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intelligence

Jean-Marie Klinkenberg - L'insulte (dans Le Jeu de la langue)

Publié le par antoiniste

    Ce jeu social de la distance, un autre type de jeu sur la langue le met en évidence : l'insulte.
    L'insulte est une des expressions langagières les plus brutes et les plus évidentes de la relation de pouvoir. On peut en effet parler avec d'un acte social, comme le sont l'acte d'allégeance, la déclaration d'amour, le salut. Le code civil le sait et entend bien gérer et canaliser ce type de sociabilité-là. Mais, en tant qu'acte verbal, elle présente deux particularités. D'abord, l'insulte est un acte pur. A priori, elle n'a besoin d'aucun matériau particulier. Un mot aussi banal que 'chaise' peut devenir une insulte : il faut et il suffit que l'intention d'insulter (contenue dans un membre de phrase comme "tu n'es qu'un..." ou dans un autre signe contigu comme un geste ou une tonalité particulière) existe et soit reconnue. Ensuite, l'insulte, instrument de pouvoir, institue d'abord une relation de contre-pouvoir. Avec elle, il s'agit de mettre en place une relation nouvelle, qui évince toutes celles que les formes policées de la langue pnt pu construire, et qui pose les partenaires dans une relation vierge, où tout peut advenir : avec l'insulte, on saisit donc le moment principiel qui fonde l'être et l'identité. Sur le plan social, l'insulte mime une joute ouverte, dont l'enjeu est un pouvoir à établir : ouverte, car elle peut déboucher soir sur le pouvoir exercé (dans ce cas, il y a victoire de l'insulteur), doit sur le pouvoir subi (c'est sa défaite).
    Par rapport à l'argot, l'insulte à ceci de plus : elle met en évidence le fait que la pratique langagière est (peut-être même tout d'abord) le lien des sentiments. Dès les premiers mots de l'être humain, toutes les émotions se modulent à travers sa langue : la tendresse, la solidarité, mais aussi la colère ou la tristesse. A cet égard, l'insulte est sans aucun doute une des manifestations les plus brutes et les plus profondes de la personnalité. D'ailleurs, si la psychanalyse avait été inventée par quelqu'un d'autre que Freud, au lieu de se servir du rêve , elle aurait pu prendre l'insulte comme voie d'accès aux profondeurs de l'individu.
    Imaginaire collectif : si, en principe, la mobilisation des m&tériaux verbaux de l'insulte est libre (il suffit, répétons-le, de proférer une formule comme "tu n'es qu'un..." ; c'est pourquoi tout fait farine au moulin sale de l'insulte chez Haddock, de la terminilogie rhétorique à celle de botanique), on constate qu'elle ne l'est pas dans les faits. Le matériau verbal qui la construit est rarement choisi au hasard, mais tend le plus souvent à renvoyer aux groids systèmes de valeurs qui fondent une société : les relations familiales et sexuelles, le système économique, les modes d'alimentation, les modèles éthiques. Ces systèmes de valeurs se révèlent donc à travers l'insulte et en retour, parce qu'elle les verbalise, elle contribue à les confirmer et à les renforcer de manière très visible et même caricaturale. Ce n'est donc pas seulement le psychanalyste qui pourrait la prendre comme matériau brut : ce sont le sociologue et l'anthropologue. Elle révèle en effet un puissant inconscient collectif (pas toujours beau à voir, au demeurant...).
    Agent destructeur et recréateur de la relation de pouvoir, révélateur de l'identité personnelle et de l'inconscient collectif : on comprend que l'insulte doive souvent maquillerses fonctions. D'où le caractère ludique qu'elle affecte souvent. Sous le couvert du jeu, elle acquiert sa légitimité tout en paraissant paradoxalement la refuser.
    Ce caractère ludique provient aussi du fait que l'insulte est pulsionnelle : grand exercice de rhétorique, elle consruit de smondes dont l'existence est momentanée, elle recourt à des inovations langagières, à des rencontres elles aussi momentanées. Il provient aussi du fait que l'insulte est destructrice ; elle constitue (avec le lapsus, le jeu de mots, la figure de style) un de ces rares moments où la langue se libère. D'ailleurs, ceux qui ont la chance de disposer de plusieurs codes linguistiques le savent : on insulte mieux dans la langue du ceur et de la solidarité que dans la langue de la raison et du pouvoir. C'est qu'avec l'insulte, la langue se libère des contraintes grammaticales et l'exicales, autant que l'insulteur se libère des contraintes sociales. Au coeur de cette libération, de grands trésors de créativité peuvent se trouver.
    Au même titre que la poésie, l'insulte est donc un des lieux où trouve à s'exercer l'immense plasticité de nos langues.

Jean-Marie Klinkenberg, Le Jeu de la langue, p.151-53
« tu parles !?, le français dans tous ses états
Flammarion, 2000 en France, Paris, 2000

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Hermann Hesse - On peut tout interpréter

Publié le par antoiniste

    Faut-il donc faire attention aux rêves ? demanda Valet. Peut-on en donner une interpétation ?
    Le Maître le regarda dans les yeux et dit brièvement : « Il faut faire attention à tout, car on peut tout interpréter. »

Hermann Hesse, Le Jeu des perles de verre, p.140
Le Livre de Poche, Calmann-Lévy, Paris, 1943

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Complément d'Enquête - Devins, guérisseurs, gourous... (France 2)

Publié le par antoiniste

    Lundi 29 novembre à 22h05
    Devins, guérisseurs, gourous, le retour des charlatans ?

    Que s’est-il passé le 23 octobre dernier à La Verrière ? Pourquoi un enfant est-t-il mort quand douze membres de sa famille se sont jetés par la fenêtre ? Ont-ils eu peur du diable, comme l’affirme l’un des suspects ? Ou étaient-ils sous l’emprise d’un gourou obsédé par le démon ?
    Des gourous qui prétendent soigner, combattre les mauvais esprits, ou prédire l’avenir… Qui sont ces imposteurs et ceux qui tombent sous leur charme ?
    Pourquoi le besoin d’irrationnel semble-t-il plus fort que jamais ? Alors que le Feng Shui cartonne et que les médecines alternatives sont à la mode, comment opèrent ces magnétiseurs et autre « géobiologistes » qui disent chasser les énergies négatives ?
     Pourquoi fascinent-ils jusqu’aux plus puissants, stars du showbiz, grands patrons ou hommes politiques ?
    Entre manipulation et abus de faiblesse, Complément d’enquête sur le pouvoir de
ces nouveaux gourous.

A voir en ligne sur le cite : http://info.france2.fr/complement-denquete/?page=accueil&id_rubrique=83

    A ne pas manquer, l'intervention de Michel Onfray (philosophe qui évoque son dernier livre : Le Crépuscule d’une idole. L'Affabulation freudienne, chez Grasset) qui rappelle qu'une Eglise n'est qu'un secte qui a réussi ! Il intervient en effet après le reportage sur l'Eglise de la Montagne de feu, d'orientation pentecôtiste, mais non rattaché à la Fédération Protestante de France.
    Il est également l'auteur du très discuté Traité d'athéologie (Grasset, Paris, 2005).
source : http://fr.wikipedia.org/wiki/Michel_Onfray

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Claude Piron - Un cas étonnant de masochisme social

Publié le par antoiniste

    Un texte intéressant sur l'espéranto et les jugements portés sur lui :
Un cas étonnant de masochisme social [http://claudepiron.free.fr/articlesenfrancais/casetonnant.htm].

    Je vous propose de lire ce texte en remplassant le mot "langue" par le mot "religion" et le mot "espéranto" par le mot "Antoinisme", pour avoir un aperçu des jugements portés sur l'antoinisme.

- Dans le monde entier, les états investissent des millions pour que des millions d'enfants et de jeunes apprennent les langues.
- Dans le monde entier, les états investissent des millions pour que des millions d'enfants et de jeunes pratiquent les religions.

- S'il était vrai que l'anglais résout les problèmes de communication inter-peuples, comment expliquer les innombrables cas où la communication ne passe pas ?
-  S'il était vrai que l'oeucuménisme résout les problèmes de communication inter-religions, comment expliquer les innombrables cas où la communication ne passe pas ? 

- Mais la solution "espéranto" est tabou. [...] Jamais le rejet n'intervient après étude. On refuse tout simplement de l'envisager ou, au mépris de l'honnêteté intellectuelle, on en parle, sans la connaître, avec dérision.
- Mais la solution "antoinisme" est tabou. [...] Jamais le rejet n'intervient après étude. On refuse tout simplement de l'envisager ou, au mépris de l'honnêteté intellectuelle, on en parle, sans la connaître, avec dérision.

II. Mécanismes de défense
       a) Déni.
- L'espéranto est considéré comme inexistant dans des contextes où il serait logique de le prendre en considération.
- L'antoinisme est considéré comme inexistant dans des contextes où il serait logique de le prendre en considération.
       b) Projection.
- Souvent, on impute gratuitement à l'espéranto des caractéristiques qui en font une menace destructrice ou une sorte de mutant monstrueux.
- Souvent, on impute gratuitement à l'antoinisme des caractéristiques qui en font une menace destructrice ou une sorte de mutant monstrueux (comme à toutes les sectes).
       c) Rationalisation.
- En fait: une place importante, dans les caractéristiques de l'espéranto, revient à son substrat polyethnique, notamment aux apports asiatiques et hongrois.
- En fait: une place importante, dans les caractéristiques de l'antoinisme, revient à son substrat polyreligieux, notamment aux apports asiatiques et spirites.

       d) Isolation.
- L'isolation consiste à détacher du contexte et à juger sans référence.

       e) idéalisation.
- La réponse du ministère a chaque fois été la même: l'espéranto n'a pas sa place dans l'enseignement des langues, parce que cet enseignement "comprend l'accès à une culture, et, pour les langues étrangères, à une civilisation".
- La réponse du ministère a chaque fois été la même: l'antoinisme n'a pas sa place dans la reconnaissance des religions, parce que cette reconnaissance "comprend l'accès à une culture, et, pour les religions, à une civilisation".

    En conclusion de Espéranto : l'image et la réalité [http://claudepiron.free.fr/articlesenfrancais/esperantoimagerealite12-5.htm], le même auteur dit :
    Le décalage entre l’image courante et la réalité est si énorme que l’on peut affirmer sans risque d’erreur que dans notre société – abstraction faite d’une petite minorité d’usagers – l’espéranto n’est tout simplement pas connu.
    Les relations entre les divers facteurs qui contribuent à cette méconnaissance sont difficiles à préciser. On peut dire que des intérêts particuliers (ou des réflexes de défense), parfois individuels, souvent collectifs, parfois conscients, généralement inconscients, de nature sociale ou politique, voire économique, exploitent des ressorts affectifs (angoisse latente, problèmes d’identité, peur du ridicule), renforcés par des malentendus d’ordre cognitif, pour empêcher l’étude sur le terrain (field study) du phénomène sociolinguistique "espéranto". Les médias contribuent à amplifier l’action des autres facteurs en diffusant largement dans la population les modèles d’attitude et les rationalisations qui, au départ, étaient les armes des intérêts particuliers menacés. [...]
     Il ne s’agissait nullement de définir ici la valeur de l’espéranto en tant que moyen de communication inter-peuples, ni même de le situer par rapport aux autres systèmes. Plus modeste, notre but était simplement de déterminer dans quelle mesure l’image courante s’écarte de la réalité. Si nous avons été amené à conclure que les prises de position sur l’espéranto sont fréquemment sous-tendues par des processus mentaux infantiles, c’est là un résultat secondaire d’une recherche qui, au départ, n’était pas orientée dans ce sens.
    Ce qui nous a le plus frappé, au cours de cette étude, c’est le caractère catégorique, péremptoire, de la plupart des affirmations sur l’espéranto. Les auteurs qui mentionnent cette langue, fût-ce incidemment, adoptent un ton d’autorité indiscutable, comme s’ils savaient. Pourtant, dès qu’on se documente, on constate qu’ils ignorent maintes données fondamentales. Mais ils ignorent leur ignorance. Sans doute serait-il utile de repérer d’autres cas quasi massifs d’ignorance ignorée au sein de notre société. En tout état de cause, il serait bon que des chercheurs s’intéressant aux questions d’information, de sociologie, de psychologie et de linguistique explorent plus avant le terrain que nous avons essayé de défricher. La connaissance de l’être humain ne pourrait qu’y gagner.


    En conclusion, d'un livre qui pourrait s'appeler Antoinisme : l'image et la réalité, on pourrait dire :
    Le décalage entre l’image courante et la réalité est si énorme que l’on peut affirmer sans risque d’erreur que dans notre société – abstraction faite d’une petite minorité d’usagers – l’antoinisme n’est tout simplement pas connu.
    Les relations entre les divers facteurs qui contribuent à cette méconnaissance sont difficiles à préciser. On peut dire que des intérêts particuliers (ou des réflexes de défense), parfois individuels, souvent collectifs, parfois conscients, généralement inconscients, de nature sociale ou politique, voire économique, exploitent des ressorts affectifs (angoisse latente, problèmes d’identité, peur du ridicule), renforcés par des malentendus d’ordre cognitif, pour empêcher l’étude sur le terrain (field study) du phénomène socio-anthropologique "antoinisme". Les médias contribuent à amplifier l’action des autres facteurs en diffusant largement dans la population les modèles d’attitude et les rationalisations qui, au départ, étaient les armes des intérêts particuliers menacés. [...]
     Il ne s’agissait nullement de définir ici la valeur de l’antoinisme en tant que moyen de communication inter-religieux, ni même de le situer par rapport aux autres religions. Plus modeste, notre but était simplement de déterminer dans quelle mesure l’image courante s’écarte de la réalité. Si nous avons été amené à conclure que les prises de position sur l’antoinisme sont fréquemment sous-tendues par des processus mentaux infantiles, c’est là un résultat secondaire d’une recherche qui, au départ, n’était pas orientée dans ce sens.
    Ce qui nous a le plus frappé, au cours de cette étude, c’est le caractère catégorique, péremptoire, de la plupart des affirmations sur l’antoinisme. Les auteurs qui mentionnent cette religion, fût-ce incidemment, adoptent un ton d’autorité indiscutable, comme s’ils savaient. Pourtant, dès qu’on se documente, on constate qu’ils ignorent maintes données fondamentales. Mais ils ignorent leur ignorance. Sans doute serait-il utile de repérer d’autres cas quasi massifs d’ignorance ignorée au sein de notre société. En tout état de cause, il serait bon que des chercheurs s’intéressant aux questions d’information, de sociologie, de psychologie et de linguistique explorent plus avant le terrain que nous avons essayé de défricher. La connaissance de l’être humain ne pourrait qu’y gagner.


    Merci à Pierre Debouxhtay, Regis Dericquebourg et Anne-Cécile Bégot d'avoir fait ce travail sur l'antoinisme, même s'il reste, comme pour l'espéranto, beaucoup de contre-vérité à extirper des cerveaux.

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Le non respect d'un choix (sterilisationchildfree.wordpress.com)

Publié le par antoiniste

Voici l'incroyable combat qu'a dû mener M. pour parvenir enfin à se faire entendre.
« Je suis mère d'une petite fille de 4 ans.
Cet enfant était désiré, ce n'est ni une erreur de parcours, ni un coup de tête.
Lorsqu'elle est née, il a tout de suite été évident que je ne voulais plus avoir d'autres enfants.
Et ce choix n'a rien à avoir avec un accouchement qui ce serait mal passé ou tout autre raison que l'on peut trouver, c'est juste MON choix.
Lorsque j'ai parlé de mon non désir d'avoir un autre enfant à mon généraliste, la réaction a tout de suite été immédiate "il existe des solutions radicales, mais vu votre âge et votre situation (1 seul enfant), personne n'acceptera de vous le faire".
Ne supportant pas la pilule, cette situation était inconfortable pour moi.
Devenue célibataire rapidement après la naissance de ma fille, ce choix forcé ne me posait pas vraiment de problème au quotidien.
C'est lorsqu'est arrivé dans ma vie mon nouveau compagnon et qu'il a été clair dès le départ que nous ne souhaitions pas avoir d'enfants, que là, je me suis remise à penser sérieusement à cette situation.
Eté 2009, après un frottis, on m'explique que j'ai un HPV de haut grade et qu'il faut me faire une conisation du col de l'utérus.
Je reparle de mon désir d'obtenir une solution de contraception définitive, après tout, c'est mon corps, je suis la meilleure personne pour décider ce que j'en fais !
Avec le recul, j'étais bien naïve de penser ça et surtout, je n'ai jamais pensé que j'allais m'épuiser à me battre pendant plus d'1 an…
Refus catégorique du gynécologue me suivant pour cette conisation et également du service gynécologique de l'hôpital Foch.
Ce refus se basant uniquement sur mon âge et la possibilité d'un éventuel changement d'avis.
Suite à cela, j'ai contacté le planning familial pour être guidée dans mon choix.
Le planning était bien embêté, car il y a un réel blocage en France pour pratiquer ce genre d'opération.
Ils m'ont conseillé de contacter la société commercialisant la solution Essure.
Après avoir expliqué mon cas et insisté, j'ai eu un commercial qui m'a communiqué le numéro du chirurgien pratiquant le plus cette intervention en région parisienne, voir même en France.
Cet homme m'a tenu un discours incroyable, mon âge posait problème, bien entendu comme à chaque fois, mais surtout, que se passerait-il "si ma fille venait à mourir et que je souhaitais un autre enfant" ?
Comment peut-on entendre ce discours de la part d'un médecin ?!!
Le gynécologue de l'hôpital Foch a accepté de revoir mon dossier si j'acceptais de tenter la pose d'un stérilet hormonal (vu mes règles très abondantes et la taille de mon utérus, un en cuivre, c'était impossible).
J'ai accepté la pose de ce stérilet en octobre 2009 et là a réellement commencé mon année infernale.
Ce stérilet, je ne l'ai pas supporté.
Douleurs, saignements continus, sautes d'humeur, grande fatigue, j'ai décidé de prendre rendez-vous chez une généraliste conseillée par le planning familial début janvier 2010 (après en avoir eu assez du "c'est normal, il faut que le corps s'adapte" de la part de l'hôpital Foch)
Et là, je lui expose mon problème, ma lassitude de ne pas trouver de l'écoute pour mon cas et de solution concernant ma demande de contraception définitive.
On convient que ce stérilet qui me rend la vie impossible depuis des semaines, on l'enlève tout de suite (il est vrai qu'il est efficace sur le plan contraceptif, puisqu'avec tous les désagréments, je n'ai quasiment plus de vie sexuelle)
Et là, problème. Les fils ont disparu, la question se pose, est-ce que j'ai perdu le stérilet ou est-ce qu'il a complètement bougé ?
Je dois donc faire une échographie en urgence, l'échographie montre qu'il est toujours là, mais coincé dansle bas de mon utérus, en gros, il est en train d'essayer de s'échapper, ce qui explique mon calvaire.
Elle contacte le gynécologue de l'hôpital Foch pour expliquer le problème. Il accepte de me voir pour essayer de le retirer.
J'ai donc rendez-vous pour enlever cet engin de torture, échec de l'essai, non sans avoir eu des douleurs atroces…
Il propose alors de le retirer par hystéroscopie et là, encore une fois, je me plie à la dictature médicale.
Le jour de cette intervention, je suis arrivée hyper stressée, les douleurs devenant insupportable, j'avais commencé à perdre pas mal de poids, je ne dormais plus correctement, je n'étais donc pas dans un état de forme mirobolant.
Et là, je me suis trouvée face à un gynécologue inconnu et qui a commencé à me faire horriblement mal, parce qu'il souhaitait voir s'il n'y avait pas moyen de le retirer sans effecturer l'hysteroscopie, c'était donc la 3ème fois que l'on essayait de me retirer ce stérilet en martyrisant mon intimité.
J'ai réagi d'une façon qu'il n'attendait pas, j'ai demandé à ce que tout soit stoppé et j'ai dit que je partais.
Bien obligé de me laisser partir ce gynécologue n'en était pas moins choqué par mon comportement, qui visiblement, n'était pas courant.
Vous pensez bien, une patiente qui se révolte, c'est rare !
J'ai expliqué la situation au médecin généraliste qui m'avait vue et elle prend contact en urgence avec la maternité des Bluets à Paris pour qu'on m'enlève sous anesthésie cette saloperie.
J'ai un rendez-vous en urgence avec une gynéco où je suis obligée d'aller avec ma fille, faute de pouvoir la faire garder.
Là encore, la gynéco veut tenter de l'enlever sans intervention "au cas-où ça marcherait, ce serait quand même mieux d'éviter l'opération"
J'ai donc hurlé de douleur devant ma fille, puisqu'elle n'avais pas voulu rester avec une aide-soignante.
Nouvel échec.
L'opération est programmée avec un autre chirurgien qu'elle.
Je ne saurais vous expliquer la lassitude qui était en moi à ce moment de ma vie, j'étais seule (mon compagnon était à l'étranger pour plusieurs mois), épuisée moralement et physiquement par ce problème et j'avais surtout l'impression que le corps médical était incompétent à me prendre en charge, avec en plus une sensation de violence envers mon corps, mon intimité étant sans cesse violée et violentée...
Le jour de l'opération, le chirurgien arrive avec toujours ce côté "j'en fais à la chaîne, vous n'êtes qu'un numéro" et il demande à l'anesthésiste quel est l'opération, si je suis bien l'hystérectomie (!), elle lui répond que non, moi on m'enlève un stérilet.
Il s'adresse alors à moi "on vous en remet un dans la foulée ?"
Chose qu'il ne fallait pas me dire, je me suis alors énervée en lui expliquant qu'il était hors de question qu'on me remette un truc de ce genre dans l'utérus et je me battais depuis des mois pour avoir une stérilisation.
Après avoir débattu avec lui quelques minutes, il a du voir ma détermination et m'a dit de le contacter d'ici plusieurs mois, qu'il pourrait peut-être "faire quelque chose pour moi".
Pour la petite anecdote, j'ai refusé de me retrouver en position gynécologique avant d'avoir été endormie, j'en avais absolument plus que marre de me retrouver les jambes écartées face à des inconnus et encore une fois ma réaction n'est pas bien passée.
Me voilà donc en février 2010 sans stérilet, mais sans solution de contraception…
Devant partir plusieurs semaines à l'étranger, je prends contact avec une gynécologue conseillée par le médecin généraliste et je prends rendez-vous en expliquant le problème, mais là encore, mon âge pose problème…
Avril 2010, de retour de mon déplacement, je contacte le chirurgien des Bluets pour cette intervention et là, miracle, tout d'un coup, il semblerait que ce soit possible !
On prépare les papiers et l'opération est programmée en juin 2010, finalement, je serais tout d'un coup proche du but ?
Nous sommes en juin, à 48h de l'opération, mon téléphone sonne, le chirurgien m'annonce que l'opération est annulée suite à un refus du staff des Bluets qu'elle soit pratiquée.
Et là, j'explose, je demande à le voir immédiatement pour qu'on m'explique en face pourquoi on annule une opération programmée depuis 1 mois et demi seulement 48h à l'avance, ils devaient tous s'en douter depuis longtemps que ça en arriverait là.
J'enrage, je fulmine, je n'arrive pas à contenir celle colère, toutes ces émotions accumulées depuis des mois où on me maltraite.
Alors, oui, j'avoue, j'ai fait un scandale à la maternité des Bluets, j'ai hurlé ma douleur et ma souffrance qu'on ne prenne pas en compte ma demande.
Après m'être calmée, j'ai recontacté le chirurgien qui me dit qu'après en avoir discuté avec le directeur de l'établissement, si j'accepte un suivi psychologique qui "prouverait" ma motivation, ils accepteraient de revoir mon cas.
J'accepte donc cette énième humiliation, quelqu'un qui doit juger si je suis "apte" à ne plus avoir d'enfants.
Cette femme psychologue va condenser à elle seule, toutes les humiliations que j'ai eu depuis presque 1 an.
Elle va remettre en doute l'amour que je peux avoir pour ma fille, va me demander ce que je ferais si elle mourait un jour, me demander ce qui se passerait si je quittais mon compagnon et que j'en rencontrais un autre ("aurais-je alors envie d'un enfant avec cette nouvelle personne"), mettre en avant la "vie dissolue" de mon passé et donc me dire que je suis quelqu'un qui change d'avis souvent (!!!)
Et là, j'ai de nouveau explosé, je lui ai demandé de me dire honnêtement si on lui avait demandé de me me faire changer d'avis ( ce qui franchement y ressemblait fort ).
Autant vous dire que la séance s'est vraiment mal terminée et que j'ai abandonné cette idée de passer par les Bluets.
S'en est donc suivi une énorme remise en question, qu'allais-je faire ? Aller à l'étranger ?
Il m'est venu à l'idée de recontacter Essure, j'ai réussi à avoir de nouveau le commercial que j'avais eu quelques mois plus tôt et qui m'avait dirigé vers les chirurgien du 93 qui m'avait mis en face du "si votre fille meurt un jour".
Je lui ai expliqué mon parcours, toutes les discours que j'avais eu.
Il m'a alors donné le contact d'un médecin dans le privé, en m'expliquant que ça avait un prix, mais que justement, ce prix faisait qu'on était parfois plus écouté.
C'est ainsi que j'ai fait la connaissance de C******** S*******, une femme formidable qui a pris le temps de m'écouter et qui n'a pas remis en doute mon choix.
Après avoir expliqué mon parcours et les raisons de mon choix, elle m'a expliqué certaines choses, a posé quelques questions pour vérifier que ce choix était bien solide.
Et puis elle m'a expliqué qu'il y avait la ligature et Essure.
La ligature pouvait permettre de parfois espérer avoir une grossesse en cas de changement d'avis, mais pas avec Essure, parce que les dégâts sur les trompes sont trop importants quand on retire les implants.
Et là où je me suis rendu compte qu'elle était différente de tous les autres, c'est qu'elle m'a dit "mais de toute façon, vous êtes sûre de votre choix, donc dans ce cas, vu votre décision, vous ne partez pas dans l'optique d'un éventuel retour en arrière" (le chirurgien des Bluets refusait la méthode Essure pour cette raison, trop définitif)
Juillet 2010, l'espoir renaît.
L'opération ne pourra se faire tout de suite, puisque mon cycle ne correspond pas aux jours où elle opère à la clinique Hartman de Neuilly.
Ce sera donc à la rentrée 2010.
Fin août 2010, elle me contacte en catastrophe pour placer rapidement l'opération à cause d'un décret qui passerait et ferait que cette intervention ne serait plus remboursée pour les femmes ayant moins de 40 ans.
L'intervention se fera donc fin septembre et me coutera assez cher, les dépassements d'honoraires sont énormes…
Mais peu importe, au moins ce sera fait.
J'ai eu du mal à me remettre de l'intervention qui a été faite sous anesthésie générale et j'ai eu une dose de cheval, l'anesthésiste est connu pour fortement sédater les patients, même en ambulatoire, pour éviter les douleurs, me confiera une infirmière.
Je suis sortie le jour même, mais heureusement que j'étais accompagnée, j'ai mis plusieurs jours à me remettre de l'anesthésie.
Mon échographie de contrôle devait se faire fin décembre, mais je n'ai pas trouvé le temps de la faire pour le moment, ce devrait être fait début février.
C'est donc la fin de mon expérience terriblement douloureuse sur le chemin de la stérilisation ( ou contraception définitive ).
Pour tout vous dire, j'ai mis plus d'1 an à récupérer des problèmes que j'ai eu avec les stérilet et du stress de mon combat pour obtenir cette opération, j'en suis ressortie épuisée, avec une vision très négative des médecins qui devraient arrêter de penser qu'ils sont tout puissants, heureusement, il reste encore des gens très bien dans la profession.
Est-ce que je regrette ?
Non, je ne regrette aucunement d'avoir fait ce choix, je regrette de m'être laissée imposer des choix qui n'étaient pas les miens, que des médecins m'aient dicté des choses qui ne me convenaient pas.
Je crois qu'ils se retranchent derrière l'âge et le possible changement d'avis pour masquer le fait qu'il est impensable qu'une femme ait une sexualité libre qui ne mène pas à la procréation.
Est-ce qu'il y a le même parcours du combattant quand on veut un enfant, est-ce qu'on demande un suivi psychologique, est-ce qu'on vous met en garde sur le caractère définitif du fait de devenir parent ?
JAMAIS.
Alors qu'il est évident que lorsque l'on devient mère, ce choix est aussi définitif et il n'y a pas de retour en arrière possible, de plus ce choix met aussi en jeux la vie d'une deuxième personne, l'enfant…
J'espère réellement que les choses évolueront et j'encourage toutes celles qui font ce choix à se battre, à en parler, pour faire tomber ce tabou.
J'ai aujourd'hui 33 ans, une fille magnifique, un compagnon avec qui tout se passe bien et je n'aurai plus d'enfant, ces choix je les ai fait, je n'en regrette aucun ! »

source : http://sterilisationchildfree.wordpress.com/2011/02/01/le-non-respect-dun-choix/

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Les enfants mal soignés avec les médicaments en vente libre

Publié le par antoiniste

Les enfants mal soignés avec les médicaments en vente libre
30.08.10 - 07:13

La santé de nombreux enfants est mise en danger par le mauvais usage que font leurs parents des médicaments vendus sans ordonnance, a indiqué lundi une équipe de chercheurs de l'univerité de Sydney.

"De nombreux enfants sont mis en danger par un usage excessif de la part de leurs parents de médicaments pour la fièvre, la toux et les rhumes, disponibles sans ordonnance", conclut l'étude présentée à Lisbonne lors d'une conférence de la Fédération internationale pharmaceutique. "Nous avons été surpris et inquiets de découvrir que certains pensaient que les médicaments étaient sans danger car ils peuvent être achetés sans ordonnance", a déclaré dans un communiqué Rebekah Moles, en charge de l'enquête réalisée auprès de 97 parents et employés de garderies en Australie.

Placés devant plusieurs scénarios, "44% des participants auraient donné une dose incorrecte, et seulement 64% auraient été capables de mesurer avec précision la dose qu'ils avaient l'intention d'administrer". "Seulement 14% des participants ont su réagir correctement face à un cas de de fièvre", ont établi les chercheurs.

Selon le rapport annuel 2008 du Centre d'information sur les poisons de la région australienne de la Nouvelle-Galles du Sud, 48% des 119.000 appels reçus concernaient un "surdosage accidentel d'enfants", dont 15% ont dû être hospitalisés, soulignent les auteurs de cette étude. "L'Australie n'est probablement pas un cas isolé", estiment les enquêteurs, convaincus que "l'usage inapproprié de médicaments chez les enfants est répandu dans le monde".

Belga

source : http://www.rtbf.be/info/articles/les-enfants-victimes-du-mauvais-usage-de-medicaments-sans-ordonnance

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Maxence van der Meersch - Une idole de notre époque

Publié le par antoiniste

    Les nécessités de la production, cette idole de notre époque, lui imposeront la vie dans les villes, une oxygénation pulmonaire effroyablement insuffisante, des horaires de travail absurdes (travail de nuit, travail par brigades de huit heures qui laissent des loisirs trop long parce qu'on a tendance à en abuser). Horaires bousculés à tout bout de champ, soit pour assurer la relève d'une équipe, soit pour satisfaire aux complications de la production d'énergie électrique. [...] Il vivra dans un décor de faubourg, dans le fracas d'une grande cité, sans autres distractions possibles que le cinéma, la T.S.F. et le café. Une publicité démesurée lui implantera dans le crâne les vertus de la « Gitane » ou de la « Celtic », du rhum Négrita, de la margarine, des fortifiants pharmaceutiques, des conserves, des charcuteries, des confiseries, de la Coca-cola ou de l'Aspro. Il sera pour toute sa vie le prisonnier de la ville, paralysé par le manque d'argent, de connaissances, d'expérience, par les enfants à élever, par peur d'un risque énorme à courir s'il lâche son gagne-pain sans l'absolue certitude de pouvoir s'adapter à une existence nouvelle. La majeure partie des ouvriers n'a jamais plus, de vant elle, que la valeur du gain d'une semaine. Allez, dans ces conditions, dire à un homme de retrourner à la terre ! Allez simplement lui dire d'ajouter des fruits, des entremets, du fromage, des salades, du beurre frais, à ses menus ! La malheureuse qui court de l'usine à sa maison pour fricasser hâtivement sur un réchaud le repas de ses gosses, ne serait-ce pas insulter à sa misère que d'exiger d'elle le long et minutieux épluchage et la lente cuisson des légumes, des fruits ? Le peuple est l'esclave de la production. Peut-être jouira-t-il plus tard, dans quelques générations, du résultat de l'esclavage présent. Je ne sais. L'habitude d'inverser les termes et de faire de l'homme le serviteur de la machine semble désormais terriblement ancrée dans les esprits, et n'y éveille même plus la moindre révolte. En attendant, en tout cas, entre le sacrifice de la production et le sacrifice du producteur, le choix est invariable et immédiat.

Maxence van der Meersch, Pourquoi j'ai écrit « Corps et Âmes », p.257-58
(Histoire et théories du Dr Paul Carton) - Albin Michel, Paris, 1956

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Soigner au XIXe siècle, médecine et thérapeutique des ''simples''

Publié le par antoiniste

    Faute de pouvoir soigner les maladies, la médecine du XIXe siècle s'est employée à les prévenir. D'où le rôle central qu'y joue l'hygiène publique. Se donnant pour mission de supprimer les foyers d'infection qui minent la société, elle s'étend à tous les domaines : égouts et voiries, orientation et hauteur des bâtiments, alimentation et travail, pollution industrielle et urbaine, prisons, casernes, hôpitaux, mais aussi prostitution, alcoolisme, crimes, suicides, etc.
Les préconisations des hygiénistes sont toujours les mêmes : faire circuler l'air et l'eau, désinfecter, vacciner. Mais ces avis ne sont pas toujours suivis d'effets. Dans nombre de pays européens, la vaccination et la revaccination sont obligatoires.
Quatrième de couverture de : Gérard Jorland, Une Société à soigner, Hygiène et salubrité publiques en France au XIXe siècle, 368 pages, Collection Bibliothèque des Histoires, Gallimard, 2010
source :  http://www.gallimard.fr/Vient_de_paraitre/gallimard-cgi/appliv1/ind_ouvrage?ouvrage=0010066784006407303300000

    « Au demeurant, les méthodes médicatrises des gens de l’art de ce pays ne sont guères plus compliquées que celle des bergers de la montagne ; elle consistent dans ces trois choses, purger, saigner, et diète absolue : la saignée est surtout en si grande vogue, que, comme les médecins ne savent que l’ordonner et ne la pratiquent pas, ce sont les chirurgiens qui, en concurrence avec les rebouteurs pour les cas chirurgicaux, extrêmement rares, qui se présentent, sont presque les seuls en possession de la médecine interne » (François-Emmanuel FODERE, Voyage aux Alpes-Maritimes, Tome Second, op. cit., p. 293-294.).
source : http://halshs.archives-ouvertes.fr/docs/00/45/52/43/PDF/La_pratique_medicale_dans_les_Alpes-Maritimes_au_XIXe_siecle_ou_l_idee_d_une_medecine_a_plusieurs_visages.pdf.

    Tandis que la médecine se détache définitivement de la philosophie pour entrer dans l'ère moderne, la somme des connaissances et des découvertes médicales acquises entre 1800 et 1895 dépasse celle qui a été accumulée pendant les millénaires antérieurs. La clinique, la chirurgie et la physiologie progressent à pas de géant, laissant toujours à la traîne la thérapeutique, qui devra attendre le XX e  siècle pour devenir crédible. Pourtant, en moins d'un siècle, l'examen clinique, l'anesthésie, l'antisepsie, la bactériologie et, enfin, la radiologie bouleversent le pronostic médical et permettent d'allonger l'espérance de vie. [...] 
    Le chemin parcouru par la médecine au cours du XIX e  siècle est immense, surtout en physiologie et en clinique. En un siècle, les nosographies confuses et les systèmes auront disparu au profit d'une médecine objective, à laquelle manque encore la réussite thérapeutique, car de grands fléaux - tuberculose, fièvre typhoïde, grippe, choléra, peste - ravagent encore le monde.
source : http://www.memo.fr/article.asp?ID=THE_SCI_007#Som5

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Oscar Wilde - Le Portrait de Dorian Gray - La fidélité

Publié le par antoiniste

    - Mon cher ami, les gens vraiment superficiels sont ceux qui aiment une seule fois dans leur vie. Ce qu'ils appellent leur loyauté, leur fidélité, je l'appelle, moi, léthargie, routine ou manque d'imagination. La fidélité est dans la vie sentimentale ce qu'est la fixité des idées dans la vie intellectuelle : un pur aveu de faillite. La fidélité ! Il faudra pourtant que je l'analyse un jour. L'amour de la propriété y entre pour une part. Que de choses nous mettrions au rebut, si nous ne craignions pas de les voir ramassées par autrui.

Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray, p.72
Stock, Le Livre de Poche, Paris, 1983

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L'animal guérisseur et la pensée magique

Publié le par antoiniste

    Pour bien comprendre ce phénomène (de la guérison par les animaux), qui a perduré jusqu'à notre époque, il faut savoir que la médecine traditionnelle, celle qui nous vient du Moyen Age et même de l'Antiquité : "(...) attribuait une vertu curative aux multiples produits des trois règnes de la nature" (Jean Haust, Médicinaire liégeois du XIIIe siècle et médicinaire namurois du XVe). En outre, l'esprit et la méthode scientifiques, même s'ils ont fait leurs premiers pas dès la fin de la Renaissance, n'ont conquis que très lentement les esprits pour n'atteindre ceux des campagnes qu'au début du XXe siècle. C'est donc la pensée magique qui s'impose aux consciences et justifie la médecine populaire. Dans ce contexte de croyances, la maladie est une entité maléfique qu'il faut vaincre ou éloigner en lui opposant une puissance supérieure, qui peut être un animal bien spécifique.

     La pensée magique, fondement véritable de l'ancienne thérapeutique, a pour règle de rendre la santé à un être affaibli par l'accaparement de la force d'autres êtres en pleine santé. Aussi cherchera-t-on un animal qui offre un signe, "une signature", en rapport direct avec la maladie. Par exemple, puisque le lièvre est muni comme le lapin de dents en perpétuelle croissance, les gencives de l'enfant seront donc frottées avec la cervelle du rongeur afin de hâter la venue de la dentition.

    Si tant de remèdes apparemment absurdes sont parvenus jusqu'à nous, ce n'est pas seulement à cause de l'ignorance et de la naïveté du peuple, mais aussi souvent à cause du manque d'efficacité de la médecine officielle ou de son coût, prohibitif pour les petites gens des campagnes. Ceux-ci n'avaient parfois d'autre choix que de s'en remettre à des guérisseurs, souvent plus désintéressés que les "docteurs".

    Il est légitime de penser que l'emploi de drogues issues du règne animal n'était en somme rien d'autre qu'un effort désespéré, face aux médiocres possibilités thérapeutiques des siècles passés, d'enrichir malgré tout l'arsenal thérapeutique de substances pouvant contribuer à calmer la douleur et à vaincre la maladie. Jeter de nos jours un regard moqueur sur ces tentatives de nos ancêtres pour atténuer les maux d'ici-bas sans restituer celles-ci dans leur contexte social et économique, témoigne de bien peu de compréhension des faits historiques.

Marc Lamboray, L'animal guérisseur, p.242 §3, p.234 et p.242 §7
Georges Theves, Les animaux utilisés en médecine et en chirurgie, jadis et aujourd'hui, p.223
in Guérisseurs d'hier et d'aujourd'hui, Musée en Piconrue, Bastogne

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