Paris - Consécration du 1er temple français
La foule au temple de la rue Vergniaud
(Excelsior 26 octobre 1913 - L'arrivée à Paris d'un pélerinage antoiniste)
La foule au temple de la rue Vergniaud
(Excelsior 26 octobre 1913 - L'arrivée à Paris d'un pélerinage antoiniste)
DES BELGES ONT INAUGURE A PARIS
un Temple « Antoiniste »
Voici quelques semaines, au coin des rues Vergniaud et Wurtz, des ouvriers mettaient la dernière main à une sorte de petite chapelle, d'aspect bizarre, au clocheton sans coq et sans croix, construite en un ciment de couleur grisaille. Au-dessus de la porte, ces simples mots : « Culte Antoiniste 1913 ».
Les gens du quartier passaient indifférents. « Culte Antoiniste »... Depuis la séparation et les fameuses cultuelles, ils en ont bien vu d'autres !
Mais hier matin, ils furent tout de même intrigués de voir déboucher de la rue Vergniaud une procession d'individus au costume étrange. Les hommes portaient une longue redingote noire, au col arrondi comme celui d'une vareuse, austèrement fermée au moyen de boutons multiples. Ils allaient, le chef couvert d'un chapeau haut de forme très bas, aux ailes larges, légèrement relevées. Les femmes vêtues de robes noires, étaient coiffées d'un voile de soie, de même couleur. Tous ces gens souriants et gais, avaient l'air de sortir d'un long repas de funérailles...
Les portes du temple s'ouvrent, un desservant s'avance vers une vieille dame, à l'air vénérable qu'il gratifie d'un « Bonjour Mère » empreint d'un affectueux respect. Cette vieille dame est, en effet, l'objet d'une vénération spéciale de la part des adeptes de « l'Antoinisme », cette religion dont nous avons parlé déjà à plusieurs reprises.
Antoine, on le sait, était un guérisseur qui prétendait faire des cures merveilleuses, en imposant les mains et en prêchant aux hommes l'amour les uns des autres.
A sa mort, il désigna sa femme pour lui succéder, et lui transmit sa faculté de guérir. Depuis lors la secte des « Antoinistes » s'est développée, paraît-il, au point qu'on élève à Paris un temple à son culte.
Ce qui nous a cependant frappé, c'est qu'en dehors des curieux, fort nombreux, il est vrai, mais pas encore convertis, tous les adeptes étaient des Belges, venus tout spécialement de leur pays pour cette consécration. De Français, peu ou prou. Et cependant ce nouveau temple va avoir son desservant, M. Noël, qui chaque dimanche tenant l'emblème à la main fera la lecture du dogme. L'emblème dont nous venons de parler, ressemble à un arbre japonais. Au-dessous on lit ces mots : « L'arbre de la science, de la vie, du mal ». A l'intérieur du temple, rien, ni autel, ni ornements, ni bancs, ni chaises. Au fond, une chaire très simple, du haut de laquelle « la Mère » opère ses guérisons.
Elle monte lentement les degrés, se recueille, étend les mains et redescend. Si vous avez la foi, vous êtes exaucé. Il est probable que les malades amenés hier à la Mère n'avaient pas suffisamment la foi, car ils s'en retournèrent clopinant comme ils étaient venus.
Mais un des Antoinistes nous confie que dans quelques jours un nouveau temple va être ouvert à Monaco où les adeptes sont fort nombreux.
Quant aux Antoinistes de Paris, dès que les 450 Belges d'hier auront regagné leurs pénales, ils risquent fort de se dénombrer par la seule unité du desservant.
M. P. de P.
La Libre Parole (dir. Edouard Drumont), 27 octobre 1913
LE TEMPLE DU PÈRE ANTOINE
L'inauguration rue Vergniaud
Une cérémonie bizarre s'est déroulée ce matin dans un des quartiers les plus populeux de Paris. Il s'agissait de la consécration du temple érigé au culte du père Antoine, le guérisseur. Ce temple aux proportions modestes s'élève rue Vergniaud.
Plus de 100 adeptes de Belgique avaient fait le voyage de Paris à cette occasion Parmi ceux-ci l'on dénombre 300 Liégeois, 50 Bruxellois, 50 habitants de Charleroi.
C'est la veuve du père Antoine qui procédait à l'« opération ».
De nombreux curieux entouraient les abords et deux cordons d'agents maintenaient la foule : aucun incident ne s'est produit.
La Patrie, 27 octobre 1913
Los antonistas en Francia
Visiones y otros excesos
Paris.–Los adeptos del culto antonista, fundado en Jemmapes (Bélgica), por el famoso magnetizador, herrero de oficio, Antonio el Generoso, decidieron hace algunos meses levantar un templo en Paris.
El antonismo cuenta en Bélgica con cientos de miles de prosélitos, muchos de ellos en buena posición.
Es jefe de la secta, desde la muerte del fundador, una parienta suya, muy vieja, llamada Antonia.
Días pasados celebróso la inauguración del primer templo antonista parisiense.
Vinieron de Bélgica, Antonia y unos cien fieles.
Acudieron también bastantes Antonistas de diversos puntos de Francia.
Antonia, una vez estuvo el templo lleno, mandó cerrar las puertas.
Subió al púlpito y arrodillóse.
Vestia de negro, y llevaba tendida sobre su cuello y espalda su blanca y larguisima cabellera, que no habia peinado.
Empezó á recitar oraciones de las e que Antonio dejó escritas.
Luego se puso en pié, y extendiendo los brazos y abriendo mucho los ojos, quedóse inmóvil.
Al cabo de algunos minutos declaró que acababa de ver á Antonio, entre nubes.
Otros antonistas dijeron que no habían visto á Antonio, pero sí una nube blanca.
De pronto, una mujer de treinta años, natural de Vichy, que habían llevado en un carrito, levantóse y empezó á gritar:
–Llevaba ocho años paralítica. Acabo de curarme.
Y comenzó á dar saltos.
Otras tres personas empezaron á gritar a su vez:
–Estamos curados, estamos curados.
So trataba de sedicentes enfermos de dolencias nerviosas.
Prodújose gran alboroto.
Parecía aquello una reunión de locos.
Al fin todos se calmaron y fueron saliendo.
Y así ha comenzado el culto antonista en París.
Diario español, 21 de noviembre de 1913
Traduction :
CÉRÉMONIE CURIEUSE
Les Antonistes en France
Visions et autres excès
Les adeptes du culte Antoiniste, fondé à Jemmapes (Belgique) par le célèbre magnétiseur, forgeron de métier, Antoine le Généreux, ont décidé il y a quelques mois d'élever un temple à Paris.
L'Antoinisme compte en Belgique des centaines de milliers de prosélytes, dont beaucoup sont de bonne situation.
Le chef de la secte, depuis la mort du fondateur, est une de ses parents, très âgée, appelé Antoine.
Il y a quelques jours, elle a célébré l'inauguration du premier temple Antoiniste à Paris.
Antoine et une centaine de fidèles sont venus de Belgique.
Il y avait également de nombreux Antoinistes venus de différentes régions de France.
Antoine, une fois l'église pleine, a ordonné la fermeture des portes.
Elle est montée sur la chaire et s'est agenouillée.
Elle était vêtue de noir, et ses longs cheveux blancs, qu'elle n'avait pas peignés, étaient drapés sur son cou et son dos.
Elle a commencé à réciter certaines des prières qu'Antoine avait laissées.
Puis elle se leva, et, étendant les bras et ouvrant grand les yeux, elle resta immobile.
Au bout de quelques minutes, elle déclara qu'elle venait de voir Antoine parmi les nuages.
D'autres antoinistes ont dit qu'ils n'avaient pas vu Antoine, mais qu'ils avaient vu un nuage blanc.
Soudain, une femme de trente ans, originaire de Vichy, qui avait été emmenée dans une charrette, se lève et se met à crier :
–Je suis paralysé depuis huit ans. Je viens d'être guéri.
Et elle a commencé à sauter de joie.
Trois autres personnes se sont mises à crier à leur tour :
–Nous sommes guéris, nous sommes guéris.
Il s'agissait de personnes prétendument souffrantes de maladies nerveuses.
Il y a eu une grande agitation.
On aurait dit une réunion de fous.
Finalement, tout le monde s'est calmé et est parti.
C'est ainsi qu'a commencé le culte antoiniste à Paris.
Journal espagnol, 21 novembre 1913
Le récit est très librement adapté d’autres articles français, comme celui du journal Le Voltaire.
Les antoinistes à Paris.
Si la mort du zouave Jacob creuse un vide dans les rangs des « guérisseurs » parisiens, ce vide va être abondamment comblé.
En effet, c'est demain dimanche que sera inauguré, à Paris, à l'angle de la rue Vergniaud et de la rue Wurtz, le temple élevé par les antoinistes de la capitale.
La « Mère », veuve du « Père » Antoine, décédé il y a un an environ à Jemmapes-lez-Liége, centre de la nouvelle secte, arrive aujourd'hui de Belgique, accompagnée de cinq ou six cents pèlerins d'outre-Meuse. Dimanche, elle procédera à l'inauguration du temple et opérera les malades qui se présenteront à elle à partir de dix heures du matin.
Excelsior, 25 octobre 1913
L'Inauguration du
TEMPLE ANTOINISTE
de Paris
Nous avons annoncé en temps utile, dans notre numéro 152 du 24 Octobre, l'inauguration du temple antoiniste de Paris.
Aujourd'hui, nous publions la relation de cette cérémonie qui nous est envoyée par l'une de nos abonnées parisienne, Madame de Poncey.
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Le train spécial arriva en gare le samedi vers 3 heures du soir, amenant près de 500 adeptes, presque tous en costume Antoiniste. Les adeptes parisiens de cette religion spirite faisaient la haie sur le passage de la mère, de M. Deregnaucourt et de leurs frères belges. Le métropolitain avait lui aussi formé un train spécial. A la sortie du métro, le cortège se reconstitua rue de la Glacière et de là, par la rue Vergniaud, arriva au temple nouveau.
Puis, les Antoinistes Parisiens, qui avaient bien fait les choses, amenèrent leurs frères de Belgique dans différents hôtels où des logements leur avaient été réservés.
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Le lendemain dimanche, bien avant dix heures, il y avait autour du temple une foule nombreuse. Beaucoup de malades y avaient été amenés soit sur des voitures, soit dans des autos, ou même sur des civières.
Il y eut 4 ou 5 opérations et à chacune d'elles on put entendre plusieurs malades dire : je suis bien maintenant, je suis guéri.
A la première opération, une paralysée de Vichy sortit guérie sous les yeux de personnes qui, au cours de l'opération avaient vu le travail s'opérer en elle. J'ai vu à côté de moi une dame d'un certain âge qui était soutenue sous les bras par deux personnes. En entrant, sa figure était verdâtre et marbrée de violet. Elle ne pouvait se tenir debout et personne ne pouvait circuler tout près d'elle sans lui faire pousser des cris.
Ses souffrances étaient atroces. Après l'opération et à la sortie du temple, son teint était devenu normal et elle ne s'appuyait plus que sur un seul bras.
Combien de personnes incrédules ai-je vues qui étaient venues à cette cérémonie en simples curieux ou même pour plaisanter et qui, après avoir vu la douce et sainte figure de la Mère en train d'opérer, son bras largement étendu sur la foule, se mirent eux aussi à pleurer. Ils avaient vu des guérisons se produire presque instantanément autour d'eux.
D'autre part voici l'opinion d'un occultiste que j'avais prié de se joindre à nous.
« Nous avons assisté à une opération de Mère Antoine dont le visage est bien celui des Grands Inspirés ».
Ces quelques paroles vous diront mieux qu'un long discours l'impression produite sur la foule.
Et ceci met la joie en nos âmes, à nous qui savons la Vérité et qui désirons la faire connaître à tous, et vous savez comme moi, combien l'humanité en a besoin en présence des luttes fratricides auxquelles nous assistons dans le but de jouir de plus en plus et de calmer le plus possible les appétits matériels et le besoin insatiable de luxe.
La cérémonie prit fin vers midi et chacun accompagna ses frères de Belgique jusqu'à la gare du Nord où un train spécial devait repartir à 5 heures.
A 4 heures, Mère arriva à la gare. Comme la veille, les Antoinistes Parisiens formèrent la haie sur son passage. Puis lorsque Mère accompagnée de M. et Mme Derégnaucourt ainsi que de Mlle Vittart ; cette française qui par son éclatante guérison fut la première à importer l'Antoinisme en France, eut pris place dans son wagon, tous les Antoinistes Parisiens attendirent sur les quais que le train se fut ébranlé. Quand le train partit, ce fut du délire. Une indescriptible ovation fut faite à la Mère, et, certes, il faut vivre ces minutes dans leur grandiose simplicité, pour pouvoir y croire. On sent bien que le souffle qui passe en ces moments par les âmes, n'est pas d'ici bas.
Et n'allez point croire qu'il y ait de ma part, dans ce récit, de l'emballement, du fanatisme, ou de l'auto-suggestion. Non ! C'est du réellement vécu.
Je suis persuadée qu'un médium voyant jouirait en ces moments d'un spectacle peu commun. C'est le vrai fluide divin qui pénètre les cœurs.
Enfin quand comprendra-t-on que la nourriture du corps compte bien peu comparativement à celle de l'esprit ? Et combien il est pénible pour nous d'être obligés de retomber au terre à terre pour les besoins de la vie matérielle qui nous astreint.
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J'espère, chers amis, vous faire part à l'avance de la consécration du temple de Monaco qui doit avoir lieu dans le courant de décembre prochain. Il y aura des billets à prix réduits et sinon un train, du moins plusieurs voitures mises à notre disposition.
Le Fraterniste, 14 novembre 1913
ANTOINISME
Le Temple Antoiniste de Paris qui fait l'angle des rues Vergniaud et Wurtz, est terminé.
Il sera inauguré par Mère Antoine le Dimanche 26 courant.
Les Antoinistes Belges arriveront samedi soir dans la Capitale par train spécial.
Le Fraterniste, 24 octobre 1913
Un journaliste fait le récit de l'inauguration du Temple pour le journal La Vie Mystérieuse
L’Inauguration du Temple Antoiniste
du XIIIe Arrondissement
Par LE PROFESSEUR EL HAKIM
Prié par l’Administration de la Vie Mystérieuse de remplacer son secrétaire général, mon ami F. Girod, à l’inauguration du Temple Antoiniste, je me rendis donc, le dimanche 26 octobre, muni d’un appareil photographique dans le XIIIe arrondissement où, à l’intersection des rues Vergniaud, Wurtz, Barreaut et Daviel, s’élève sur un large emplacement, le nouveau Temple d’Antoine le Généreux.
Dès 8 heures du matin, l’affluence est considérable et met en rumeur la population du quartier, population gouailleuse, incrédule, moins qu’inconsciente, qui sourit et blague les adeptes (hommes et femmes) du nouveau culte, avec leurs costumes sévères de puritains. Vêtus de drap noir, les hommes portent la longue lévite à revers et à taille, à petits boutons, et le chapeau haut de forme à bords plats avec la calotte en tromblon, fort en faveur sous Louis-Philippe ; les femmes portent la robe à plastron, avec le derrière de la jupe formée de 3 gros plis plats et le bonnet avec voile et ruche de crêpe. Tout cet ensemble d’austérité dans la mise et le maintien leur donne un air de confrérie qui déplaît à cette population de faubourg, qui, demain, recevra néanmoins les dons des sœurs de la Charité. Les Antoinistes sont nombreux, d’aucun viennent de très loin, de Bruxelles, de Jemeppes, de Lille, de Bretagne, de Toul, de Vichy ; les groupes de Paris sont tous représentés. Mais, d’instant en instant, les tramways et les taxis amènent des éléments nouveaux et je reconnais parmi les assistants, des personnalités de l’occultisme, plusieurs membres de S. I. R. P., et je suis moi-même reconnu par plusieurs Sœurs de l’Antoinisme. J’en profite aussitôt pour solliciter l’honneur d'être présenté à la Mère, afin d’obtenir la permission de photographier « l’opération », mais malgré tout l’accueil sympathique et bienveillant qui fut fait à l’envoyé spécial de la V.M., la consigne est formelle, personne ne peut photographier l’intérieur du Temple, je me hâte de prendre un cliché de l’extérieur de l’édifice, et me mêle à la foule qui se presse à l’entrée du Temple pour la première opération. On s’arrache les numéros de la V. M. reproduisant le Temple de Jemeppes, qu’un distributeur donne à la porte ; pour contenter ceux qui n’ont pu s’en procurer, je prends des adresses, et promets l’envoi de ces numéros.
Un taxi s’arrête non loin de moi, et j’en vois descendre un homme taillé en hercule, portant dans ses bras une femme d’une trentaine d’années, à la figure émaciée par la douleur, on fait place, et elle est bientôt dans l’intérieur du Temple, au premier rang. Je la suis et pendant que l’on attend la Mère je jette un coup d'œil autour de moi. Le Temple est une petite église toute neuve, comme on voit dans les campagnes, sans style, avec sa nef et ses bas côtés, au-dessus desquels courre une galerie, le chœur éclairé par un tryptique en vitrail blanc, et les côtés par quatre fenêtres doubles, vitrées de vert tendre qui répandent une lumière douce et quasi paradisiaque. Ce n’est plus l’irisée des cathédrales gothiques, avec les passions positives et négatives symbolisées par les couleurs rouges et bleues des vitraux d’art, et qui doivent s’harmoniser avec le flamboiement des cierges et les ors du chœur. Non, c’est ici la réalisation, la chose accomplie, la foie réelle, le vert résultant de l’idéalisme, bleu, et de la raison, jaune. C’est bien la lumière astrale dont semblent pénétrés tous ces fidèles et tous ces adeptes. A la place du chœur, une modeste tribune surmontée d’une autre, où tout à l’heure, montera la Mère.
Au fond peint sur le mur, la parole du Père (voir le croquis.)
De chaque côté de la tribune un frère Antoiniste celui de droite tient en guise de croix l’arbre de la vue du Mal. Celui de gauche ganté de blanc est charge d’annoncer les offices à l’aide d’une simple clochette. Cette dernière retentit 3 fois, et la porte de gauche s’ouvre pour laisser passage à la Mère, suivie de son disciple. Ce dernier prend place dans la tribune du bas, la Mère monte à la tribune supérieure, après quelques secondes de recueillement, elle élève les mains, fait une invocation muette, puis étendant la main droite sur la foule des fidèles, elle va lentement de gauche à droite dans un geste solennel de bénédiction. Au milieu du calme impressionnant, un mouvement se fait, on se penche, on s’approche, c’est la malade que l'on portait, qui vient de se mettre sur ses pieds, et qui marche seule et remue les bras pour montrer qu’elle est guérie, on veut l’entourer, mais les frères font écouler lentement la foule par la porte du fond pour laisser la place à celle qui attend son tour à l’entrée.
Je m’approche et demande des renseignements, une sœur me dit : « C’est une personne qui était paralysée depuis 9 ans... » « Pardon sœur, dit un frère derrière moi, n’exagérons pas, cette personne n’était pas paralysée, elle était atteinte d’une affection nerveuse », j’admire la bonne foi de cet adepte et ne puis m’empêcher d’établir mentalement, un rapprochement avec un prétendu miracle dont j’avais été témoin l’an passé à Lourdes. Je prie ce frère de vouloir bien me donner quelques précisions sur cette malade, très aimablement il me dit : « C’est une personne de Vichy, Mme Thevenoux, âgée de 30 ans environ, qui, depuis 9 ans est en proie à des attaques qui lui durent des heures et la laissent raide et inanimée, et à la suite desquelles elle ne peut mouvoir ni bras ni jambes ; elle a tout essayé, et vous voyez, la foi vient de la guérir. Je remerciai, et suivant le flot, j’arrivai derrière l’Eglise où, dans une grande baraque Collet, se tiennent la Mère et son disciple, et attendant la nouvelle opération car l'affluence était telle que la Mère dut consentir 4 opérations, ce qui, en évaluant à 500 le nombre d’assistants que peut contenir le Temple, porte à 2.000 ceux qui ont consacré par leur présence, le Temple d’Antoine le Guérisseur.
Maintenant plus de titis gouailleurs dans la foule, on cause entre gens comme il faut, on discute le pour et le contre, dame tout le monde n’est pas converti, mais l’on s’accorde à trouver que cette nouvelle doctrine est belle par sa simplicité même, et que la loi d’amour qu’elle préconise est préférable au manifeste des évêques qui justement aujourd’hui, quêtent et prêchent dans nos églises, pour ameuter les croyants contre les non croyants. J’entends une autre réflexion qui vaut la peine qu’on la relate : « Au moins la Mère ne dit pas de mal, puisqu'elle ne parle pas. C’est pas comme notre curé, il a reproché en chaire à une femme le prix trop élevé de son chapeau, disant qu’elle aurait mieux fait de donner cet argent à la quête.
Mais je tiens à donner aux lecteurs de la V.M. une idée visuelle de l’intérieur du Temple, et me glissant à nouveau dans l’assistance, je grimpe à la galerie supérieure et, (j’en demande humblement pardon aux frères et sœurs de l’Antoinisme) pendant la cérémonie je croquai en hâte ce que je pus de l’intérieur de l’édifice. Les lecteurs voudront bien excuser ce griffonnage qui a la prétention d’être un croquis, mais ce que je leur conseille, c’est de ne pas s’en rapporter à mon dire, et d’aller se rendre compte par eux-mêmes du solennel de cette simplicité, du calme bienfaisant que répand cette bonté, et ils comprendront, eux, qui ne sont pas étrangers au monde des fluides, qu’une ambiance créée par une communion de pensées sincères d’amour et de loyauté peut très bien, sur certains organismes, produire des réactions favorables car il n’y a pas eu que cette guérison ; un habitant du quartier m’a dit : « Moi je n’y crois pas à leur Antoine, mais il y a tout de même quelque chose, tenez, je connais une vieille marchande de lacets qui marche habituellement avec des béquilles, et bien, tout à l’heure après la messe (sic), elle est sortie avec ses béquilles sous son bras », encore un Antoiniste futur. On m’a cité aussi, le cas d’une enfant de 9 ans qui a été guérie d’une boiterie datant de 4 ans, mais je ne l’ai pas vue.
En résumé, bonne manifestation pour le spiritualisme et la thaumaturgie, qu’importe aux malades la source du remède pourvu qu’ils guérissent, et de plus l’Antoinisme nous rappelle sous une autre forme, la parole du Maître « Aimez-vous les uns les autres » ; à ce titre seul, il a droit à nos sympathies. Tous nos vœux pour son succès.
El Hakim.
La Vie Mystérieuse, n°117, nov. 10, 1913
source : image FaceBook de Jean-Luc Passerel