• Le Père Dor en Correctionnelle (La Région de Charleroi, 23 novembre 1916)(belgicapress.be)

    Le Père Dor en Correctionnelle (La Région de Charleroi, 23 novembre 1916)(belgicapress.be)

    Chronique des Tribunaux

    Tribunal correctionnel de Charleroi
    Audience du 22 novembre

    Le Père Dor en Correctionnelle

    LES ALEAS DE LA DIVINITÉ

        Dès 6 heures et demie du matin, nombre de personnes se pressent déjà devant les portes, encore closes du Palais de justice.
        Toutes sont désireuses d'être placées de façon à voir le Christ réincarné et d'entendre la suite de la plaidoirie de Me Lucien Lebeau.
        Le prévenu prend place à son banc quelques instants avant l'ouverture de l'audience.
        La parole est continuée à Me Lucien Lebeau, premier défenseur du prévenu.
        L'honorable avocat rappelle qu'à la dernière audience il en était à la démonstration de la sincérité du Père Dor.
        Celui-ci a mis ses actes en concordance avec ses principes.
        Il reste à dire que la pensée de M. Dor a été de fournir à ses adeptes un aliment sain en recommandant la margarine « Era ».
        La firme Vandenberg's Limited avait le monopole de la vente. Le prévenu n'a en aucune idée de lucre.
        Il est évident qu'un autre personnage n'aurait eu en vue que de gagner de l'argent.
        Comment peut-on concilier pareillement mentalité avec celle d'un épervier, oiseau de proie ?
        Dans ces conditions, le tribunal voudra-t-il faire des difficultés pour reconnaître la sincérité de M. Dor ? Non, n'est-ce pas.
        Personnellement, Me Lebeau avait tenu, au début, en suspicion la sincérité du prévenu, mais lorsqu'il connut la vie de M. Dor, il ne pensa plus ainsi.
        Il y aussi le fait Delcroix. M. Delcroix avait offert à M. Dor une somme de 5.000 francs pour avoir guéri son épouse.
        M. Dor a refusé. Le témoin a déclaré que si le prévenu avait insisté pour en obtenir 10.000, il les aurait donnés volontiers.
        Voilà donc M. Dor qui refuse alors que de bon gré on voulait lui donner de l'argent. Voilà un singulier escroc ! Les Chartier se plaignent que M. Dor leur a escroqué de l'argent sous la menace de douleurs morales, alors qu'il refuse de l'argent – 10,000 francs – qu'on lui offre.
        De pareils exemples ne peuvent pas se concilier avec are intention cupide de la part de M. Dor.
        Il règne dans la sphère des adeptes du Père Dor, la conviction qu'on ne pouvait pas offrir de l'argent.
        Me Gerard. – Il était bien triste lorsqu'on mettait des boutons de culotte dans le tronc ?
        Me Lucien Lebeau. – Il ne voulait pas être l'objet de plaisanteries.
        Me Bonehill. – Pourquoi votre client a-t-il accepté notre argent ?
        Me Lebeau. – Mais ne m'interrompez pas, je vous prie.
        Me Bonehill. – Pendant ma plaidoirie, vous m'avez interrompu continuellement, à tel point que Me Morichar a dû vous engager à vous asseoir.
        Me Lebeau. – Puisqu'alors vous protestiez, prêchés maintenant d'exemple. (Rires).
        M. le Président. – C'est cependant ce que vous devriez plaider : c'est ce point que signale Me Bonehill.
        Me Bonehill. – Absolument.
        Me Lebeau. – J'y viendrai mais il y a deux faits : l'escroquerie morale et la matérielle.
        Il régnait donc parmi les Doristes l'opinion qu'il ne fallait rien donner.
        Il est évident que M. Dor avait inspiré à ses adeptes le mépris de l'argent, mais non à son avantage.
        L'honorable défenseur rappelle le cas de M. Muylaerts dont la femme avait fait un don anonyme de 150 francs que M. Dor a fait rependre à la suite de son prêche.
        Le fait d'avoir mis un tronc dont le contenu devait servir à la construction de la salle est parfaitement logique et ne constitue pas une escroquerie.
        Les avis qu'il publiait étaient significatifs à cet égard. Chaque geste du Père Dor, constitue au contraire, un geste repoussant l'argent.
        M. Dor est réellement un croyant, un illuminé qui ne croit pas à la valeur de l'argent.
        Il tient en justice autre chose que des affirmations toutes gratuites.
        M. Dor est, au contraire, un homme naïf.
        Il a commis des maladresses qui jurent avec la prévention dont on l'accable. Dans l'affaire de la margarine il se compromet sans profit pour lui. La brochure qu'il a faite en 1915 à l'occasion de son procès constitue une nouvelle maladresse.
        Il y a écrit que ses adeptes devaient déposer en toute sincérité et il a envoyé cette brochure à la plupart des magistrats. S'il avait voulu prescrire à ses adeptes un faux témoignage, il l'aurait fait de personne à personne, on sait que les femmes, même doristes, sont des bavardes. (Hilarité.)
        Me Gérard. – Alors pourquoi demandait-il à ses adeptes de lui communiquer par écrit les témoignages qu'ils allaient faire devant le tribunal ? Pour tirer les meilleurs sans doute ?
        Me Lebeau. – Non, non ; M. Dor est monté en chair, il devait parler et il a parlé.
        Me Gérard. – A bon entendeur, salut.
        Me Lebeau. – M. Dor fait placarder une affiche invitant les personnes désireuses de faire une bonne œuvre de faire un don pour le chauffage de la salle. Il faisait donc tout au grand jour, et on a représenté cet homme comme un être tortueux.
        M. Dor a bien dit un jour à M. Chartier qu'il avait un tempérament apoplectique, mais il y a une nuance avec l'insinuation du témoin Chartier qui a affirmé que le prévenu l'avait menacé d'apoplexie.
        J'ai déjà entendu des gens qui disaient : « Il faut être stupide pour aller à la messe ». J'ai trouvé ce raisonnement stupide, car les personnes qui ont la foi sont des fonctionnaires, des commerçants pour qui le fait d'aller à la messe constitue un gage de succès dans leur avancement ou dans leurs affaires.
        Il en est de même pour les Doristes parmi lesquels nous voyons un officier de police et des artisans.
        Un témoin est venu dire : « Oui je crois que M. Dor est le Christ réincarné et qu'il est ici comme il était devant an tribunal il y a 2000 ans. »
        Et bien ce témoin était sincère.
        Me Gérard. – Et ce témoin s'est rétracté au sujet des bandages herniaires.
        Me Lebeau. – J'y viendrai, tous les témoins Doristes étaient sincères.
        Quand j'ai demandé à M. Muylaerts s'il savait qu'il y avait une seconde édition du livre « le Christ parle à nouveau », le témoin a répondu : « Je crois que... » Les mots « je crois que » prouvent la sincérité du témoin.
        Le chef et le fondateur de cette petite église est M. Dor.
        Cette église a un noyau d'adeptes, 8,000 je crois.
        Le prévenu. – 15,000.
        Me Gerard. – Le boudhisme en a 500 millions.
        Me Lebeau. – Toutes les personnes qui rendent journellement visite au Père Dor sont donc des adeptes qui étaient malades physiquement avant de l'être moralement.
        Me Gérard. – Je retiens l'aveu.
        Me Lebeau. – Ne m'interrompez pas ainsi, je vous prie. Toutes ces personnes sont donc des adeptes qui viennent se confier au fondateur de l'Ecole morale.
        Il dit lui-même dans une brochure que ses adeptes viennent régulièrement le consulter pour entretenir leur loi dans sa morale. Outre les consultations individuelles, il y a aussi des réunions publiques collectives.
        En outre, il y a de petits cénacles pour la lecture. Ceci évoque les réunions de protestants pour lire la Bible.
        Le culte Doriste est donc semblable à tous les autres cultes.
        Il est à remarquer que le droit de croire est accompagné du droit d'organiser des manifestations extérieures sans pouvoir être interdit ni poursuivi.
        M. le Président. – Nous sommes tous d'accord là-dessus.
        Me Lebeau. – Pour exercer ce culte, on peut ouvrir un temple ou une église.
        Il y a les cultes reconnus et les cultes non reconnus, mais leur liberté, à l'un comme à l'autre, est garantie par l'article 14 de la Constitution.
        Dès qu'on professe une foi, il faut un temple, des réunions, du charbon et dès lors il y a un problème financier et M. Dor avait le droit de le résoudre.
        M. Dor avait donc besoin d'argent et il a mis un tronc dont l'argent a servi à l'édification de la salle.
        Cette dernière ayant été construite, le tronc fut enlevé et cependant il avait le droit de le garder ; il est impossible qu'il put vivre d'un autre métier. Ceux qui ont le droit de demander des comptes à M. Dor ce sont les gens qui lui ont donné de l'argent.
        Le tribunal doit s'incliner devant cette petite église parce qu'elle échappe à sa compétence. S'il y avait des manœuvres basses et grossières pour gruger des imbéciles, le tribunal aurait quelque chose à y voir.
        Je comprendrais poursuivre des imposteurs tels que le bon Dieu de Ressaix et autres personnes n'appartenant à aucun culte et qui cependant s'occupent de guérir. Dans le cas présent, M. Dor est le chef d'une église et d'une doctrine.
        Dire que cette doctrine n'est pas vraie et la condamner atteindrait les adeptes dans leurs convictions les plus chères.
        Me Lebeau aborde enfin l'examen de manœuvres frauduleuses que l'on reproche à M. Dor.
        Il s'étonne qu'on ait poursuivi ce dernier.
         Les Doristes ont une morale qu'ils s'efforcent de pratiquer.
        Il est injuste de chicaner M. Dor qui, au lieu d'ouvrir un cinéma, un café ou une maison de prostitution a ouvert une école morale où il enseigne une morale supérieure pour le plus grand nombre de ces innombrables personnes qui la fréquentent.
        Il eut mieux valu s'inspirer des procédés usités en Amérique et en Angleterre, qui laissent en paix ces petits cultes ; dans ces pays, on n'est pas plus catholique que le pape. Pourquoi, ici, réclamer sur une question de quelques pièces de cent sous ?
        On a dit que Dor est un charlatan. On réclame de lui les qualités contraires à celles qui sont nécessaires pour réaliser une œuvre comme la sienne.
        Cette œuvre suppose une conviction que les idées que l'on a sont supérieures à celles des autres. S'ils n'avaient pas cette conviction, les Doristes ne seraient pas ce qu'ils sont.
        Ils ont des expressions qui leur sont propres, Luther s'est attaqué au pape, il a soutenu à la face du monde qu'il était l'Ante-Christ ; il avait en lui une confiance extraordinaire, il a réussi et de par son influence il a même provoqué des guerres.
        Il arrive souvent aux fondateurs de religions qu'ils ont l'impression que leurs idées viennent du ciel et ce à cause de l'intensité de leurs convictions. Ils ont des visions et c'est ainsi que Mahomet a fort bien pu dire qu'il avait reçu la visite de l'ange Gabriel...
        Par une intention honnête, M. Dor a dit : « Le Christ parle à nouveau » et il était sincère quand il s'est dit le Christ réincarné, le Messie du 20e siècle.
        Il n'a ici aucune intention frauduleuse en s'appelant de la sorte.
        C'est l'ordre religieux avec des exagérations, avec des emphases.
        Le tribunal l'admettra comme naturel.
        M. le procureur du roi doit démontrer au moyen d'autres arguments qu'il y a intention frauduleuse. On reproche à M. Dor un esprit de lucre. Ici encore il y a une déduction fausse.
        Le prophète est souvent dépourvu de délicatesse et de goût, car parlant aux foules, il emploie un langage spécial et imaginé destiné à faire impression.
        On se demande comment le Père Dor a mis au bas de la première page de son livre que la base de ses principes était l'amour du Bien.
        Si M. Dor était un réel charlatan, il eut plutôt écrit : « Guérison certaine, concurrence impossible » ; chez les Salutistes, l'allure réclamière se confond avec l'allure commerciale.
        Encore une fois, la thèse de M. le Procureur du Roi devrait prouver qu'il y avait un intérêt cupide.
        En réalité, il faut prendre l'homme dans son ensemble. Les qualités s'accompagnent immanquablement de défauts.
        On est descendu encore plus bas dans les objections. On lui a reproché son costume. C'est un argument qui ne prouve rien.
        Le choix de notre costume, le choix de la coupe de cheveux et de la barbe ; c'est le reflet de nos idées et de nos caprices personnels.
        M. Dor, notamment, qui est convaincu qu'il est dépositaire de la doctrine du Christ, a cru tout naturel de se vêtir et de se « croquer » à la mode de ce dernier.
        L'allure extérieure de son costume d'apôtre le maintient dans son rôle. Nous ne sommes pas seulement une âme, mais aussi un corps.
        Toutefois, il ne faut pas croire que le port de cet habit influe d'une façon exagérée sur l'esprit des adeptes.
        Me Bonehill a entamé là-dessus un couplet...
        Me Bonehill. – Et vous, vous entamez le refrain. (Rires).
        Me Lebeau... fort fallacieux destiné à abaisser les idées de morale de M. Dor.
        Celui-ci invite la personne qui vient le trouver à avoir un ton sérieux.
        M. Dor fait quelques gestes rudimentaires, il n'y a ni feux de rampe, ni vitraux, ni jet de lumière.
        Ces cérémonies rudimentaires s'exerçant dans un temple, dans un milieu spécial, ne constituent pas une intention frauduleuse.
        M. Dor veut convertir des âmes à un culte. Il y a les robes d'avocats.
        Me Bonehill. – Ne déconsidérez pas notre robe.
        Me Lebeau. – L'esprit des croyants doit être impressionné.
        M. Dor fait un minimum de cérémonie : c'est son droit. 0n lui reproche qu'il s'attribue le pouvoir de guérir, mais les adeptes reconnaissent que le Père Dor soulage simplement.
        Lorsque M. Dor dit que recevant des malades, il les soulage, ment-il ? Non puisque Me Gérard a reconnu que le prévenu avait un fluide particulier.
        A cet égard il est utile de rappeler les poursuites dont fut l'objet Antoine le Guérisseur et le Parquet de Liége peut être plus avisé que celui de Charleroi, a délégué deux médecins qui ont interrogé le Père Antoine et divers de ses adeptes se disant guéries.
        Ces docteurs se sont acquittés de leur tâche avec une grande conscience.
        Ils admettent la sincérité du Père Antoine et reconnaissent certaines guérisons jugées impossibles dans certains cabinets de docteurs.
        Le père Antoine n'était donc pas un imposteur ni un escroc, mais bien un homme sincère.
        Le tribunal s'inspirera des conclusions de ce rapport et ne frappera pas le Père Dor.
        M. Dor ne dit même pas qu'il guérit les gens, mais dit au contraire que ces derniers sont soulagés mais non guéris. Vous seuls pouvez vous guérir par effort personnel.
        Un charlatan tiendrait un autre raisonnement, profiterait du premier mouvement d'extase du malade pour le persuader de sa guérison radicale.
        M. Dor conseille alors de suivre les instructions contenues dans son livre.
        Dans l'esprit de M. Dor, la guérison véritable, c'est de faire disparaître la cause et on n'y arrive qu'en pratiquant sa morale.
        Il s'intitule le guérisseur des âmes souffrantes. Si on le consulte comme guérisseur de maux physiques, pour ensuite aller se replonger dans les plaisirs malsains, M. Dor déclare lui-même que tel n'est pas son pouvoir, car il ne fait que soulager, mais ne guérit pas.
        Le travail du charlatan a pour but de soutirer de l'argent et dans ce but ne sous évalue pas son travail. Il promettra le maximum d'effet avec le minimum d'efforts.
        M. Dor fait le contraire ; la pratique de sa morale est extrêmement dure et sévère. Il exige de ses adeptes un effort absolument surhumain.
        La conséquence en est que la façon d'agir de M. Dor est contraire à celle des charlatans.
        Le petit miracle qu'il réalise par le soulagement momentané, il en détruit de suite l'impression dans l'esprit de son adepte à qui il impose sa doctrine morale.
        S'il guérit, s'il soulage, on a dit que c'était au moyen de son fluide. Ceci est une blague.
        Par fluide, qu'entend M. Dor ? C'est un mot qu'il a emprunté à la science spirite.
        Il parle du fluide homme, fluide de colère, etc.
        Il veut dire que ce sont des essences qui dégagent certaines influences.
        Il veut parler de son influence à la fois morale et physique.
        Le corps de l'homme a des nerfs et il est indéniable qu'il dégage une influence morale.
        Me Lebeau parle de l'opération individuelle reprochée au prévenu.
        Me Bonehill. – Parlez-nous de la pompe foulante.
        Me Gérard... et aspirante.
        Me Lebeau. – J'en parlerai tantôt.
        Me Bonehill. Vous allez toujours parler de tout et vous n'en faites rien. Vous n'avez pas encore rencontré la prévention.
        Me Lebeau. – Je suis convaincu du contraire. Le grand mérite du Père Dor est qu'il dit aux gens qu'il guérit qu'il y est arrivé parce qu'il était mû à leur égard de grands sentiments de charité.
        C'est donc dire à ces personnes : pratiquez la charité et alors vous complèterez votre guérison.
        Cette théorie a pour eux un effet foudroyant et la pratique de ce principe amène un résultat étonnant.
        Aux docteurs il manque cet ascendant moral que possède M. Dor à la suite de circonstances particulières.
        Les Doristes ont pour M. Dor une reconnaissance qui va jusqu'au délire.
        Il n'y a pas eu de pratiques mystérieuses.
        Me Gérard. – Parlez nous de l'eau salée ?
        Me Lebeau. – Nous en parlerons, soyez tranquille, et vous verrez que l'eau salée se dessalera.
        L'honorable avocat rappelle les dépositions des témoins à décharge qui tous ont dit qu'il n'y avait pas de passes magnétiques, que M. Dor n'employait aucune manœuvre spéciale et qu'il n'y a pas d'opération individuelle.
        La pose du Père Dor est une pose évangélique. L'opération générale est celle qui est faite pour les vivants et les morts.
        Il ne s'agit pas de guérison : c'est la célébration de la fête de la Toussaint, fête catholique.
        Le jour de la célébration de cette fête, il y a chez les Doristes un sentiment de pieux souvenir à l'adresse de ceux qui sont morts.
        M. Dor n'a rien innové, mais il a trouvé en lui-même des notions d'amour et de bien.
        Le sentiment religieux est un sentiment excessif qui pousse l'adepte à un élan furieux qui aboutit parfois à un sacrifice personnel ; ils ne sont pourtant pas fous. Qu'étaient-ce les chrétiens dans les temps primitifs ?
        Ces gens étaient les esclaves pauvres et misérables, ils étaient traqués et se réunissaient dans les catacombes où ils célébraient le culte à l'intention du Christ leur sauveur, dans les yeux ils avaient les éclairs de la foi religieuse.
        Les Doristes sont mus par ce même sentiment et le transport de ces gens est dicté par leur reconnaissance envers le père Dor qui les a délivrés d'un esclavage moral. Vous devez admettre la sincérité de M. Dor qui tient beaucoup plus à son rêve qu'à l'argent.
        Lorsque les adeptes achetaient un livre, c'était dans l'intention non de rémunérer M. Dor, mais bien dans le but de s'initier à sa doctrine. Le livre précieux contenant les principes du Père Dor constitue pour ses adeptes un livre évangélique.
        Il est établi que M. Dor ne demandait à personne d'acheter ce livre.
        Seuls, les époux Chartier et Mme Delisée ont prétendu le contraire.
        Le prévenu n'a même plus voulu, à un certain moment, qu'on vendit le livre. Ces gens savaient cependant que le Père Dor réalisait un bénéfice sur la vente des livres, mais ils n'ignoraient pas que M. Dor devait vivre et ils savaient qu'ils l'aidaient de la sorte.
        Depuis la guerre, le colportage a complètement cessé.
        Qui vendaient les brochures ? Mais précisément les époux Chartier et Mme Delisée. Pour acheter les brochures, on devait s'adresser à cette dernière et si M. Dor avait tenu à exploiter cette vente, à la forcer même, il eut donné des instructions dans ce sens à Mme Delisée ; or, celle-ci, n'en a jamais rien dit. M. Dor n'a donc jamais eu cette pensée : celle de s'enrichir.
        Ce qu'il demande à la vente de ces brochures, c'est de gagner de quoi vivre.
        Le désintéressement et la sincérité de M. Dor sont une fois de plus démontrés.
        L'audience est levée à midi 45 ; elle sera reprise mercredi prochain à 9 heures du matin.
        Me Lebeau a déclaré en avoir encore pour deux bonnes heures.
        La sortie du Palais se fait dans le calme le plus complet, mais dès que Pierre Dor paraît ce sont des huées et des coups de sifflet à son adresse.
        Suivi d'une foule d'environ 1500 personnes, le prévenu entouré de quelques partisans se dirige vers la gare de Charleroi-Sud.                                       RASAM

    La Région de Charleroi, 23 novembre 1916 (source : belgicapress.be)


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