• Les Antoinistes demandent la personnification civile (La Dernière Heure, 6 mars 1921)(Belgicapress)

    Les Antoinistes demandent la personnification civile (La Dernière Heure, 6 mars 1921)(Belgicapress)LES “ANTOINISTES„ DEMANDENT
    LA PERSONNIFICATION CIVILE

        S'il advient qu’un jour l'idée vous taquine de fonder en Belgique une église nouvelle ou une secte religieuse plus « à la page », c'est dans un de nos grands centres industriels qu'il conviendra de claironner d'abord votre doctrine. (Il est sage, n'est-ce pas, de baser toutes ses actions sur l'expérience acquise par soi ou par autrui.)
        Sans doute en est-il parmi vos prédécesseurs qui vous montreront le chemin de la correctionnelle ou de la Cour d'assises. D'autres, qui ne furent point des rebouteux vous apprendront qu'il y a certain danger à détrousser les fidèles. Il faudra éviter tous ces errements. Les méthodes des « Darbistes » du Borinage, du bon-dieu de Ressaix ou du Père Dor à Roux mériteront quelque examen. S'il s'agit pourtant d'un succès à longue durée, c'est vers les « Antoinistes » de Jemeppe-sur-Meuse que votre attention devra s'orienter.
        Fondé en 1906, le culte Antoiniste comptait quatre ans plus tard 160.000 adeptes. Et le 2 décembre 1910 ceux-ci adressaient aux Chambres une position par laquelle ils demandaient

    de reconnaître par un projet de loi le culte Antoiniste à seule fin que ses temples soient exonérés des impôts et droits de succession, avec la restriction formelle pour respecter la pensée du fondateur, qu'il ne peut être accordé le moindre subside aux personnes morales préposées à la direction et à l'entretien des temples.

        Cette requête ne fut pas accueillie.
        Dans le courant de l'année dernière, la pétition était renouvelée, recouverte de 360,000 signatures belges et accompagnée des témoignages de sympathie d'un certain nombre d'administrations communales.
        Il y fut répondu en substance :
        Votre cuite peut être considéré comme fondation ou comme société à but lucratif.
       
    Et voici les Antoinistes repartis pour une nouvelle campagne, si bien repartis d'ailleurs, que l'administration communale de Liége leur adressait également, il y a une quinzaine de jours, ce qu'ils dénomment « un témoignage de sympathie ».
        Evidemment, Jésus, Mahomet et – comme dit Schuré – tous les « grands Initiés » n'avaient pas ces moyens à leur disposition, mais ils bénéficiaient par contre, de circonstances de temps et de lieux.
        L'histoire nous apprendra si la manière des Antoinistes s'applique parfaitement à l'époque actuelle.

              EN PELERINAGE A JEMEPPE-SUR-MEUSE
        Jusqu'à présent, les échos de « l'Antoinisme » dans la capitale n'avaient guère retenti qu'à Forest où des adeptes ont fondé un temple. Nous aurions pu nous y adresser pour « éclairer notre religion ». Nous avons tenu pourtant à remonter à la source et c'est pourquoi nous avons fait, en profane, le pèlerinage de Jemeppe-sur-Meuse. Le gros bourg mosan n'a rien d'un Eden.
        Par des rues à l'aspect mi-campagnard mi-citadin, nous arrivons à l'entrée du Temple.
        Une inscription rappelle la date de fondation : « Culte Antoiniste : 1910 », ni tourelles, ni clochers, ni flèches. Une façade en pisé et qui ne surpasse pas les maisons voisines. Aucun motif architectonique.
        Une « Sœur » nous reçoit, à qui nous exposons le but de notre visite.
        – Je ne suis pas instruite, nous dit-elle ; je suis concierge.
        Puis une autre sœur (épouse d'un richard volontairement appauvri pour servir l'Antoinisme) :
        – Mère ne reçoit pas... Vous désirez des renseignements ! C'est regrettable que « frère » Delcroix soit absent. Il est le secrétaire du Comité général : il vous aurait documenté ; mais il est professeur à l'Athénée de Liége et il a des cours en ce moment. Je ne demande cependant qu'à vous être agréable : aussi je vais appeler notre « frère lecteur ».
        Et nous voici bientôt devant un ouvrier mineur, accueillant et prolixe.

              QU'EST-CE QUE L'ANTOINISME ?
        Le Père Antoine, dit-il, est né à Mons-Crotteux. Il avait débuté dans la mine à l'âge de 12 ans. Puis, métallurgiste, il avait passé 3 ans en Allemagne et plusieurs années près de Varsovie où il s'était acquis un petit pécule. C'est dès lors qu'il commença à prodiguer ses soins à l'humanité.
        Il revint à Jemeppe et s'adonna au spiritisme moral, non expérimental. Mais bientôt il devait faire sa révélation.
        – Sa… ?
        – Oui, sa révélation : c'est-à-dire qu'ayant amené à lui des adeptes, il leur démontra que

              NOUS SOMMES TOUS DES DIEUX,
        car si Dieu est notre Père, notre essence ne peut différer de la sienne. Cette révélation dura de 1906 1909.
        – Ensuite !
        – Ensuite, il fit le « développement » des choses qu'il avait enseignées. En 1910, il construisit ce temple. Il avait été traduit devant le tribunal de Liége comme guérisseur. Mais il déclara : « Je n'ai jamais dit que je guérissais, mais que c'est la Foi qui guérit ». Et c'était exact. Il fut acquitté.
        Il s'est désincarné le 25 juin 1912 après avoir désigné pour lui succéder « Mère Antoine » qui compte 70 ans sonnés. Aujourd'hui donc, c'est elle qui fait les opérations.
        – Qu'entendez-vous par opérations ?
        – les quatre premiers jours de la semaine et le dimanche à 10 heures du matin, les fidèles viennent au Temple. Ils se recueillent, élèvent leur pensée vers le Père. Mère monte alors à la tribune et donne sa bénédiction à l'assemblée. Chaque assistant obtient ainsi la foi qu'il peut « requérir ». C'est en cela que consiste « l'opération ». Après cela je donne lecture des dix principes révélés.
        – C'est là tout le rituel ?
        – Il y a en outre des lectures qui se font le soir à 7 h. 1/2 chaque jour, sauf le samedi : car il faut nettoyer le temple.
        Puis il y a le baptême et le mariage Antoinistes qui consistent uniquement en bénédictions données par Mère Antoine.
        – Les Antoinistes admettent-ils le divorce ?
        – Il n'en est point fait mention dans l'enseignement du Père. Mon avis, c'est que ceux qui voudraient divorcer ne sont pas encore à même de supporter leurs épreuves ; le cas ne s'est jamais présenté.
        – Vous avez aussi des enterrements Antoinistes ?
        – Ils se font dans la plus grande simplicité, sans discours, musique, ni bannière. A la levée du corps, un adepte lit les « dix principes » et la « réincarnation ».
        Ici, le « lecteur » nous répète sous forme de conversation les théories, apprises dans « l'enseignement ». Mais tantôt nous avons fait le tour du Temple – une salle bien chauffée où, au parterre et aux galeries, s'alignent des bancs pour 200 personnes – et, sur le mur du fond, derrière une chaire et estrade à laquelle s'adosse une tribune nous est apparue, en lettres blanches sur fond bleu, la doctrine du Père :
        « L'enseignement du Père, c'est l'enseignement du Christ révélé à cette époque par la Foi. » Puis, en dessous est expliquée « L'auréole de la Conscience ». Nous lisons : « Un seul remède peut guérir l'humanité : la Foi. C'est de la Foi que naît l'amour, l'amour qui nous montre dans nos ennemis, Dieu lui-même. Ne pus aimer ses ennemis c'est ne pas aimer Dieu, car c'est l'amour que nous avons pour nos ennemis qui nous rend dignes de le servir. C'est le seul amour qui nous fait vraiment aimer, parce qu'il est pur et de vérité. »
        Cet amour de l'ennemi est, pourrait-on dire, le mobile des sympathies recueillies par les Antoinistes.
        – Jamais, nous disent des habitants de l'endroit, un Antoiniste ne supporte que l'on « décause » quelqu'un.

              LA MULTIPLICATION DES TEMPLES
       
    Revenons à notre « lecteur » :
        – Les Antoinistes ont beaucoup d'adeptes ?
        Nous avons actuellement des temples à Visé, à Villers-le-Bouillet, à Paris, à Vichy, à Monaco, à Liége, à Jupille, à Jumet, à Souvret, à Herstal, à Jemeppe, à Forest-lez-Bruxelles, à Bierset, à Montegnée, à Seraing, à Momalle, à Stembert, à Ecaussines, à Verviers.
        Bientôt, nous en aurons un à Tours
        – Diable... !
        – En outre, nous avons des groupes nombreux – une soixantaine – qui n'ont point encore de temple. Il y en a jusqu'en Amérique et au Canada.
        Tout cela demande une organisation et de l'argent ?
        – Un Conseil général nommé par la mère gère les intérêts matériels du Culte, à Jemeppe ; enfin pour chaque temple, la Mère désigne un Conseil d'administration de 7 membres. Les desservants des temples sont aussi nommés par la Mère.
        Celle-ci, avant sa « désincarnation » déléguera ses pouvoirs à celui qu'elle jugera le plus digne.
        Tous les temples sont bâtis grâce à des dons anonymes ; car tous nos services sont gratuits ; nous nous bornons à vendre nos brochures. Tout adepte qui fait payer sa prière n'est plus d'accord avec la loi divine. Nous avons notre imprimerie, nos dactylographes.
        – Vous avez obtenu, par la foi de nombreuses guérisons ?
        – Je ne puis vous dire cela moi-même. Il faudrait le demander aux malades.
        – En quels termes êtes-vous avec le clergé ?
        – Pour nous ce sont des « frères » comme nous. Dans le temps, les prêtres ont combattu l'Antoinisme ; maintenant je n'en ai pas connaissance. J'ignore s'ils nous ont excommuniés.

              L'UNIFORME
        Et longuement, le « lecteur du temple » nous parle encore de l'uniforme des adeptes : pour les frères – lisez les hommes – la jaquette fermée tombant jusqu'à mi-mollet et le haut chapeau à visière ; pour les « sœurs » (les femmes) la robe noire à bonnet ruché retenant un petit voile qui descend jusqu'aux épaules.

              LA POUSSE DES CULTES
        – Des cultes, nous disent quelques instants plus tard, des habitants de Jemeppe, il en pousse partout dans les environs : on parle déjà d'un certain Père Martin ; en outre, on construit, à Sclessin, un temple d'un nouveau genre. Il s'intitulera : La maison de Dieu, et sera dédié à la fois au Père Antoine, à Allan Kardec et à... Jeanne d'Arc.
        Des cultes ? Mais on en fonde comme on veut au pays de Liége. Mais cela ne « tient » pas toujours longtemps.
        Le Père Antoine, pensons-nous, n'a pas fait que des adeptes. – R. H.

    La Dernière Heure, 6 mars 1921 (source : Belgicapress)


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