• Une religion nouvelle, l'Antoinisme (La Meuse, 15 mai 1910)(Belgicapress)

    Une religion nouvelle, l'Antoinisme (La Meuse, 15 mai 1910)(Belgicapress)UNE RELIGION
                        NOUVELLE

    L'ANTOINISME

    Article inédit.

        Nos lecteurs ont souvent entendu parler d'Antoine-le-Guérisseur, de Jemeppe-sur-Meuse. On sait qu'il reçoit chaque jour de 500 à 1,200 malades ; c'est plus qu'à Lourdes. Et mieux qu'à Lourdes, des milliers et des milliers de personnes déclarent avoir été guéries par lui, et des maladies les plus graves et les plus diverses, depuis le cancer, le lupus, l'eczéma, jusqu'à la tuberculose, la paralysie et l'épilepsie. On lui écrit de l'étranger ; il reçoit 200 lettres par jour, et des télégrammes de toutes les parties du monde.
        Le dimanche, à 10 heures, ses adeptes se réunissent dans le Temple, à Jemeppe. Pendant des années, le Maître lui-même montait en chaire et développait son enseignement moral. Il était écouté avec une ferveur inconnue dans nos églises et nos temples. Mais depuis quelques mois Antoine ne se montre plus dans le temple, et un de ses adeptes les plus zélés donne lecture d'une de ces brochures qu'Antoine a publiées dans ces deux dernières années et qui ont été distribuées à profusion.
        Mais voici qui va attirer l'attention du pays tout entier sur le guérisseur de Jemeppe. Les adeptes d'Antoine viennent d'adresser au Roi et aux chambres une pétition leur demandant de reconnaître par une loi la religion nouvelle qu'il a fondée, l'Antoinisme. En quatre mois, ils ont recueilli plus de 150,000 signatures, 120,000 dans la province de Liége, 30,000 dans l'arrondissement de Charleroi, 4,000 à Bruxelles et 4,000 à l'étranger ; ils en auraient recueilli le double s'ils avaient parcouru le restant du pays wallon.
        Il y a là un mouvement qui doit attirer l'attention. Depuis longtemps, le clergé catholique a compris le danger et s'inquiète de cette religion qui se fonde ; tous les dimanches, à Seraing et dans les environs, les curés prêchent contre Antoine, et tous les lundis soir, cet hiver, dans un couvent de notre ville, des conférences ont été données spécialement pour combattre l'enseignement du guérisseur de Jemeppe.
        Quel est donc cet homme extraordinaire, qui, à notre époque, et dans notre pays de scepticisme, crée une foi nouvelle ?
        C'est un simple ouvrier. Louis Antoine est né en 1910, à Mons-Crotteux ; ses adeptes vont visiter la petite maison où il est né. Son père était mineur. Il est descendu lui-même dans la mine pendant deux ans, mais il étouffait sous terre et préféra travailler dans une usine. Il entra à Cockerill, fit son service militaire dans les chasseurs à pied, rentra à Cockerill comme marteleur, passa cinq ans aux aciéries Pastor, à Ruhrort, revint pendant deux ans dans le pays, fut machiniste aux Kessales, fut de nouveau engagé comme chef marteleur par M. Pastor pour les aciéries de Praga, près de Varsovie, où il passa cinq ans ; enfin, revint définitivement à Jemeppe comme encaisseur aux Forges et Tôleries Liégeoises. Il s'était marié en 1873 et eut un fils qui mourut en 1893.
        Antoine, par son travail et son économie, avait gagné une petite fortune ; il rêvait de grandes destinées pour son fils ; après la mort de celui-ci, il résolut de consacrer sa vie et sa fortune à la guérison des malades et au soulagement de toutes les misères physiques et morales. Il quitta le travail et resta chez lui, à la disposition des malades et de tous ceux qui sont dans la peine. Il recevait d'abord une centaine de personnes par jour, puis le bruit de ses guérisons miraculeuses se répandit et, maintenant, on vient de partout, en foules toujours grossissantes. Antoine est d'un désintéressement complet. Il ne reçoit jamais rien de ses malades. Il y avait jadis, dans le temple, un tronc dans lequel les malades pouvaient déposer leur obole et dont le produit était intégralement distribué aux pauvres de Jemeppe. Depuis plusieurs années, Antoine l'a supprimé et dit à ceux qui lui offrent de l'argent de faire eux-mêmes leurs charités. Non seulement il ne reçoit jamais rien, mais il donne aux malades pauvres : il a donné presque tout ce qu'il possédait ; à peine lui reste-t-il de quoi vivre.
        Il vit, d'ailleurs, comme un ascète. Il est végétarien, ne prend ni viande, ni œufs, ni beurre, ni lait. Il reçoit ses malades le matin ; l'après-midi, il se promène dans son petit jardin et prépare son enseignement. Il ne sort jamais de la maisonnette qu'il habite à côté du Temple qu'un adepte reconnaissant a fait construire et où il vit avec son admirable femme et deux orphelines qu'ils ont recueillis et élevées. Depuis cinq ans, il n'est sorti de sa maison que deux fois, pour comparaître devant le tribunal correctionnel et devant la Cour d'appel, du chef d'infractions à la loi sur l'art de guérir ; on sait qu'il fut acquitté et on se souvient des manifestations populaires auxquelles donnèrent lieu ces deux comparutions.
        C'est un saint, et ainsi s'explique la prodigieuse influence morale qu'il exerce sur tous ceux qui l'approchent et qui suivent ses enseignements. Quels sont ces enseignements, quelles sont les doctrines philosophiques d'Antoine, à quoi croit-il ? Antoine a été longtemps catholique, et catholique fervent. Il a toujours été mystique ; on raconte que, quand il était enfant, il quittait ses camarades de jeux pour entrer à l'église et prier. Puis Antoine a été spirite ; aujourd'hui, il est plutôt théosophe. Il croit à la réincarnation, il croit que chacun de nous porte la peine et la récompense de ses vies antérieures, et doit travailler à son amélioration, à son avancement moral, doit se détacher de plus en plus de la matière pour mériter de devenir un pur esprit et se rapprocher de plus en plus de Dieu. Mais Antoine s'explique peu sur ses idées philosophiques son enseignement est surtout, on peut même dire uniquement moral ; il prêche le désintéressement, la résignation devant l'épreuve nécessaire, la charité, l'amour même de ses ennemis. Comme guérisseur, il croit que les maux du corps proviennent d'une imperfection de l'âme, et il soigne et guérit l'âme de ses malades ; il ne demande pas même aux malades le mal dont ils souffrent.
        On saisit facilement la portée morale et sociale de cet enseignement. « La Meuse » ne peut pas se désintéresser d'un mouvement dont les progrès ont été si rapides et dont les conséquences peuvent être si importantes. Nous nous sommes bornés aujourd'hui à donner quelques renseignements sur Antoine ; nous reviendrons prochainement sur ses enseignements et sur ses guérisons. D'ailleurs, ceux de nos lecteurs qui s'intéressent à Antoine pourront le voir dans son temple lundi prochain. Nous avons dit qu'Antoine ne se montrait plus dans le temple le dimanche ; mais les jours fériés qui ne tombent pas le dimanche, le guérisseur ne reçoit pas les malades individuellement, les uns après les autres. Il les reçoit dans le temple et opère sur tous les malades réunis. Le jour de l'Ascension, quinze mille personnes se pressaient dans le temple et autour du temple. Quatre fois, on a dû faire sortir les malades pour permettre à tout le monde d'entrer. Quatre fois, Antoine est monté en chaire et a opéré. Des guérisons merveilleuses se sont produites ; des paralytiques marchaient ; des aveugles voyaient ; ceux qui ont assisté à ce spectacle ne l'oublieront jamais. Et lundi prochain, ce sera la même affluence, et des guérisons nouvelles.                                         J.

    La Meuse, 15 mai 1910 (source : Belgicapress)

        L'article est repris par les Annales des Sciences psychiques (1er & 16 Juin 1910) et aboutit à un droit de réponde du directeur de la Sainte Famille de Liège.
        Cet article a été traduit en allemand et reproduit par le lournal luxembourgeois Obermosel-Zeitung en 1924 à la demande d'un adepte en guise de réponse à plusieurs articles discriminatoires, notamment celui du 16 février.


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