• Le secret médical

        La notion de secret [médical] est rendue complexe à cause de deux obligations contradictoires. D'après le Code de  déontologie, le secret médical n'est pas opposable au patient lui-même : l'article 35 stipule en effet que le médecin doit donner au patient "une information loyale, claire et appropriée". Malheureusement, ce même article, dans l'alinéa suivant, dit aussi que "dans l'intérêt du malade et pour des raisons légitimes que la praticien apprécie en conscience, [le médecin peut tenir celui-ci] dans l'ignorance d'un diagnostique ou d'un pronostic graves"... Il énonce donc explicitement qu'un médecin est a priori mieux à même de juger de l'intérêt d'un citoyen que ce citoyen lui-même - donc de décider ou non de lui révéler ce qu'il sait - dès lors que ce citoyen s'est confié à lui. Cette latitude laissée au médecin d'apprécier "en conscience" ce qu'il va dire ou on dénature profondément la notion de secret médical, puisque le médecin est ainsi présenté comme ayant une autorité morale supérieure à celle du premier intéressé.
    [...]
        L'obligation d'informer la famille et les proches n'est en principe prévue par le Code de déontologie médicale que dans les cas suivants : malade hors d'état d'exprimer sa volonté (article 36), mineur ou incapable majeur (article 42), acte portant atteinte à 'intégrité corporelle (article 41). En dehors de ces cas précis, le médecin est cependant autorisé à taire "en conscience" au patient la vérité sur son état et, simultanément, à enfreindre le secret médical en révélant cet état à la famille. L'article 35, par ses deux alinéas contradictoire, autorise finalement le médecin à faire... ce qu'il veut ! Cette liberté exorbitante présuppose que le médecin sache toujours ce qu'il convient de faire. Or, rien n'est moins sûr. A mon sens, un praticien qui tait l'existence d'une maladie mortelle à un patient et l'annonce à son conjoint commet dans tous les cas une grave erreur. En cachant la vérité au malade, il empêche toute communication franche et directe de celui-ci avec son entourage.
    [...]
        Même si aujourd'hui la règle consiste à donner au patient tous les éléments sur son état, à l'accompagner moralement et à le faire participer aux décisions le concernant, cette attitude de franchise et de partage n'est pas - il s'en faut de beaucoup - une généralité dans la profession médicale française.

    Martin Winckler, C'est grave docteur ?,
    Ce que disent les patients, ce qu'entendent les médecins, p.50-51, p.55, p.49
    Editions de La Martinière, Paris, 2002


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