• Salles de lecture de Paris (1911-1931)

    Première lecture    En 1912, on sait que des Antoinistes habitaient dans la Rue de la Parcheminerie, dans le 5e arrondissement. Et il y avait un salle de lecture rue Saint-Denis (2 e arrondissement).

        La même année, Pierre Debouxhtay, nous renseigne sur les maisons de lecture à Paris : il y en avait 4 à Paris même, et une à Asnières. Puis viennent : sept à Paris, en novembre, décembre 1912, août, septembre 1913, janvier, avril, juillet 1914. Un Unitif de 1914 nous indique quelques adresses des premières salles de lecture encore ouvertes à Paris après la construction du premier temple de France :
      - rue du Château n°139
      - rue St Denis n°183
      - rue de la Voûte n°44 bis (XIIe)
      - Avenue Dumesnil n°260 (XIIe)
      - rue de Grenelle n°84
      - rue Ernest Lefèvre n°7 (XXe)
      - Bd de Picpus n°23
      - rue Esquirol n°7 (XIIIe)

        On sait aussi qu'une salle de lecture était située au coin des Rues Christine et des Grands-Augustins.

        Dans la région parisienne, on trouve :
      - Asnières (Seine), chez Mme Lagrave n°30 rue Traversière
      - Enghien-les-Bains, Grande Rue n°30
      - St Denis (Seine), rue du Saulger n°6

    En 1920, la salle de lecture de Asnières était rue Gallieni. Pour Paris, un Unitif datant de 1920 environ cite trois adresses : rue de la Villette, rue Legendre et rue des Belles Feuilles.

        Il y avait, selon André Thérive, un "temple" installé dans une boutique de la rue du Château, dans le 14e arrondissement de Paris. Le roman a été édité en 1927. Il fait habitait des Antoinistes dans la rue du Cange, dans le même arrondissement, distante de 600 mètres.

        En 1925, devait s'ouvrir, d'après Le Petit Parisien, un nouveau temple à la porte Pouchet (entre la porte de Saint-Ouen et la porte de Clichy), dans le Nord de Paris. Le temple du Passage Roux, se trouve à 2 km de là. Mais il n'ouvrira qu'en 1955.

  • L'Antoinisme (Journal de la ville de Saint-Quentin et de l’arrondissement, 9 mars 1912)L'Antoinisme

        Nous avons parlé longuement, dans le « Journal de Saint-Quentin », de cette religion bizarre fondée à Jemeppe, près de Liège, par le père Antoine.
        Les populations du nord de l'arrondissement de Saint-Quentin s'y précipitaient pour chercher la guérison imaginaire de maux réels et le soulagement réel de maux imaginaires.
        L'Antoinisme a gagné Paris, cela devait être et il aurait une succursale à Saint-Quentin si la police correctionnelle n'avait mis un terme aux exploits ou à l'exploitation de la famille Bar.
        A Paris, c'est une modiste qui opère. L'esprit du père Antoine est passé en elle et elle guérit comme le zouave Jacob ou Donato.
        Un rédacteur de l'« Echo du Merveilleux » est allé voir la miraculeuse modiste, et voici son récit ironique et déçu :

        Dès dix heures du matin, une queue d'une soixantaine de personnes s'allonge sous la voute et sur le trottoir. Le concierge, manifestement fier de posséder une locataire si courue, lève les bras au ciel quand on lui demande à voir Mlle Camus. Impossible, tout à fait impossible ! Il faut écrire, demander un rendez-vous, attendre une quinzaine au moins. Toutefois, au nom de l'« Echo du Merveilleux », il hésite, il faiblit et m'indique le chemin. C'est au fond de la seconde cour : l'escalier étroit est rempli de monde. Je découvre un second escalier. Une porte sur laquelle est encore fixée la plaque de modiste, s'entr'ouvre ; la figure ronde et accorte d'une sœur tourière me dévisage avec défiance. Enfin elle m'introduit : – Venez, monsieur.
        Je me faufile dans le plus sombre des corridors. En tâtonnant, la main rencontre... des corps ! des gens appuyés contre la cloison, immobiles : c'est l'avant-garde des malades. Une toute petite pièce un peu plus claire... Nous y voici.
        Vêtue de noir, la figure brune aux fortes pommettes éclairée par des yeux extrêmement vifs, la modiste thaumaturge, qui doit avoir dépassé la quarantaine, est sans vénusté.
        Debout dans sa petite chambre modestement meublée, elle me montre non sans orgueil une pile de lettres à ouvrir, une autre pile de lettres à répondre. « Il faudra que l'on vienne demain m'aider à lire tout cela, à y répondre ». Une équipe d'Antoinistes lettrés, sans doute.
        Mlle Camus nous explique (nous sommes trois à l'écouter) comment elle opère avec les malades.
        – Je pense au Père...
        – A Dieu ?
        – Non, pas tout à fait...
        (Le « pas tout à fait » n'est-il pas pas joli ?)
        – … Pas tout à fait : au père Antoine, à Antoine le Généreux. (On a surnommé ainsi Louis Antoine à cause de son désintéressement).
        – Je pense au Père et je dis au malade qu'il […] nôtre. Elle nous pénètre comme un fluide bienfaisant. Le Père puise en Dieu et moi je puise en lui : lui et moi sommes des canaux où coule vers le malade la grâce divine.
        « Autrefois je m'endormais, et les douleurs du malade venaient dans ma chair. Je les extirpais de lui pour en souffrir moi-même, et ensuite je les chassais de moi. Mais maintenant, je ne m'endors plus ; il y a trop de malades. Ce serait trop long. Je dis au malade : Regardez-moi ! Et mes yeux lui versent le fluide qui vient du Père.
        Ses yeux vifs nous dévisagent et semblent un peu irrités de ne pas discerner des marques de ferveur. Elle ajoute encore, d'un ton de défi : – Le Père est là, certainement ; il entend tout ce que nous disons...
        Je ne veux pas abuser ; je m'en vais. Dans le ténébreux corridor, par une porte à demi ouverte, on aperçoit sur le palier la cohue des malades, des bons malades patients. Pour qu'ils s'ennuient moins d'attendre, un monsieur vêtu de noir parle tout haut, fait un petit prêche. « Il faut oublier ce que l'on sait... Il faut faire taire la révolte de l'intelligence... Il faut se rendre semblable aux petits enfants pour recevoir l'esprit de Jésus ». Et, naturellement, il prononce Jésusse. La vive petite coadjutrice de Mlle Camus me reconduit. Elle est visiblement plus intelligente et plus débrouillarde que la Guérisseuse. Et, du reste, elle me confie qu'elle-même guérit aussi, par les vertus d'Antoine. C'est un autre canal par lequel coule sur Paris, la grâce miraculeuse de Jemeppe. Mais elle ne souhaite point qu'on le sache. Elle n'en tire aucun orgueil.
        Dans la rue, sous la pluie fine, l'attroupement a augmenté des curieux et des infirmes et qui viennent chercher la guérison et qu'il a portent peut-être dans leur sein, où habita l'illusion puissante.

    Journal de la ville de Saint-Quentin et de l’arrondissement, 9 mars 1912


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  • PARIS XIII° - rue Esquirol (boutique à gauche - salle de lecture antoiniste)

        Par plusieurs sources, on apprend l'existence d'une salle de lecture dans la Rue Esquirol, au n° 7, proche de la Porte d'Italie et de la Pité Salpêtrière. C'est dans cette salle de lecture notamment que se trouvait sœur Marie Camus. Mais on pense qu'elle recevait également chez elle, rue Milton.
        Elle existe déjà en 1912 au moins, car elle est cité dans des articles de journaux. Un Unitif de 1914 la cite encore.
        « J'ai franchi ce matin le seuil du numéro 7 de la rue Esquirol, où dans une coquette boutique est installé le siège de l'« antoinisme ». Siège modeste, certes, et que vous prendriez pour un quelconque magasin, si au-dessus ne s'étalait une large banderole sur laquelle on peut lire : « Culte antoiniste ». »

        Sur la carte postale ci-dessus (cliquez pour agrandir), c'est la deuxième boutique avec l'auvent située sur le gauche de la Rue Esquirol.


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  • Salle de lecture de la rue Saint-Denis (2e arrdt)
    PARIS (IIe). - Rue Saint-Denis prise de la Rue Reaumur
    (au bout la Porte Saint-Denis), le N°168 est dans le dos du photographe, le N°183 sur la droite avec l'auvent

        Un article d'André Arnyvelde indique l'adresse d'une salle de lecture, dans la rue Saint-Denis (1er et 2e arrondissements) :

        Il me fut donné d'assister à la célébration de ce culte, à Paris, un dimanche dans une maison de la rue Saint-Denis. Rien à la façade de la maison n'indiquait ce qui se passait dedans. La porte cochère franchie, je me trouvai dans une vaste cour où des groupes parlaient bas, gravement. Je gagnai un petit escalier qu'on m'indiqua ; je commençai à le monter, mais bientôt je fus immobilisé derrière une foule qui se pressait sur les marches. Enfin, parvenant à me faufiler, degré à degré, avec beaucoup de peine, entre la rampe ou le mur et les gens qui faisaient la queue, serrés les uns contre les autres, j'atteignis le troisième étage.
        Là, force me fut d'abdiquer tout espoir d'avancer plus ; j'attendis bien sagement sur le palier une éclaircie dans le public compact qui encombrait la première pièce de l'appartement, et qu'on voyait par la porte laissée grande ouverte. J'entendais la voix d'un homme qui lisait des versets comme d'Evangile, dans un immense silence de l'assistance dense.
    Un Dieu vient de mourir (Le Monde illustré, 13 juillet 1912)

    Salle de lecture au 183, rue Saint-Denis (2e arrdt)
    PARIS - La rue Saint Denis, à l'angle de la rue Saint Sauveur (n°183 indiqué au stylo) et on voit la porte cochère (cliquez pour agrandir l'image)

        On sait qu'il existait une Fraternelle de l'Institut des Forces Psychosiques en 1912 dans cette rue, au n° 168 (alors 2e arrondissement). La description faite par le journaliste et la situation actuelle du lieu peut le laisser penser.
        C'est un certain M. Fages qui s'occupait de la Fraternelle. S'agit-il du père ou d'un oncle d'Angèle et Marthe Fage (sans s), ou leur frère Émile qui fut teinturier à Paris. On sait l'attachement de la famille au culte antoiniste. Le recensement de la population n'indique plus de Fage ou de Fages en 1926 à ce numéro 168, rue Saint-Denis.

        Dans un article du Matin, on lit que Mlle Camus fit connaissance de l'Antoinisme à Paris "au siège de la Fraternelle, 183, rue Saint-Denis, où chaque dimanche de cinq à six, les Antoinistes s'assemblent pour lire et méditer en commun le Grand livre de la révélation." On y évoque donc bien une fraternelle, mais à un autre numéro de la rue (le même donné par un Unitif, n°183).


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  • Culte antoiniste, rue des Grands-Augustins (Paris-adresses, 1er janvier 1931))

    Adresse de la salle de lecture, remplacée par le Temple du passage Roux construit en 1955,
    dans le Paris-adresses du 1er janvier 1931.

    Bizarrement le 2e Temple de la rue du Pré-Saint-Garvais, construit en 1928, n'est pas indiqué à côté du 1er Temple de la rue Vergniaud.


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  •      « Lundi rue Christine », de Guillaume Apollinaire, inclut des bribes de conversation entendues dans les cafés, notamment, donc celui, à côté de la salle de lecture antoiniste, au coin avec la rue des Grands-Augustins.



    La mère de la concierge et la concierge laisseront tout passer
    Si tu es un homme tu m’accompagneras ce soir
    Il suffirait qu’un type maintînt la porte cochère
    Pendant que l’autre monterait

    Trois becs de gaz allumés
    La patronne est poitrinaire
    Quand tu auras fini nous jouerons une partie de jacquet
    Un chef d’orchestre qui a mal à la gorge
    Quand tu viendras à Tunis je te ferai fumer du kief

    Ça a l’air de rimer

    Des piles de soucoupes des fleurs un calendrier
    Pim pam pim
    Je dois fiche près de 300 francs à ma probloque
    Je préférerais me couper le parfaitement que de les lui donner

    Je partirai à 20 h. 27
    Six glaces s’y dévisagent toujours
    Je crois que nous allons nous embrouiller encore davantage

    Cher monsieur
    Vous êtes un mec à la mie de pain
    Cette dame a le nez comme un ver solitaire
    Louise a oublié sa fourrure
    Moi je n’ai pas de fourrure et je n’ai pas froid
    Le danois fume sa cigarette en consultant l’horaire
    Le chat noir traverse la brasserie

    Ces crêpes étaient exquises
    La fontaine coule
    Robe noire comme ses ongles
    C’est complètement impossible
    Voici monsieur
    La bague en malachite
    Le sol est semé de sciure
    Alors c’est vrai
    La serveuse rousse a été enlevée par un libraire

    Un journaliste que je connais d’ailleurs très vaguement

    Écoute Jacques c’est très sérieux ce que je vais te dire

    Compagnie de navigation mixte

    Il me dit monsieur voulez-vous voir ce que je peux faire d’eaux-fortes et de tableaux
    Je n’ai qu’une petite bonne

    Après déjeuner café du Luxembourg

    Une fois là il me présente un gros bonhomme
    Qui me dit
    Écoutez c’est charmant
    À Smyrne à Naples en Tunisie
    Mais nom de Dieu où est-ce
    La dernière fois que j’ai été en Chine
    C’est il y a huit ou neuf ans
    L’Honneur tient souvent à l’heure que marque la pendule
    La quinte major


    Guillaume Apollinaire, Ondes, in Calligrammes (1918)


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  • André Billy - Le culte huysmansien dans une ancienne chapelle antoiniste (in Le Figaro Littéraire, 21 mai 1955)

    FRENCH Vll BIBLIOGRAPHY, 8,
    For the Study of Contemporary French Litetarure, MIT Press
    source : GoogleBooks


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  • Simon Arbellot - Conciliabules chez les Huymansiens (1957)Auteur : Simon Arbellot
    Titre : Conciliabules chez les Huymansiens
    Édition : Revue des Deux Mondes (1er MAI 1957), pp. 139-143

     

        Évoque le destin de la chapelle antoiniste de la rue Christine. En 1948, les Huysmansiens ont investi la salle de lecture du Culte Antoiniste, tenue un temps par Frère Jolly depuis au moins 1925. Elle a été remplacée en 1955 par le Temple des Ternes, au Passage Roux (17e arrdt). On y parle aussi d’André Thérive, membre de la première heure du club des Huysmansiens.

     

    CONCILIABULES
    CHEZ LES HUYSMANSIENS

        Rue Jacob... une petite boutique de libraire à l'enseigne « Chez Durtal » ... des reliures aux ors passés... des photos, des lettres, des manuscrits... le masque mortuaire de Pascal... je ne me trompe pas, c'est bien là le sanctuaire de Joris Karl Huysmans. J'aperçois le grand prêtre du culte huysmansien, M. Pierre Lambert, au visage ascétique, assis à sa table au milieu de ses livres et qui semble écouter la confession d'un jeune homme.
        – Conseillez-moi, dit celui-ci, c'est l'époque de la conversion et de Ligugé qui, seule, m'intéresse. Est-il bien utile de me lancer dans l'œuvre entière ?
        – Lisez la préface d'A Rebours, écrite vingt-cinq ans après la première édition, vous aurez là l'essentiel de la pensée de Huysmans.
        Je suis entré sur la pointe des pieds dans la librairie et comme j'esquisse un pas en arrière, M. Pierre Lambert me fait signe de rester.
        – Vous n'êtes pas de trop, nous commençons, me dit-il.
        Et cet homme d'études qu'on dérange tout le temps ajoute en riant :
        – Vous n'osiez pas entrer... je finirai par faire poser une plaque de sonnette sur ma porte comme on en voit sur celles des presbytères, mais au lieu de « Ici, pour les sacrements », je mettrai « Ici, pour Huysmans ».
        Je regarde autour de moi. Je reconnais tout de suite un Saint Mamert en bois sculpté qui retient d'une main ses entrailles, non loin de lui un Rabelais à la tête laurée, des livres rares et, partout, des photos représentant un vieux monsieur à la barbiche blanche, une sorte de M. Folantin, fonctionnaire, « bourgeois modeste et frileux », c'est Joris Karl Huysmans. Une odeur de sacristie, un silence de bibliothèque. Je pense, malgré moi, à Jean de Bonnefon recevant, il y a trente ans, dans son rez-de-chaussée de la rue de Vaugirard, l'un après l'autre, ses pénitents. Au milieu des Christs et des statues dédorées, de candélabres et de livres d'heures, le maître, assis dans une cathèdre, donnait audience. Il portait une veste d'intérieur violette. Il était bagué d'améthyste comme un archevêque et monoclé comme M. Paul Bourget. Mais chez ce chroniqueur de la belle époque, les dieux étaient assoiffés, ici, rue Jacob, on est sérieux. Le culte de Joris Karl, comme disent ses disciples, est celui de la fidélité et après un demi-siècle nous comprenons mieux la portée de l'exemple qu'a suscité dans le monde l'illustre converti.
        M. Pierre Lambert m'a laissé un instant à mes réflexions et à mes émerveillements.
        – Tenez, me dit-il, en me désignant un fauteuil de cuir, c'est là que votre ami Léo Larguier venait s'asseoir, en fin de journée, pour me parler de la tour Saint-Sulpice et du sonneur de cloches Carhaix. En voilà un qui connaissait Huysmans et qui l'aimait ! Il en savait des pages par cœur et me les récitait de sa belle voix romantique. S'étant enquis de mes dernières découvertes, de la lettre inédite, du texte inconnu, des cotes récentes des manuscrits à l'hôtel Drouot, de la vie de la société, il reprenait son bâton, coiffait son haut feutre en ayant bien soin de laisser échapper quelques mèches rebelles et disparaissait au coin de la rue de Furstemberg à la recherche de son rêve.
        – Je sais, moi, où il allait en vous quittant : chez Henri Martineau parler de la Sansévérina, ou chez Marcel Bouteron, à l'Institut, prendre des nouvelles de Mme de Nucingen ou encore chez son ami Martine, aux Beaux-Arts, pour verser, de concert, quelques larmes posthumes sur Emma Bovary. Ses seules amours.
        Que Léo Larguier, ce huguenot des Cévennes, ait pu être trouble par Huysmans ne saurait nous surprendre. J'ai trouvé dans le bulletin de la société quelques lignes de lui qui montrent à quel point l'avait frappé la description de la vie dans la fameuse tour de Saint-Sulpice.
        « ... il y a des soirs naufragés d'hiver, écrivait-il, où je me dis souvent qu'il ferait bon, dans un logis coi de la provinciale rue Férou, à deux pas de Saint-Sulpice, d'être, défrayé de tout ce qui encombre la vie, un monsieur prêtre, plus amateur de littérature que de théologie, dorloté par une gouvernante tyrannique, érudit, gastronome, bibliophile et lisant au coin du feu Barbey d'Aurevilly et Huysmans dans leurs bonnes éditions... »

        Mais je ne suis pas venu « chez Durtal » pour rêver, sinon pour prendre, moi aussi, des nouvelles de la a Société Joris Karl Huysmans qui se prépare à fêter le cinquantième anniversaire de l'auteur de La Cathédrale. Je sais, bien sûr, qu'elle date de 1927 mais que, dès 1919, il existait un « Huysmans-Club assez mystérieux et plutôt initiatique. Je connais les noms de ces huysmansiens des débuts, Lucien Descaves, Paul Bourget, l'abbé Bremond, Forain, le chanoine Mugnier, André Thérive, Valette, et d'autres qui surent attirer à eux tant et tant de personnalités diverses, unies dans la même pensée.
        – Aujourd'hui, me dit M. Pierre Lambert, nous comptons trois cent cinquante membres, nous avons publié trente-trois bulletins et nous restons en contact permanent. Venez jeudi prochain à notre réunion mensuelle rue Christine, un quartier que Huysmans a peu quitté. Nous nous réunissons dans une salle de la « Reine Christine », sur l'emplacement d'une ancienne chapelle antoiniste.
        Le jeune homme nous a quittés depuis un instant, mais nous n'allons pas rester longtemps seuls. Voici une visite. C'est un « fidèle » à la recherche d'un livre rare, mais on sent qu'il a, aussi, quelque chose d'important à dire.
        – Un ami belge, murmure-t-il d'une voix émue, m'assure que le Chapitre de Bruges va se décider à parler.
        – N'y comptez pas trop, lui répond M. Pierre Lambert.
        La glace est rompue. Ainsi j'apprends que le chanoine Docre a vraiment existé sous le nom du chanoine van Haecke, prêtre satanique sur lequel un dossier accablant existe dans la ville des Memling et du Saint Sang. Les chanoines de Bruges, eux, connaissent la vérité. Il parait qu'ils vont enfin parler.
        Plein d'illusions, le fidèle est parti. Nous voici seuls. Pierre Lambert me parle de sa collection d'autographes qui se monte à plus de quatre cents lettres, des éditions rares qu'il possède. Il avait dix-huit ans quand il a découvert Là-Bas. Depuis il a vécu sans cesse avec Huysmans par la pensée. Mais comment s'est-il procuré ce titre de bachelier de Joris Karl, sa blague à tabac japonaise, celle même qu'on voit dans les mains de des Hermies ? Le dieu seul de la brocante le sait.
        Dans l'arrière-boutique, sur un rayon profond, au milieu des livres, M. Pierre Lambert me conduit devant un large coffret carré, habillé de drap rouge avec une porte ornée de cours en bois sculpté : c'est le tabernacle de Julie Thibault, la servante de Huysmans, et qui se trouvait dans sa chambre de bonne de la rue de Sèvres.
        Initiée du rituel des sacrifices du Carmel Eliaque, cette Julie Thibault se disait voyante et Huysmans s'en méfiait. Il savait fort bien que, là-haut, elle célébrait un culte et consacrait sous les trois espèces du pain, du vin rouge et de la lumière. Il laissait faire.
        M. Pierre Lambert, doucement, a ouvert la porte du tabernacle ; j'aperçois, suspendus au fond, hors de portée de la main, quelques médaillons de verre contenant des hosties. Je recule instinctivement, un peu gêné.
        – Rassurez-vous, me dit M. Pierre Lambert, elles ne sont pas consacrées, c'est l'avis des prêtres qui sont venus ici.
        Je voudrais être ailleurs. J'apprends alors que Julie Thibault n'est autre que la Céleste Bavoil de l'Oblat et de la Cathédrale. Je respire mieux, la littérature l'emporte...
        – A jeudi !
        – A jeudi, Durtal, pardon ! Monsieur Lambert.

    *
    *   *

        Maître Maurice Garçon, l'avocat du diable, a chaussé ses larges lunettes. Cet homme jeune encore que l'on a accoutumé de voir plutôt sourire dans la vie, occupe, avec le sérieux d'un chanoine capitulaire, la présidence des amis de J. K. Huysmans dans ce qui fut la chapelle antoiniste. Nous sommes rue Christine, à l'enseigne de la « Reine Christine », où la maîtresse de céans, la bonne Mme Deudon, la cuisinière au grand cœur chantée par Léon Daudet, donne chaque mois asile aux huysmansiens plus avides de nourritures spirituelles que des siennes. Peu importe puisqu'en ces lieux le parfum des sauces l'emporte tout de même sur celui de l'encens.
        C'est donc Maitre Maurice Garçon qui a succédé à Lucien Descaves et apporte à la vie de la Société J. K. Huysmans ce dynamisme qui a marqué sa carrière d'avocat. Faut-il, lui aussi, qu'il l'aime ce Joris Karl Huysmans pour lui consacrer un temps précieux ! Il y a là, dans la salle de la « Reine Christine », autour des petites tables du restaurant, une soixantaine de personnes de tous âges et de toutes conditions. Les grands ténors, ceux dont les noms sont inséparables de toute idée de comité de patronage, ne sont pas là. A part les membres du bureau, je ne mets aucun nom sur ces visages. Il y a des femmes, des hommes, des jeunes gens qui viennent entendre parler et parler eux-mêmes de celui qu'ils appellent familièrement Joris Karl tout en buvant une orangeade. Le secrétaire lit le compte rendu de la dernière séance et la parole, ce jour-là, est donnée à un jeune étudiant pour une communication. Je tombe bien, le sujet est amusant et imprévu pour moi : les relations entre Huysmans et Jean Lorrain. On apprend tous les jours quelque chose de nouveau. On apprend surtout que l'auteur frivole de Monsieur de Phocas, si oublié ! n'était peut-être point si fol qu'il le paraissait au café Napolitain, et que sous des dehors criants il cachait une âme inquiète. Ses lettres à Huysmans, dont on nous lit des extraits, sont empreintes de sincérité et l'amitié que l'auteur de l'Oblat lui rendait ne saurait être suspecte de complaisance.

    Oui, on en apprend des choses, rue Christine ! Figurez-vous que pendant l'occupation (c'est un « sociétaire » qui parle), un bibliophile niçois est perquisitionné par la Gestapo, qui découvre toute l'ouvre de J. K. Huysmans à la place d'honneur. Huysmans ! Le policier fait la grimace, voilà un nom qui ne sent pas son pur aryen. Soudain, sur un rayon voisin, son attention est attiré par une belle reliure sur laquelle il lit La Jérusalem délivrée. Plus de doute cette fois : la bibliothèque entière est confisquée.
        Revenons aux choses sérieuses. On parle maintenant de M. Folantin, l'un des nombreux hypostases, au dire de M. F.-E. Fabre, de Joris Karl « romancier de soi-même »...
        Sait-on combien Là-Bas, paru en feuilleton à l'Echo de Paris, fut payé à Huysmans ? Cinquante centimes la ligne, avait dit M. Gérard Bauer, quarante rectifie M. Pierre Lambert... C'est Jules Destrée qui avait fait connaître à Huysmans les Chants de Maldoror. Il les avait aimés, mais il ne put s'empêcher d'écrire : « Que diable pouvait faire dans la vie l'homme qui a écrit d'aussi terribles rêves ? »... On parle aussi d'Edmond de Goncourt pour lequel Huysmans professait une grande admiration. On a retrouvé de belles lettres à ce sujet. Histoire, petite histoire, tout est bon aux fidèles d'Huysmans qui veulent toujours en savoir davantage sur leur idole. Et cette chasse à l'anecdote, au document se trouve résumée dans les trente-trois bulletins que j'ai parcourus « Chez Durtal » et qui nous conduisent de la rue de Sèvres à la rue Saint-Placide en passant par Ligugé, du naturalisme à la mystique catholique, de la critique d'art au symbolisme archéologique jusqu'à l'occultisme...
        Je suis frappé du côté sérieux de ces huysmansiens réunis à « La Reine Christine ». Là, La Cathédrale l'emporte nettement sur la messe noire et chacun de ces fidèles se préoccupe plus de la prochaine cérémonie anniversaire que des excentricités de Julie Thibault. Ici on ne connait que Céleste Bavoil. C'est à peine si j'ai entendu prononcer le nom de Des Esseintes et personne ne m'a proposé d'aller au « Britannia » diner d'une tranche de roastbeef et d'une pinte de stout. Mais chacun s'est quitté en se donnant rendez-vous à la messe en cette chère église Saint-Séverin, où, comme disait Huysmans, « l'âme des voûtes existe ».

                                                                              SIMON ARBELLOT.


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  • Une cérémonie à l'Église antoiniste (L'Œuvre, 1er sept 1928)Une cérémonie à l'Église antoiniste (L'Œuvre, 1er sept 1928)

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    LES PETITES RELIGIONS DE PARIS

     Une cérémonie
    à l'Eglise antoiniste

         Tout près des quais, une rue toute par fumée de fruitiers. Une boutique comme les autres. A sa devanture qui fut claire, on croirait une crémerie. On entre, c'est tout noir.
        Jamais église ne donne une pénombre semblable à celle qui habite cette petite pièce. Par une fenêtre, au fond, vient un jour si fatigué qu'il n'a pas la force de pénétrer. La nuit ici est chez elle.
        Il y a des bancs bien alignés. Au fond, ayant seul le privilège d'une demi-portion de lumière, un pupitre surélevé comme une chaire de professeur. On dirait une salle d'école pour un cours du soir sans crédit.
        Derrière le pupitre, il y avait une femme toute noire. Sur les bancs, il y en avait une autre, une seule toute noire aussi. Placée à contre-jour, on ne voyait pas le visage de celle qui était au pupitre et qui lisait. Et le jour n'atteignait pas la figure de celle qui était assise sur un banc et qui écoutait. On aurait dit que ces deux femmes recherchaient l'ombre, comme un uniforme.
        Lorsque j'ai ouvert la porte, j'ai pensé tout d'abord me retirer pour ne pas troubler ce tête à tête de deux ombres. Mais celle qui lisait n'a pas interrompu sa lecture et celle qui écoutait n'a pas levé les yeux.
        Je me suis assis sans qu'elles parussent s'apercevoir de ma présence. Au mur étaient inscrits des mots que je ne pus lire. Une sorte de réveil-matin placé sur une tablette marquait l'heure. Dans cette obscurité, étranger entre ces deux ombres, j'avais l'impression qu'il ne sonnerait que pour le jugement dernier. Je n'eus pas à attendre jusque-là. La grande aiguille avait fait à peine la moitié du tour du cadran que l'ombre qui lisait ferme son livre. L'ombre qui écoutait glissa vers la porte. Je me retrouvai dans la rue comme on revient à la vie.
        Le service du soir, à la chapelle antoiniste de la rue des Grands-Augustins était terminé.
        Si les Antoinistes ont à travers Paris des chapelles, ils ont une cathédrale où est révélée la vérité due à l'ouvrier Antoine. C'est au fond du 13e arrondissement, derrière la Glacière, au milieu d'un quartier où les maisons n'ont pas l'air d'être terminées. Un jardin sans fleurs précède l'église qui ne porte pas de croix. J'en ai fait lentement le tour. Derrière, une femme élégante sonnait à une porte basse : le presbytère, un presbytère sans gaité.
        J'ai attendu l'heure de l'office. L'église antoiniste ne diffère guère de ses chapelles. Il y a les mêmes bancs et la même chaire de professeur. Mais, cette fois, c'est un homme qui l'occupait. Tout vêtu de noir. Il lisait lui aussi, d'une voix à côté de laquelle celle de l'ombre de la rue des Grands-Augustins paraissait céleste.
        Et ici, si le jour était pauvre, il était honnête. Il permettait de lire les inscriptions murales : on pouvait en effet déchiffrer : « Culte antoiniste. L'auréole de la conscience. Un seul remède pour guérir l'humanité : La Foi. C'est de la Foi que naît l'amour. L'Enseignement du Père Antoine, c'est l'enseignement du Christ révélé à cette époque par la Foi. »
        Ils étaient une quinzaine qui écoutaient muets et recueillis : des ouvriers aux vêtements bien brossés. Des femmes en cheveux. Je ne revis pas la silhouette coquette qui avait sonné à la porte du presbytère.
        L'homme lisait toujours.
        – Si nous disons que Dieu est notre père, disait-il, ajoutons que le Démon est notre mère qui nous nourrit de son sein et nous est utile. L'enfant n'appartient-il pas pour les trois-quarts à sa mère ? Nous sommes donc plutôt enfants du Démon ! S'il faut l'épreuve pour guérir le mal, ne devrions-nous pas adorer le démon dont l'amour nous fournit le moyen d'abréger nos souffrances ? »
        Un lourd silence aggrava l'ombre. Puis on entendit :
        – Mes frères, au nom du Père, merci. Dans le petit jardin maigre comme un square sans jardinier s'écoulèrent les fidèles aussi peu nombreux que ceux d'une messe du matin.
        L'homme qui avait lu se coiffa alors d'un chapeau haut de forme. Car les Antoinistes, sont, avec les diplomates, les derniers qui aient conservé le culte du gibus.

                                                                     Pierre Benard

    L'Œuvre, 1er septembre 1928


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  •     Plusieurs Fraternelles de l'Institut général de Psychosie ont existé à Paris :

    Fraternelles de Paris de l'institut général de Psychosie

    Fraternelle n°11 de Paris (Le Fraterniste, 12 septembre 1912)

    Fraternelles de Paris de l'institut général de Psychosie

    Fraternelle n°11 de Paris (Le Fraterniste, 19 septembre 1912)

        Le Fraterniste évoque encore la Fraternelle n°32 de Paris.

    Fraternelles de Paris de l'Institut général de Psychosie

    Fraternelle n°48 de Paris (Le Fraterniste, 2 mai 1913)


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  • Wonderdadige genezingen (Rotterdamsch nieuwsblad 24-02-1912)

        Wonderdadige genezingen. Miss Dorothy Kerin, 22 jaar oud, te Herne Hill in Engeland, die na 5 jaren bedlegerig te zijn geweest, is plotseling hersteld en kan nu weer loopen. Zij heeft ook haar gezicht en haar gehoor teruggekregen, dat zij 14 dagen geleden verloor.
        De Parijsche  M a t i n  maakt melding van een vrouw te Parijs, mlle. Camus, die in de rue Wilton woont en afkomstig is uit Bourgondië, welke verscheidene wonderdadige genezingen moet hebben verricht. Zieken, die als ongeneeslijk werden beschouwd, voelden reeds verlichting, wanneer mlle. Camus alleen maar bij hen in de kamer kwam en genazen na 3, 4 à 5 bezoeken van haar. Zij beweert, dat zij tot die genezingen in staat gesteld wordt door vader Antonius, „Antoine Le Généreux”.

    Rotterdamsch nieuwsblad 24-02-1912

     

    Traduction :

        Guérisons miraculeuses. Mlle Dorothy Kerin, 22 ans, à Herne Hill en Angleterre, qui a été clouée au lit pendant 5 ans, s'est soudainement rétablie et peut maintenant marcher à nouveau. Elle a également retrouvé la vue et l'ouïe, qu'elle avait perdues il y a 14 jours.
        Le  M a t i n  de Paris mentionne une femme à Paris, Mlle Camus, qui habite rue Wilton et vient de Bourgogne, qui a obtenu plusieurs guérisons miraculeuses. Les personnes malades, qui étaient considérées comme incurables, se sentaient déjà soulagées, quand Mlle Camus ne les rencontre que dans une pièce et ne les a guéris qu'après 3, 4 ou 5 visites. Elle affirme qu'elle est capable de guérir grâce au père d'Antoine, "Antoine Le Généreux".

     

        Il semble que Mlle Marie Camus ait commencée à opérer au nom du Père depuis chez elle. Cependant il faut lire rue Milton (et non rue Wilton) dans le 9e arrondissement de Paris, assez éloignée des autres salles de lecture, situées rive gauche. Cependant André et Aurore di Mauro, qui habitait rue La Bruyère, à quelques minutes à pied de la rue Milton, sont connus comme étant Antoinistes.


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  • le pharmacien Louis Jolly, et la salle de lecture de la rue Christine

        On apprend l'existence d'un pharmacien du nom Louis Henri Jolly qui était antoiniste. Son père Léon Jolly, également pharmacien, dans le village natale Sézanne (dans la Marne). Il se maria en 1902 à Paris avec une dénommée Gabrielle Corbran. Il habite alors rue Monttessuy, dans le 7e arrondissement.

    le pharmacien Louis Jolly, et la salle de lecture de la rue Christine

        Sa boutique fait faillite en 1904 comme nous l'indique des encarts de journaux. C'est alors qu'on le retrouve par le recensement de 1926 habitant au numéro 1, rue Christine, avec son épouse Gabrielle (née Corbran) et leur fille, Lucienne, née en 1912. On les y retrouvent encore dans le recensement de 1936.

    le pharmacien Louis Jolly, et la salle de lecture de la rue Christine


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  • Antoinistes de la rue Jean-de-Beauvais (Le Radical, 15 avril 1913)

        Philosophes et Thaumaturges

    LE GUÉRISSEUR
                                DE
                 « SCIENCE & VIE »

        Chaque jour, presque, l'actualité nous révèle l'effort original du chercheur qui, à côté des sciences reconnues ou des religions régnantes, s'efforce d'édifier un système, parfois curieux, ingénieux toujours.
        L'empire eut le fameux zouave Jacob, récemment encore le Radical avait à raconter les exploits de la guérisseuse d'Asnières, les théories des « Christian Scientists » américains ou des « antoinistes » de la rue Jean-de-Beauvais.
        Mais tous ces systèmes sont imprégnés de tendances théologico-mystiques qui n'aident point à élucider les étrangetés de la méthode.
        Plus curieux est le système de M. de Laborde, parce qu'il ne se réclame, en ses spéculations, que de la volonté humaine et des connaissances positives.
        Comme tout bon Messie, M. de Laborde a fait paraitre son évangile. C'est un gros livre jaune, décoré d'un masque entouré de rayons noirs et qui prétend, tout bonnement, expliquer dans ses plus secrets arcanes la science de la vie humaine.

        Chez le thaumaturge

        Nous sommes allés voir M. de Laborde en sa clinique à miracles, 9, rue Chalgrin.
        – Je suis désolé que vous ayez appris mon nom, nous dit-il. L'œuvre à laquelle j'ai voué ma vie et consacré ma fortune est une œuvre anonyme, impersonnelle. Qu'importe mon nom, pourvu que l'humanité soit sauvée ! Or, je vous le dis, je vous le prouverai : ma méthode guérit toutes les maladies de l'âme et du corps, toutes, vous entendez bien.
        Certes, c'est beaucoup. Ce moderne docteur Faust est vêtu à la moderne, parle d'une voix douce, semble timide, mais, incontestablement, il a la foi. Aussi, comme tous les vrais grands hommes, peut-il se passer de modestie.
        – Ma découverte, poursuit-il, est la plus grande découverte du siècle. Ma science est expérimentale. Une fois admis le principe « tout est parfait », vous pensez bien que guérir mes malades est un jeu !
        – En effet.
        – Je ne vise même pas à l'originalité, puisque je cherche la vérité. J'ai butine chez Platon, Aristote, Sénèque, Jacob Bœhme, Hegel, Kant, Nietzsche ou Bergson, tout ce qui pouvait enrichir mon système.
        – Fayet, le cordonnier-philosophe, nous fit les mêmes encyclopédiques révélations.
        – C'est possible. Mais cet homme-là ne guérit personne. Je considère la philosophie, non comme une science, mais comme un remède qui, en agissant sur le système mental, permet de réparer le système physique. Ma méthode agit sur le malade par une sorte d'autosuggestion volontaire, enthousiaste, consentie.
        – Comme à Lourdes, alors ?
        – Comme à Lourdes, si vous voulez. Mais, vu que je ne m'attache à aucun système religieux, ma méthode, purement rationnelle, peut convenir à tous les esprits. Aussi, je vais fonder une clinique, une université, un journal, et vous pourrez m'envoyer les maladies les plus terribles, les malades les plus condamnés, je vous redresserai tout cela en un clin d'œil.
        Certes, voilà une belle confiance. Quel dommage que le congrès de psychologie expérimentale, après avoir fait évoluer les sourciers, n'ait pas organisé un concours de thaumaturges ! La pauvre et crédule humanité en aurait certes vu de toutes les couleurs.

    Le Radical, 15 avril 1913


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  • Culte Antoiniste Rue du Château (Annuaire du commerce Didot-Bottin 1921)

    Le culte antoiniste de la rue du Château, tenu par Bertochi, modiste.
    source : Annuaire du commerce Didot-Bottin, 1921

     Cette adresse est indiquée également dans l'Unitif de 1914.
    Elle est évoqué dans le roman Sans âme d'André Thérive.

    Culte Antoiniste, Rue du Château (1921)


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  • Paris Soir 18 septembre 1931

    LES SENTIERS DU PARADIS

    grand reportage par Fernand POUEY

    V - Les amis d’Antoine

        La rue des Grands-Augustins, à quelques mètres des quais, est joyeuse et animée. Boutique de fruitiers et crèmeries projettent sur les trottoirs étroits leurs étalages diversement parfumés. Raisins, poires, pommes, prunes, melons, beurre et fromage se succèdent comme les matins d’une gamme perpétuellement jouée par les ménagères. Peu d’entre elles, cependant, s’arrêtent à une devanture où, de prime abord, apparaît à peu près pareille aux autres. Derrière, on soupçonnerait facilement sans trop d’imagination, un marchand plus méticuleux et plus méfiant que ses collègues, protégeant avec plus d’âpreté sa marchandise contre les mille tentations de la rue. Ayant caché, dirait-on, ses primeurs et ses œufs, attendant la clientèle. Après un seconde d’hésitation, j’ai doucement poussé la porte de cette curieuse boutique… A l’intérieur, c’était tout noir.
        J’étais dans une chapelle antoiniste.
        Royaume de la nuit. Encore ces mots ont-ils plus de résonance qu’il n’en faut pour désigner cette pièce et cette pénombre… Par une fenêtre, au fond, le jour pénètre difficilement dans une petite salle. Il est si fatigué, d’ailleurs, qu’il n’a pas la force d’en éclairer les coins, ainsi abandonnés à la plus franche obscurité. Pour le reste, on distingue, sur le parquet propre et net, quelques bancs bien alignés, bien cirés, bien frottés. Sous la fenêtre, un pupitre, surélevé comme une chaire de professeur, s’enorgueillit d’un peu de lumière. On songe irrésistiblement à une salle d’école pour un cours du soir, dans une municipalité pauvre.
        Or, – l’après-midi que j’y fus – il y avait là trois femmes.
        Derrière le pupitre, une femme noire.
        Sur un banc, une autre femme, noire aussi.
        A un autre banc, une autre femme, noire encore.
        La première lisait : on ne voyait pas son visage, placé à contre-jour. On ne pouvait non plus distinguer la figure des autres, placées à des endroits que la lumière n’atteignait point. Toutes trois, vêtues d’ombre, baissaient la tête... autant du moins qu’il me le parut.
        Elles s’étaient réunies là pour le service du soir. Une sorte de pudeur me conseillait de repartir. Avais-je vraiment le droit moral d’assister à un culte aussi confidentiel. Non, sans doute. Mais la femme qui lisait continuait sa lecture – celles qui écoutaient ne levaient pas les yeux... Alors, je suis resté.
        Bras croisés, j’ai penché le visage dans l’attitude classique de la méditation, Et J’ai essayé sincèrement de suivre le fil de la lecture, Hélas ! mon désir de s’instruire sombra dans ce seul effort. Il me semble que, rajeuni, je me trouvais au catéchisme de persévérance et je fis à nouveau, naïvement, les gestes de mon enfance. Tout fut perdu. Je m’amusai à jouer avec le bois lisse du banc, à rechercher du bout des doigts les rares éraflures susceptibles de déchirer les pantalons des jeunes garçons impatients. De la main gauche, j’attaquai à plusieurs reprises les premières mesures de la « Marseillaise », puis de « l’Internationale ».
        Je comptais aussi, mentalement, les secondes... Quand j’arrivais à soixante : « Voilà une minute, murmurais-je avec satisfaction, qui me rapproche de la fin ».
        Du temps passa...
        Lorsque, enfin, je repris conscience de la situation, j’entendis que la femme continuait à lire d’une voix monotone et basse, son évangile qui me demeurait étranger. Ses compagnes, immobiles, n’avaient pas bougé.
        Aux murs étaient inscrits des mots que je ne pus lire. Sur une tablette, une sorte de réveille-matin marquait l’heure. Je considérai avec un soupir la marche lente de l’aiguille.
        Cela dura environ une demi-heure encore. Après quoi, soudain, l’ombre, qui lisait ferma son livre. Les ombres qui écoutaient se glissèrent vers la porte. Et je me retrouvai moi-même dans la rue. Il pleuvait. Au sortir de cette grisaille, je tendis avec plaisir mon front à la caresse d’une vraie pluie. Le nez en l’air, je savourai avec délices l’air frais et réconfortant. Un jeune livreur, qui déballait des œufs, manqua d’en faire une omelette, car je le heurtai, perdu dans mes nuages.
        D’un mot, d’un seul, il évoqua l’ombre de Cambronne. Sans doute ambitionnait-il de froisser à jamais ma dignité. Mais :
       – Comme il est vivant, celui-là ! pensais-je.
        Et je souris de contentement, tel un explorateur saluant après un long voyage, des habitudes plus chères à son cœur que les plus dangereuses découvertes. Un ami mystique, à qui je contai le fait, le commenta dans un sens différent :
        – Il vous a suffi, me dit-il, d’un moment de méditation à la chapelle antoiniste pour devenir meilleur et pratiquer l’oubli des injures.
        Désireux de ne rien négliger pour mon salut, je décidai, dans ces conditions, de poursuivre l’épreuve.
        Au fond du XIIIe arrondissement, derrière la Glacière, les Antoinistes, qui ont des chapelles à travers Paris, ont aussi leur cathédrale où est révélée la vérité due à l’ouvrier Antoine. Un jardin sans gaité et sans fleurs précède l’église, qui ne porte pas de croix. Il y a là, derrière, un bâtiment bas avec une porte basse : le presbytère. Le tout est austère, honnête, sans élégance.
        J’ai attendu l’heure de l’office. L’église antoiniste ne diffère guère de ses chapelles. Mêmes bancs ; même chaire de professeur. Cette fois, un homme l’occupait ; un homme vêtu de noir qui lisait, lui aussi, d’une voix assez désagréable, des phrases dont je parvins à saisir celles-ci :
        – Si nous disons que Dieu est notre père, ajoutons que le Démon est notre mère qui nous nourrit de son sein et nous est utile. L’enfant n’appartient-il pas pour les trois quarts à sa mère ? Nous sommes donc plutôt enfants du Démon ! S’il faut l’épreuve pour guérir le mal, ne devrions-nous pas adorer le démon dont l’amour nous fournit le moyen d’abréger nos souffrances ?
        Ils étaient une vingtaine qui l’écoutaient, muets eu recueillis ; ouvriers aux vêtements bien brossés, femme en cheveux. Comme le décor, comme le jardin, comme l’église, ils semblaient, eux aussi, honnêtes sans gaité.
        Le jour permettait ici de lire les inscriptions murales. On pouvait en effet déchiffrer : « Culte antoiniste. L’auréole de la conscience. Un seul remède pour guérir l’humanité : la Foi. C’est de la Foi que nait l’amour. L’enseignement du père Antoine, c’est l’enseignement du Christ révélé à cette époque par la Foi. »
        On entendit :
        – Mes frères, au nom du Père, merci.
        La cérémonie était terminée. Les fidèles s’écoulèrent dans le petit jardin et l’homme qui avait lu se coiffa de son chapeau haut de forme. Car les Antoinistes ont conservé le culte du gibus, ce qui leur vaut régulièrement un succès considérable auprès des gamins de la rue. Les victimes ne se soucient pas outre mesure de ces enfantines manifestations. Les projectiles qui, parfois, font sauter les gibus hors de leurs crânes leur apparaissent probablement comme l’amicale chiquenaude du Démon.

                              ~~~~

        A la sortie, j’ai interviewé l’homme au gibus. Le timbre de sa voix prenait, dans la conversation, des accents doux qu’il ignorait dans la lecture.
        Pourrais-je, lui dis-je, m’entretenir quelques instants avec vous des choses qui vous intéressent ?
        Il eut un pâle sourire.
        – Je vous écoute, répondit-il. Ici, nous sommes tranquilles.
        Au même moment, je rassemblais tout ce que je pouvais avoir de dignité pour faire front aux rires puérils qui nous encerclaient. Un gosse – haut comme une botte – chantait à tue-tête, sur un air que je croyais oublié, une chanson rengaine qui s’arrêtait pour lui à ce premier et seul « vers » :
        Il s’appelle Antoi-a-a-a-ne
        Ses copains choisissaient sur la place de menues pierres, pas trop lourde à leurs jeunes bras, mais suffisamment pointues pour causer « au chapeau » des préjudices appréciables.
        Le digne pasteur, grand, sec, blond, ouvrait sur eux des yeux d’un impeccable bleu lavé, qui semblaient voir en dedans. Il me dit :
        Nous sommes plus de deux cent mille.
        Ainsi, je n’avais pas le droit de le tenir pour un phénomène. Mon respect s’en accrut.
        – Nous sommes pauvres, continua-t-il. Sauf rares exceptions, nos fidèles ne sont pas riches d’argent. Riches, ils le sont cependant de biens à venir, placés dans l’éternité. Et notre loi est une loi d’amour !
        Le mot fut ponctué d’un coup sur le gibus. Un gamin plus adroit que les autres, ou mieux servi par le hasard, avait enfin atteint l’objectif d’une pierre coupante. Des clameurs enthousiastes accompagnèrent l’exploit.
        Mon interlocuteur leva le bras, ainsi que pour saluer. Ayant doucement soulevé son chapeau, il le ramena à hauteur des yeux, considéra les dégâts (en vérité assez minces) et brossa la peluche avec son coude, à petits gestes précautionneux.
        Il sourit encore !
        – Aimons-nous les uns les autres, fit-il.
        Puis, il ajouta :
        – Ah ! jeunesse ! avec un soupir.
        Un gosse, qu’il regardait amicalement, s’approcha, plein de gentillesse apparente. Mais sa main, derrière le dos, dissimulait un caillou.
        – Ange et démon, murmura le bon Antoiniste, je t’aime doublement, mon enfant.

                                            Fernand POUEY.

                                            FIN

    Paris Soir, 18 septembre 1931 (illustration : Le temple Antoiniste de la rue Daviel)


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  •     Les Antoinistes rue Christine. - La rue Christine ne manque pas de titres de gloire. On sait que, tracée depuis le XVIIème siècle sur une partie de l'emplacement de l'Hôtel et des jardins du Collège de Saint-Denys, elle porte le nom d'une fille de Henri IV. C'est bien au souvenir de cette fille royale qu'allusionne bien sûr, la somptueuse enseigne de fer forgé au coin de la rue, du côté de la rue des Grands-Augustins. Encore que surgisse dans l'esprit, à l'appel de ce nom, la mémoire d'une autre Christine, cette étonnnante Christine de Stommeln, à laquelle J.-K. consacre de nombreuses lignes du chapitre XIV de "la Cathédrale". Dans ce même coin (soit la grande salle actuelle) à un temple Antoiniste, lequel à son tour avant la deuxième guerre, fut remplacé par le restaurant actuel. Depuis 1948, les fidèles de Huymans y célèbrent, chaque 1er jeudi du mois, leur auteur de dilection. Le jeudi 7 janvier dernier, notre éminent ami André Thérive a fait un petit historique fort savoureux sur ce coin de la rue Christine, un lieu où, rappelait-il, a « soufflé l'esprit ». Et où il souffle toujours, car, c'est dans cette même salle, où s'assemblaient les fidèles Antoinistes pour écouter les prêches du Père, et recevoir le fluide envoyé de Jemmeppes-sur-Meuse, que les huysmansiens tiennent leurs réunions. Ce Culte Antoiniste est une sorte de néo-gnosticisme, précisa André Thérive et a toujours de nombreuses chapelles. Paris en comptait trois : rues Vergniaud, du Château, du Pré-Saint-Gervais. Seul le temple rue Vergniaud subsiste. Il en existe en province : Nice, Chambéry, Lyon, Valenciennes, Reims, Tours, Vichy, Monaco, et la Belgique compte vingt-sept temples.
        André Thérive fit lecture de nombreuses pages de son roman "Sans Ame", consacré à cette petite religion. Ce roman qui parut en 1927 à la Revue de Paris, et fut édité en 1928, chez Grasset, puis en 1933 chez Ferenczi, pourrait être placé sur un rayon déjà chargé, non loin des "Petites Religions de Paris" de Jules Bois.
        Notre ami remporta le plus grand succès.
                                          G.-U.-L.

    Bulletin de la Société J.-K. Huysmans
    n° 27 (27e année) - 1954, p.111


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  •     On apprend par des informations indirectes qu'une salle de lecture à Paris 6e a existé dans la rue Christine.
       En effet, bans le bulletin Municipal officiel du samedi 19 octobre 1929, M. Jolly représentait la Cultuelle antoiniste fait un don.
       Enfin, Gabriel-Ursin Langé consacre un article sur "Les Antoinistes rue Christine",  dans le Bulletin de la Société J.‑K. Huysmans (n° 27, 1954, p. 111-112,).
        On sait par Maurice Colinon qu'en 1953 (Faux prophètes et sectes d'aujourd'hui, Plon, Paris), une salle de lecture se trouvait également dans la rue des Grands-Augustins, perpendiculaire à la rue Christine. Est-ce la même donnant sur les deux rues ?

        Dans tous les cas, le 27 mars 1955 on ouvre le 3e Temple parisien du Passage Roux (dans le 17e), donc loin de cette salle de lecture.
      

    Salle de Lecture rue Christine/rue des Grands-Augustins (Paris)

     

    Paris - angle rues Christine et des Grands-Augustins, Eugène Atget, 1911 (parismuseescollections.paris.fr)

    Salle de Lecture rue Christine/rue des Grands-Augustins (Paris)

    Paris - angle rues Christine et des Grands-Augustins, 2000 (google-maps)


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  •     En 1925, devait s'ouvrir, d'après Le Petit Parisien, un nouveau temple à la porte Pouchet (entre la porte de Saint-Ouen et la porte de Clichy), dans le Nord de Paris. Le temple du Passage Roux, se trouve à 2000 mètres de là. Mais il n'ouvrira qu'en 1955.

    Les salles de lectures à Paris

    Paris - Rue et Porte Pouchet


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  •     - Vous êtes nombreux dans le quartier ?
        - Oh ! bien sûr ; mais on ne se connaît pas trop bien à présent. L'an dernier il y avait un petit temple installé, rue du Château, dans une boutique, et c'était bien commode pour moi. Mais le propriétaire a fait expulser l'adepte qui n'était que sous-locataire ; et à présent on y vend des appareils à gaz. Ça me fend le coeur chaque fois que je fais mon marché par là, et si on veut voir l'Opération, il faut courir de vos côtés, à la Glacière, où est le grand temple, notre cathédrale enfin. Mais le fluide y est fort, vous pensez ! et toute personne qui se présente ayant la foi, son compte est bon ; elle palpe les croyances qui alimentent l'âme et crac ! elle est guérie. C'est une chose tout de même de voir ça, monsieur ! Vous y viendrez tous deux...

    André Thérive, Sans âme (p.125)
    Grasset, Paris, 1927


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