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Note de lecture - Robert Vivier

Publié le par antoiniste

Délivrez-nous du mal de Robert Vivier
27 septembre 2009

Il est rare que naisse une nouvelle religion. C’est ce qui advint pourtant aux environs de Liège, au tournant des XIXe et XXe siècles. Cette religion nouvelle, c’est l’antoinisme (1), du nom de son principal fondateur, Louis Antoine (1846-1912). Enfant, j’ai connu les antoinistes ; on les reconnaissait à l’époque à leurs habits noirs ; et, élevé dans un milieu catholique, j’ai entendu à l’occasion les railleries dont ils étaient quelquefois l’objet.

Robert Vivier (1884-1989) est un écrivain et poète liégeois un peu oublié. Dans les années 30, il publia un roman, Délivrez-nous du mal (2), dans lequel il retraça à sa manière la vie de Louis Antoine. Je dis bien à sa manière, car je crois que tout tient effectivement à sa manière. Vivier n’est que modestie, douceur, compassion et humour. Et c’est avec sa propre tendresse qu’il imagine rendre compte du parcours de celui qu’on appela le Père Antoine. Ce qui donne un livre d’une très grande humanité, mais aussi un livre qui n’est pas dénué d’intérêt sur le plan anthropologique.

Il n’est sans doute pas inutile de s’interroger sur les raisons qui ont poussé Robert Vivier à consacrer un livre à l’antoinisme. D’autant que lui-même n’avait pas l’esprit spécialement religieux. Claudine Gothot-Mersch, qui l’a bien connu, écrit ceci de lui :
« Peu de personnes m’ont paru, plus que Robert Vivier, étrangères à toute religion constituée, à toute idée de culte. Lorsqu’il était professeur à l’Université de Liège, si quelque allusion à l’un des usages – même les plus connus – de la liturgie catholique surgissait au tournant du texte qu’il était en train de commenter, il l’expliquait de seconde main ("Il paraît que…"), non sur le ton sarcastique de l’anticlérical, mais avec une sorte d’ingénuité, et une totale indifférence : comme s’il transmettait à ses élèves une observation rapportée, par un voyageur, d’une terre lointaine. » (3)

La question que la lecture du livre m’a amené à me poser – et à laquelle je ne puis répondre –, c’est celle de savoir si Robert Vivier avait un tant soit peu lu Marcel Mauss. Car la façon dont il raconte les guérisons opérées par Antoine fait penser à l’approche sociologique de la magie qui fut la sienne. Ainsi, le spiritisme et les guérisons qui fondent la religion d’Antoine – tels que Vivier les relatent – s’inscrivent pleinement dans cette logique (4) que ces deux seules phrases de Hubert et Mauss résument :
« La magie a une telle autorité, qu’en principe l’expérience contraire n’ébranle pas la croyance. Elle est, en réalité, soustraite à tout contrôle. Même les faits défavorables tournent en sa faveur, car on pense toujours qu’ils sont l’effet d’une contre-magie, de fautes rituelles, et en général de ce que les conditions nécessaires des pratiques n’ont pas été réalisées. » (5)

Reste que si cette question m’a préoccupé, l’important n’est probablement pas là. J’ai envie de dire que tout est dans le ton dont use Robert Vivier pour faire vivre un personnage, un personnage qui est tout en charité. Au point qu’on eût aimé le rencontrer.

Je livre ci-dessous trois extraits du livre – parmi tant d’autres possibles – qui témoignent de cette générosité que Vivier confère à son héros, et qui sans doute n’est rien d’autre que la sienne.

« Les hommes étaient encore dans la grande salle, formant un groupe debout près de la table, au milieu des banquettes et des chaises vides. Ils causaient entre eux. Antoine, assis, était tout occupé à ses pensées, et chacun respectait son recueillement.
Tout s’était bien passé. Il laissait monter en son cœur la reconnaissance. Lui-même, il le savait, n’était rien. Ce qui était grand, ce n’était pas lui, mais ce qui se faisait par lui. Cependant, s’il s’était trouvé qu’aujourd’hui il ne fût pas digne, rien n’eût pu se réaliser. De là venait ce sentiment d’humble contentement et de reconnaissance. Parfois, même au cours d’une séance heureusement commencée, il percevait tout à coup un fluide hostile, soit qu’il ne se fût pas assez gravement concentré, qu’il se fût laissé distraire, par exemple par une pensée d’orgueil, soit que des assistants fussent occupés en eux-mêmes de moqueries ou de pensées frivoles. Pour que les choses aillent bien, il faut de la foi et de l’accord : rien ne peut être fait par un homme seul. Nous devons être humbles, et ne pas vouloir trop. Étant novice, Antoine avait plus d’une fois échoué par excès de zèle. Il voulait guérir tout le monde, aussi bien ceux qui ne s’adressaient pas à lui que les autres. Il ne savait pas, alors, que la force n’opère que si le malade est préparé, s’il a la foi, s’il est entouré d’un bon fluide.
Il s’accouda à la table, et, appelant Gony d’un signe de tête :
― Vous souvenez-vous, Gony, comme nous nous sommes trompés dans les commencements, quand nous avons voulu faire notre société ? Mais cela nous a été utile de nous tromper. Tout est bien arrangé : quand nous n’agissons pas comme il le faut, l’épreuve nous avertit, et alors, voyant le mal, nous en cherchons la cause. Le mal n’est rien en lui-même, c’est sa cause qu’il faut voir.
Il rêva un instant. Ainsi, il avait compris ce que signifie l’épreuve et à quoi sert le mal. Et du coup le mal n’apparaissait plus si mauvais : à condition de chercher il y avait toujours moyen de trouver un bien caché en lui. D’avoir découvert cela, toute la vie d’Antoine avait pris un sens nouveau. » (pp. 212-213)

« Maintenant il comprenait pourquoi, après tous ses voyages, il avait dû revenir dans ce pays de son enfance, et pourquoi aussi, malgré la petite fortune qu’il avait amassée, il n’avait pas cherché à s’élever au-dessus de sa condition première, mais avait repris le train-train d’existence des gens avec qui il avait autrefois commencé la vie. Il s’était fixé entre ces collines de la Meuse, dans cette région d’usines, parmi les petits artisans, les métallurgistes, les mineurs. L’on ne sait aimer à ce point que ce qu’on a appris à aimer pendant ses premières années : or, la tâche qu’il avait à remplir ne pouvait être menée à bien que par l’amour.
Après avoir vu les hommes des autres pays, comme ils travaillent et comme ils s’amusent et comme ils sont faits, après avoir connu que la vie est partout la même et que c’est une vieille et douce et difficile histoire qui recommence sans cesse sur chaque point de la terre, il était pourtant rentré chez lui, parmi les siens, pour commencer l’œuvre. C’est que, les problèmes de la vie, il pouvait les reconnaître et les retrouver partout, mais ici seulement il pouvait essayer de les résoudre. Ailleurs il était comme un ouvrier à qui l’on a passé l’outil d’un autre, tandis qu’ici il avait son outil à lui, au manche usé par ses mains, et qui faisait pour ainsi dire partie de lui-même. Dieu l’avait mis ici et non ailleurs, il lui avait donné les gens d’ici pour parents et compagnons, et l’amour de la femme et la paternité c’était aussi par quelqu’un d’ici qu’il les avait connus. Aussi, s’il se trouvait en lui quelque force ou quelque façon capable d’aider les hommes, était-ce avant tout à ceux d’ici qu’elle devait profiter : Antoine avait été créé pour eux comme eux avaient été créés pour lui. Quand il était enfant et qu’il commençait à apprendre la religion, qu’était-ce pour lui que le monde, la terre, le ciel, sinon Mons avec le plateau, et les villages qu’on voit de là, et le ciel qui est au-dessus du clocher et que nos pigeons traversent ? Et la bonne route dont il ne faut pas s’écarter, c’était évidemment la route de Flémalle, avec les trois petits buissons à droite, et ses fossés à demi comblés de terre et d’herbe. À jamais c’étaient là la bonne route, la terre et le ciel. Et le petit Louis Antoine, en ces temps-là, avait même découvert tout près de Mons le Paradis Terrestre : un verger un peu à l’écart en contrebas du village, avec des haies épaisses, non taillées, et de larges rayons frais sur l’herbe déjà haute et sur les branches d’un pommier en fleurs. Le gamin, n’osant pas entrer, était resté à la barrière. C’était dans ce temps de l’enfance où les choses pénètrent en nous pour y prendre à jamais leur place et leur figure. Et il avait eu beau voir après cela mille autres choses, ce n’étaient plus que des images : c’est le pays natal seul qui est le vrai monde et son éternité. » (pp. 218-219)

« Nous, pauvres gens, nous ne demanderions pas mieux que de nourrir notre pensée, de cultiver notre âme, mais le corps est là qui attend sa pitance, et qui, dès qu’il est en danger, appelle à longs cris, s’accroche à l’âme avec la frénésie aveugle d’un homme qui se noie. Et alors l’âme s’alarme à son tour, à la fois effrayée et pitoyable. Elle est habituée au corps. Elle sent ses douleurs comme siennes, il faut qu’elle l’aide, qu’ils se sauvent ensemble pour que cette vie continue. Elle le rassure, cherche pour lui une espérance, un moyen de salut. C’est elle qui le conduit chez Antoine.
Et Antoine ne s’y trompait pas. Dans ces malades qui se présentaient toujours plus nombreux aux séances, il ne voyait pas les corps, mais les âmes en alarmes qui lui amenaient ces corps souffrants. Et à travers son corps à lui passait l’alerte, l’appel adressé par ces âmes à son âme. Voilà où le médecin est impuissant. Il a sa science et ses recettes, ses livres, ses médicaments matériels, et voit les blessures des corps avec ses yeux de matière. Tandis que chez Antoine, grâce à la force du fluide et à l’assistance des guides, il se produisait un mystérieux colloque d’esprits, celui du guérisseur et celui du patient lui-même, penchés tous deux comme des médecins consultants au chevet du corps qui souffre.
L’expérience avait plus d’une fois montré à Antoine que ni lui ni les esprits-guides ne pouvaient rien s’ils étaient seulement en présence du corps, et si l’âme du patient ne participait pas à ces colloques, si elle ne les rejoignait pas pour collaborer avec eux. L’esprit du guérisseur ne peut atteindre le corps souffrant par une voie directe, car il ne lui est pas uni par le mystère de la naissance. Combien de fois Antoine n’avait-il pas échoué parce que l’esprit du malade, distrait ou durci par le doute, ne lui permettrait pas de lire dans le corps qu’il avait devant lui…
― Vous devez avoir la foi, répétait-il. Venez me voir dès que vous en avez la pensée. Et, pendant que vous êtes ici, travaillez avec moi.
Sans la foi du malade, le corps reste entouré d’un mur opaque. Avec sa foi tout devient transparent aux yeux du guérisseur. » (pp. 231-232)

(1) Pour davantage de renseignements sur cette religion, cf. entre autres le site Internet dont l’adresse est http://antoinisme.blogg.org/
(2) Robert Vivier, Délivrez-nous du mal. Antoine le guérisseur, (1ère éd. 1936) Editions Labor, Bruxelles, 1989.
(3) Ibid., p. 361.
(4) Au sujet de cette logique, je souhaite vivement suggérer la lecture d’un des chapitres du livre Anthropologie structurale de Claude Lévi-Strauss (Plon, 1958), à savoir le chapitre IX intitulé "Le sorcier et sa magie" (1ère publication in Les temps modernes, 4e année, n° 41, 1949, pp. 3-24). L’histoire du chaman kwakiutl Quesalid qu’on y trouve illustre merveilleusement bien la puissance des pratiques magiques, puisqu’on y voit un sceptique en devenir un extraordinaire praticien. La grande question de la foi et des preuves… !
(5) Henri Hubert & Marcel Mauss, "Esquisse d’une théorie générale de la magie" (1ère publication in Année Sociologique, 1902-1903), in Marcel Mauss, Sociologie et anthropologie, PUF, Quadrige, 8e éd., 1983, pp. 85-86.


source : http://jeanjadin.blogspot.com/2009/09/note-de-lecture-robert-vivier.html

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le menuisier Pierre Debroux

Publié le par antoiniste

    Pierre Debroux, menuisier, de Crotteux (Robert Vivier, p.165), village natal de Louis Antoine, au nord de Jemeppe (maintenant Flémalle-Grande).
    Selon Pierre Debouxhtay (p.64), au moment de la publication du Petit catéchisme spirite pour servir à l'instruction des enfants et des personnes ne connaissant pas le spiritisme, en 1896, il y avait séance publique le premier dimanche de chaque mois, chez M. Louis Antoine, rue du Bois-du-Mont, à Jemeppe-sur-Meuse, à 10 heures précises du matin, et le deuxième et quatrième dimanche, chez Pierre Debroux, menuisier-entrepreneur, à Crotteux-Mons, à 5 heures de l'après-midi.

le menuisier Pierre Debroux

Unitif de 1914


    Il sera présent au côté de Louis Antoine lors de son procès en 1901 (Robert Vivier, p.266), il est alors présenté comme adepte. Il tient une salle de lecture à Mons-Crotteux, chez lui, selon l'Unitif de 1914 (lecture de l'enseignement le mardi à 7 1/2h). Dans un Unitif des années 20, la salle de lecture est indiqué rue Méan (sans qu'on sache par qui elle est tenue).

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Robert Vivier et André Thérive, destin croisé de poète-romancier ou de romancier-poète

Publié le par antoiniste

    Robert Vivier (1894-1989) naît à Chênée (Liège) d’un père ingénieur d’origine bourguignonne, et d’une mère liégeoise. Il décède à Paris, où il s'était fixé dans les années 60, en 1989 à La Celle Saint-Cloud.

    Élève de l’Athénée royal de Liège, où il se lie durablement d’amitié avec un jeune homme qui deviendra une autre personnalité des Lettres belges, Marcel Thiry, il entre ensuite à l’Université de Liège, à la Faculté de Philosophie et Lettres. De cette faculté, il devient une des grandes figures, un professeur très écouté, qui enseigne les auteurs français, l'italien et sa littérature.

    Il connaîtra la guerre, dont il en sortira meurtri. Il écrira un recueil de récits Avec les hommes. Il connaît ainsi une expérience similaire à André Thérive, autre romancier populiste qui évoquera les Antoinistes de Paris dans Sans âme, qui écrira Frères d'armes en 1930 qui consisteront un partie de Noir et or, mais aussi Voix du sang (1955) et Écrevisse de rempart (1969). Oeuvres avant tout littéraire, où l'auteur se place du côté des sans grades. Il en sera de même pour les amis de Robert Vivier : Jean Cassou (1897-1986), écrivain, résistant, critique d'art, traducteur, et poète français ; ou de Marcel Thiry, qui écrira aussi des poèmes et des romans et nouvelles, dont Le tour du monde en guerre des autos-canons belges 1915-1918. On le rapproche également à Georges Duhamel.
    Le populisme des oeuvres de Vivier et Thérive gagne son apogée dans la description de la mort qui frappe les antagonistes des romans : mort du fils de Louis et Catherine Antoine, mort de Lydia, où l'auteur se montre "poète, bien plus que dans vos vers." (selon la critique Henriette Charasson)
    Les destins de Robert Vivier et d'André Thérive se sépare lors de la Deuxième Guerre mondiale, quand le Belge prend part à l'action de la Résistance, où le Français sera proche d'une collaboration avec l'occupant.

    Jacques Cécius n'hésite pas à qualifier Robert Vivier de sympathisant de l'antoinisme. En effet, son oeuvre est pleine de complaisance pour Louis Antoine. Mais cela ne tiendrait-il pas seulement à son affection pour les "petites gens" et les "choses de la vie". La biographie de Larousse le défini comme poète et romancier « populiste » (Folle qui s'ennuie, 1933 ; Délivrez-nous du mal, 1936).
    D'après certains adeptes son épouse d'origine russe émigré en Belgique en 1920 et que Robert Vivier épouse en 1921, Zénitta Tazieff-Vivier (1887-1984, la mère d'un premier mariage du vulcanologue Haroun Tazieff) portait la robe. Jacques Cécius, qui nous rapporte cette information, semble prendre des distances en précisant : "je ne puis garantir l'authenticité de la chose." Ce que l'on sait, c'est qu'elle fut peintre et qu'elle signait Zénitta Vivier. Ensemble, les époux Vivier traduiront du russe en 1973 De l'autre côté de la nuit de Eugène Oustiev, récit d'une aventure dans la forêt vierge du nord-est sibérien, avec très peu de moyens, pour tenter d'atteindre un volcan récent ; et en 1927 le conte moderniste La Maison Bourkov : Soeurs en croix d'Alexeï Rémizov. Également auteurs d'un essai sur le poète symboliste Aleksandr Blok, en 1922, auteur dont ils traduiront le poème Les Scythes. Robert Vivier, à propos de sa femme, soulignait "son sens jaloux de la valeur psychique du mot et du vers".
    Précisons cependant que le roman-vrai Délivrez-nous du mal, Antoine le Guérisseur est dédicacé : "À ma femme, À qui je dois les pensées et les sentiments de ce livre".
    C'est un indice, mais c'est aussi ce qui a pu faire dire à des Antoinistes que sa femme faisait partie des adeptes...

    Claudine Gothot-Mersch, dans son analyse des Editions Labor - Espace Nord, dit que la rencontre de Robert Vivier, en classe de troisième (Robert Vivier commence les Humanités à l'Athénée de Liège en 1905), avec le professeur Ferdinand Delcroix (on l'évoque parmi les adeptes de la première heure) a été décisive pour l'intérêt de l'auteur pour l'antoinisme. Elle précise qu'on pense à Germinal de Zola en lisant cette biographie (description de la mine, et des divers corps de métiers, la main-d'oeuvre enfantine, l'intervention du nihiliste russe, une grève de mineurs), "mais tout cela dans un esprit si opposé [...] que la comparaison n'a guère de sens." Cependant on ne peut que conseiller la lecture de ce roman naturaliste, ainsi que Happe-Chair de Lemonnier, pour entrer dans l'univers du travail de Louis Antoine.

    Concernant la constitution de son "roman vrai qui se fait vie de saint" (Claudine Gothot-Mersch), Robert Vivier a utilisé l'ouvrage de Pierre Debouxhtay, mais la Révélation elle-même (des notes de bas de pages émaillent le texte). Il aurait visité le temple de Jemeppe. Paul BIRON & Louis CHALON, évoque comment Robert Vivier aurait eu des informations de première source :
  Dans la camionnette, en rentrant à Herstal, Célestin (qui m'a tout l'air d'un antoiniste enragé) nous a raconté qu'un haut professeur de l'Université avait écrit un livre sur le Père Antoine quelques années avant la guerre (1), ce qui prouve bien que les gens instruits prennent ces histoires-là au sérieux. Même que son professeur de français à l'école moyenne du boulevard Saucy leur avait raconté un jour qu'il s'avait demandé des années au long qui étaient les hommes en deuil et en gibus et les femmes en deuil aussi avec un voile sur leur tête qui venaient de temps en temps trouver ce professeur-là dans on bureau à l'Université. Et bien, c'était des antoinistes qui venaient lui raconter la vie du Père pour l'aider à faire son livre.
Paul BIRON & Louis CHALON, Tout a changé, Mononke, p.66
source : Google Books

Pour aller plus loin : Robert Vivier, l'homme et l'œuvre: actes du colloque organisé à Liège le 6 mai 1994 à l'occasion du centenaire de sa naissance

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Robert Vivier et André Thérive, destin croisé de poète-romancier ou de romancier-poète

Publié le par antoiniste

    Robert Vivier (1894-1989) naît à Chênée (Liège) d’un père ingénieur d’origine bourguignonne, et d’une mère liégeoise. Il décède à Paris, où il s'était fixé dans les années 60, en 1989 à La Celle Saint-Cloud.

    Élève de l’Athénée royal de Liège, où il se lie durablement d’amitié avec un jeune homme qui deviendra une autre personnalité des Lettres belges, Marcel Thiry, il entre ensuite à l’Université de Liège, à la Faculté de Philosophie et Lettres. De cette faculté, il devient une des grandes figures, un professeur très écouté, qui enseigne les auteurs français, l'italien et sa littérature.

    Il connaîtra la guerre, dont il en sortira meurtri. Il écrira un recueil de récits Avec les hommes. Il connaît ainsi une expérience similaire à André Thérive, autre romancier populiste qui évoquera les Antoinistes de Paris dans Sans âme, qui écrira Frères d'armes en 1930 qui consisteront un partie de Noir et or, mais aussi Voix du sang (1955) et Écrevisse de rempart (1969). Oeuvres avant tout littéraire, où l'auteur se place du côté des sans grades. Il en sera de même pour les amis de Robert Vivier : Jean Cassou (1897-1986), écrivain, résistant, critique d'art, traducteur, et poète français ; ou de Marcel Thiry, qui écrira aussi des poèmes et des romans et nouvelles, dont Le tour du monde en guerre des autos-canons belges 1915-1918. On le rapproche également à Georges Duhamel.
    Le populisme des oeuvres de Vivier et Thérive gagne son apogée dans la description de la mort qui frappe les antagonistes des romans : mort du fils de Louis et Catherine Antoine, mort de Lydia, où l'auteur se montre "poète, bien plus que dans vos vers." (selon la critique Henriette Charasson)
    Les destins de Robert Vivier et d'André Thérive se sépare lors de la Deuxième Guerre mondiale, quand le Belge prend part à l'action de la Résistance, où le Français sera proche d'une collaboration avec l'occupant.

    Jacques Cécius n'hésite pas à qualifier Robert Vivier de sympathisant de l'antoinisme. En effet, son oeuvre est pleine de complaisance pour Louis Antoine. Mais cela ne tiendrait-il pas seulement à son affection pour les "petites gens" et les "choses de la vie". La biographie de Larousse le défini comme poète et romancier « populiste » (Folle qui s'ennuie, 1933 ; Délivrez-nous du mal, 1936).
    D'après certains adeptes son épouse d'origine russe émigré en Belgique en 1920 et que Robert Vivier épouse en 1921, Zénitta Tazieff-Vivier (1887-1984, la mère d'un premier mariage du vulcanologue Haroun Tazieff) portait la robe. Jacques Cécius, qui nous rapporte cette information, semble prendre des distances en précisant : "je ne puis garantir l'authenticité de la chose." Ce que l'on sait, c'est qu'elle fut peintre et qu'elle signait Zénitta Vivier. Ensemble, les époux Vivier traduiront du russe en 1973 De l'autre côté de la nuit de Eugène Oustiev, récit d'une aventure dans la forêt vierge du nord-est sibérien, avec très peu de moyens, pour tenter d'atteindre un volcan récent ; et en 1927 le conte moderniste La Maison Bourkov : Soeurs en croix d'Alexeï Rémizov. Également auteurs d'un essai sur le poète symboliste Aleksandr Blok, en 1922, auteur dont ils traduiront le poème Les Scythes. Robert Vivier, à propos de sa femme, soulignait "son sens jaloux de la valeur psychique du mot et du vers".
    Précisons cependant que le roman-vrai Délivrez-nous du mal, Antoine le Guérisseur est dédicacé : "À ma femme, À qui je dois les pensées et les sentiments de ce livre".
    C'est un indice, mais c'est aussi ce qui a pu faire dire à des Antoinistes que sa femme faisait partie des adeptes...

    Claudine Gothot-Mersch, dans son analyse des Editions Labor - Espace Nord, dit que la rencontre de Robert Vivier, en classe de troisième (Robert Vivier commence les Humanités à l'Athénée de Liège en 1905), avec le professeur Ferdinand Delcroix (on l'évoque parmi les adeptes de la première heure) a été décisive pour l'intérêt de l'auteur pour l'antoinisme. Elle précise qu'on pense à Germinal de Zola en lisant cette biographie (description de la mine, et des divers corps de métiers, la main-d'oeuvre enfantine, l'intervention du nihiliste russe, une grève de mineurs), "mais tout cela dans un esprit si opposé [...] que la comparaison n'a guère de sens." Cependant on ne peut que conseiller la lecture de ce roman naturaliste, ainsi que Happe-Chair de Lemonnier, pour entrer dans l'univers du travail de Louis Antoine.

    Concernant la constitution de son "roman vrai qui se fait vie de saint" (Claudine Gothot-Mersch), Robert Vivier a utilisé l'ouvrage de Pierre Debouxhtay, mais la Révélation elle-même (des notes de bas de pages émaillent le texte). Il aurait visité le temple de Jemeppe. Paul BIRON & Louis CHALON, évoque comment Robert Vivier aurait eu des informations de première source :
  Dans la camionnette, en rentrant à Herstal, Célestin (qui m'a tout l'air d'un antoiniste enragé) nous a raconté qu'un haut professeur de l'Université avait écrit un livre sur le Père Antoine quelques années avant la guerre (1), ce qui prouve bien que les gens instruits prennent ces histoires-là au sérieux. Même que son professeur de français à l'école moyenne du boulevard Saucy leur avait raconté un jour qu'il s'avait demandé des années au long qui étaient les hommes en deuil et en gibus et les femmes en deuil aussi avec un voile sur leur tête qui venaient de temps en temps trouver ce professeur-là dans on bureau à l'Université. Et bien, c'était des antoinistes qui venaient lui raconter la vie du Père pour l'aider à faire son livre.
Paul BIRON & Louis CHALON, Tout a changé, Mononke, p.66
source : Google Books

Pour aller plus loin : Robert Vivier, l'homme et l'œuvre: actes du colloque organisé à Liège le 6 mai 1994 à l'occasion du centenaire de sa naissance

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Les spirites de Jumet-Gohissart

Publié le par antoiniste

    Nous possédons le compte-rendu détaillé d'une séance d'évocation. Le 17 août 1902, des spirites de Jumet-Gohissart, près de Charleroi, vinrent à Jemeppe, et, "pour rendre un tribut de gratitude et de reconnaissance" à Louis Antoine, ils publièrent le récit de cette visite dans Le Messager (n° du 1er-15 septembre 1902) :
    "... L'heure venue, après présentations et connaissances faites, la séance commença par la réception d'un jeune adapte, un joli bébé qui débutait dans la vie terrestre en venant recevoir les souhaits fraternels d'une assemblée spirite d'au moins 200 personnes. Cérémonie touchante en sa simplicité mais d'une portée morale considérable pour les nombreux assistants qui écoutèrent avec un religieux intérêts les instructions pleine d'à-propos, données par le président M. Antoine. Le sujet, toujours d'actualité était : La façon d'élever les enfants, les devoirs des parents vis-à-vis de ceux qu'une Volonté souveraine leur a confiés dans un but de progrès mutuel.
    Viennent ensuite les manifestations d'Esprits par une dizaine de médius-écrivains. Bien qu'habitués des réunions spirites, où l'on recueille les enseignements de ceux qui nous ont précédés dans l'Au-delà, nous pouvons dire que rien ne pourra effacer de notre mémoire le souvenir de la belle et instructive séance à laquelle nous assistâmes avec une émotion bien naturelle. Ces esprits souffrants ou ignorants, que des entités invisibles amies amenaient près de nous dans un but bien défini, nous ont dépeint leur situation malheureuse. Ils nous ont dit leurs peines, leurs regrets, leurs douleurs, s'accusant les uns, du mal qu'ils ont commis de leur vivant sur la terre, les autres, d'un égoïsme natif, fruit de l'ignorance fanatique intéressée au maintien de préjugés séculaires. Parlant à ces disparus de notre monde un langage de bonté, toujours approprié au degré d'avancement intellectuel et moral de chacun, M. Antoine nous a laissé l'impression d'un maître en cette science d'apôtre qui, chez lui, marche de pair avec l'exercice de ses hautes facultés de guérisseur.
    Entr'autres faits remarqués en cette assemblée attentive qui, sans trouble ni impatience, écoutait les réponses obtenues et lues par les médiums-récepteurs, nous notons de belles et douces paroles de reconnaissance émanant d'Esprits non appelés, mais venus spontanément remercier parents ou amis présents de leurs bonnes pensées charitables... Après la séance qui dura deux heures, il nous fut infiniment agréable de faire plus ample connaissance tous bien chaleureusement.
    Un déjeuner familial fut vite préparé dans la salle même des séances où nous fîmes un repas frugal en compagnie de divers amis de notre hôte.

Pierre Debouxhtay, Antoine le Guérisseur et l'Antoinisme, p.112-13

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Les Salles de lectures avant les temples de la région de Charleroi

Publié le par antoiniste

    Pierre Debouxhtay nous renseigne sur les salles de lecture qui existaient aux environs de Charleroi, avant qu'elles ne soient fermées par Mère en 1932 :

  • Farciennes (disparaîtrait en 1912),
  • Forchies (83 rue de Trazegnies, et on y signale des antoinistes rue du Congo dès 1912),
  • Jumet (20 rue Bara),où un temple ouvre en 1919,
  • Pont-de-Loup (51 route d'Aiseau),
  • Souvret (avec un temple ouvert dès septembre 1913) et
  • Roux (8 Place du Maugis), où s'installa le neveu de Louis Antoine, Pierre Dor pour lancer le dorisme. Dans la même localité de Roux, un article de nécrologie annonce le décès d'un adepte en 1913.

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Marcel Thiry pour qui le temps n'existe pas

Publié le par antoiniste

    Marcel Thiry (Charleroi, le 13 mars 1897 - Vaux-sous-Chèvremont, le 5 septembre 1977) est un écrivain belge d'expression française et un militant wallon.

    Le vers célèbre Toi qui pâlis au nom de Vancouver donne le titre de son plus célèbre recueil de poèmes. On lui doit également La Mer de la Tranquillité (1938) et Nondum jam non (1966).

    Ici réunis, sous le titre Nouvelles du grand possible (1960), ce sont des sept récits oscillant entre fantastique et science-fiction.

    Dans la collection Espace Nord des Editions Labor, la préface est de Robert Vivier (1960), l'auteur de Délivrez-nous du mal, mais aussi de poèmes, comme Marcel Thiry. L'auteur, que chaque Antoiniste connaît bien, analyse l'oeuvre en prose de son compatriote de cette façon : "interrogation des objets et des êtres dans leur particularité la plus fine, allusions aux affaires, à la technique, et cette cueillette avide du concret, et cette auscultation passionnée et inquiète de l'histoire humaine en train de vivre." [...] "Un autre thème thiryen vient ici sensibiliser le problème du temps et de l'espace et le faire éclater en pathétique."

    Dans son analyse, Pascal Durand, alors assistant à l'Université de liège (en 1989) finit par ses mots : "Tour de force, chaque fois tenté et remporté par Thiry : dire la comédie du monde en rendant sensible sa charge de tragédie ; dire la dérive de l'instant et l'irréversible fatalité de la mort en conservant cette distance ironique qui rend acceptable le message et cependant en accuse l'urgence. Peut-être est-ce là, dans ce contrepoint incessant du dérisoire et du tragique, que gît en définitive toute la saveur des Nouvelles du Grand possible".
    Marcel Thiry finit ce corpus par la nouvelle La pièce dans la pièce, où, dit Robert Vivier, c'est "ni un vivant ni un mort, mais la vie de bonheur amoureux que fut ce mort" qui raconte l'histoire. "Pièce gigogne qui, de la réalité truquée qu'elle figure, retient à la fois la dimension duelle, en se disposant comme un emboîtement multiple de scènes, et le caractère duplice, en tant qu'elle est ruse du mari trompé, stratagème mis au point afin de contraindre le coule adultérin à se trahir. [...] Mise en abyme s'auto-désignant, La Pièce dans la pièce établit ainsi la clôture du recueil en un point où celui-ci fait retour sur lui-même, et abandonne le lecteur, clés en main, aux portes du vertige."

    Il ne vous reste plus qu'à lire ces nouvelles qui vous convaincront que : "nous ne devons pas ignorer que le temps et la distance n'existent que matériellement, tout ce qui est réel, est éternel, c'est-à-dire que le passé et l'avenir sont le présent. Rien ne tient de place dans l'univers ; l'amour n'y diminue pas, la vie qui en est la conséquence, pas davantage, rien ne s'agrandit ni ne s'amoindrit." (Le Développement de l'OEuvre Révélée, Nous sommes tous des Dieux, p.93).

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Emile Verhaeren - Celui qui n'a rien dit

Publié le par antoiniste

CHANSON DE FOU

Celui qui n'a rien dit
Est mort, le coeur muet,
lorsque la nuit
Sonnait
Ses douze coups
Au coeur des minuits fous.

— Serrez-le vite en un linceul de paille.
Les poings noués, et qu'il s'en aille.

Celui qui n'a rien dit
M'a pris mon âme et mon esprit.

Il a sculpté mon crâne
En navet creux, dont les chandelles
Sont mes prunelles.

— Nouez-le donc, nouez le mort,
Rageusement, en son linceul de paille.

Celui qui n'a rien dit
Dormait, sous le rameau bénit,
Avec sa femme, en un grand lit,
Quand j'ai tapé comme une bête
Avec une pierre, contre sa tête.

Derrière le mur de son front
Battait mon cerveau noir,
Matin et soir, je l'entendais
Et le voyais qui m'invoquait
D'un rythme lourd comme un hoquet ;
Il se plaignait de tant souffrir
Et d'être là, hors de moi-même, et d'y pourrir
Comme les loques d'une viande
Pendue au clou, au fond d'un trou.

Celui qui n'a rien dit, même des yeux.
Qu'on lui coupe le coeur en deux,
Et qu'il s'en aille
En son linceul de paille.

Que sa femme qui le réclame
Et hurle après son âme,
Ainsi qu'une chienne, la nuit,
Se taise ou bien s'en aille aussi
Comme servante ou bien vassale.
Moi je veux être
Le maître
D'une cervelle colossale.

— Nouez le mort en de la paille
Comme un paquet de ronces;
Et qu'on piétine et qu'on travaille
La terre où il s'enfonce.
Je suis le fou des longues plaines
Infiniment, que bat le vent
A grands coups d'ailes,
Comme les peines éternelles ;
Le fou qui veut rester debout,
Avec sa tête jusqu'au bout
Des temps futurs, où Jésus-Christ
Viendra juger l'âme et l'esprit.
Comme il est dit.
Ainsi soit-il.

Emile Verhaeren, Les villes tentaculaires,
précédées des Campagnes hallucinées
(1920)(p.49)
source : archive.org

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Les salles de Lecture à Monaco

Publié le par antoiniste

    Pierre Debouxhtay nous renseigne qu'une salle de lecture existait à Monaco-Condamine déjà le 1er septembre 1912.
    Monaco comprend quatre district : Monaco-Ville, la capitale ; la station balnéaire de La Condamine ; Monte-Carlo et son casino ; la région industrielle de Fontvieille.

    Le temple ouvrira dès la fin de l'année 1913, dans une zone presque encore vierge d'urbanisation. Le temple est maintenant entouré d'immeuble. C'est certainement sur l'initiation de Juliette Vittart que l'antoinisme se développa dans la Principauté. On peut suivre son parcours dans le billet qui lui est consacré, parmis les adeptes de la première heure.

    Dans les Alpes-Maritimes voisins, voici la liste des maisons de lecture : Cabbé-Roquebrune (décembre 1912), Cap d'Ail (mars 1914) et Nice (déjà une recensée en septembre 1912), avec deux nouvelles salles (avril et juillet 1914).
    Le temple de Nice ouvrira en 1931 et celui de Marseille en 1959.

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Salle de lecture à la porte Pouchet

Publié le par antoiniste

    En 1925, devait s'ouvrir, d'après Le Petit Parisien, un nouveau temple à la porte Pouchet (entre la porte de Saint-Ouen et la porte de Clichy), dans le Nord de Paris. Le temple du Passage Roux, se trouve à 2000 mètres de là. Mais il n'ouvrira qu'en 1955.

Les salles de lectures à Paris

Paris - Rue et Porte Pouchet

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