Comment on justifiait l'esclavage (François Reynaert)
La grande justification [de l'esclavage] se compte surtout en bénéfices sonnants et trébuchants, c'est entendu. Ils sont immenses. Certains économistes en arrivent à calculer que toute la révolution industrielle qui a fait décoller l'Occident au XIXe doit son succès à l'accumulation du capital réalisée dans les siècles précédents grâce au profit tiré de la traite. Quoi qu'il en soit, au XIXe, ce sont presque toujours des arguments strictement économiques dont on se sert pour retarder l'abolition : bien sûr, dit candidement le lobby des planteurs, il faut mettre un terme à l'esclavage, c'est une nécessité morale, mais il faut attendre un peu avant d'y arriver car le coût de la mesure serait trop dur et ruinerait notre économie. Le chantage est connu, on l'entend encore pour barrer la route à toutes les réformes sociales.
François Reynaert, Nos ancêtres les Gaulois et autres fadaises, p.405
Fayard, Le Livre de Poche, Paris, 2010