qe l'idée de douleur. Il en est donc de même pour le feu réel. Ces différences n'entraîne pas d'existence indépendantes.
    [...]
        Puisque les choses sont et qu'elles ne sont d'autant que perçues, une question de première importance se pose : Quand elles ne son pas perçues, que sont les choses ? C'est bien simple. Du moment qu'elles ne sont pas effectivement perçues par moi, qu'elles n'existent pas dans ma pensée (in my mind), ou dans celle de quelque autre esprit créé (created spirit), il faut de toute nécessité, ou qu'elles n'aient aucune sorte d'existence, ou qu'elles existent dans la pensée (mind) de quelque esprit (spirit) éternel. Car il n'y a pas d'autre substance que l'esprit ou ce qui perçoit. Quand je ne perçois pas, avant ma naissance, après ma mort, les choses étaient perçues dans quelque intelligence ; les intelligences créées pouvant défaillir ou disparaître, "il s'ensuit nécessairement qu'il y a une intelligence omniprésente et éternelle qui connaît et embrasse toutes choses, et les présente à notre vue d'une certaine manière, suivant certaines règles qu'Elle a Elle-même établies, et qui sont appelées par nous les lois de la nature." Dieu est donc cause directe de nos perceptions. il n'y a pas de meilleure preuve de l'existence de Dieu que le fait de nos perceptions. "Je conclus immédiatement et nécessairement l'existence d'un Dieu de ce que toutes les choses sensibles doivent ête perçues par Lui."
    [...]
        Aussi bien, pour parfaire la théorie, Berkeley pose un double état de choses, l'un ectypal ou naturel, l'autre archétypal ou éternel." Le premier a été créé dans le temps, l'autre a existé de tout temps dans l'intelligence divine. [...] La présence des coses dans la pensée divine explique seule, en fin de compte, l'identité des objets sensibles et assure la véracité des sens. L'existence de Dieu nous certifie l'existence des choses. L'ordre logique explique et domine l'ordre physique. L'immatérialisme apparaît à Berkeley la plus irréfutable réponse à l'athéisme.


        in Dialogues entre Hylas et Philonous
        Jean Didier, Berkeley, V, la matière


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