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N'exagérons rien (Le Fraterniste, 15 août 1912)

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Jules Leclercq - N'exagérons rien (Le Fraterniste, 15 août 1912)N'exagérons rien

    On connait l'histoire affligeante de ce malheureux antoiniste M. Jules Leclercq, demeurant à Paris, 4, rue de la Parcheminerie, inculpé d'avoir laissé mourir son enfant de faim ou, tout au moins, de n'avoir pas réclamé les soins d'un médecin, cas très grave et passible de la prison, paraît-il.
    Heureusement pour M. Leclercq, l'autopsie faite par le docteur Paul a démontré « que la mort était due à une bronchopneumonie, FAUTE DE SOINS (?), mais que le corps ne portait aucune trace de sévices ou de mauvais traitements ».
    Accusé également d'avoir laissé mourir son ainé, le 19 juin, dans les mêmes conditions, l'instruction a dû reconnaitre que cela était faux et qu'il avait été soigné par un médecin du Bureau de bienfaisance du quartier qu'il habite.
    Comment se terminera ce procès ? Il éveille la curiosité.
    Cette affaire m'amène, pour aujourd'hui, à donner une appréciation sur un point délicat de la question des guérisons. Je me garderai bien de donner un conseil, chacun agissant suivant les déterminantes qui le conseillent particulièrement ; simplement, je raisonne :
    La machine humaine doit s'alimenter d'air, de liquide et de comestible, tout comme la machine à vapeur a besoin d'air, d'eau et de combustible.
    À l'humain, Dieu, les Forces cosmiques, Allah, ou le Grand Architecte, etc... etc..., selon que l'on voudra bien le dénommer, en somme : L'Immense Force qui actionne l'Univers et de laquelle nous dépendons, Dieu, dis-je, a placé l'humain dans un milieu où se trouve ce qui est indispensable à son fonctionnement.
    La machine à vapeur, par le charbon qui brûle et l'eau qui bout en elle, si elle n'est pas nettoyée de temps en temps, aura son foyer bouché par les scories qui en empêcheront la ventilation dont elle a besoin, sa cheminée pourra être obstruée par la suie qui s'accumulera et sa chaudière incrustée de dépôts de calcaire que l'eau en ébullition déposera. Il faut donc la nettoyer, la débarrasser de tout ce qui l'empêche de fournir le complet rendement de sa force initiale à l'état de neuf, et, suivant que le charbon fournira plus ou moins de scories, de fumée, et que l'eau déposera plus ou moins de calcaire, selon qu'il faudra nettoyer plus ou moins souvent la machine dans ses parties de chauffe, de formation et de concentration de la vapeur.
    Pour ce faire, est-il besoin d'aller chercher l'inventeur ou le constructeur de la machine à vapeur ? Non, on n'a qu'à la purger de tout ce qui obstrue ses organes de vitalisation.
    Eh bien, il en est de même de l'humain. Suivant le liquide et les matières comestibles qu'il ingère pour entretenir l'action de sa machine, suivant qu'il devra, plus ou moins souvent la nettoyer, la purger de tous les dépôts qu'il y aura accumulés, en employant le moyen qui lui semblera le plus efficace.
    Si, pour la machine à vapeur, on emploie des désincrustants énergiques et violents, à la machine humaine on donnera des décomposants très doux ou plus actifs suivant le tempérament.
    Ce raisonnement établi, ce ne sera donc pas moi qui dirai : N'ayez jamais recours à la médecine. Et pourquoi le dirai-je, puisque moi-même j'emploie le purgatif simple, naturel ? Pourquoi le dirai-je, puisque les malades qui me viennent voir à l'Institut ne sont que les délaissés de la médecine, ceux que celle-ci a abandonnés en leur disant ces mots typiques : PRENEZ ET FAITES CE QUE VOUS VOULEZ ! Puisque je ne reçois que ceux à qui la science médicale du jour s'est déclarée impuissante à obtenir leur guérison.
    Eh oui, de temps en temps, je nettoie mon logement, tout comme on nettoie la machine à vapeur, tout comme la bonne femme nettoie le logement de la famille. Je fais de l'hygiène humaine comme la femme fait de l'hygiène familiale.
    Et voilà, mes amis, mes frères, comment il ne faut rien exagérer, et je dirai :
    Les médecins et chirurgiens en soignant leurs malades travaillent au soulagement des humains. Ils sont destinés à cela par vocation diront les uns, par détermination diront les autres.
    Les guérisseurs sont, eux aussi, des humains travaillant à ce même soulagement de l'humanité.
    Les premiers se servent de médicaments, de scalpels et d'instruments, tandis que les seconds agissent en demandant à la Grande Force bonne du Cosmos de leur venir en aide.
    Aux uns, il faut des forces tangibles, aux autres des forces invisibles, mais les uns comme les autres visent le même résultat à obtenir : le soulagement et la guérison de leurs frères souffrants.
    Il n'y a donc pas plus lieu de la part des guérisseurs de préconiser l'abstinence des médicaments, qu'il n'y en a de la part des médecins de défendre aux malades d'aller chercher ailleurs ce qu'ils n'ont pu obtenir pour leurs consultants. Ces derniers n'ont-ils pas payé de leurs souffrances pour avoir le droit d'agir à leur guise ?
    Ce serait une erreur de croire que quiconque, diplômé ou non ne puisse aider l'humain et le conduire vers la guérison. Tous les humains le peuvent, qu'ils soient médecins, infirmiers, droguistes, palefreniers, charbonniers, ducs ou empereurs. Dieu est partout, partout et en toutes circonstances il peut nous FAIRE aider et nous donner suivant nos besoins.
    Et savez-vous quelle fut une des grandes erreurs de nos législateurs ? Ce fut d'établir le monopole des médecins sur la santé publique et le monopole des vétérinaires sur la santé des animaux, et combien d'autres encore.
    Que l'Etat protège les Arts, les Sciences, qu'il protège tout ce qui est bien et beau : c'est son devoir !
    Mais lorsqu'il crée des monopoles, il enraie tout essor en empêchant les initiatives de se produire et des pensées d'éclore, qui se propageraient pour le bien de l'humanité.
    En rien, n'exagérons.

                                                              Paul PILLAULT.

Le Fraterniste, 15 août 1912

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Une victime de l'antoinisme (L'Evénement, 28 juillet 1912)

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Une victime de l'antoinisme (L'Evénement, 28 juillet 1912)Une victime de l'antoinisme. -- M. Kastler, juge d'instruction, a procédé hier à l'interrogatoire des époux Leclercq, accusés d'avoir laissé mourir leur enfant, faute de soins.
    Leclercq, disciple d'un thaumaturge, « le père Antoine », ne croit pas à la science des médecins, aussi s'était-il contenté de suspendre au chevet de sa petite fille, malade, le portrait du père Antoine. Naturellement, l'enfant mourut et le médecin de l'état civil refusa le permis d'inhumer.
    Interrogé par le magistrat, Leclercq affirme hautement sa foi dans « l'antoinisme » qui, dit-il, prend à toutes les religions ce qu'elles ont de meilleur.
    – Vous n'en avez pas moins laissé mourir votre enfant, lui fait remarquer le juge.
    – C'est qu'elle devait mourir, répond l'antoiniste convaincu, d'ailleurs, je suis certain qu'un médecin ne l'aurait pas sauvée.
    Et l'inculpé se lance dans une longue dissertation sur l'incurie de la médecine à laquelle il oppose la resplendissante lumière de la doctrine du père Antoine.
    A noter que ledit père Antoine aurait été poursuivi dans cette affaire, mais par une simple coïncidence, il a rendu sa belle âme en même temps que l'infortunée petite victime.
    Ne pouvant rien tirer du fanatique Leclercq, M. Kastler a interrogé sa femme. Cette dernière n'a pas la foi robuste de son époux, elle se moque du père Antoine et de sa doctrine, mais elle a dû s'incliner devant la volonté de Leclercq qui ne voulut jamais qu'un médecin pénétrât chez lui.
    Leclercq et sa femme sont inculpés d'homicide volontaire, du fait d'avoir causé la mort de leur fille en la privant des soins qui pouvaient la sauver.
    Ils passeront en cour d'assises et pourront être condamnés à la réclusion ou aux travaux forcés à temps.
    Les époux Leclercq sont assistés de Mes Pierre Turpaud et Bigeard.

L'Evénement, 28 juillet 1912

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Acte de décès de Mathilde Brossard le 18 mai 1914, Paris 6e et 1er arrdt

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Acte de décès de Mathilde Brossard le 18 mai 1914, Paris 6e arrdt

Acte de décès de Mathilde Brossard le 18 mai 1914, Paris 1er arrdt

 

Brossard        1002

Le dix huit mai, mil neuf cent quatorze, sept heures du soir Mathilde Brossard, née à Terrasson (Dordogne), le neuf Juillet mil huit cent quatre vingt un, couturière ; fille de Thomas Brossard, peintre en bâtiment et de Marguerite Delord, ménagère, époux domiciliés au dit Terrasson ; veuve de Charles Sautet, domiciliée rue des Lombards 58, est décédée rue Jacob 47. Dressé le dix neuf mai mil neuf cent quatorze, cinq heures du soir par nous sur la déclaration de Alexis Renaud, trente sept ans et de Charles Dorléans, cinquante un ans, employés rue Jacob 47, qui déclaration faite, ont signés avec nous, Léon Maire Asnière, adjoint au maire du 6e arrondissement de Paris. (suivent les signatures).

 

Brossard Ve Sautet Mathilde          352
Ton du VIe                                           120

Transcription d’un acte de décès du sixième arrondissement de Paris.

Le dix huit mai, mil neuf cent quatorze, sept heures du soir Mathilde Brossard, née à Terrasson (Dordogne), le neuf Juillet mil huit cent quatre vingt un, couturière ; fille de Thomas Brossard, peintre en bâtiment et de Marguerite Delord, ménagère, époux domiciliés au dit Terrasson ; veuve de Charles Sautet, domiciliée rue des Lombards 58, est décédée rue Jacob 47. L’acte de décès ci-dessus a été transcrit le trois Juin mil neuf cent quatorze, dix heures du matin par nous, Armand Auguste Chédeuille, adjoint au maire, officier de l’état civil du premier arrondissement de Paris, chevalier de la légion d’honneur (suivent les signatures).

 

 

La rue Jacob, lieu de son décès est dans le 6e arrondissement, d’où l’acte fait directement dans la mairie d’arrondissement du lieu du drame. Une transcription a dû être faite dans l’arrondissement correspondant à son domicile, alors rue des Lombards, dans le 1er arrondissement de Paris. Que s’est-il passé ? Rien ne le laisse savoir. Mais la pauvre Mathilde Brossard, après la mort de ses deux enfants en bas âge et ses déboires avec Jules Joseph Leclercq, l’antoiniste déséquilibré, n’a pu très peu profiter de sa vie de misère. On croirait à un remake de Sans âme d’André Thérive.

Terrasson est maintenant Terrasson-la-Villedieu (puis Terrasson-Lavilledieu), commune située en limite de la Corrèze, elle incarne une porte d’entrée du Périgord noir.

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Acte de naissance d'Antoinette Leclercq le 25 mars 1912, Paris 5e arrdt

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Acte de naissance d'Antoinette Leclercq le 25 mars 1912, Paris 5e arrdt

Leclercq        531

L’an mil neuf cent douze, le vingt-cinq mars à midi ; Acte de naissance de Antoinette Marie Louise, de sexe féminin ; née le vingt-quatre mars courant à cinq heures du matin, rue Saint Julien le Pauvre 8 ; fille de Jules Joseph Leclercq, âgé de quarante-deux ans, marchand colporteur, qui la reconnaît et de Mathilde Brossard, âgée de trente ans, ménagère, domiciliés rue Saint Jean le Pauvre 8. Dressé par nous, Arthur Caire, adjoint au maire, Officier de l’état civil du cinquième arrondissement de Paris sur la présentation de l’enfant et la déclaration faite par le père en présence de Pierre Delage, âgé de soixante-quatre ans, tailleur d’habits, domicilié rue Saint Jean le Pauvre 20 et de Adrien Richer, âgé de trente ans, fabricant de châssis à tableau, domicilié rue Saint Severin 10, témoin qui ont signé avec le déclarant et nous après lecture. (suivent les signatures).

 

Jules Joseph Leclercq et Mathilde Brossard n'étant pas mariés, Jules Joseph Leclercq a dû reconnaître l'enfant.

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Acte de décès d'Antoinette Leclercq le 20 juillet 1912, Paris 5e arrdt

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Acte de décès d'Antoinette Leclercq le 20 juillet 1912, Paris 5e arrdt

Leclercq   1241

L’an mil neuf cent douze, le vingt Juillet, à trois heures du soir.
Acte de décès de Antoinette Marie Louise Leclercq, née à Paris, le vingt quatre Mars mil neuf cent douze ; décédée au domicile de ses père et mère, rue de la Parcheminerie 4, le vingt Juillet courant, à trois heures et demie du matin ; fille de Jules Joseph Leclercq, âgé de quarante deux ans, colporteur qui l’a reconnue et de Mathilde Brossard, âgée de trente ans, ménagère.
Dressé par nous, Edouard Pennès, adjoint au maire, officier de l’état civil du cinquième arrondissement de Paris, après constatation du décès ; sur la déclaration de Henri Ginet, âgé de quarante deux ans, employé, rue d’Aubervilliers 104 et de Charles Godefroy, âgé de quarante neuf ans, employé, place du Panthéon 13, non parents, qui ont signé avec nous après lecture. (suivent les signatures).

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Acte de décès de René Brossard le 19 juin 1912, Paris 5e arrdt

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Acte de décès de René Brossard le 19 juin 1912, Paris 5e arrdt 

Brossard 1041

L’an mil neuf cent douze, le dix neuf Juin, à dix heures du matin ; Acte de décès de René Brossard, né à Paris le onze Août mil neuf cent dix, décédé au domicile de la mère, rue Saint Julien le Pauvre 8, le dix huit Juin, courant à onze heures trois quarts du matin : fils reconnu de Mathilde Brossard, âgée de trente ans, couturière.
Dressé par nous Edouard Dennis, officier de l’Etat civil du cinquième arrondissement de Paris, adjoint au maire, après constatation du décès sur la déclaration de Joseph Leclercq, âgé de quarante deux ans, marchand de sacs, demeurant rue Saint Julien le Pauvre 8, et de Pierre Delage, âgé de soixante quatre ans, tailleur demeurant rue de la Parcheminerie 4, non parents qui ont signé avec nous après lecture (suivent les signatures).

 

Il s’agit d’un autre enfant de Mathilde Brossard qu’évoquent les articles du Figaro (20 août 1912) et du Journal des débats politiques et littéraires (22 juillet 1912), les seuls à donner des indications vérifiées quant au nom des intéressés.

L’article du Midi socialiste du 23 juillet 1912, indique les « les deux "antoinistes" avaient déjà perdu un premier enfant, âgé de 26 mois », il doit s’agir du petit René, même si celui-ci n’atteint pas l’âge de deux ans.

Malgré nos recherches, il nous a été impossible de retrouver l'acte de naissance de cet enfant à la date indiquée dans cet acte de décès.

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L'Antoiniste Leclercq était fou (La Croix, 21 août 1912)

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L'Antoiniste Leclercq était fou (La Croix, 21 août 1912)

           L'ANTOINISTE ETAIT FOU

    Le 20 juillet dernier, un bébé de 4 mois, Antoinette Leclerc, mourait dans un état de maigreur effroyable. Le père, Joseph Leclerc, marchand de sacs, 4, rue de la Parcheminerie, déclara qu'il n'avait pas appelé un médecin parce qu'il était un adepte d'Antoine le Guérisseur, mort récemment à Jemmapes-lès-Liége, dont la doctrine consistait à ne se fier uniquement qu'à l'intervention divine.
    – J'ai prié, dit-il, mais Dieu n'a pas voulu m'entendre. Il a pris ma petite Antoinette. Elle sera plus heureuse auprès de lui. Leclerc fut arrêté.
    M. Kastler, juge d'instruction, commit le docteur Claude pour le faire examiner au point de vue mental.
    Le docteur Claude ayant conclu à l'irresponsabilité de Leclerc, M. Kastler a rendu une ordonnance de non-lieu en ce qui concerne Leclerc et a ordonné son internement.

La Croix, 21 août 1912

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La rue de la Parcheminerie (Le Radical, 3 sept 1913)

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La rue de la Parcheminerie (Le Radical, 3 sept 1913)

 

Le Radical, 3 septembre 1913

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Antoine le Guérisseur (Le Midi socialiste, 23 juillet 1912)

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Antoine le Guérisseur (Le Midi socialiste, 23 juillet 1912)

ON CROIT OU ON NE CROIT PAS

Antoine le Guérisseur

UN ENFANT MEURT FAUTE DE SOINS

                                                  Paris, 22 juillet.

    La mort récente d'Antoine Guérisseur avait déjà révélé au grand public les étrangetés de cette religion nouvelle.
    On n'aurait cependant pas cru que l'orthodoxie de ses adeptes put aller jusqu'au crime. Le cas qui s'est présent, hier, en plein Paris, peut ne pas demeurer unique. Rien qu'à ce point de vue, il mérite d'attirer l'attention des pouvoirs publics.
    Dans la rue de la Parcheminerie habitait un couple d' « antoinistes ». Ils occupaient au numéro 4, une sorte de baraque en planches, au-dessus de laquelle on pouvait lire cette enseigne : « Sacs et bâches, Jules Leclercq ».
    L'homme était âgé de 42 ans. Sa compagne, une femme Mathilde Sautel, âgée de 37 ans, le secondait dans son industrie. Ils étaient venus là, il y a environ un mois, en sortant de la rue Saint-Julien-le-Pauvre, ou, dans la maison portant le numéro 8, ils avaient demeuré pendant près d'un an.
    Quoiqu'ils fussent casaniers, Leclercq et sa compagne n'avaient pas manqué, par leurs allures mystérieuses et leur mine austère, de piquer la curiosité de leurs voisins.
    Des gens qui avaient pu pénétrer cher eux avaient remarqué que les murs de leur chambre étaient tapissés de gravures et d'emblèmes religieux. On les croyait dévots ; mais dans ce milieu de travailleurs parisiens on ne supposait pas qu'ils fussent les adeptes d'une croyance bizarre.
    Dimanche dernier, leur petite Antoinette, une fillette de quatre mois, tombait malade. On le sut vaguement dans le voisinage ; mais comme les Leclercq n'étaient pas d'humeur sociale, on s'abstint de leur venir en aide.
    Hier malin, l'enfant succombait. Force fut à Leclerc d'aller au bureau de l'état civil déclarer le décès. Quelques heures plus tard, le médecin de la mairie venait, dans la bicoque de la rue de la Parcheminerie, examiner le corps du bébé. Frappé de certaines circonstances, le pratricien interrogea le fabricant de sacs et lui demanda quel médecin avait soigné la petite Antoinette.
    – Je n'ai pas appelé de médecin, lui répondit Leclercq. Ma femme et moi nous avons prié sur elle. Dieu n'a pas voulu la guérir. Nous acceptons sa volonté.
    Surpris, comme on le pense, par cette réponse, le médecin avisa aussitôt M. Melin, commissaire de police. Celui-ci se rendit à son tour auprès de Leclercq et de la femme Sautel.
    Les deux « antoinistes » lui répétèrent que c'était délibérément qu'ils avaient négligé de procurer à la fillette les soins d'un homme de science. Ils étaient « antoinistes », c'est dire qu'ils n'admettaient aucune autre intervention que celle de la Providence pour la guérison des maux du corps.
    Comme la loi pénale française ne reconnaît pas encore aux parents le droit de priver leurs enfants des soins médicaux, M. Melin ne put faire autrement que d'inculper Leclercq et la femme Sautel et de les envoyer au dépôt.
    Ajoutons qu'au cours de son enquête, le commissaire a appris qu'alors qu'ils habitaient rue Saint-Julien-le-Pauvre, les deux « antoinistes » avaient déjà perdu un premier enfant, âgé de 26 mois. Bien que le permis d'inhumer leur eût été alors accordé, M. Melin n'est pas éloigné de croire que le pauvre petit a dû succomber dans les mêmes circonstances que la petite Antoinette.

Le Midi socialiste, 23 juillet 1912

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Les Antoinistes Leclercq (Le Journal, 30 juil 1912)

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Les Antoinistes Leclercq (Le Journal, 30 juil 1912)

LES “ ANTOINISTES ”

La veuve Santel en liberté provisoire.  
    On va examiner l'état mental de Leclercq

    M. Kastler s'est encore occupé hier des deux antoinistes de la rue de la Parcheminerie qui laissèrent mourir, faute de soins, leur enfant malade.
    Faisant droit à la demande de Me Pierre Turpaud, le juge d'instruction a signé la mise en liberté provisoire de la veuve Sautet, née Marguerite Brossard, la compagne de Leclercq. Le magistrat a, d'autre part, commis M. le docteur Claude, médecin aliéniste, pour examiner l'état mental de Leclercq.

Le Journal, 30 juillet 1912

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