• Liqueur de Koene (Eau de goudron)

    GOUDRON. C'est un produit de la combustion lente du bois de plusieurs espèces de pins, et particulièrement du pinus maritima et du pinus sylvestris. Quand les troncs de ces arbres ont été épuisés de térébenthine, on dresse leurs fragmens au dessus d'une fosse conique, puis on les couvre de gazon et on y met le feu. Le goudron s'écoule dans la fosse, et de là est conduit par un canal dans un récipient. Cette substance se compose de résine mêlée d'huile essentielle, le tout à moitié, brûlé d'acide pyroligneux et de beaucoup d'impuretés.
        On s'est servi du goudron en fumigations, en frictions, et pour la préparation d'une eau qu'on administre à l'intérieur.
        Les fumigations de goudron ont été préconisées contre la phthisie pulmonaire. Le docteur Madge, médecin anglais, avait, en 1780, attribué les avantages que quelques phthisiques retirent des voyages sur mer à la vapeur de goudron qu'ils respirent à bord du vaisseau. Depuis cette époque, le docteur Alex. Cricoton a publié un Essai sur l'emploi de la vapeur du goudron contre la phthisie pulmonaire, dans lequel il rend compte des essais, quelquefois heureux, tentés par lui avec ce médicament. Il tenait nuit et jour dans la chambre du malade un vase où le goudron, échauffé par une lampe, subissait une lente ébullition. Tous les jours on nettoyait le vase et on renouvelait son contenu. Ayant remarqué que la vapeur de l'acide pyroligneux excitait la toux, le docteur Crichton neutralisait cet acide en ajoutant une once de sous-carbonate de potasse à chaque livre de goudron.
        Un chirurgien anglais nommé Colville, a rapporté en, 1814, dans le Journal d'Edimbourg, qu'une jeune fille avait été délivrée d'une affection rhumatismale par des frictions avec le goudron. Il a aussi publié l'observation d'une névralgie faciale qui avait résisté à des moyens actifs et que quelques frictions faites sur la face avec le goudron ont promptement guérie.
        L'eau de goudron se prépare ordinairement en faisant macérer pendant huit jours une once de goudron dans une pinte d'eau. On agite fréquemment ce mélange puis on le filtre et on conserve le liquide dans des bouteilles bien bouchées. Pendant cette macération, le goudron cède particulièrement à l'eau l'acide qu'il contient. Ainsi préparée, cette eau, dont la saveur est assez désagréable, se donne pure ou édulcorée ou coupée avec du lait. Sa dose est depuis huit onces jusqu'à plusieurs livres par jour.
        L'introduction de l'eau de goudron dans l'appareil digestif aurait pour effet immédiat chez les uns d'exciter l'appétit, chez quelques autres de causer des nausées, des vomissemens et de la diarrhée. Elle provoquerait en outre la sécrétion des urines, la transpiration cutanée et produirait une stimulation des diverses membranes muqueuses.
        Les auteurs ont particulièrement recommandé l'eau de goudron contre le catarrhe chronique de la vessie, la bronchite chronique, l'asthme, la phthisie pulmonaire, certaines affections chroniques de la peau, les syphilis invétérées, le scorbut, le rhumatisme, la dyspepsie, etc.
        C'est au docteur Erich Acharius qu'on doit les essais les plus suivis avec l'eau de goudron. Il la préparait en mêlant deux livres de goudron et quatre livres d'eau. Au bout de douze heures au moins, on décantait et le liquide recueilli était administré à la dose d'une à trois livres par jour. Il l'employa tant intérieurement qu'extérieurement dans l'hôpital de Stockholm, chez cinquante malades tous affectés de syphilides invétérées, comme ulcères rongeans, douleurs ostéocopes, exostoses, périostoses, etc. ; vingt-quatre de ces malades ont été radicalement guéris par ce seul remède; treize autres, à qui on avait administré précédemment le mercure sans aucun effet, furent guéris par l'adjonction de l'eau de goudron à ce médicament. Chez sept autres, qu'on avait traites en vain par l'acide nitrique et la pommade oxigénée, l'emploi combiné de ces agens et de l'eau de goudron atteignit parfaitement le but; onze malades guéris par l'eau de goudron furent ensuite soumis par précaution à un traitement mercuriel. Chez dix-huit malades, cette eau seule n'ayant pas suffi, on dut avoir recours au mercure. Le docteur Acharius conclut de ses expériences que l'eau de goudron mérite la plus grande attention dans le traitement des syphilides invétérées, soit comme moyen principal, soit comme auxiliaire des mercuriaux.
        La nature de l'eau de goudron, et ce que les auteurs ont dit de ses propriétés, indiquent qu'elle a pu réussir et qu'on pourrait encore l'utiliser. L'abandon presque complet de ce médicament montre aussi qu'il a dû souvent échouer. Pour fixer sa valeur, il faudrait de nouvelles expériences qui prendraient leur point de départ dans les travaux antérieurs. Il conviendrait aussi de rechercher si l'addition directe à l'eau, de l'acide contenu dans le goudron, remplacerait avec avantage, comme Cullen et Reid l'ont prétendu, la préparation actuelle de l'eau de goudron. Il n'y a non plus aucune conclusion pratique à tirer, dans l'état actuel de la science, de ce qu'on a écrit sur les fumigations et les frictions faites avec le goudron.           (Léop. DESLANDES.)

     

    Dictionnaire de médecine et de chirurgie pratiques Par G. Andral, 1833, p.231 (Google Books)


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