La foi peut également rendre malade
La foi peut également rendre malade
par Laurent Aubert
http://www.24heures.ch/ - 4 mars 2009
[Texte intégral]
RELIGION | Une étude menée par l’Université de Zurich et celle de Bochum (D) montre que la foi n’est pas toujours un réconfort. Dans certains cas, elle peut contribuer à l’aggravation de troubles psychologiques ou de dépressions.
Les croyants qui ont reçu une éducation religieuse culpabilisante peuvent considérer la perte d’un proche comme la punition de leurs péchés. Pour le théologien Thomas Römer, les prêtres doivent prendre conscience de la représentation effrayante de Dieu qu’ont certains de leurs fidèles.
«Nous pensions établir une relation entre la ferveur religieuse et la capacité à surmonter les épreuves, mais nous avons été très surpris de constater que tel n’était pas le cas.» Médecin-chef à la Policlinique universitaire de Zurich, Bernd Krämer cosigne une étude réalisée en collaboration avec l’Université de Bochum sur le sentiment religieux et le bien-être psychologique.
Les chercheurs ont interrogé 328 chrétiens pratiquants en Suisse, de confession réformée, catholique et évangé- lique. Ces personnes avaient en commun d’avoir toutes traversé une épreuve au cours de ces dernières années: conflit social, maladie grave, traumatisme, deuil.
Au fur et à mesure des entretiens, un fait dérangeant s’est imposé aux scientifiques: Dieu n’est pas forcément douceur et consolation pour ces âmes en peine. D’une part, ils constatent une relation indiscutable entre une image négative de Dieu et des signes de dépression, d’angoisse et de mal-être. D’autre part, aucun effet positif de la religion sur ces affections psychologiques ne ressort. «Nous avons même des indices clairs qu’une représen- tation négative de Dieu peut entraîner des problèmes psychologiques.»
Doutes et interrogations
Vice-doyen à la Faculté de théologie de Lausanne, Thomas Römer n’est pas franchement surpris par ces conclu- sions: «L’étude des grands écrits religieux montre que les gens très engagés traversent aussi des périodes intenses de doute et d’interrogation.»
A côté des mystiques, les croyants ordinaires ne sont pas épargnés non plus. «Lors de conférences publiques, je recueille souvent les témoignages de gens qui ont conservé l’image d’un Dieu justicier, traumatisés qu’ils ont été par une pédagogie religieuse culpabilisante, telle qu’elle était encore dispensée jusque dans les années 1970», poursuit le professeur Römer.
Mais, comme le souligne Bernd Krämer, le phénomène de la religion facteur de dépression n’est pas circonscrit au catholicisme ou à des générations. «Nos recherches ne permettent pas de le relier à une confession ou à un type d’éducation. Il y a là un point à explorer.» Thomas Römer l’admet d’ailleurs aisément: «La doctrine de la prédes- tination affirmée par Calvin distingue entre les élus et les condamnés. Elle peut amener certains réformés à imaginer qu’ils appartiennent à la seconde catégorie lorsqu’ils sont accablés par les malheurs. S’ils ont, en sus, le sentiment d’être de bons chrétiens, ils peuvent développer l’image d’un Dieu arbitraire.»
Châtiment divin
De fait, l’étude montre que les personnes qui ont une représentation d’un Dieu vengeur ou justicier ont tendance à considérer la maladie ou la perte d’un proche comme la punition de leurs péchés. Ou alors elles se lamentent sur leur sort: «Pourquoi Dieu me traite-t-il de la sorte, moi qui ai toujours obéi aux préceptes chrétiens ?»
S’ils laissent de telles questions sans réponse, les chercheurs concluent tout de même que le personnel soignant devrait être plus attentif à la représentation que leurs patients se font de Dieu. «Effectivement, il ne suffit pas de leur dire «Vous croyez en Dieu, c’est bien», reconnaît Thomas Römer. En outre, le théologien estime que les prêtres doivent réaliser à quel point certains de leurs fidèles ont une représentation effrayante de Dieu.
source : http://www.info-sectes.ch/universite-zurich.htm#foi
A lire sur le même sujet : Docteur Pierre Solignac, La Névrose chrétienne, Trévise - Polémique, Paris, 1976