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Jean Tousseul - L'homme de la grue

Publié le par antoiniste

    La trépidation de la grue couvrit un instant mille bruits de la ville qui chantait ou s'amusait, la benne bascula et apparut comme la gueule rouge du monstre mécanique au-dessus du terril. Les scories en fusion dévalèrent, illuminèrent le versant, le ciel, les maisons et le fleuve, puis s'étirèrent comme un insecte de feu. Et, dans le nuage de fumée qui montait, Pierre Lardinois bourra sa pipe et ranima l'appareil : les chaînes, le moteur et la charpente métallique vibrèrent, la bac se releva et glissa docilement vers l'usine.
    Il vivait là-haut depuis longtemps Pierre Lardinois, et depuis longtemps il ignorait tout des hauts-fourneaux, de leurs flammes colorées, de leurs gaz qui pressaient le cerveau amollissaient les jambes, du tintamarre des bâtisses métalliques et bizarres, des feux sournois qui pelaient les torses nus et des gouttes de métal qui vrillaient de temps en temps un main, une joue ou un oeil. Il connaissait l'usine par le dessus, c'est-à-dire par ses cheminées géantes qui marquaient le temps aux gens du bassin noir et rouge, par les langues pourpres que tiraient les gueulards vivant dans la nuit, et, par les images de tous les pays, de toutes les saisons et de toutes les heures, par les météores fugitifs nés des mains suantes des hommes et jaillis des fours. Elle n'était plus pour lui qu'un fragment du paysage quotidien, comme un filet de lune s'accrochant à un arbre, un orage qu'il voyait venir de très loin, les petites maisons qui prennent, la nuit, des visages humains et familiers et les clochers décapités, coupés en deux par les fumées vagabondes et joueuses. [...]
    Et les hommes l'aimaient bien parce que, grâce à lui, les nuits lourdes d'été et le nuits froides d'hiver s'illuminaient à deux lieues à la ronde et que la gueule rouge de la benne basculée éclairait les amours des époux enlacés dans leur lit, la fièvre des malades éveillés et l'angoisse des femmes qui attendaient leurs maris ivrognes. [...]
    Parce que Pierre Lardinois guérissait les maux de ventre, les plaies et les brûlures, quil prédisait le temps qu'il ferit pendant la journée - puisqu'il l'avait vu venir par-delà la cité fumeuse - et qu'il disait en passant une de ces histoires que Christ racontait autrefois aux hommes qui le clouèrent sur une croix.

Jean Tousseul - L'homme de la grue, in La Cellule 158
Ed. Labor - Espace Nord, 1924 (p.51-53)

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Jeune métallurgiste-Pierre Paulus (1922)

Publié le par antoiniste

source : kikirpa

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Couillet - Une coullée au haut-fourneau d'une acierie (Métallurgiques du Hainaut)

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Couillet - Une coullée au haut-fourneau d'une acierie (Métallurgiques du Hainaut)

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Before the Soaking Pits (Jean-Emile Laboureur-début XXe)

Publié le par antoiniste

Devant la fosse humide

 source : photo.rmn.fr

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Ouvriers métallurgistes au travail-3 (Boris Taslitzky-1946)

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 source : photo.rmn.fr

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Ouvriers métallurgistes au travail-2 (Boris Taslitzky-1946)

Publié le par antoiniste

 source : photo.rmn.fr

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Ouvriers métallurgistes au travail-1 (Boris Taslitzky-1946)

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source : photo.rmn.fr

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Mineurs - J.Hersleven (ca. 1930)

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source : kikirpa

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Erich Scheurmann - Le Papalagui

Publié le par antoiniste

    L'argent est son amour, l'argent est son idole. Tous les blancs y pensent, même quand ils dorment. Il y en a beaucoup dont les mains sont devenues crochues et ressemblent dans leur position aux pattes de la grande fourmi des bois, à force d'agripper le papier et le métal. Il y en a beaucoup dont les yeux sont devenus aveugle à force de compter leur argent. Il y en a beaucoup qui ont donné leur joie pour l'argent, leur rire, leur honneur, leur conscience, leur bonheur et même femme et enfants.
    Presque tous donnent leur santé pour le métal rond et les papiers lourds. Ils l'emportent dans leurs pagnes à l'intérieur de peaux dures et pliées. Ils le posent la nuit sous leur rouleau de repos, pour que personne ne le leur prenne. Ils y pensent tous les jours, à chaque heure, à chaque instant. Tous y pensent. Même les enfants doivent y penser. Cela leur est enseigné par leur mère, et ils voient le comportement de leur père.

Erich Scheurmann - Le Papalagui, Les étonnants propos de Touiavii, chef de tribu, sur les hommes blancs
Pocket, 1920 (p.43-44)

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