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Robert Vivier - Délivrez-nous du mal - A la frontière

Publié le par antoiniste

    A la frontière, la compagnie d'Antoine fut cantonnée dans un petit village.
    Tout de suite après la dernière ferme, il y avait un pont. C'était là qu'on montait la garde, fusil chargé, baïonnette au canon. A quelque distance, au-delà d'une longue prairie, commençaient des bois de sapins. Dans cette prairie la troupe venait chaque matin faire l'exercice. Alors tout était plein de bruit et de mouvement. Mais le reste du temps cette étendue trop verte, où l'on devinait l'humidité de l'automne commençant, enveloppait d'une impression presque sinistre la sentienelle silencieuse. Heureusement qu'on n'était de garde qu'à tour de rôle... Aucun n'aurait supporté d'être tous les jours en sentinelle.
    Le soir, dans le village, les paysans s'asseyaient sur les bancs de pierre à côté des soldats, et acceptaient volontiers du tabac pour la pipe. Un troupeau de vaches noires et blanches passait lentement. La dernière bête était suivie d'un chien qui la mordait aux jarrets et la forçait tout d'un coup à courir. Puis venait une jeune fille robuste et paisible, portant une palanche avec deux seaux de lait. C'était l'heure où pointaient l'une après l'autre, dans le ciel gris-bleu, les premières étoiles. La sonnerie de la retraite exhalait son appel ralenti, tout de suite remplacé par le silence nocturne.

Robert Vivier, Délivrez-nous du mal
Ed. Labor - Espace Nord, p.63

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