La vallée du Clain s'approfondit, des rochers grisâtres se dressent contre ses bords ; elle forme brusquement un angle avec la petite vallée de la Boivre, et dans cet angle, sur un promontoire aux pentes abruptes, élevé de quarante mètres au-dessus du niveau des deux rivières, Poitiers s'asseoit, sombre et rude, serré et figé, il semble, depuis les temps les plus lointains, entre des falaises calcaires et ses berges escarpées de Rochereuil. De hautes tours et des clochers le dominent, au pied desquels il sommeille, à n'en pas douter. Pas de chef-lieu de département plus tranquille. Il est loin, le temps où des milliers d'étudiants y fréquentaient les cours de l'Université, fondée au XVe siècle par le pape Eugène IV et le roi Charles VII.
A peine aujourd'hui si deux ou trois cents légistes se font inscrire à son école de droit, et cette jeunesse ne vit certes pas plus follement que l'ancêtre
Dorante, du Menteur, dont les aventures et les exploits mirifiques n'étaient que sujet de comédie. On peut donc, sans crainte d'être troublé dans ses
contemplations archéologiques, s'engager dans le chemin de ronde de l'ancienne enceinte et se faufiler dans le mystérieux labyrinthe des rues muettes, que bordent souvent de chaque côté des murs nus cachant des jardins invisibles. Promenade intéressante, s'il en est.
Louis Barron, Le nouveau voyage de France (1899)
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