• Funérailles d'Antoine (Excelsior, 2 juillet 1912)

    Funérailles d'Antoine (Excelsior 1912)

    Funérailles d'Antoine-le-Guérissseur - suite page 3 (Excelsior 02 juillet 1912)

     

    APRES LA MORT D’ANTOINE

    La “Mère Antoine”
    remplacera
    le “Désincarné”

    Depuis la mort du “Guérisseur” c’est
    sa femme qui donne des soins à
    ceux qui ont la foi.

        LIÉGE, 1er juillet (De notre envoyé spécial, par téléphone). – Lorsque la dernière pelletée de terre eut recouvert le cercueil d’Antoine le Guérisseur et que la foule des antoinistes se fut ruée sur la tombe, je quittai le petit cimetière de Jemeppes et je retournai au temple. Je voulais revoir la « Bonne-Mère » et savoir d’elle ce qu’il allait advenir du culte fondé par son divin époux.
        Cependant, je savais déjà que tout continuerait comme par le passé. N’était-il pas impossible de laisser péricliter une si belle entreprise que la crédulité humaine avait rendue si prospère ? Le conseil d’administration du culte – car les antoinistes sont très administratifs et abusent même des conseils – avait décidé que, la désincarnation d’Antoine étant faite, désormais, pour obéir à sa suprême volonté, ce serait sa compagne qui le remplacerait et monterait à la tribune pour les « opérations générales » les quatre premiers jours de chaque semaine, à 10 heures du matin.
        Pas encore assez immatérielle pour supporter sans faiblir la pompe de cette funèbre semaine, la veuve du Guérisseur n’alla pas jusqu’au cimetière. Ce fut donc dans son logement contigu au temple que je la revis, toujours dans la même pose extatique, au pied du lit mortuaire couvert d’andrinople.
        Mais je dus renoncer à entendre le moindre mot tomber de ses propres lèvres. La « Bonne Mère », est bien la digne continuatrice de son mari, et elle sait que, pour « opérer », il lui suffit d’imposer les mains pour guérir et convaincre.

    La mission de la Mère
        Depuis deux ans, n’est-ce pas ainsi que le Guérisseur a conquis la foi de plus de 130.000 adeptes belges, français, allemands ou anglais ?
        – Lundi dernier, me dit une des premières sœurs antoinistes, Mme Desart, à qui le frère directeur Delaunoy avait donné mission de me guider, le Père sentit que le moment suprême était venu. Il nous réunit autour de lui et nous annonça qu’avant le lendemain un grand événement se produirait.
        » Mais, malgré sa faiblesse, il voulut opérer encore, et il monta à la tribune. C’était la dernière fois, et quand il en descendit, ce fut pour nous dire : « La Mère me remplacera! Comme moi elle est pure ! Comme moi elle est la Vertu ! » Et, à minuit, il expirait !
        Et tandis que la sœur antoiniste me parle, la « Bonne Mère » tombe dans une plus profonde extase. Ses paupières s’abaissent fébrilement et ses mains tremblent.
        – Jusqu’à vendredi soir, continue Mme Desart, nous avons veillé sa dépouille mortelle, qui fut alors mise dans sa bière de sapin. Mais notre Père ne nous a pas quittés pour cela ! Plus que jamais il est parmi nous, avec nous, avec vous même, que vous le vouliez ou non. C’est Lui qui vous a amené ici, c’est Lui qui vous parle et c’est…
        » Il ne fut la réincarnation de personne ; il fut sa propre incarnation, il fut la Vertu ! Nous faisons de Lui notre Sauveur, et il est notre Dieu parce qu’il ne veut être que notre serviteur ! »
        Toutes ces paroles, pas très compréhensibles — je ne suis pas initié – la petite femme, toute de noir vêtue, me les récita d’une voix blanche, comme une leçon apprise par cœur. Puis elle me montra les différentes pièces de l’appartement qui est, je l’ai dit, d’une propreté flamande. Cela démentait péremptoirement la légende que le Père Antoine avait passé ses jours dans un cercueil, ou, au pis aller, dans une cellule.
        Ce matin, avant de partir, j’ai assisté à l’« opération » du lundi. Tandis qu’au-dessous d’elle le frère Dérégnaucourt, qui lui a succédé dans l’opération du vendredi, et qui, dans l’avenir, est appelé à devenir le grand prêtre, le pape de l’antoinisme, ouvrait le Grand Livre de la Révélation, la « Bonne Mère » s’installa à la tribune et imposa les mains.
        Au-dessus de sa tête, sur le mur d’ardoises, je lisais les préceptes fondamentaux de l’antoinisme. « Aimer, parce qu’il est pur !... », pendant qu’autour de moi la foule des adeptes attendait la guérison.
        Vainement, je m’efforçais de puiser la foi pour être frappé au cœur par l’illumination, comme le fut un jour une petite modiste parisienne, Mlle Camus, qui compte maintenant parmi les plus ardentes antoinistes ! Je ne pouvais être guéri... mais je pris le parti de me sauver ! – HENRY COSSIRA.

    Excelsior, 2 juillet 1912


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