Une religion nouvelle, L'Antoinisme (La Libre Parole, dir. Edouard Drumont, 26 février 1912)
UNE RELIGION NOUVELLE,
L'ANTOINISME
S'il faut en croire un de nos confrères, un nouveau messie nous est venu et une nouvelle religion vient d'éclore : c'est le père Antoine (père de la nouvelle Eglise), et c'est l'Antoinisme.
C'est en exerçant sa profession de forgeron qu'Antoine-le-Généreux s'est senti la vocation de régénérateur de l'humanité, et de révélateur de la doctrine intégrale du Christ.
En conséquence, il quitta l'enclume et entreprit de faire des miracles, en se spécialisant toutefois, dans la guérison des malades par la seule imposition des mains.
Les syndicats de médecins belges coalisés n'ont pu avoir raison en justice du thaumaturge, qui ignore et veut ignorer la science du diagnostic et méprise le Codex.
La nouvelle religion a son temple à Jemmapes, en Belgique, et déjà elle a ici, à Paris, un apôtre fort zélé.
C'est Mlle Camus, modiste, qui, entre l'agencement d'un flot de rubans et l'esthétique disposition d'une pleureuse, vous remet en place un rein balladeur ou « un estomac descend à 10 centimètres au-dessous du nombril ».
Si vous ne voulez pas de croire, allez-y voir. Mlle Camus habite dans le voisinage de Mlle Couédon : la Voyante habitait rue de Paradis, naturellement ; la guérisseuse n'avait plus à sa disposition que la voie baptisée du nom de Milton, l'auteur du Paradis perdu.
Et la doctrine ? me demanderez-vous. C'est tout ce que j'en sais, n'ayant d'autres indications que celles fournies par notre confrère ; mais Mlle Camus ayant opéré quarante guérisons en deux mois – avec un peu d'entraînement elle arrivera à la guérison quotidienne – un peu d'imagination suffit pour entrevoir la régénération de l'humanité.
« C'est chose toujours émouvante, conclut notre confrère, de se pencher sur le berceau d'une religion. »
Pourtant, au Matin, on doit avoir l'habitude.
Ce n'est pas H. des Houx qui aurait éprouvé ce trouble, quoi qu'il n'ait guère réussi avec l'Eglise qu'il tenta de fonder.
Yves Guyot, qui, aux beaux temps du Dreyfusisme, voulait créer la concurrence au catholicisme par le protestantisme, et n'a pas eu plus de succès, pourrait peut-être s'entendre avec Antoine-le-Généreux et Mlle Camus.
Mais l'hostilité du corps médical est fort à redouter.
…Et maintenant, parlez du Tout-puissant à ceux qui dévorent avidement ces fables, à cette multitude anxieuse de merveilleux : vous serez regardé comme un être anachronique, vestige des temps d'obscurantisme.
Albert Monniot.
La Libre Parole, dir. Edouard Drumont, 26 février 1912
L'article est repris par L'Univers du 26 février 1912