• Pierre Debouxhtay (1895-1952)

    Pierre Debouxhtay (1895-1952)

        Pierre Debouxhtay (1895-1952), membre de la Société Archéo-Historique de Visé et conservateur en chef de la bibliothèque centrale de la ville de Liège ainsi que professeur de l'Université de Liège. Mort brusquement le 6 mars 1952.

        Auteur de livres d'histoire souvent religieuse, notamment de "Le Saint-Simonisme à Liège et à Verviers en 1831", d'une "Histoire de Nivelle-sur-Meuse et de l'Ancienne paroisse de Lixhe" (en collaboration avec le curé de Lixhe, Floribert Dubois), de "Les débuts du pensionnat Rogier à Liège", ou "Les jésuites à Liège au XVIe siècle" mais aussi de divers articles sur l'histoire de la région de Liège.
        Il est surtout l'auteur en 1934 d'Antoine le guérisseur et l'antoinisme : les faits d'après des documents inédits et un peu plus tard de l'Antoinisme, en 1945.
        Auteur qui semble proche du milieu catholique, mais que cela n'influencera pas quand il se prononcera sur l'antoinisme en tant qu'historien.

  • La vie bizarre d'Antoine le guérisseur (Le Soir, 9 juin 1934)(Belgicapress)La vie bizarre d'Antoine le guérisseur

        On a déjà beaucoup écrit sur l'antoinisme et sur son fondateur. Mais, jusqu'à présent, nous ne possédions guère d'étude d'ensemble, vraiment objective. On voici une qui nous paraît bien intéressante et que M. Pierre Debouxhtay, docteur en philosophie et lettres, publie chez l'éditeur liégeois Fernand Gothier. Le travail est d'ordre hiérographique ; il enregistre des faits, retrace le développement de l'antoinisme, analyse fidèlement les doctrines en se fondant sur une masse compacte, trop compacte, de documents inédits.
        Qui est Antoine ? Qu'est-ce que l'antoinisme ?
        Pour le président de la Fédération spirite belge, qui a des raisons pour ne point être de sang-froid, « la théosophie comme l'antoinisme sont deux tiges parasites venues sur l'arbre sain et fort du spiritisme. Mme Blavatzky, comme M. Antoine, ont tous deux été instruits, développés, élevés par la pratique de la médiumnité ; à un moment donné, pour devenir les chefs personnels d'un mouvement de croyances, ils ont tous deux abandonné l'expérimentation et se sont mis à endoctriner leur entourage en parlant de leur propre autorité, selon ce que leur petit jugement personnel leur permettait d'imaginer ».
        Appréciation de partisan. Antoine est-il mieux que cela ? Nous nous garderons bien de répondre à cette question. Ce que nous avons, c'est qu'il naquit en juin 1816, à deux lieues de Liége, au hameau de Mons, qui faisait partie alors de la commune de Flémalle-Grande et qui appartient aujourd'hui à Mons-Crotteux. Fils d'un houilleur, Louis-Joseph Antoine fit ses études primaires, puis travailla dans la mine. Il devint ensuite ouvrier métallurgiste. Pourquoi ? Parce qu'il souffre de l'estomac, disent d'aucuns ; parce qu'il est sujet, prétendent d'autres personnes, à des phénomènes bizarres : par exemple, sa lampe s'éteint toute seule, sans cause apparente, tandis que celles de ses compagnons demeurent allumées...
        Tour à tour, machiniste, marteleur, encaisseur, assureur, Antoine se tire toujours d'affaire, car cet autodidacte au cœur sensible et scrupuleux est un débrouillard. Après avoir accompli son service militaire à Bruges, il est rappelé sous les drapeaux lors de la guerre franco-allemande et, au cours d'une manœuvre, accidentellement, il tue un soldat, ce qui l'impressionne vivement.
        La guerre finie, Antoine va travailler en Prusse où il prend connaissance, dit-on des théories d'Hegel ; ces doctrines seraient à la base de la révélation antoiniste. En août 1876, il rentre à Jemeppe achète un cheval et vend des légumes. Mais ce commerce ne lui réussit pas. Il gagne la Pologne avec sa femme qui y tient pension et ramasse de l'argent. Nouveau retour à Jemeppe. Cette fois, Antoine fait construire une vingtaine de maisons ouvrières ; il a du foin dans les bottes et il peut se contenter de son léger métier d'encaisseur.
        Dans la région de Liége, où il s'est répandu surtout à partir de 1866, le spiritisme d'Allan Kardec a déjà beaucoup d'adeptes qui se réunissent hebdomadairement pour évoquer les esprits. Antoine se fait spirite et il se rend dans les bois, dit-il, à la recherche des esprits. Pour travailler plus efficacement à la diffusion de ses idées, il fonde bientôt la société « Les Vignerons du Seigneur » et, dans son local de Jemeppe, il voit affluer les disciples. « Le mysticisme, note Célestin Demblon, naît la plupart du temps dans les villes où il y a trop de fumée. »
        Spirite acharné, Antoine reçoit beaucoup de monde, ne se fait pas payer, mais place un tronc dans son cabinet. Du coup, le voilà condamné pour exercice illégal de la médecine.
        « Depuis douze ans, dit Antoine au juge qui l'interroge, je me livre journellement à la guérison des malades, je n'ai aucun diplôme, je guéris toutes les maladies ou plutôt je soigne toute espèce de maladie.
        Chaque malade que je reçois entre dans mon cabinet, je lui pose la main sur la tête et je me recueille, je me livre à la prière et pendant ce temps m'arrive l'inspiration qui me permet de dire la maladie ou l'infirmité dont souffre le patient ; quand celui-ci a foi en moi, je ne me trompe jamais ; j'insiste et je répète que je crois fermement que je ne me trompe jamais sur la cause du mal.
        Quand le siège du mal est ainsi déterminé, je fais des passes avec la main sur la partie malade et, en ce faisant, je me confine dans mon examen du malade...
        J'ai une recette générale ; elle consiste dans un morceau de papier que j'ai magnétisé par attouchements et par des prières ; en remuant ce papier dans de l'eau, celle-ci acquiert une vertu supérieure qui la rend propre à guérir les personnes qui la boivent : deux papiers sont bons pour magnétiser un litre d'eau... »
        A la suite de cette condamnation, Antoine ne prescrivit plus de drogues à ses patients. Il cessa d'être un simple rebouteux et devint fondateur d'une religion qui ressemble assez à cette « Christian Science », que connaissent les Etats-Unis. Désormais, Antoine guérira par la foi. Il effectuera des passes individuelles et collectives, travaillera avec les fluides éthérés, évoquera les morts.
        Comme il a eu des ennuis avec les médiums et comme il se sent attiré par la théosophie, il rompt, en 1906, avec le spiritisme et crée le Nouveau Spiritualisme, religion de l'Amour à base entièrement morale et non plus scientifique comme la doctrine de Kardec.
        Antoine commence sa mission de Révélateur. Il a de nouveaux démêlés avec la justice et s'en tire par un acquittement. Du coup, c'est l'apothéose.
        En 1900, il recevait chaque jour de 50 à 60 personnes ; en 1901, 115 ; en 1905, de 200 à 400 ; en 1907, de 400 à 500 ; en 1912, de 500 à 1,200 ! En même temps, des monceaux de lettres lui arrivent. On lui attribue des guérisons miraculeuses, des prophéties, des apparitions. A sa mort, survenue le 25 juin 1912, lorsque, « ayant terminé son œuvre, il rentre dans le fluide éthéré de l'amour divin », une affluence d'étrangers remplit les rues de Jemeppe.
        Aujourd'hui encore, les dévots d'Antoine se rendent sur sa tombe, au cimetière de Jemeppe, et emportent, en guise de reliques, les cailloux qui la recouvrent.
        Car l'antoinisme, malgré les attaques des catholiques et des protestants, s'est développé non seulement en Belgique, mais encore à l'étranger. En août 1914, il avait, dans notre pays, 7 temples et 61 maisons de lecture, il avait 66 sanctuaires en France et il s'implantait au Brésil, au Canada, aux Etats-Unis, au Congo. A l'heure actuelle, il compte 27 temples en Belgique, dont 19 rien que dans la province de Liége, et 15 en France. Les antoinistes qui portent la tunique spéciale sont assez peu nombreux.
        Par contre, on estime que les adeptes sont au nombre d'environ cent mille, petits bourgeois, artisans et femmes. Tous se rangent sous l'emblème antoiniste : « L'arbre de la Science de la vue du mal » ; tous vénèrent le père Antoine, fils de houilleur wallon.                                                   D. DENUIT.

    Le Soir, 9 juin 1934 (source : Belgicapress)


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  • Pierre Debouxhtay (Les Nouvelles littéraires, artistiques et scientifiques, 9 juin 1934)

        DEBOUXHTAY (Pierre). – Antoine le Guérisseur et l' « Antoinisme ». Les faits d'après des documents inédits. (Liége, Fernand Gothier), in-12 de 332 pp., illustré de 8 grav. (20 fr.), (Emule des docteurs Coué et Gillet, Antoine aurait guéri par sa méthode des millions de gens).

    Les Nouvelles littéraires, artistiques et scientifiques, 9 juin 1934


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  • L'antoinisme (Le Soir 8 déc 1930)(Belgicapress)

                   L'ANTOINISME

        Avenue Guillaume-Van Haelen, sur le territoire de Forest, il y a un petit temple du culte antoiniste, culte « consacré » le 15 août 1910, le jour de l'ouverture du temple de Jemeppe-sur-Meuse. Le Père Antoine, ouvrier wallon, est le fondateur du « Nouveau Spiritualisme », qui s'assigne comme mission de soulager moralement et physiquement l'humanité. Depuis le 3 octobre 1922, cette religion est reconnue légalement d’« utilité publique ».
        Ouvrier mineur, puis métallurgiste, Louis Antoine travailla en Allemagne et en Pologne. Dès 1879, initié au spiritisme, il fondait un groupe : « Les Vignerons du Seigneur », et sa faculté médianimique se développait. Guérisseur, inspiré par un esprit de médecin, puis guérisseur prescrivant notamment la liqueur Koene, il est condamné en 1901. Il continua ses guérisons par un « papier magnétisé », puis « par la foi ». En 1905, il se sépare de la Fédération spirite et commence à « révéler » le « nouveau spiritualisme ». Il mourut le 25 juin 1912.
        M. Pierre Debouxhtay, dans « La Vie wallonne » étudie les « livres sacrés » dans lesquels le Père insiste pour lutte contre l'intelligence et contre la matière, pour la solidarité et pour l'amour du prochain.
        A l'heure actuelle, l'Antoinisme compte vingt-quatre temples en Belgique – dont dix-sept dans la province de Liége, – douze en France, et cent vingt-quatre maisons de lecture. Ce culte à visées universalistes a connu deux schismes : celui de Dor, à Roux, puis à Uccle ; et celui de Jousselin, à Verviers, sur lesquels M. Debouxhtay cherche à se documenter.

    Le Soir, 8 décembre 1930 (source : Belgicapress)


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  • Pierre Debouxhtay - L'Antoinisme (1945)-bibliographie 

    Ouvrages belges nouveaux
    Andrée Scufflaire
    Revue belge de Philologie et d'Histoire Année 1946,
    Bibliographie, p. 305

    source : https://www.persee.fr/doc/rbph_0035-0818_1946_num_25_1_1745


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  • M. P. DEBOUXHTAY, conservateur de la Bibliothèque Centrale de la Ville de Liège, satisfera bien des curiosités par la publication de son livre sur Antoine le guérisseur et l'Antoinisme (Liège, Fernand Gothier, 1934, un vol. in-12 de 332 pages, avec 8 gravures). C'est une biographie, la plus complète qui ait jamais été publiée, fondée sur une solide documentation, faite en bonne partie de sources inédites, notamment les archives judiciaires et administratives ; c'est une mise en œuvre absolument objective de tout ce qui a été imprimé sur l'Antoinisme, qui fait apparaître celui-ci sous son vrai jour et dont les données ne laisseront pas d'étonner plus d'un lecteur. Le travail consciencieux de M. Debouxhtay a été composé avec le seul souci de la vérité. Il mérite d'être lu avec tout l'intérêt que comporte un sujet qui ne peut laisser personne indifférent. Exposé narratif et biographique, il sera suivi d'un tome II où l'auteur se propose « d'analyser avec détail l'enseignement » d'Antoine, d'en retracer l'évolution et d'en rechercher les sources. »

    Chronique archéologique du pays de Liége, 25e année, 1934 - À lire, p.39

    source : http://www.ialg.be/ebibliotheque/chroniques/capl025.pdf#page=53


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  • Encart d'annonce pour la sortie du Tome II de Debouxhtay

    Annonce de la publication du Tome II d'Antoine le Guérisseur et l'Antoinisme
    par Pierre Debouxhtay à la fin du Tome I (publié en 1934).

        La note 17 (de la page 141) du tome I dit : "Dans le tome II de ce travail nous analyserons les doctrines contenues dans les livres sacrés, et nous aurons l'occasion de revenir sur les corrections faites au texte primitif".

    Malheureusement la publication de ce deuxième tome n'a jamais eu lieu sans qu'on en sache la raison.
    Par contre, en 1945, il publie un petit livre sur le Culte Antoiniste.


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  • Les Nouvelles littéraires, artistiques et scientifiques 9 juin 1934

     

    Annonce du livre de Pierre Debouxhtay


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  • Auteur :     Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts de Belgique
    Titre :     Bulletin de la Classe des lettres et des sciences morales et politiques
    Editeurs :    Hayes, 1935

        Donne une recension du livre de Pierre Debouxhtay, Antoine le Guérisseur et l'Antoinisme, aux pages 91 et 92.


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  • Auteur :     Pierre Debouxhtay
    Titre :     L'Antoinisme (1945)
    Editions :     La Pensée Catholique (Imp. Soledi, Liège), 35 pages

        L'Antoinisme
        I. Le guérisseur. Le révélateur
        II. Les livres sacrés
        III. Les doctrines
            A) DIEU
            B) LE MONDE MATERIEL
            C) L'HOMME
            D) LA MORALE
            E) LES SOURCES DE LA DOCTRINE ANTOINISTE
        IV. Le culte
            LE TEMPLE ANTOINISTE
            L'OPERATION GENERALE
            L'OFFICE DU SOIR
            LES FETES
            LA CONSECRATION DES TEMPLES
            LES SACREMENTS ANTOINISTES
            ENTERREMENT
            L'EMBLEME
            LE COSTUME
            LES MINISTRES DU CULTE
        V. Cause du succès de l'Antoinisme. Etat actuel
        VI. Du point de vue catholique que penser d'Antoine et de sa religion ?
            OBJECTIVEMENT
            SUBJECTVEMENT
        APPENDICE
            Dix Principes en prose révélés par le Père Antoine
        NOTRE BIBLIOGRAPHIE

        "Culte à visées universalistes, l'Antoinisme est, croyons-nous, un phénomène social unique en Wallonie ; que dans la suite, il s'étiole ou continue à provigner peu importe : il mérite d'être étudié impartialement" (p.1-2). Malheureusement, hormis l'auteur même et très récemment Régis Dericquebourg ou Anne-Cécile Bégot, l'Antoinisme a peu été étudié. On rejoint ce que dit l'auteur : c'est dommage, car c'est un phénomène unique en Wallonie, mais peut-être même dans le monde parmi le milieu ouvrier.
        Une note indique que l'on trouvera plus de détail dans l'ouvrage précédent de l'auteur. En effet, on a ici en grande partie un résumé, avec en plus les doctrines qui devaient faire l'objet d'un deuxième volume jamais paru, et une vision de la secte d'un point de vue catholique.
        On retrouve donc une biographie neutre. C'est assez rare pour le signaler. "Acquitté [lors de son premier procès], Antoine aurait continué de prescrire des drogues et n'aurait très probablement jamais eu recours exclusivement à la foi ; il serait resté guérisseur sans devenir fondateur de religion" (p.3). L'auteur résume donc "les trois phases dans la thérapeutique antoiniste :
    - Première phase : Antoine recourt non seulement aux procédés des magnétiseurs thérapeutes et des médiums-guérisseurs, mais, en outre, il prescrit des drogues, notamment la liqueur Koene. Il faut toutefois noter que les prescriptions étaient dictées ou inspirées par l'esprit du Dr Caritas, du Dr Demeure, du curé d'Ars, ou de quelque autre habitant de l'erracité.
    - Deuxième phase : En 1901, Antoine abandonne les drogues et même les procédés médianimiques (1) qui pourraient le faire condamner de nouveau. Il ne retient comme moyens thérapeutiques que la prière, les "bonnes paroles", l'inscription du nom du malade dans un registre, des passes, l'imposition des mains, ou le simple attouchement de la main sur la partie malade ou sur le front du patient.
    - Troisième phase : Plus encore que le docteur Sangrado (2), Antoine simplifia l'art de guérir toutes les maladies. Le maître de Gil Blas renfermait "le fin de l'art salutaire" dans deux points : saigner et faire boire de l'eau. Le thaumaturge de Jemeppe qui, semble-t-il, n'avait jamais saigné personne mais avait fait boire beaucoup d'eau, se contenta d'imposer les mains à la foule, du haut d'une tribune, au cours de l'opération générale. Aux jours d'opération générale, les visiteurs sont introduits dans le temple. La préparation à la venue du Père ayant été faite par un disciple, Antoine apparaît ; il étent la main droite pour répandre les fluides sur la foule, puis se retire. Alors un adepte annonce : "L'opération est terminée. Les personnes qui ont la foi sont guéries ou soulagées." La cérémonie a duré à peine un quart d'heure." (p.3-4).
        Voilà où nous en sommes encore actuellement : le Père intercède toujours pour le malade par l'intermédiaire de la Mère puis des guérisseurs antoinistes. Donc pas d'imposition des mains, pas de papier magnétisé, pas de tisane... On peut ensuite être reçu dans le cabinet pour recevoir de "bonnes paroles" et faire une pensée (prière silencieuse). Du haut de la tribune, le desservant joint les mains simplement, pendant qu'un autre adepte costumé se tient à la petite tribune également les mains jointes.
        Après avoir cité l'histoire de l'origine des textes sacrés de l'Antoinisme, l'auteur précise plusieurs fois que leurs compréhensions est difficile et qu'on y remarque des contradictions (remarquons ici qu'il en est de même pour la Bible) ; contradictions dues au fait, nous dit l'auteur "d'un changement de perspective : une évolution de pensée".
        "On trouve dans l'antoinisme des aspirations morales, mystiques, un effort pour trouver en soi la source et la norme de la religion. Dans cette religion prévalent les valeurs de la "conscience", qui en pratique semble s'identifier avec le sentiment (3)(p.7).
        L'auteur voit beaucoup de contradictions donc, en ce qui concerne la doctrine : Dieu est à la fois bon, mais aussi mauvais ; il est le Dieu-Créateur de tout, mais aussi celui qui n'aurait pu créer ce qui est incompatible avec Lui (donc la matière) ; le rôle providentiel de la Divinité est à la fois rejeté et accepté... L'auteur oublie que ces contradictions s'annule avec ce qu'il aborde ensuite l'inexistence de la matière dans la doctrine antoiniste. Dieu a tout crée, car tout existe depuis toujours, mais nous n'en avons la perception que par nos sens biaisés qui imagine la matière : "Toute création n'existe qu'en apparence ; c'est nous qui l'imaginons tandis qu'elle n'est que l'ombre de la réalité, car ce qui existe réellement a toujours existé... Tout se résume en nous" (Développement, p.252)(p.10).
        Dans la morale antoiniste, l'auteur évoque la non existence du mal, ce qui annule également le fait qu'on puisse imaginer Dieu bon ou mauvais. Comme le dit la Bible "il est celui qui est", et tout a sa raison d'être donc tout est bien. "Dans cet enseignement, d'aucuns sentiront peut-être un relent quiétiste. Mais Antoine n'avait sûrement pas lu Molinos" (p.11)(4).
        Puis l'auteur explique que pour le guérir, il suffit de chasser l'imagination du mal, et se demande s'il faut "voir dans ce précepte une influence de la Christian Science ? Cette influence est possible ; cependant il ne semble pas qu'Antoine ait connu les oeuvres de Mary Baker-Eddy" (5). De fait, l'auteur n'évoque plus la Science Chrétienne dans les sources de la doctrine antoiniste. Il évoque cependant Hegel, citant l'abbé Léopold Brabant, mais réfute cette idée, en disant simplement qu'il ne faut pas prendre toutes pensées panthéiste comme ayant pu influencer Louis Antoine. Nous le suivons la dessus.
        Pierre Debouxhtay précise : "ce qui nous semble certain, c'est que dans ses livres sacrés, Antoine n'est pas un plagiaire, comme nous pourrions prouver que l'a été son neveu, le Père Dor, autre prophète wallon, qui s'identifiant avec le Christ, considérait son oncle comme son saint Jean-Baptiste. Ce qu'Antoine a emprunté, son esprit assez inculte l'a remanié et simplifié à sa façon, d'une façon que certains jugent parfois dépourvue de clarté : les adeptes proclamant d'ailleurs que l'enseignement est au-dessus de la compréhension de ceux dont l'intelligence n'a pas abdiqué en faveur de la conscience. Coeur pétri de bonté et de religiosité, Antoine n'avait pas la tête métaphysique" (p.15).
        Donc comme influence, l'auteur note : le spiritisme, qui prépara le terrain à la théosophie et ses doctrines panthéistes, christianisme et une mystique qui verse vers un panthéisme également. De la théosophie, "notre hiérophante (6) a éliminé les termes rébarbatifs dont sont farcies les oeuvres théosophiques. Ceux qui ont eu le vertige en tâchant de s'assimiler les doctrines occultes comprendront aisément que l'intellect du métallurgiste liégeois n'ait pu s'accommoder de ce jargon. Rejetant les oripeaux du vocabulaire, renonçant à s'aventurer dans le dédale des régions, plans, sous-régions, et sous-plans, Antoine a retenu les notions principales qu'il a élaguées pour les mettre à la portée de ses ouailles, gens du peuple pour la plupart (7). Quant à montrer qu'Antoine aurait eu présents à la mémoire ou sous les yeux tels ou tels passages d'oeuvres qu'on pourrait citer comme sources, c'est là une tâche longue et délicate, impossible à traiter dans une brève notice". (p.16). (8)
        Mais rappelons ce que l'auteur disait plus haut : "dans ses livres sacrés, Antoine n'est pas un plagiaire". Et comme la doctrine antoiniste est concentrée dans les textes sacrées, voire même uniquement dans le Couronnement, comme nous le précise l'auteur, on peut en conclure logiquement que la doctrine antoiniste est somme toute innovante.
        Concernant le culte, qu'il décrit dans les grandes lignes, Pierre Debouxhtay nous apprend que les antoinistes dissidents se proposent de célébrer l'anniversaire de la désincarnation de la Mère Antoine le 4 novembre. Est-ce une erreur de Pierre Debouxhtay, ou la date de désincarnation n'est pas la date de l'enterrement, et il y a eu un moment d'hésitation ? En tout cas, la fête de Mère est maintenant le 3 novembre. On en apprendra plus sur cette "dissidence", qui n'en est pas vraiment une, et auquel j'ai déjà consacré un billet.
        Concernant les ministres du culte, Pierre Debouxhtay fait une parallèle avec le catholicisme : "Au sommet de la hiérarchie antoiniste, se trouve le Représentant du Père (9). De même que le Pape est le vicaire de Jésus-Christ, chef invisible de l'Eglise catholique, ainsi chez les antoinistes le Père Antoine reste le chef réel, quoique invisible, du culte ; les ministres ne sont que ses instruments.
        "Le représentant du Père a la direction morale et religieuse de l'Antoinisme : il désigne les desservants et les lecteurs des temples. Les femmes peuvent être choisies aussi bien que les hommes comme ministres du culte.
        "L'administration du culte est entre les mains d'un conseil qui se compose du Représentant du Père et de huit membres. Chaque année, après la réunion du conseil, le bilan du culte est publié aux annexes du Moniteur Belge." (p.24).
        L'auteur en vient maintenant à la situation de 1945. A cette époque, le Représentant du Père ad intérim, Joseph Nihoul, décide de revenir à l'état du Temple du temps de Père et retire entre autre les photos à Jemeppe et dans les temples belges. "Le 1er avril 1943, un groupe dissident, se proclamant fidèle à la véritable tradition antoiniste, ouvrait un temple à Angleur, rue de Tilff, 84. Dans ce temple, qui contient cent et dix places assises et où le portrait du Père Antoine surmonte la tribune, les offices sont célébrés en semaine et le dimanche, jour où la salle est d'ordinaire comble. Alors que tous les temples, sauf celui de Jemeppe, sont fermés le 25 juin, le temple d'Angleur est resté ouvert et on y a célébré la fête du Père." (p.27)
        Ensuite l'auteur aborde la question du point de vue catholique concernant Antoine et sa religion. Influencés par la Théosophie, c'est une secte hérétique ou schismatique, donc des ennemis de la religion. Objectivement les doctrines s'opposent en plusieurs points. Subjectivement, l'auteur déclare : "pour être juste, il aurait fallu ajouter que dans l'ensemble les adeptes sont de fort braves gens, très charitables et très serviables" (p.29). Pierre Debouxhtay, finit son livre, en se définissant comme historien objectif et déclare que Louis Antoine, comme pour le vicomte E.-M. de Vogüe concernant Dostoïevski : "Je crompris que cette âme... échappait à notre mesure, fausse parce qu'elle est unique ; je remis le jugement à celui qui a autant de poids divers qu'il y a de coeurs et de destinées." (p.30). C'est à se demander si l'auteur ne serait pas devenu antoiniste, car il dit lui-même que dans l'antoinisme "l'homme est donc son propre législateur et son propre juge". (p.13). En tout cas, il nous enjoint à prendre cette règle pour juger de l'antoinisme et de son fondateur. C'est tout à son honneur.


    (1) synonyme, un peu vieilli cependant, de médiumnique.
    (2) "Saignée" en espagnol, le Docteur Sangrado est un personnage du roman picaresque publié par Alain-René Lesage de 1715 à 1735, Histoire de Gil Blas de Santillane. Lesage a procédé dans le roman comme au théâtre, ainsi derrière le docteur Sangrado  dont les principes médicaux se résument à la saignée et à la consommation d’eau chaude, c’est la pratique de la médecine tout entière dont se moque Lesage. (source : http://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_de_Gil_Blas_de_Santillane)
    (3) Wikipedia nous dit : Le sentiment est la composante de l'émotion  qui implique les fonctions cognitives de l'organisme. Il renvoie à la perception  de l'état physiologique du moment.
    Le TLFi :
    I. − Domaine des sens (excepté la vue et l'ouïe). Conscience que l'on a de soi et du monde extérieur.
    II. − Domaine de l'intellect., de l'intuition. A. − Connaissance, conscience plus ou moins claire que l'on a de quelque chose. B. − Faculté de sentir, de comprendre ou d'apprécier un certain ordre de choses, de valeurs.
    III. − Domaine de l'affectivité. A. − 1. État affectif complexe, assez stable et durable, composé d'éléments intellectuels, émotifs ou moraux, et qui concerne soit le « moi » (orgueil, jalousie...) soit autrui (amour, envie, haine...).  B. − Absolument. 2. Ensemble des états affectifs et, en partic., des états affectifs altruistes visant le bien de l'humanité.
    (4) Doctrine mystique inspirée des œuvres de l'Espagnol Molinos, répandue en France à la fin du xviie s., suivant laquelle la perfection chrétienne réside dans la quiétude, c'est-à-dire l'« amour pur » et la contemplation de Dieu, en l'absence de toute activité propre de l'âme (TLFi). Miguel de Molinos (1628-1696), est à l'oigine du quiétisme, doctrine  mystique consistant en un itinéraire spirituel de « cheminement vers Dieu ». Il vise à la perfection chrétienne, à un état de quiétude « passive » et confiante. Cet itinéraire passe par un désir continuel de « présence à Dieu », de quiétude et d’union avec Dieu aboutissant au terme du cheminement, à un dépassement mystique des étapes qui ont permis le cheminement lui-même (pratiques ascétiques et respect des contraintes de la vie liturgiques). Pour les quiétistes l'union à Dieu bien avant la mort est le but de la vie chrétienne (http://fr.wikipedia.org/wiki/Qui%C3%A9tisme).
    (5) Régis Dericquebourg et Anne-Cécile Bégot ne parle pas d'influence, mais de parcours identique, de la souffrance à la mystique. Maxence van der Meersch fait le même parallèle avec les autres religions sans évoquer la Science chrétienne.
    (6)  ANTIQ. GR.  Prêtre qui, dans les religions à mystères, notamment à Éleusis (ville au nord-ouest d'Athènes), instruisait les futurs initiés en leur montrant solennellement les objets sacrés (TLFi).
    (7) C'est ce qui fait dire à Régis Dericquebourg que la doctrine théosophique était dans l'ai du temps à l'époque dans les milieux spirites et que Louis Antoine en aurait eu connaissance par l'intermédiaire d'une vulgate, c'est-à-dire un résumé faisant foi de la doctrine.
    (8) Notons que les oeuvres de H.P. Blavastky, à l'origine de la doctrine théosophique, sont également en grande partie à la limite du plagiat d'autres oeuvres. Ce qui rendra encore plus difficile la tâche de retrouver l'origine de la doctrine antoiniste.
    (9) Remarquons que cette hiérarchie s'arrête aux Représentant du Père, il n'y a pas de niveau plus haut, et le niveau plus bas est l'adepte costumé (qui sera appelé à faire la lecture ou l'Opération au nom du Père et peut être desservant d'un temple). Ensuite il y a les adeptes non costumés. Mais costumés comme non costumés sont au même niveau de la hiérarchie. Et le Répresentant du Père, fonction qui a disparu pendant un moment en Belgique, et qui est de même encore actuellement non remplie, n'est que qu'une fonction de conseil.


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  • P. Debouxhtay : Une religion de la Wallonie. L'Antoinisme, La Vie Wallonne, t. XI (1930-1931), p.70-79. Guérisseur et "révélateur du Nouveau Spiritualisme", Louis Antoine, ouvrier de l'agglomération liégeoise, a fondé une religion dont l'imprécision de doctrine n'a pas entravé le succès. Le "Père" est mort en 1912, mais l'Antoinisme compte 24 temples en Belgique et 12 en France. Depuis la publication de l'article analysé, un treisième temple a été ouvert au culte, à Reims.

    Léon-E. Halkin, in Revue des périodiques
    Revue d'histoire de l'Église de France
    , 1931, Volume 17, pp. 281-291

    source : persee.fr


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  • Pierre Debouxhtay, Antoine le guérisseur et l'Antoinisme (critique du livre Revue des lectures)

        Pierre DEBOUXHTAY, Antoine le Guérisseur et l'antoinisme d'après des documents inédits, in-12 de 330 p., illustré, F. Gothier, 11, place du Vingt-Août, Liège, 1934, 20 fr.

        Ce volume doit être suivi d'un second, qui sera consacré aux doctrines de l'antoinisme. Il se limite à l'histoire du mouvement lui-même.
        Conçu avec la rigueur d'une thèse historique, il s'appuie uniquement sur des faits contrôlés et des documents ; par suite, il représente un travail vraiment définitif.
        D'ailleurs, son objectivité ne fait nullement tort, à l'esprit qui l'a dicte, puisqu'un papillon joint au volume porte l'imprimatur de l'Ordinaire de Liège.
        Il est impossible de résumer ici un pareil travail, tout entier fait de détails et de précisions.
        On y peut suivre la vie d'Antoine dans tous ses détails, depuis sa naissance, en 1846, au hameau de Mons, près Liège, jusqu'à sa « désincarnation » et son enterrement en 1912, et le développement de la nouvelle religion jusqn'à la date d'aujourd'hui.
        Répandu surtout en Belgique, ou il fut reconnu, en 1914, comme établissement d'utilité publique, le culte antoiniste compte aussi des adeptes en France, et même au Nouveau Monde et au Congo.
        L'auteur estime à environ 40.000 le nombre de ses adeptes, en tout cas sensiblement inférieur à 100.000, sous la houlette de la « mère Antoine », le veuve du fondateur, actuellement âgée de 83 ans.
        D'abord entraîné dans le mouvement spirite, Antoine fut entraîné par lui au rôle de guérisseur, puis, après avoir été condamné pour exercice illégal de la médecine (1901), il renonça aux médicaments et au spiritisme, pour fonder une nouvelle religion, destinée, pensait-il, à remplacer le catholicisme.
        C'est le pendant belge de la « Christian science » américaine et la méthode Coué transformé en mysticisme et en culte. Mais il est vraisemblable que le déclin n'est pas éloigné.

    Revue des lectures, 15-03-1934
    source : gallica


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  • Études / publiées par des Pères de la Compagnie de Jésus - juillet 1934
    source : gallica

    REVUE DE LIVRES

    OCCULTISME

    Pierre DEBOUXHTAY, docteur en Philosophie et Lettres. Antoine le Guérisseur et l'Antoinisme. Les Faits, d'après des Documents inédits. Liège, Fernand Gothier, 1934. In-12, 331 pagee, 8 gravures. Prix 22 fr. 5o.

    Les Antoinistes ne sauraient se plaindre qu'on ait fait sur eux la conspiration du silence. Maints articles ou chapitres de volumes leur ont déjà été consacrés. Voici que paraît un livre où l'histoire du fondateur et l'histoire de son œuvre sont étudiées par le même, d'après les documents les plus sûrs, dont beaucoup sont inédits, selon les règles de la critique la plus sévère: ouvrage qui semble bien définitif. De grands penseurs, de grands réalisateurs n'auront pas rencontré pareil historien. D'ailleurs, nulle passion, nulle déclamation. L'auteur laisse le lecteur juger sur pièces. On se demandera quelle est la situation présente de l'Antoinisme. Au mois d'août 1914, l'Antoinisme comptait 7 temples et 61 maisons de lecture en Belgique, 2 temples et 64 maisons de lecture en France, plus 4 maisons hors de l'Europe. A l'heure actuelle, écrit M. Debouxhtay, la religion antoiniste compte 27 temples en Belgique (19 se trouvent dans la province de Liège) et 15 en France. « De chacun de ces temples dépend un certain nombre de maisons de lecture; à chacune de celles-ci se rattache un groupe. En août 1930, il y avait 124 maisons de lecture; elles sont condamnées à disparaître, dit un des principaux dirigeants du culte, parce que certains chefs de groupe, ayant des idées trop personnelles, attiraient le public au détriment du temple dans la circonscription duquel se trouvait leur maison de lecture. » L'hérésie en face de l'orthodoxie. Partant du chiffre de 18 000 qu'en 1925, dans notre volume Au Pays de l'Occultisme, nous avions proposé pour le nombre des adeptes fervents de l'Antoinisme en Belgique, M. Pierre Debouxhtay y porterait le nombre total des Antoinistes dans les différents pays à 40 000. Ce chiffre est peut-être généreux. Au moins, en France, quel que soit le nombre des édifices cultuels, l'influence antoiniste paraît bien en décroissance.
        M. Pierre Debouxhtay prépare une autre étude sur la doctrine antoiniste.
                                                  Lucien ROURE.


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