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robert vivier

Robert Vivier, Zénitta Tazieff et Haroun Tazieff

Publié le par antoiniste

Robert Vivier et Zénitta, signature

    La vie recommence et Robert Vivier retourne à ses études. Il obtient son doctorat en philologie romane. Il est reçu premier au concours des bourses universitaires, ex aequo avec son amie Marie Delcourt. C'est à cette époque qu'il fait la connaissance du peintre Zenitta Tazieff. Il la rencontre dans une petite pen-sion de famille de Saint-Gilles car, m'a raconté Haroun Tazieff, « il était à cette époque aussi pauvre que nous ». Zenitta est Russe, elle est peintre, chimiste, philosophe. Elle est aussi fort belle, très intelligente, avec un goût explosif de la vie. Elle est la mère d'un fils de sept ans qui deviendra un volcanologue célèbre et est à cette époque un garçon turbulent, difficile à contenir. L'enfant apprécie et aime le beau et patient Robert Vivier autant que sa mère. Robert et Zenitta se marient et partent avec Haroun pour Paris où la nouvelle famille va vivre dans des appartements successifs mais toujours exigus pendant que Vivier réunit les matériaux de son mémoire sur L'Originalité de Baudelaire.
    Esprit très vif, toujours en mouvement, Zenitta s'est beaucoup intéressée à l'œuvre de son mari. Elle l'a aidé à s'affirmer et à pousser ses œuvres vers une forme toujours plus exigeante et élaborée. Elle a traduit du Russe avec lui un roman d'Alexei Remizow et a collaboré aux traductions du Russe et du Polonais qui figurent dans Traditore.
    Haroun Tazieff a écrit que Robert Vivier fut pour lui plus qu'un père et il lui a rendu ce bel hommage : « J'ai connu une fortune exceptionnelle : celle d'avoir été élevé par Robert Vivier. Cette fortune m'ouvrit au monde, à la beauté de la Terre... dès sept ans et jusqu'à l'âge d'homme je fus plongé dans un univers de poètes vrais, Baudelaire et Dante, Villon et Mallarmé, Rimbaud et Supervielle... » (p.39)

    Après la publication de Folle qui s'ennuie, Robert Vivier prépare celle d'un de ses plus importants recueils de poèmes : Au bord du temps qui paraîtra en 1936 aux célèbres Cahiers du Sud de Marseille. Il se consacre surtout à un livre qui va devenir son principal roman : Délivrez-nous du mal. Il porte un sous-titre : Antoine le guérisseur, indiquant ce qui a semblé à Vivier le plus significatif, le plus attachant dans le destin et l'extraordinaire personnalité du héros de son livre.
    Ce Louis Antoine a eu une vie dure, au parcours inattendu et semé d'épreuves, qui appartient à l'histoire, à l'histoire populaire en tous cas, de notre pays. Il naît en 1846 dans un petit village, près de Liège, dans une famille de mineurs. Famille unie, nombreuse et très pauvre. A douze ans, quand il quitte l'école, son père lui achète une ceinture, une gourde en émaillé bleu et lui dit : Tu es grand maintenant, il est temps de descendre à la mine.
    Pour le père et le fils, c'est une évidence. Il est donc mineur pendant quelques années avec son père et ses frères. Un jour la bougie de sa lampe s'éteint sans raison, il y voit un signe. Il quitte la mine et trouve une place de métallurgiste. Au tirage au sort, il tire un mauvais numéro et pendant trois ans, il est un soldat exemplaire. Au cours d'un rappel, il a le malheur, pendant un exercice, de tuer un de ses camarades d'un coup de feu. Il n'est pas responsable de cet accident qui le plonge dans le désespoir. Après des semaines de détresse, il obtiendra son congé et ne retrouvera la paix qu'en revoyant son pays natal.
    « Dans le fond noir du vallon, écrit Vivier, des petites flammes d'un rouge sourd, comme des sœurs, mystérieuses, brûlaient à intervalles réguliers. C'était les cheminées du laminoir... On eût dit qu'une bête puissante était tapie là, qui bruissait et murmurait en rêve, entourée de ce fourrage de clartés. Plus loin, dans l'ombre plus noire, des petits morceaux d'une lumière moins vive étaient posés ça et là avec une douce exactitude. Là étaient les maisons des hommes. »
    Il rencontre l'amour, il voudrait se marier mais s'aperçoit que devant aider ses parents qui vieillissent, il est bien trop pauvre pour cela. Il n'a aucun espoir d'améliorer son sort dans ce pays, qui est à ce moment le paradis du capitalisme mais pas celui des travailleurs. Louis Antoine est un homme entreprenant, il part pour l'Allemagne où il peut gagner un meilleur salaire. Il doit encore attendre longtemps avant de pouvoir se marier et emmener là-bas sa jeune femme. Plus tard, il l'emmènera jusqu'à Varsovie, dans l'empire russe d'alors, où il a obtenu une place de technicien. Il reviendra chez lui, après quelques années, ayant amassé un petit avoir qui lui permettra de s'acheter une maison et de travailler au pays. C'est à cette époque qu'il commence à ressentir un grand vide spirituel. Il lit beaucoup et devient membre d'un groupe spirite au sein duquel vont apparaître ses dons de guérisseur.
    Une lourde épreuve s'abat sur les époux Antoine. Leur fils unique, qui a fait de bonnes études et est devenu employé aux chemins de fer, tombe malade. Les dons de guérisseur d'Antoine sont, à cause de sa propre anxiété, sans action sur les membres de sa famille. Les médecins se révèlent eux aussi impuissants et le jeune homme meurt. Ce deuil accentue chez Antoine l'intérêt et la compassion pour les souffrances physiques et morales des autres. Peu à peu les malades affluent chez lui et les guérisons se multiplient.
    Robert Vivier décrit l'action du guérisseur comme un travail. Un travail qu'il exécute avec le même effort, la même conscience que lorsqu'il était mineur ou métallurgiste : « Dès qu'il apercevait un malade devant lui... il sentait la souffrance de cet homme, son embarras, sa misère. Il en était saisi... Il ne pouvait se dérober, il fallait qu'il se mit à vouloir la guérison de cet être... Il voulait agir, et à force de le vouloir il sentait, à un certain moment, qu'il le pouvait. Car vouloir est un travail... peut-être même est-ce le seul travail qui existe... Comme il était plus sain et plus robuste, comme l'expérience et l'épreuve lui avaient donné la faculté de se servir des fluides, il faisait profiter de tout cela le malade. » Il n'en aurait peut-être pas tant fait pour lui-même mais « la tâche qu'il avait à mener ne pouvait être menée à bien que par l'amour. » L'amour « n'est pas n'importe où pour chacun de nous... il est ici et non pas là, il a son terrain, son unique espace ». Et cet espace pour le guérisseur c'était « le pays natal qui est, disent ensemble Vivier et Antoine, le vrai monde et son éternité. »
    Le temps me manque pour parler de toutes les choses justes et profondes que Robert Vivier, s'incorporant par la compréhension à la pensée mais surtout à l'expérience d'Antoine, nous dit sur le rapport intime de l'esprit et du corps qui reste le grand problème de la médecine et de toutes les formes de psychothérapie.
    Permettez-moi encore une citation : « Le corps, dès qu'il est en danger, appelle à longs cris, s'accroche à l'âme avec la frénésie aveugle d'un homme qui se noie. Et alors l'âme s'alarme à son tour... elle est habituée au corps... Il faut qu'elle l'aide, qu'ils se sauvent ensemble pour que cette vie continue. Elle... cherche pour lui une espérance... c'est elle qui le conduit chez Antoine ». Antoine qui sait qu'il ne peut rien s'il est « seulement en présence du corps et si l'âme du patient ne participait pas à ces colloques, si elle ne les rejoignait pas pour collaborer avec eux ».

    Dans ce beau livre, Robert Vivier nous montre ou plutôt nous fait participer à l'évolution mentale et spirituelle d'un homme très simple dont l'action a eu un retentissement considérable dans les milieux populaires de notre pays. Ne nous y trompons pas, le monde dans lequel Antoine évolue est composé de gens peu instruits au sens scolaire d'aujourd'hui, mais qui ont des traditions, une culture à eux et surtout une sévère expérience de la vie qui leur permet de bien juger à qui ils ont affaire. Ces gens lui ont fait confiance et Robert Vivier a su faire comme eux. Il décrit le phénomène étonnant de la naissance d'une vocation de guérisseur, de la réponse donnée à un vide spirituel et de la création d'une religion nouvelle sans dogmes ni rites dans les couches défavorisées d'une société industrielle. Il le fait sans aucun esprit de supériorité. Il va avec Antoine le guérisseur, il unit sa pensée et son travail d'écrivain à sa vie, il le fait voir dans ses grandes épreuves comme dans l'immense amitié du petit peuple qui l'entoure. Il n'est jamais celui qui survole son personnage et qui prétend l'expliquer ou en démonter les rouages intimes. Il se contente d'accompagner Antoine et de le relier sans cesse au pays où il a vécu et à ceux qu'il a tenté d'éclairer et de secourir. Cela va si loin qu'on a parfois l'impression que ce livre est écrit non par un écrivain, à sa table solitaire, mais par la mémoire collective du peuple qui a entouré et vécu avec Antoine. De là l'emploi, si fréquent et si significatif dans le récit, des pronoms « on » et « nous » qui évoquent l'écho de la rumeur confiante, cordiale et reconnaissante qui entourait le guérisseur.
    Georges Sion a remarqué avec justesse que Délivrez-nous du mal est avant tout un roman amical. C'est sans doute ce sentiment d'amitié pour l'univers à la fois profond et naïf, je veux dire vraiment originel d'Antoine, qui soulève constamment le livre et emporte l'adhésion du lecteur. Robert Vivier ne s'y fait voir que par le style et le mouvement du récit. Il laisse toute la place à Louis Antoine et aux siens. Cet effacement même suscite entre les lignes, entre les pages, une apparition discrète et je pense que de tous ses ouvrages Délivrez-nous du mal est celui où s'exprime le mieux la personnalité et la pensée de Robert Vivier.

    Bien que Délivrez-nous du mal raconte la vie d'un personnage réel, Vivier estime à juste titre que cet ouvrage n'est pas une biographie mais un roman. Si c'est la biographie de Louis Antoine qui forme le canevas du livre, c'est l'art du romancier qui restitue l'esprit de son héros, le poids ou la chaleur des événements et nous fait entrer dans le paysage en mouvement de sa vie.
    Peut-être faut-il ici s'interroger sur les rapports du roman, de la biographie et de l'autobiographie. Le roman, surtout s'il est comme Délivrez-nous du mal fortement centré sur un personnage principal, comporte toujours une part de biographie. Celle-ci se nourrit dans une certaine mesure de l'autobiographie réelle, imaginaire ou fantasmatique du romancier. Cependant dès qu'un personnage accède à la plénitude de l'existence imaginaire il entraîne celui qu'on appelle, non sans équivoque, l'auteur, dans l'aventure d'une existence nouvelle qu'il doit partager avec lui. Le romancier ne sait pas tout ce que ses personnages ont vécu et pourrait dire, comme un de ceux de Françoise Sagan : « Je me demande ce que le passé nous réserve ».
    Il ignore encore plus ce que ses personnages vont faire et qui va bien souvent le dérouter. Par contre il sent — plus qu'il ne sait ce qu'ils ne peuvent pas faire, ce qui ne serait pas dans leur vérité peu à peu élaborée en lui-même. Cette connaissance négative est son seul guide mais qui suffit s'il est capable d'intérioriser ces nouveaux vivants dont la charge lui a été confiée. Robert Vivier a su intérioriser Louis Antoine et les siens, les faire vivre dans le mouvement, dans l'invention de l'écriture. Ecriture que Claudine Gothot-Mersch, dans sa pénétrante lecture, a appelée si justement une écriture de la sympathie. Définition qui va loin tant dans la pénétration de l'œuvre que de l'homme que fut Robert Vivier.
    On voit bien ce qui a pu passionner l'ancien fantassin des tranchées, le romancier toujours proche de la vie populaire et l'homme de cœur qu'était Vivier dans l'histoire et l'aventure intérieure d'un ouvrier du pays de Liège. On s'étonne pourtant de voir un homme aussi éloigné de toute idée de culte ou de religion organisée s'intéresser à ce point à un guérisseur qui va, à travers la guérison par l'esprit, devenir à la fin de sa vie le fondateur d'une religion nouvelle. Claudine Gothot-Mersch suggère que cet intérêt a été éveillé en lui par sa rencontre en classe de 3e à l'Athénée, avec un professeur, Monsieur Delcroix, disciple convaincu d'Antoine. Tout le monde n'a pas vu cet « illuminé méconnu » avec le regard plein de compréhension, de tendresse de Robert Vivier car Marcel Thiry, qui a eu lui aussi Monsieur Delcroix comme professeur deux ans plus tard, a gardé de lui un souvenir caricatural. « Je ne pouvais le revoir, dit-il, qu'avec les mêmes égaiements cruels qui furent à ses dépens ceux... (des) jeunes sots dont j'étais ».
    Il est certain que Vivier a écrit Délivrez-nous du mal avec passion, les dates le révèlent. Commencé le 7 juin 1934, ce livre de 350 pages, qui a dû exiger un important travail de documentation, est terminé un an plus tard, le 25 juin 1935.
    Il faut je crois accorder toute son importance à la dédicace du roman. Elle est faite :

    A ma femme
    A qui je dois
    les pensées et les sentiments de ce livre

    Cette dédicace nous ramène à la riche et diverse personnalité de Zenitta Vivier. Dans Les défis et la chance, premier volume de ses mémoires, son fils Haroun Tazieff nous dit : « D'une mère qui avait participé à la révolution russe de 1905... j'avais reçu une éducation « de gauche » c'est-à-dire entièrement fondée sur les vieux rêves humanistes de justice. » Ces rêves sont précisément ceux qui inspirent la pensée et surtout la pratique d'Antoine. On peut supposer que Zenitta Vivier, comme la dédicace de Délivrez-nous du mal le donne à penser, s'est attachée autant que son mari à la personnalité simple, populaire et en même temps hors mesure d'Antoine le guérisseur. On peut en tout cas penser que le thème et les personnages de Délivrez-nous du mal les ont fortement concernés tous les deux. Ils ont dû beaucoup en parler entre eux et l'esprit perçant et passionné de Zenitta s'est uni heureusement dans ce livre à l'esprit de finesse et de compassion ainsi qu'au sens du style et du charme du récit de l'écrivain Robert Vivier.

    Roman vrai, roman amical d'un homme et d'un peuple, Délivrez-nous du mal est aussi un livre de pensée. Louis Antoine, s'il a dû descendre à la mine à douze ans, est pourtant devenu un homme de réflexion et de pensée. Pensée des mains, du corps, de l'expérience et de la vie. Pensée qui évolue et se développe sous l'action de l'événement. C'est la mort de son fils qui le confirme dans sa vocation de guérisseur. Ce sont les guérisons qui font affluer les malades chez lui. Ce sont les procès, qui lui sont intentés en 1901 et 1907 pour exercice illégal de la médecine, qui le poussent, malgré son acquittement, à se tourner vers la seule guérison par l'esprit et peu à peu vers la fondation d'un culte.
    Dans ce roman la voix de Vivier se mêle si intimement à celle d'Antoine que, parfois, il est malaisé de les distinguer. L'esprit de l'Evangile affleure souvent, chez l'un comme chez l'autre, par sa parole la plus simple, peut-être la plus difficile : « Ne jugez pas. » Vivier ne juge pas ses personnages, il sait qu'ils participent au « règne... de l'innocence végétale » comme le dit Marcel Thiry qui ajoute : « Leur courage à se remettre à vivre, à aimer est une espèce de sainteté. »
    Ce mot de sainteté m'a frappé car je l'ai retrouvé dans la bouche de ceux qui ont connu Robert Vivier. Tous, à un moment ou l'autre de l'entretien, m'ont dit : c'était une sorte de saint laïc. J'en ai parlé à Haroun Tazieff, au cours d'un déjeuner où il nous avait conviés avec Vercors, ami de longue date de Vivier. Tazieff a semblé d'abord étonné de voir présenter ainsi quelqu'un qui lui a été si proche. Après avoir réfléchi, il a dit : « Par sa bienveillance universelle, sa simplicité, sa patience, oui, c'était une sorte de saint. Et laïc certainement car il était étranger à toute forme de religion. — Si c'était un saint laïc, a dit ma femme, c'était un vrai saint — Cela ne fait pas de doute, a conclu Vercors. (pp. 44-50)

Discours de M. Henry BAUCHAU
in Réception de M. Henry Bauchau
Bulletin de l'Académie royale de langue et de littérature françaises (1991)
Séance publique du 25 mai 1991

Source : www.arllfb.be/bulletin/bulletinsnumerises/bulletin_1991_lxix_01_02.pdf

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sur Zénitta Vivier (Le Peuple, 31 décembre 1946)(Belgicapress)

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sur Zénitta Vivier (Le Peuple, 31 décembre 1946)(Belgicapress)

    En même temps […] expose Mme Zénitta Vivier. Géorgienne mariée à l'un de nos meilleurs écrivains. Détail amusant : Mme Zénitta Vivier fait en même temps de l'économie politique, du journalisme et de la peinture. J'ai vu avec plaisir, à la cimaise de la Galerie Breughel, des portraits singulièrement amusants, d'une psychologie aiguë et d'un coloris charmant, des fleurs et quelques ravages du midi, notamment de Cassin et d'Aiguebelle qui nous restituent à merveille l'atmosphère de cette terre bénie des dieux. Bon début – car je crois que c'est un début.

Le Peuple, 31 décembre 1946 (source : Belgicapress)

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Robert Vivier - Délivrez-nous du mal (Le Jardin des lettres, 1er avril 1936)

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Robert Vivier - Délivrez-nous du mal (Le Jardin des lettres, 1er avril 1936)

    • De M. Robert Vivier, qui obtint il y a deux ans le Prix Albert 1er pour l'ensemble de son œuvre et, en particulier, pour son roman Folle qui s'ennuie, un livre très curieux sur le guérisseur Antoine dont aujourd'hui les adeptes innombrables – les Antoinistes – ont leurs temples, leurs prêtres, leurs rites et leur morale : Délivrez-nous du Mal (Fr. 18). « On se demandera peut-être en lisant cette histoire, écrit M. Robert VIVIER, si j'ai été témoin de ceci ou de cela, si je suis strictement documenté sur tout ce que je raconte. Je crois n'avoir attribué à Antoine ni un seul acte, ni un seul geste qui ne soit en accord avec son caractère ou avec les mœurs de son milieu, ou bien que la tradition orale, qui a joué un grand rôle dans la diffusion première de l'Antoinisme, ne lui ait attribué à un moment ou à un autre. »

Le Jardin des lettres, 1er avril 1936

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Chronique littéraire (L’Écho de Paris, 27 février 1936)

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Chronique littéraire (L’Écho de Paris, 27 février 1936)

CHRONIQUE LITTÉRAIRE

    ROBERT VIVIER : Délivrez-nous du mal (Antoine le Guérisseur), 1 vol in-18, Editions Bernard Grasset.

    Antoine le Guérisseur, dit aussi le Généreux ou, simplement, le Père sortit de cette incarnation âgé de soixante-six ans, le 25 juin 1912. II fut enterré dans la fosse commune au milieu d'un immense concours de peuple, dans le cimetière de Jemmeppe-sur-Meuse. Cependant, la nouvelle religion qu'il avait fondée, sous le nom de Nouveau Spiritualisme, continuait de recruter des milliers de fidèles. Du vivant du Père, il y avait déjà deux temples antoinistes en Belgique. Il paraît qu'on en compte aujourd'hui une centaine ; il y en a deux à Paris, d'autres à Vichy, à Lyon, à Nice, à Monaco, à Valenciennes, à Nantes. Jules Bois, dans son Miracle moderne, s'est occupé de cette Eglise naissante, alors qu'elle ne groupait encore qu'un petit noyau de croyants. Debouxhtay a écrit un peu plus tard une vie d'Antoine et M. André Thérive, dans son curieux roman Sans âme, décrit des milieux antoinistes, qui forment une des provinces peu connues de la géographie religieuse de Paris.
    La doctrine d'Antoine, si l'on peut parler de doctrine au sujet de cette construction spirituelle d'une faiblesse désarmante, paraît être un mélange fortuit et enfantin de spiritisme et de Christian Science, avec de vagues éléments gnostiques concrétisés autour d'un reste d'imagerie pieuse et de réminiscences bibliques, particulièrement empruntées aux premiers chapitres de la Genèse. Cet amalgame fait sourire. Exprimé avec gaucherie, dans une langue pleine d'embarras, c'est un galimatias métaphysique, ouvrage d'un demi-illettré, tel qu'on peut l'attendre d'un ancien ouvrier mineur, qui rêve dans sa cuisine et retourne en sa pauvre cervelle les mystères effrayants du Mal, de la Création et de la Destinée : c'est la rêverie d'une « tête de houille », le balbutiement du charbonnier qui a perdu la foi, et s'en fabrique une nouvelle à son usage, dans son petit Pathmos obscur de Mons-Crotteux. Je n'ai jamais vu de temple antoiniste : quoi d'étonnant qu'un pauvre croquant qui se mêle de reconstruire l'univers, enfante un monstre assez informe, un bafouillage de Gribouille, qui n'a rien de commun avec les nobles architectures des princes de la pensée. Faut-il se scandaliser qu'un mal-loti de l'existence s'applaudisse d'avoir édifié de ses mains une cabane de la zone et un abri de tôle ondulée, et le préfère au Parthénon ou à Saint-Pierre de Rome ?
    Mais si l'antoinisme a fort peu de valeur intellectuelle, s'il est inexistant comme système, il n'en est pas moins très curieux comme expérience humaine, comme produit d'un certain cerveau et comme échantillon d'une certaine humanité. C'est nul comme religion, assez touchant comme biographie. Tout ce qui ferait bâiller en tant que catéchisme, s'anime, prend un vif intérêt, si on le considère comme un fait, comme le résultat d'une vie et de certaines données psychologiques. Fleur incolore et sans parfum, plante poussée sur un crassier, parmi de pauvres gens, dans un pays de suie et de fumées, et qui, pourtant, console les habitants de cette terre ingrate, leur apporte un espoir, prête un sens à leur triste vie.
    C'est vers l'âge de cinquante ans que l'ouvrier mineur Louis Antoine, né au village de Mons, au pays de Liége (non point dans la grande ville du même nom, qui se trouve près de Charleroi), commença de penser qu'il était peut-être appelé à un rôle qui n'était pas celui de tout le monde. Ceci devait l'amener bien loin dans l'étrange et dans l'inattendu. Car que penser d'une vision de son amie, Mme Desart, qui vit un jour se dessiner sur le bord d'un nuage le profil de Jésus accolé à celui d'Antoine, sinon que ce dernier n'était autre que le bon Dieu lui-même ?
    Jusqu'à quarante-deux ans, il n'en avait pas moins été un catholique soumis et pratiquant, plutôt sévère même, sans reproche (il le fut toujours) sur le chapitre des mœurs. La sensualité n'eut aucune part à son hérésie. C'était une de ces ouailles dociles qui composent le troupeau d'une paroisse de Wallonie. Il allait à confesse et faisait ses Pâques. C'était un ouvrier qui avait réussi et s'était élevé à une certaine indépendance. Il avait passé de la mine à la métallurgie, avait voyagé en Allemagne et même jusqu'en Pologne, du côté de Varsovie, qui était alors une des provinces de la Russie. Il avait donc vu du pays, fait sa pelote et acquis une petite aisance. Il faisait dans son monde figure de petit bourgeois et rêvait, pour son fils, né en 1873, une carrière de bureaucrate ou de fonctionnaire.
    Cependant, il avait eu de bonne heure certains signes ou avertissements d'une vocation particulière. Tout enfant, à la mine, sa lampe s'était éteinte, sans qu'il y eût un souffle, d'une manière inexplicable, et il s'était trouvé face à face avec les ténèbres. Plus tard, deux autres faits lui firent une impression profonde. Etant soldat, à un exercice de maniement d'armes, il lui arriva de tuer par accident un de ses camarades. Ce meurtre involontaire lui laissa une inquiétude qui ne s'effaça jamais. Il avait donné la mort, sans aucune intention criminelle ; assassin innocent, instrument et victime d'un hasard aveugle, il se trouvait en présence du mystère incompréhensible de la mort. En 1893, son fils, âgé de vingt ans, ce fils dont il se promettait de faire un monsieur, mourut d'une plaie insignifiante qu'il s'était faite au genou, en glissant sur le verglas. Pour la deuxième fois, il rencontrait la même énigme de la douleur imméritée, et se mettait à ruminer dans sa tête obscure ces questions éternelles.
    Il avait toujours été grand liseur et grand raisonneur, dévorant pêle-mêle tout ce qui lui tombait sous la main, et monologuant avec lui-même sur toutes ces choses qui le troublaient. Fait curieux ! Il était insensible à ce qui tourmentait les masses populaires, au côté social des choses, à l'inégalité des conditions et des richesses : ce problème de l'iniquité de la distribution des biens, le problème économique ou la question des classes, le laissaient indifférent. Il n'y attachait aucune importance. Pour lui, il avait tiré son épingle du jeu, il pouvait se dire vie content de son sort, et il lui en avait coûté si peu, qu'à vrai dire cela lui semblait indigne d'attention. Chacun pouvait en faire autant, c'était à la portée de tout le monde. Non, ce qui l'occupait, c'était une angoisse plus haute et plus désintéressée : c'était l'obsession du Mal universel. Qui suis-je ? D'où viens-je ? Où vais-je ? Pourquoi souffrir ? Pourquoi mourir ? Ces terribles points noirs hantaient l'ancien mineur auprès de son fourneau de fonte, comme ils avaient assailli le prince Çakya Mouni dans les délices de son palais, et, comme jadis dans sa galerie souterraine, lorsque sa lampe s'était éteinte, il se colletait avec les ténèbres.
    Depuis quelque temps déjà un camarade l'avait initié aux pratiques du spiritisme et à la singulière théosophie d'Allan Kardec. Dans de petites réunions, les néophytes se groupaient, évoquaient les esprits et, sans penser à mal, faisaient tourner les tables. Ils se sentaient, non sans orgueil, en possession d'un secret, ayant entre les mains une clef qui ouvrait l'au-delà, faisant communiquer les deux mondes, expliquant cette vie passagère, l'introduisant dans la série de nos migrations successives, de notre voyage de monde en monde, jusqu'à notre épuration parfaite du péché. Antoine s'enchantait de ces belles choses et des nouvelles connaissances qu'il faisait parmi les esprits. Il allait toujours à la messe et se croyait bon catholique, mais il commençait à en savoir plus long que son curé. En réalité, sous cette forme nouvelle, c'était le Vieux génie de cette Wallonie mystique qui se mettait à souffler, le vieux démon de cette terre fertile en illuminés, en doux visionnaires. Le prêtre, trop sûr de lui, s'éloignait du peuple, devenu peu à peu le commensal du château, l'ami du directeur d'usine ; l'esprit religieux, désertant le séjour de la maison de Dieu, divaguait, retournait aux champs, se confondait, dans ce pays de charbonnages et de fumées, avec les souffles de la lande, les brumes qui montent de la Meuse et les vents qui parcourent les forêts et les tombes des cimetières.
    Parmi les esprits assidus aux réunions clandestines de la maison des Quatre-Ruelles, s'en trouvaient deux, qu'on appelait le docteur Demeure et le docteur Carita. A force d'évoquer ces présences, l'ancien mineur croyait parfois qu'il se confondait avec elles. Tout jeune encore, n'avait-il pas souhaité d'être un médecin ? Et voilà qu'il s'apercevait que, par une autre voie, avec le secours des esprits et de certains fluides, il lui était donné de lire dans les corps, comme par transparence, de leur faire suer le mal, de les rendre à la santé. Déjà le bruit se répandait qu'il existait à Jemmeppe-sur-Meuse un ancien ouvrier, doué du pouvoir de guérir. Grande merveille ! Les boiteux marchent, les sourds entendent, les paralytiques se redressent. Bientôt une longue procession s'achemine tous les dimanches, et quatre jours par semaine, vers la maison du guérisseur, la procession des éclopés, des béquillards, des hydropiques, des fiévreux, des débiles et des infirmes, la queue interminable de nos souffrances et de nos misères, comme dans La Pièce aux cent florins, se pressant vers le miracle. Et lui, leur imposant les mains, les renvoyait guéris.
    Bien entendu, cela n'alla pas sans résistance des médecins, alarmés de cette concurrence. Deux fois, le thaumaturge eut à répondre devant les tribunaux, et se vit poursuivre pour exercice illégal de la médecine. Acquitté (car peut-on confondre l'exercice d'un art et celui d'un don, la pratique d'une science et la jouissance d'un pouvoir ?), il en vint toutefois à prendre des mesures nouvelles ; faute de temps, il n'opérait plus les malades qu'en masses. Sans paroles, il imposait les mains solennellement à toute une assemblée. Il était parvenu d'ailleurs à un stade nouveau de sa pensée. Peu à peu, il s'était dégagé du spiritisme. La guérison des malades eux-mêmes ne lui paraissait plus qu'une chose secondaire. Il rêvait d'une tout autre cure, d'une opération d'une bien autre importance : c'était l'humanité tout entière qu'il s'agissait d'opérer de la cataracte ; c'était notre unique maladie, notre erreur, notre aveuglement, que désormais il fallait guérir.
    « 'Tis the cause, the cause... », comme dit Othello. Il avait découvert ceci : le mal n'existe pas. Le mal est un bien. Le mal est une épreuve, ou un instrument de progrès. Notre ennemi est notre ami, une forme de Dieu lui-même. Bonne manière, on le voit, de supprimer le mal. Il n'y avait plus à le guérir : un simple malentendu, une illusion d'optique, une fausse vue, qui nous fait prendre pour un épouvantail un effet de la bonté suprême, de même que les enfants font de mauvais rêves et s'effraient de leurs cauchemars. Il n'y a point de mal dans l'œuvre du Créateur : il n'y a que la vue, c'est-à-dire la Chimère, du Mal que nous y mettons, les monstres que nous créons nous-mêmes, autrement dit le péché. C'est pourquoi la Genèse s'est trompée en plaçant dans le Paradis l'Arbre de la Science du Bien et du Mal. Il fallait dire l'Arbre de la Science de la Vue du Mal.
    Comprenne qui pourra ce logogriphe. Et le Maître se retirait de plus en plus dans la solitude, il s'enfonçait dans ce tête-à-tête avec le Tout-Puissant, pour lui arracher son dernier mot. Pour ce ministère sacré, il avait raréfié ses séances miraculeuses. Il ne paraissait presque plus. Il s'isolait sur le Thabor, qui était un galetas dans le grenier de sa bicoque. Là, il s'évertuait à réconcilier les contraires, à réduire les antinomies ; il composait son Grand Testament, y annexait des codicilles, jamais satisfait de son ouvrage, ajoutant un Couronnement à son Enseignement, perfectionnant sa grande machine à pierre philosophale, « sa machine à faire du bonheur avec la vieille misère ». Il se battait avec les mots, Dieu, l'esprit, la matière, la nature, la chute, dans une logomachie pénible, et dans un effort que soutenait une grande passion d'amour, finissant pas tout approuver, par tout bénir, dans un radotage optimiste de Pangloss : « Tout est bien. Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes ».
    Telle est l'histoire que nous raconte M. Robert Vivier, dans un livre remarquable, intime et velouté, ou tout se poursuit, paysages et événements, comme le déroulement d'un long rêve intérieur. Au moment où vient de se décerner pour la seconde fois le Prix Albert Ier, on sera heureux de voir que les juges ne s'étaient point trompés dans le choix de leur premier lauréat. C'est écrit dans un style doux et comme brumeux, sur un ton de légende, avec les contours du songe. Et c'est bien cela, en effet, une légende, une des dernières qui aient consolé les humbles, au pays de la Bible des Pauvres, où le peuple garde la nostalgie de l'Evangile des misérables.

L’Écho de Paris, 27 février 1936

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Lettre ouverte au ministère de l'Instruction publique (La Wallonie, 21 mars 1936)(Belgicapress)

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Lettre ouverte au ministère de l'Instruction publique (La Wallonie, 21 mars 1936)(Belgicapress)LETTRE OUVERTE
au Ministère de l'Instruction publique

Censure ?
Ostracisme ?
Intolérance ?

    On sait que, annuellement, le Ministère de l'Instruction publique subsidie les bibliothèques publiques, communales ou libres, qui satisfont aux prescriptions de la loi du 17 octobre 1921 et aux arrêtés royaux qui en découlent.
    Les bénéficiaires des subventions de l'Administration des Bibliothèques publiques ont la faculté, pour la partie principale du subside, d'établir un choix d'ouvrages à acquérir chez le libraire à leur convenance.
    Il est seulement recommandé aux bibliothécaires de réserver une notable partie du subside à l'acquisition d'ouvrages d'auteurs belges.
    Ajoutons que le choix, la sélection établie par le bibliothécaire doit, avant l'acquisition, être soumis à l'approbation de l'administration intéressée On ne peut que se féliciter de constater la sollicitude du Ministère de l'Instruction publique pour les auteurs belges, écrivains, poètes, ou romanciers.
    Cependant, il arrive que dans son appréciation l'Administration ne fait pas toujours preuve de logique.
    Nous pourrions citer de nombreux cas où des livres d'écrivains de renom furent rayés, d'un beau trait rouge et anonyme, des listes proposées par certains bibliothécaires.
    Nous avons sous les yeux un cas typique que nous ne voudrions pas manquer de signaler.
    Un bibliothécaire de la région liégeoise, voulant faire place dans ses collections à deux récents ouvrages de deux romanciers de chez nous, avait proposé l'acquisition de « Délivrez-nous du mal », le beau livre de Robert Vivier. A côté de ce titre, nous avons lu « Les hommes bleus », de Maurice Marcinel.
    Or, le beau trait rouge, aussi anonyme que par le passé, barrait sévèrement les deux titres que nous venons de citer ! Pourquoi ?
    Seraient-ce là des lectures subversives ? L'homme au crayon rouge, préposé au Ministère de l'Instruction à la garde ou à la protection de nous ne savons quel patrimoine intellectuel et spirituel, a-t-il craint pour la quiétude de nos âmes et la rectitude de nos pensées ?
    L'homme au crayon fatidique a-t-il seulement voulu atteindre deux écrivains liégeois ? Possible, mais dans ce cas ce serait d'un ostracisme odieux !
    Serait-ce que Robert Vivier, professeur consciencieux parfait « honnête homme », écrivain de talent, lauréat du Prix du Centenaire, aurait commis un crime en écrivant un livre vivant sur l'Antoinisme, sur Antoine le Guérisseur. Car le livre « Délivrez-nous du mal », consacré à l'antoinisme dont il fait revivre histoire touchante sinon émouvante, contient de nombreuses pages de toute beauté. Ce livre a reçu de toute la critique belge et française, un accueil des plus élogieux.
    René Lalou, dans les « Nouvelles Littéraires », lui a consacré un de ses feuilletons « Le livre de la semaine » où il l'a signalé, à un public choisi, comme une œuvre marquante du moment.
    Et c'est ce livre qu'un fonctionnaire anonyme raye impitoyablement d'une liste où il est de règle de faire un large accueil aux auteurs belges.
    Le fait de consacrer sa plume à faire le récit d'une belle tranche d'histoire liégeoise, de parler de l'évolution d'une secte religieuse, aurait-il valu à l'homme probe, à l'écrivain modeste qu'est Robert Vivier, les foudres d'un rond de cuir sans responsabilité ? Ce n'est sans doute pas au seul fait qu'il est question dans ce livre, d'antoinisme, que l'ouvrage a été mis à l'index ? Ce serait d'une intolérance révoltante.
    Et pourquoi Maurice Marcinel connait-il les honneurs du rigorisme du monsieur au crayon rouge ?
    Les lecteurs de ce journal n'ont plus à apprendre à connaître Marcinel. Connaissant son talent de romancier, ils n'en seront que plus surpris de le voir rangé dans les auteurs qui n'ont pas reçu l'agrément du monsieur qui manie le beau crayon rouge avec un discernement aussi louable (!)
    « Les hommes bleus » de M. Marcinel est une œuvre attachante, une page de vie sociale, où l'on perçoit sans interruption la note sentimentale qui s'attache à tous les incidents de la vie du peuple : Socialisme, Religion chrétienne, Amour, tels sont les thèmes qui se développent, s'harmonisent dans l'œuvre humaine du romancier, de l'excellent conteur qu'est Marcinel.
    On voudrait savoir si ce sont les opinions politiques de l'auteur, opinions qui n'ont rien à voir ici, qui lui valent cet interdit.
    Si le livre de Marcinel contient de nombreuses pages qui plaident pour le socialisme, on veut encore croire que ce n'est pas à ce titre qu'il a été écarté.
    Sinon, nous pourrons reparler d'intolérance mesquine, tout autant que pour le livre de Robert Vivier.
    Nous nous sommes demandés, enfin, si l'un ou l'autre de ces livres ne comptait pas certaines pages d'un réalisme trop accentué ?
    Eh bien, la question ne doit pas se poser car, dans la même proposition d'achat nous trouvons par exemple, exempt du trait fatidique, le Roman de François Villon de Francis Carco qui n'a pas été spécialement écrit pour les pensionnats de demoiselle.
    Alors ? Pourquoi ces deux livres ne seraient-ils pas dignes d'être acquis pour nos bibliothèques publiques aux frais du ministère de l'Instruction publiques. Car, pour les biffer d'une liste constituée en vue d'acquisition, il faut qu'il y ait des raisons sérieuses ! Le fonctionnaire qui a procédé à ces « expulsions », doit avoir reçu des instructions, doit agir en vertu de certains pouvoirs d'appréciation. On voudrait savoir. On voudrait savoir car, enfin, ce que l'on a fait, dans le cas présent, pour les deux auteurs cités, on peut le renouveler, tout aussi arbitrairement contre d'autres auteurs.
    Et s'il y a encore, dans l'esprit de certains, de bons et de mauvais livres encore faudrait-il nous dire, comment, à l'administration des Bibliothèques Publiques on appréciera.
    Mais, au fond, nous avons peut-être bien tort de nous alarmer.
    N'est-ce pas le même « fonctionnaire » qui, à une autre occasion, mais dans les mêmes circonstances, supprimait dans une même liste, le « Joyau de la Mitre » de Maurice des Ombiaux en laissant subsister un livre comme « Le rideau rouge », de Nicolas Ségur.
    Néanmoins, nous pensons qu'il faut tout de même signaler de pareilles situations où, à l'insu de tous, on met en veilleuse, pour des raisons inavouées les œuvres d'excellents écrivains ?
    Signalé à tous ceux qui sont placés pour obtenir que des œuvres de l'esprit bénéficient, dans nos bibliothèques publiques d'une place égale, sans distinction de tendances, d'objet ni d'origine.
                                                                     D. DEGHAYE.

La Wallonie, 21 mars 1936 (source : Belgicapress)

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Jeanne ou Catherine Collon ?

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Jeanne ou Catherine Collon ?Jeanne ou Catherine Collon ?avant de devenir la Mère en 1902

Jeanne ou Catherine Collon ?

    Avant de devenir la Mère, ou la Bonne Mère, comment nommait-on Jeanne-Catherine Collon dans la vie de tous les jours ?
    Elle signe Jeanne (c'est sous ce prénom uniquement qu'elle est nommée dans le Dictionnaire rationaliste de 1964 et par Richard Seiwerath) dans l'acte de mariage où elle déclare être journalière. C'est le prénom donnée sur l'acte de naissance (retranscrit Johanna) et sur l'acte de décès de leur fils Martin.

    Cependant elle est nommé Catherine par les biographes Robert VivierRoland AE Collignon ou Philippe Delorme, ainsi que dans le Procès verbal de la Fondation d'Etablissement d'Utilité Publique, le 3 octobre 1922 et par Régis Dericquebourg et Jacques Cécius.

    Un chant antoiniste a été écrit à son honneur.

    Une autre image de la Mère date de 1910. Un portrait de famille date également de la période passée à Praga (début années 1880).

    Jeanne est également le prénom d'une des filles adoptives du couple Antoine.

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Écrivains liégeois : Robert Vivier (La Wallonie, 4 avril 1936)(Belgicapress)

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Écrivains liégeois Robert Vivier (La Wallonie, 4 avril 1936)(Belgicapress)

LA RÈGLE DE VERRE
OU
LA MESURE des LIVRES NOUVEAUX

ÉCRIVAINS LIÉGEOIS

    Robert Vivier vient d'écrire un grand livre. Nous emploierions le mot de chef-d'œuvre si le ton de la première partie avait pu être soutenu dans les deux autres ; mais la seconde, notamment, est une chute, qui fait trop apparaître l'application et le désir – ou le besoin – de fidélité au document. C'est, à n'en pas douter, le sujet qui en est cause. Quant au troisième compartiment, il est, dans son intention de glose et sa mémoire du développement de l'antoinisme profond aussi bien qu'extérieur, rituel, si spécial et méticuleux ! C'est pourtant ici que nous trouvons, parmi bien d'autres, le portrait le plus vrai et plus émouvant après celui de Louis Antoine et celui de son épouse : celui du professeur Delcroix. Nous pouvons l'assurer l'ayant longtemps connu.
    Ce qui porte notre préférence à la première partie du livre, c'est sa coloration, sa poésie, sa belle transposition de la vérité des lieux, des circonstances et des saisons, son émotion profonde et savamment conduite, – d'un style simple et parfait, de la plus harmonieuse nudité. Tout cela vous prend et vous conquiert dès la seconde page :
    « L'enfant connut le chaud, le froid, le bruit et le silence, les couleurs du jour et de la nuit, dans la cuisine dallée et dans la chambre à coucher base de plafond, cuisante en été sous la toiture. Il s'émerveilla d'un chat roux et blanc qui dormait au soleil, et de la blancheur des « jattes », où la mère versait le café et où Martin et les enfants trempaient leurs tartines. L'hiver, il était bon de se tenir tous ensemble auprès de l'âtre chaud, qui jetait de grandes lueurs par toute la cuisine. On entendait péter les pommes de terre qui cuisaient sous la cendre. Au printemps dès que le vent était moins sec, la mère poussait le bambin dehors lui fourrant dans la main une croûte de pain et une pomme :
    « – Allez jouer, il fait si beau. Il y a du soleil.
    Car les mères wallonnes disent vous à leurs enfants. C'est comme une caresse timide.
    Dehors, c'était le ciel bleu, le jardin. A la belle saison, on voyait des giroflées du réséda, des pois de senteur. Les plants des haricots montaient le long des perches où s'enroulaient leurs vrilles et portaient des fleurs blanches et rouges, comme des papillons. Un bourdon murmurait dans l'air, et le petit Louis essayait de chanter comme le bourdon, à lèvres closes. Une fourmi l'intéressait, puis deux, puis trois. Ce qu'il y en avait des fourmis... Elles marchaient toutes très vite, chacune fort occupée à son affaire, et n'avaient pas l'air de se connaître.
    « Mais l'essieu d'un tombereau criait sur le chemin, et les gosses couraient hors du jardin pour voir qui passait. Louis trébuchait derrière, pleurant pour qu'on l'attendit. Alors sa douce sœur Marie-Josèphe venait le prendre par la main et le ramenait dans le jardinet :
    « – Louis, venez ! Allons regarder dans le puits...
    « Elle retenait son petit corps contre la margelle. Penchés tous deux, ils voyaient danser le rond clair du ciel et, si l'on observait très longtemps, deux menues figures tout au fond : Louis et Marie-Josèphe ! Puis la fillette laissait descendre le seau au bout de sa longue chaîne. Au moment où le seau touchait les figures, tout s'effaçait.
    « Ces choses intéressaient prodigieusement le petit garçon. Qu'est-ce que c'était que ces deux figures ? On aurait dit que c'était eux et ce n'était pas eux. Ils étaient à l'envers comme s'ils allaient tomber dans le ciel, mais ils n'y tombaient jamais. Puis le seau venait et il n'y avait plus rien. Alors Louis regardait en l'air, et le ciel n'était plus en bas, mais en haut comme toujours. Ainsi le petit garçon pensait. S'il de demandait à Marie-Josèphe, elle le traitait de « sot » mais ne savait rien expliquer.
    « Il y avait beaucoup de questions à poser, sur les bêtes, sur les plantes, sur les étoiles et la lune. Il interrogeait la maman. Celle-ci ne l'appelait pas « sot ». Elle hochait la tête et répondait :
    « – C'est le bon Dieu.
    « En prononçant ces mots elle devenait grave, et l'on aurait dit que sa figure se fermait. »
    Et voici Antoine chez Cockerill :
    « Il fut employé comme marteleur, c'est-à-dire qu'à l'aide d'une longue et lourde pince, il maintenait et tournait le lingot incandescent sur lequel descendaient par à-coups l'énorme pilon d'acier. Le bloc chauffé à blanc devenait rose, puis rouge. Les contacts de la pince y marquaient des taches sombres, aussitôt effacées, et le pilon en faisait jaillir constamment des étincelles blanches, vertes et bleues. Cela éblouissait les yeux et brûlait le visage. Nus jusqu'à la ceinture, les marteleurs attentifs commandaient de la voix la manœuvre du pilon. Et peu à peu, sous les coups assénés d'en haut, le bloc tout d'abord si dur se faisait malléable. Comme s'il avait été un être vivant, il obéissait, il changeait de forme. C'est le feu tout-puissant qui amollit la dureté du métal. L'humble marteleur admirait cette puissance du feu.
    « Longuement, tandis qu'il surveillait le lingot, assourdi par le bruit du marteau-pilon, attentif à ramener la masse de métal à l'aide de ses tenailles, à l'empêcher d'échapper au marteau salutaire, il réfléchissait que la vie humaine, elle aussi, est un chose qui doit être redressée, maintenue à force d'attention, de clairvoyance. Mais maintenir suffit pas... Quel est le feu qui agit sur l'homme, qui défait en lui la rigidité du mal, qui permet à la vie mal formée de se refondre et de guérir ? Il sentait en lui ce désir et cette puissance d'agir, ce feu qui défait le mal, mais il n'aurait su dire quelle en était la source et qui l'avait allumé. »
    Parmi les épisodes les plus touchants et suggérés avec le plus de délicatesse, on retiendra celui au cours duquel Antoine s'unit à Catherine Collon, qui sera plus tard la Mère du culte :
    « Ils s'assirent sur un talus, au bord des labours. L'herbe n'était pas mouillée, vraiment, et la terre était à peine humide, douce à toucher. D'ici l'on pouvait voir toute la vallée, et en face les hauteurs et les bois. Déjà le crépuscule s'approchait, montant de partout, descendant aussi du ciel proche, ou couraient des nuages mous et mobiles.
    « Dans le soir qui tombait, connaissaient-ils encore leurs visages ? Mais il importait peu de voir. Quand l'homme écrasa les lèvres de la jeune fille, elle eut un sourd gémissement, et se laissa aller sur l'herbe. L'homme sentait sous lui ce corps de fille, doux et indistinct, qui se débattait à peine, et l'environnait de chaleur et d'ombre...
    « Beaucoup plus tard, ils redescendirent le chemin.
    « Entourée de son bras, elle lui abandonnait son poids charnel, dont il avait désormais la charge en ce monde ».
    L'œuvre offre à tous un intense intérêt, bien souvent pathétique. S'inspirant de notre contrée, animant notre population ouvrière d'autrefois, relatant la belle, la bonne et curieuse vie d'Antoine le Guérisseur que nous avons connu, écrite en outre par l'un des nôtres, elle s'impose à l'attention – puis à l'admiration de tous les Liégeois. Autre référence : elle est refusée par notre Ministère des Beaux-Arts, service des Bibliothèques, où l'on n'accueille généralement que poncifs et rebuts.

                                                                                                     Maurice MARCINEL

La Wallonie, 4 avril 1936 (source : Belgicapress)

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Salles de lecture du Brésil

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Mme Germain, Salle de lecture du Brésil (Unitif 1914)

Par cet Unitif de 1914, on apprend que Mme Germain tenait déjà une salle de lecture à cette date au Brésil.

   Un Unitif nous apprend la création de la salle de lecture de Sao Paulo en 1914 (ouverte dès août 1913, d'après Pierre Debouxhtay) : rua Visconde dorio Branco n°98, chez Mme Germain.
     Dans les années 50, d'après un article, on sait que la salle de lecture est située rua Benjamin Constant, n.° 35, quartier Gloria :
    Instalado numa sala grande, desataviada, desconfortável mesmo, destituida de símbolos e imagens, o culto estava cheio. Uma senhora de marcanto personalidade, após á leitura en francês e portuguès de alguns capítulos da doutrina antonista, atendia consulentes e lhes ministrava conselhos capazes de minorar as suas dificuldades. (Installé dans une grande salle, désuète, voire inconfortable, dépourvue de symboles et d'images, le service était complet. Une dame d'une personnalité remarquable, après avoir lu, en français et en portugais, quelques chapitres de la doctrine antoiniste, a assisté les consulteurs et leur a donné des conseils susceptibles d'atténuer leurs difficultés.)
    C'est l'adresse indiquée à la main sur un exemplaire de la Révélation traduite en portugais.
    José Silveira da Costa, dans ses Memórias e confidencias do Padre Tibúrcio en parle.

    Sur une autre version traduite de la Révélation, l'adresse est corrigée : rua Général Polidoro, 123 Botofago, à Rio de Janeiro. C'est le cas également sur la traduction du livre de Robert Vivier.
    Régis Deriquebourg indique à son propos : La salle de lecture de Rio-Botofago a été fondée par une adepte française, la soeur Germain en 1937. Il parlait encore d'une autre salle à Rio de Janeiro, Jacarepagua, rue José Silva, 162 casa 9. On ne sait ce qu'elle est devenue.
    
   Le bâtiment de Botofago est détruit en 2007-2008, et la salle de lecture finalement relocalisée un peu plus loin : Rua Général Polidoro, 141 (Botafogo).

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Henri Hollange - Pourquoi la vie ? (1906)

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Henri Hollange - Pourquoi la vie ? (1906)

(Revue spirite, 1er janvier 1911, c'est également le titre d'un livre de Léon Denis)

    A la page 287, Robert Vivier cite quelques vers d'Hollange repris également de Debouxhtay (p.121) :

    Henri Hollange, âme simple et brûlante, faisait entendre dans son poème, Pourquoi la vie ?, publié chez Massillon, la voix de l'enthousiasme et du sentiment :

Le Spiritisme, pur christianisme,
Doctrine sanctionnée par Jésus,
Vient éclairer cette grande énigme,
Déchiffrer ce problème ardu.

    Nous ne pouvons reproduire ici ce long poème ; citons en seulement la fin, qui avec les quatre vers que nous venons de lire, suffira à nous en révéler l'accent et la valeur littéraire : l'auteur y annonce la conquête du genre humain par le spiritisme, grâce surtout à Maître Louis Antoine.

... Vous direz peut-être que je rêve
Mais attendez jusqu'à demain,
Déjà le spiritisme se lève
Et conquerra le genre humain
Et grâce au concours des adeptes
Et surtout de leur professeur,
Maître Louis Antoine de Jemeppe,
Chef des Vignerons du Seigneur !!

    Extrait de la brochure de 16 pages publiée à Jemeppe en 1906. Pourquoi la vie ? par Henri Hollange, Membre de l'Ecole philosophique et morale de Maître Antoine le Guérisseur, chef de la société Les Vignerons du Seigneur de Jemeppe-sur-Meuse. Jemeppe, Imp. Jos. Massillon.

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Délivrez-nous du mal par Robert Vivier (L’Œuvre, 29 sept 1936)

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Délivrez-nous du mal par Robert Vivier (L’Œuvre, 29 sept 1936)

    Délivrez-nous du mal, par Robert Vivier. C'est l'histoire, nullement romancée, de Louis Antoine, le Guérisseur, cet ouvrier mineur des environs de Liége qui créa une religion dont les temples, les prêtres et les fidèles sont aujourd'hui nombreux dans le monde entier. « L'Antoinisme » avait déjà piqué la curiosité d'André Thérive, qui le met en scène dans son roman Sans âme. Et c'est d'ailleurs, Thérive qui a conseillé à M. Robert Vivier d'écrire cette intéressante biographie de l'homme du peuple thaumaturge. (Grasset.)

L’Œuvre, 29 septembre 1936

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