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Dissension au sein des spirites (La Paix Universelle, 15 avril 1894)

Publié le par antoiniste

 LE CONGRÈS DE LIÈGE

    Une décision bien grave a dû être prise par le Comité de Propagande dans sa réunion du 11 avril 1894. Comme elle doit intéresser au plus haut point tous nos amis, nous nous faisons un devoir de la porter à leur connaissance.
    On se souvient qu’à la demande de M. Félix Paulsen, il fut décidé, au Congrès de 1889, que les prochaines assises du Spiritisme auraient lieu à Bruxelles. Depuis, la date de la réunion fut reculée et la ville de Liège substituée à la capitale de la Belgique, pour la réunion de ce nouveau Congrès. En vue de préparer cette nouvelle manifestation du Spiritisme, un Comité d’organisation se créa à Liège et au début, de concert avec le Comité de Propagande, chercha à en élaborer le programme.
    Cette entente fut malheureusement bien éphémère, car, dès que le comité de Liège se crut maître de la situation il n’essaya plus de déguiser sa prétention de se passer du Comité de Propagande, d’imposer à tous sa manière de voir et aux congressistes la ligne de conduite qu’ils auraient à suivre. Cette attitude exorbitante se produit d’abord au sujet de l’idée de Dieu, que le Comité liégeois avait la prétention de rayer du programme. Devant la volonté formellement manifestée de la majorité des spirites, ce comité parut céder sur ce point et dans une lettre rendue publique par le journal le Spiritisme, déclara accepter à ce sujet la décision du Comité de Propagande. Son intention cependant était bien arrêtée de passer outre, ainsi qu’en fait foi la réponse suivante adressée à M. Léon Denis, dans le Flambeau du 11 mars, par M. Gustave Gony, un des principaux meneurs du Comité liégeois.

 

    M. Léon Denis demandait :
     « La rédaction du « Flambeau » accepte-t-elle les décisions du Comité de Propagande ? »
    M. Gustave Gony lui répondit :
     « La rédaction du « Flambeau » n’a pas accepté les décisions du Comité de Propagande. Toutefois, pour nous rendre au désir de « notre ami, nous disons : NON, elle laisse au Congrès le soin de décider lui-même. »

 

    La rédaction du Flambeau et le Comité liégeois n’étant en réalité qu’une unique collectivité, on se rend compte de la sincérité avec laquelle les décisions du Comité de Propagande étaient acceptée, et seraient poursuivies.
    Le Comité de Propagande voyait avec peine les intentions non déguisées du Comité liégeois d’entraîner le Spiritisme dans la politique socialiste; avec tous les spirites clairvoyants et sincères, jugeait que notre Philosophie a tout à perdre et rien à gagner dans la lutte des partis, que son but humanitaire est de les dominer tous pour les éclairer au flambeau de la vérité, leur enseigner la solidarité et non de se lier à aucun d eux pour en devenir l’esclave, la chose. Aussi quelle ne fut pas la douloureuse surprise de nos amis lorsqu’ils apprirent par le Flambeau qu’à la réunion du Comité liégeois du 18 mars, « M. Gony doit quitter la séance, et prie les membres de « l’excuser, étant appelé par les ouvriers de Beyne-Heusay à aller fêter l’anniversaire de la Commune au milieu d’eux. »
    Où allions-nous en suivant cette voie ? Contre quels écueils n’allions-nous pas nous briser.
    Sur ces entrefaites une lettre de M. Gony au Comité de Propagande vint proposer de donner la présidence du Congrès à une haute personnalité politique n’ayant aucun lien avec le Spiritisme. « Cette proposition était faite, disait son auteur, afin qu’on ne puisse « pas accuser le Comité liégeois de vouloir s’imposer au Congrès. »
    Mise aux voix, elle fut repoussée par le Comité de Propagande qui ne comprenait pas pourquoi un Congrès spirite devait être présidé par un Monsieur quelconque très avancé en politique, mais ne connaissant rien de notre philosophie.
    Voici dans quels termes les auteurs de la proposition, MM. Gony et Paulsen, cherchaient à imposer leur manière de voir, contrairement au sentiment de tous :
     « En premier lieu, c’est au Comité organisateur belge, qui se trouve sur les lieux et qui est à même d’apprécier l’importance que le choix d’un président connu et respecté par le public belge peut avoir pour la réussite du Congrès, à décider en dernier ressort.
     « C’est donc par déférence et par esprit de confraternité, afin d’éclairer la question, que le Comité organisateur belge s’est adressé au Comité de Propagande.
     « JE JUGE cependant qu’il vaut mieux que le président du Congrès soit choisi en dehors du Spiritisme parce que le Congrès aura pour caractéristique principale : la question sociale envisagée au point de vue spirite.
     « J’ENGAGE donc le Comité à laisser toute liberté au Comité organisateur belge, qui, selon les circonstances, choisira une personnalité éminente en dehors du spiritisme, ou laissera, dans le cas très improbable où il ne réussirait pas, le soin au Congrès de « désigner lui-même son président. »
    Pour sauvegarder sa dignité et défendre contre de telles prétentions les intérêts supérieurs du Spiritisme, le Comité de Propagande n’avait qu’une conduite à tenir : cesser tout rapport avec le Comité liégeois afin de ne pas compromettre dans une ridicule équipée politique la marche en avant du Spiritisme.
    Voici en quels termes le Comité de Propagande s’est séparé du Comité liégeois dont la conduite et les vues étaient devenues inacceptables.
    Après plusieurs considérants dont nous avons exposé les motifs ci-dessus, le Comité de Propagande,

 

                   DÉCLARE :
    « 1° Qu’il n’a le droit de donner son adhésion au nom de l’universalité des spirites qu’à un Congrès uniquement basé sur les principes du spiritisme : Dieu, l’immortalité de l’âme, la pluralité des existences, le progrès indéfini de l’être, la communication normale entre les incarnés et les désincarnés, sans aucune préoccupation d’un autre ordre ;
    « 2° Que la préparation du Congrès de 1894, telle qu'elle a lieu à Liège, ne répond pas à ses vues purement et simplement spirites ;

 

                    « ARRÊTE :
    « Qu'il cesse de coopérer à la préparation du Congrès qui doit « avoir lieu à Liège en août prochain et qui ne peut être que nuisible « à la sage propagation du spiritisme pacificateur et moralisateur ;
    « Qu'il retire son adhésion au dit Congrès, pour rester en communication parfaite d'idées et de sentiments avec l’immense majorité des Spirites, des mandataires ne pouvant substituer à la volonté expresse de leurs mandants une volonté particulière diamétralement opposée. »
    En présence d'une telle résolution, et étant données les circonstances qui l’ont motivée, nous ne pouvons qu'approuver la douloureuse détermination du Comité de Propagande et déclarons que la Fédération Spirite Lyonnaise ne prendra point part au Congrès de Liège et considérera comme nulles et non avenues toutes les décisions qui pourront y être prises, quel qu'en soit d'ailleurs l'objet.

 

Pour la Fédération Spirite Lyonnaise:

 

Henri Sausse.       Chevalier.       A. Bouvier.

 

 

 

UN DERNIER MOT

 

    Ou je n’ai pas su traduire ma pensée, ou notre ami M. Camille Chaigneau en a mal lu l’exposé.
    Je lui répondrai néanmoins en faisant comme lui trêve d’une ironie qui ne serait pas de mise en ce débat :
    Si je n’ai pas relevé plus tôt l’incident, dont j’ai rappelé le souvenir, c’est que je n’en avais pas vu l’utilité et je n’en aurais probablement jamais parlé si je n’y avais été invité par les circonstances présentes. Du souvenir indécis de M. Camille Chaigneau, je pourrais en appeler à la mémoire de tous les assistants, pour maintenir l’intégrité de mon récit ; mais la chose me paraît bien inutile, et cela d’autant plus que je n’ai jamais eu la pensée de faire un crime à notre ami de son aveu pas plus que de sa courtoisie. J’ai voulu seulement établir par un fait combien était minuscule le nombre de Spirites qu’offusque l’idée de Dieu.
    M. Camille Chaigneau m’objecte que notre ami M. Marius Georges et lui représentaient des collectivités et non de simples unités ; je le lui accorde d’autant plus volontiers que tous les autres assistants se trouvaient dans les mêmes conditions que ces messieurs, ce qui revient à dire qu’au Congrès de 1889, l’Idée de Dieu fut combattue par les délégués de deux groupes et acclamée par tous les autres. Ce Congrès, ne l’oublions pas, avait réuni plus de 40,000 adhésions.
    Inutile d’insister : cet incident ne comportant pas un plus long débat, je le considère comme entièrement clos et terminé, en adressant mes fraternelles salutations à nos amis MM. Marius Georges et Camille Chaigneau.

 

Henri Sausse.

 

La Paix Universelle, 15 avril 1894

 

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