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proces du pere dor

Père Dor - procès

Publié le par antoiniste

 Père Dor - procès   Des plaintes sont déposées contre lui. Selon la presse, Dor fait payer ses consultations, contrairement à Antoine. Accusé d'attouchements, il se défend en affirmant que de nombreuses femmes étaient amoureuses de lui et l'avaient faussement accusé d'attentat à la pudeur parce qu'il avait refusé leurs avances. Il lui est aussi reproché d'avoir capté l'héritage. Le parquet de Charleroi diligente aussi une enquête sur la mort d'une jeune fille imputée à la doctrine doriste.
    Dor comparaît une première fois en novembre 1916. Il est condamné à 16 mois de prison, 800 francs d'amende et 17 000 francs à verser à une victime. En avril 1917, il comparaît en appel. Il est cette fois-ci condamné à 100 florins d'amende pour pratique illégale de l'art de la guérison et 500 francs de dommages-intérêts envers la Société de médecine de l'arrondissement de Charleroi, mais est relaxé des accusations d'escroqueries. Alors qu'il réclame haut et fort que l'École Morale n'est pas une religion, ses avocats, Mes Lucien Lebeau et Louis Morichar (ici à gauche en médaillon, cliquez sur l'image pour l'agrandir), basent toute leur défense sur l'article 14 de la Constitution sur la liberté des cultes. Après sa condamnation, Dor déménage à Uccle et son mouvement disparaît peu après sa mort.

    Les articles sont classées du plus ancien au plus récent pour pouvoir suivre les débats et les faits de ce procès à partir de la presse de l'époque.

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L'art de guérir (Le Bruxellois, 15 mai 1917)(Belgicapress)

Publié le par antoiniste

L'art de guérir (Le Bruxellois, 15 mai 1917)(Belgicapress)    L'ART DE GUERIR. – Comme, en 1904, la Cour d'appel de Liége l'avait fait pour Antoine de Jemeppe, la Cour d'appel de Bruxelles n'a maintenu contre le Père Dor que la prévention de l'exercice illégal de l'art de guérir ; encore fait-elle dans son très long arrêt des distinctions très intéressantes. Le Père Dor, dit l'arrêt, aurait pu échapper s'il s'était contenté d'exposer des doctrines d'ordre général sur le végétarisme, de donner des conseils d'abstention d'ordre moral mais, ce qui ne lui était pas permis, c'était de passer de la théorie à la pratique, de faire l'opération individuelle, de communiquer le « fluide », de recommander les lavements d'eau salée, le thé Chambard, l'eau non bouillie aux nourrissons, l'enlèvement des bandages aux hernieux, la défense de se confier aux médecins en cas de maladie, etc., etc.
    L'article appliqué par l'arrêt est l'article 18 de la loi du 12 mars 1818, ainsi conçu : « Toutes personnes non qualifiées qui exerceront, quelque branche que ce soit de l'art de guérir, encourront pour la première fois une amende de 25 à 100 florins, avec confiscation de leurs médicaments ; l'amende sera doublée en cas de récidive ! pour la troisième contravention, le délinquant sera puni d'un emprisonnement de quinze jours à six mois. »
    Cette loi, qui remonte au régime hollandais, fut, ainsi que la Cour le rappelle dans l'affaire Dor, interprétée en ces termes en 1856 : « Il y a exercice illégal d'une branche de l'art de guérir lorsque habituellement une personne non qualifiée, en examinant ou visitant des malades, remet ou prescrit un remède pour guérir certaines maladies, indique la manière de l'employer, soit qu'elle agisse dans un but de spéculation ou de charité, soit qu'elle prenne ou non le titre de docteur. »
    Voilà donc consacrées à nouveau des prohibitions indispensables à la sauvegarde de la santé publique et rappelé le très, sage conseil : Ne sutor ultra crepidam !

Le Bruxellois, 15 mai 1917 (source : Belgicapress)

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Père Dor - L'art de guérir (Le Bruxellois, 19 mai 1917)(Belgicapress)

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Père Dor - L'art de guérir (Le Bruxellois, 19 mai 1917)(Belgicapress)    L'ART DE GUERIR. – Comme, en 1904, la Cour d'appel de Liége l'avait fait pour Antoine de Jemeppe, la Cour d'appel de Bruxelles n'a maintenu contre le Père Dor que la prévention de l'exercice illégal de l'art de guérir ; encore fait-elle dans son très long arrêt des distinctions très intéressantes. Le Père Dor, dit l'arrêt, aurait pu échapper s'il s'était contenté d'exposer des doctrines d'ordre général sur le végétarisme, de donner des conseils d'abstention d'ordre moral mais, ce qui ne lui était pas permis, c'était de passer de la théorie à la pratique, de faire l'opération individuelle, de communiquer le « fluide », de recommander les lavements d'eau salée, le thé Chambard, l'eau non bouillie aux nourrissons, l'enlèvement des bandages aux hernieux, la défense de se confier aux médecins en cas de maladie, etc., etc.
    L'article appliqué par l'arrêt est l'article 18 de la loi du 12 mars 1898, ainsi conçu : « Toutes personnes non qualifiées qui exerceront, quelque branche que ce soit de l'art de guérir, encourront pour la première fois une amende de 25 à 100 florins, avec confiscation de leurs médicaments ; l'amende sera doublée en cas de récidive ! pour la troisième contravention, le délinquant sera puni d'un emprisonnement ; de quinze jours à six mois. »
    Cette loi, qui remonte au régime hollandais, fut, ainsi que la Cour le rappelle dans l'affaire Dor, interprétée en ces termes en 1856 : « Il y a exercice illégal d'une branche de l'art de guérir lorsque habituellement une personne non qualifiée, en examinant ou visitant des malades, remet ou prescrit un remède pour guérir certaines maladies, indique la manière de l'employer, soit qu'elle agisse dans un but de spéculation ou de charité, soit qu'elle prenne ou non le titre de docteur. »
    Voilà donc consacrées à nouveau des prohibitions indispensables à la sauvegarde de la santé publique et rappelé le très sage conseil : Ne sutor ultra crepidam !

Le Bruxellois, 19 mai 1917 (source : Belgicapress)

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Une lettre du Père Dor (Gazette de Charleroi, 27 février 1914)(Belgicapress)

Publié le par antoiniste

Une lettre du Père Dor (Gazette de Charleroi, 27 février 1914)(Belgicapress)Une lettre du Père Dor

        M. Pierre Dor, évoqué dans plusieurs articles de la « Gazette », nous envoie le droit de réponse suivant que nous reproduisons parce qu’il donne une idée du thaumaturge de Roux :

                             Roux, le 27 février 1914.
                Monsieur de directeur de la « Gazette de Charleroi »
    En vertu du droit de réponse que me confère la circulation de mon nom dans votre honorable organe et que je respecte bien sincèrement, en ce jour 24 février, je vous prie et vous demande tout à la fois d’insérer dans un numéro de cette semaine ou de dimanche prochain, même rubrique, les lignes ci-après.
   Il est exact que j’ai eu la visite du Parquet et je viens vous demander de bien vouloir rectifier l’article paru à ce sujet, concernant ce qui suit : D’abord il est inscrit : le Parquet chez les Antoinistes, ceci est un erreur, je ne suis nullement Antoiniste : en plus je n’ordonne pas de prière et non plus n’indique par la foi ; au contraire, tout mon travail détruit la prière et la foi : je dis page 54 de mon livre qui n’est pas basé sur la doctrine Antoiniste, mais qui est bien le fruit de mon expérience. Ce livre est intitulé : « Christ parle à nouveau ». Vous pouvez conclure que le Père ne guérit pas par la foi, mais par la pratique de ses instructions : pour la seule raison que recouvrer la santé par la foi, ce n’est pas être guéri, puisque la foi n’est qu’une croyance à une chose non réelle qui laisse l’homme dans les ténèbres après la mort comme avant la mort. Tandis que par l’application de ces enseignements, on est éclairé afin de ne pas se tromper dans le sentier qui mène au but que nous désirons : au bonheur réel. Par la foi, fluide matérielle, on peut obtenir le soulagement, le repos : il suffit simplement pour cela d’être indolent, fluide contraire à la vertu. Ce repos obtenu pour avoir eu foi en sa demande ne peut être que pour servir pour son avancement moral. Que ceux qui souffrent, donc marchent, non pas vers la foi, mais qu’ils marchent vaillamment, en luttant pour surmonter ce qui les fait souffrir, qu’ils marchent d’un pas ferme et résolu pou gravir la pente qui conduit aux cimes qu’on appelle Vertu. Alors, là, leur conscience dégagée, des ombres matérielles, vices et passions, se dressera devant eux comme un juge représentant de la Charité pure, leur demandant : « Qu’avez-vous fait de vos vies ? » Et ils répondront : « Nous avons lutté, nous avons souffert, nous avons aimé, nous avons enseigné le bien, la vérité, la justice ; nous avons donné à nos frères l’exemple de la droiture, du désintéressement ; nous avons soulagé ceux qui souffraient, consolé ceux qui pleuraient. Et maintenant, vous pouvez nous juger, nous voici entre vos mains. » Et on leur répondra : « Passez à droite, car une place vous est destinée dans le royaume des cieux », c’est-à-dire où on jouit de la véritable vie.
    Agréez, je vous prie, Monsieur le Directeur, l’assurance de ma considération distinguée.                                  LE PÈRE DOR.

Gazette de Charleroi, 27 février 1914 (source : Belgicapress)

    Pas trace de cet article dans la Gazette de Charleroi, mais bien dans la Dernière Heure.

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Le Père Dor en Correctionnelle (La Région de Charleroi, 23 novembre 1916)(belgicapress.be)

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Le Père Dor en Correctionnelle (La Région de Charleroi, 23 novembre 1916)(belgicapress.be)

Chronique des Tribunaux

Tribunal correctionnel de Charleroi
Audience du 22 novembre

Le Père Dor en Correctionnelle

LES ALEAS DE LA DIVINITÉ

    Dès 6 heures et demie du matin, nombre de personnes se pressent déjà devant les portes, encore closes du Palais de justice.
    Toutes sont désireuses d'être placées de façon à voir le Christ réincarné et d'entendre la suite de la plaidoirie de Me Lucien Lebeau.
    Le prévenu prend place à son banc quelques instants avant l'ouverture de l'audience.
    La parole est continuée à Me Lucien Lebeau, premier défenseur du prévenu.
    L'honorable avocat rappelle qu'à la dernière audience il en était à la démonstration de la sincérité du Père Dor.
    Celui-ci a mis ses actes en concordance avec ses principes.
    Il reste à dire que la pensée de M. Dor a été de fournir à ses adeptes un aliment sain en recommandant la margarine « Era ».
    La firme Vandenberg's Limited avait le monopole de la vente. Le prévenu n'a en aucune idée de lucre.
    Il est évident qu'un autre personnage n'aurait eu en vue que de gagner de l'argent.
    Comment peut-on concilier pareillement mentalité avec celle d'un épervier, oiseau de proie ?
    Dans ces conditions, le tribunal voudra-t-il faire des difficultés pour reconnaître la sincérité de M. Dor ? Non, n'est-ce pas.
    Personnellement, Me Lebeau avait tenu, au début, en suspicion la sincérité du prévenu, mais lorsqu'il connut la vie de M. Dor, il ne pensa plus ainsi.
    Il y aussi le fait Delcroix. M. Delcroix avait offert à M. Dor une somme de 5.000 francs pour avoir guéri son épouse.
    M. Dor a refusé. Le témoin a déclaré que si le prévenu avait insisté pour en obtenir 10.000, il les aurait donnés volontiers.
    Voilà donc M. Dor qui refuse alors que de bon gré on voulait lui donner de l'argent. Voilà un singulier escroc ! Les Chartier se plaignent que M. Dor leur a escroqué de l'argent sous la menace de douleurs morales, alors qu'il refuse de l'argent – 10,000 francs – qu'on lui offre.
    De pareils exemples ne peuvent pas se concilier avec are intention cupide de la part de M. Dor.
    Il règne dans la sphère des adeptes du Père Dor, la conviction qu'on ne pouvait pas offrir de l'argent.
    Me Gerard. – Il était bien triste lorsqu'on mettait des boutons de culotte dans le tronc ?
    Me Lucien Lebeau. – Il ne voulait pas être l'objet de plaisanteries.
    Me Bonehill. – Pourquoi votre client a-t-il accepté notre argent ?
    Me Lebeau. – Mais ne m'interrompez pas, je vous prie.
    Me Bonehill. – Pendant ma plaidoirie, vous m'avez interrompu continuellement, à tel point que Me Morichar a dû vous engager à vous asseoir.
    Me Lebeau. – Puisqu'alors vous protestiez, prêchés maintenant d'exemple. (Rires).
    M. le Président. – C'est cependant ce que vous devriez plaider : c'est ce point que signale Me Bonehill.
    Me Bonehill. – Absolument.
    Me Lebeau. – J'y viendrai mais il y a deux faits : l'escroquerie morale et la matérielle.
    Il régnait donc parmi les Doristes l'opinion qu'il ne fallait rien donner.
    Il est évident que M. Dor avait inspiré à ses adeptes le mépris de l'argent, mais non à son avantage.
    L'honorable défenseur rappelle le cas de M. Muylaerts dont la femme avait fait un don anonyme de 150 francs que M. Dor a fait rependre à la suite de son prêche.
    Le fait d'avoir mis un tronc dont le contenu devait servir à la construction de la salle est parfaitement logique et ne constitue pas une escroquerie.
    Les avis qu'il publiait étaient significatifs à cet égard. Chaque geste du Père Dor, constitue au contraire, un geste repoussant l'argent.
    M. Dor est réellement un croyant, un illuminé qui ne croit pas à la valeur de l'argent.
    Il tient en justice autre chose que des affirmations toutes gratuites.
    M. Dor est, au contraire, un homme naïf.
    Il a commis des maladresses qui jurent avec la prévention dont on l'accable. Dans l'affaire de la margarine il se compromet sans profit pour lui. La brochure qu'il a faite en 1915 à l'occasion de son procès constitue une nouvelle maladresse.
    Il y a écrit que ses adeptes devaient déposer en toute sincérité et il a envoyé cette brochure à la plupart des magistrats. S'il avait voulu prescrire à ses adeptes un faux témoignage, il l'aurait fait de personne à personne, on sait que les femmes, même doristes, sont des bavardes. (Hilarité.)
    Me Gérard. – Alors pourquoi demandait-il à ses adeptes de lui communiquer par écrit les témoignages qu'ils allaient faire devant le tribunal ? Pour tirer les meilleurs sans doute ?
    Me Lebeau. – Non, non ; M. Dor est monté en chair, il devait parler et il a parlé.
    Me Gérard. – A bon entendeur, salut.
    Me Lebeau. – M. Dor fait placarder une affiche invitant les personnes désireuses de faire une bonne œuvre de faire un don pour le chauffage de la salle. Il faisait donc tout au grand jour, et on a représenté cet homme comme un être tortueux.
    M. Dor a bien dit un jour à M. Chartier qu'il avait un tempérament apoplectique, mais il y a une nuance avec l'insinuation du témoin Chartier qui a affirmé que le prévenu l'avait menacé d'apoplexie.
    J'ai déjà entendu des gens qui disaient : « Il faut être stupide pour aller à la messe ». J'ai trouvé ce raisonnement stupide, car les personnes qui ont la foi sont des fonctionnaires, des commerçants pour qui le fait d'aller à la messe constitue un gage de succès dans leur avancement ou dans leurs affaires.
    Il en est de même pour les Doristes parmi lesquels nous voyons un officier de police et des artisans.
    Un témoin est venu dire : « Oui je crois que M. Dor est le Christ réincarné et qu'il est ici comme il était devant an tribunal il y a 2000 ans. »
    Et bien ce témoin était sincère.
    Me Gérard. – Et ce témoin s'est rétracté au sujet des bandages herniaires.
    Me Lebeau. – J'y viendrai, tous les témoins Doristes étaient sincères.
    Quand j'ai demandé à M. Muylaerts s'il savait qu'il y avait une seconde édition du livre « le Christ parle à nouveau », le témoin a répondu : « Je crois que... » Les mots « je crois que » prouvent la sincérité du témoin.
    Le chef et le fondateur de cette petite église est M. Dor.
    Cette église a un noyau d'adeptes, 8,000 je crois.
    Le prévenu. – 15,000.
    Me Gerard. – Le boudhisme en a 500 millions.
    Me Lebeau. – Toutes les personnes qui rendent journellement visite au Père Dor sont donc des adeptes qui étaient malades physiquement avant de l'être moralement.
    Me Gérard. – Je retiens l'aveu.
    Me Lebeau. – Ne m'interrompez pas ainsi, je vous prie. Toutes ces personnes sont donc des adeptes qui viennent se confier au fondateur de l'Ecole morale.
    Il dit lui-même dans une brochure que ses adeptes viennent régulièrement le consulter pour entretenir leur loi dans sa morale. Outre les consultations individuelles, il y a aussi des réunions publiques collectives.
    En outre, il y a de petits cénacles pour la lecture. Ceci évoque les réunions de protestants pour lire la Bible.
    Le culte Doriste est donc semblable à tous les autres cultes.
    Il est à remarquer que le droit de croire est accompagné du droit d'organiser des manifestations extérieures sans pouvoir être interdit ni poursuivi.
    M. le Président. – Nous sommes tous d'accord là-dessus.
    Me Lebeau. – Pour exercer ce culte, on peut ouvrir un temple ou une église.
    Il y a les cultes reconnus et les cultes non reconnus, mais leur liberté, à l'un comme à l'autre, est garantie par l'article 14 de la Constitution.
    Dès qu'on professe une foi, il faut un temple, des réunions, du charbon et dès lors il y a un problème financier et M. Dor avait le droit de le résoudre.
    M. Dor avait donc besoin d'argent et il a mis un tronc dont l'argent a servi à l'édification de la salle.
    Cette dernière ayant été construite, le tronc fut enlevé et cependant il avait le droit de le garder ; il est impossible qu'il put vivre d'un autre métier. Ceux qui ont le droit de demander des comptes à M. Dor ce sont les gens qui lui ont donné de l'argent.
    Le tribunal doit s'incliner devant cette petite église parce qu'elle échappe à sa compétence. S'il y avait des manœuvres basses et grossières pour gruger des imbéciles, le tribunal aurait quelque chose à y voir.
    Je comprendrais poursuivre des imposteurs tels que le bon Dieu de Ressaix et autres personnes n'appartenant à aucun culte et qui cependant s'occupent de guérir. Dans le cas présent, M. Dor est le chef d'une église et d'une doctrine.
    Dire que cette doctrine n'est pas vraie et la condamner atteindrait les adeptes dans leurs convictions les plus chères.
    Me Lebeau aborde enfin l'examen de manœuvres frauduleuses que l'on reproche à M. Dor.
    Il s'étonne qu'on ait poursuivi ce dernier.
     Les Doristes ont une morale qu'ils s'efforcent de pratiquer.
    Il est injuste de chicaner M. Dor qui, au lieu d'ouvrir un cinéma, un café ou une maison de prostitution a ouvert une école morale où il enseigne une morale supérieure pour le plus grand nombre de ces innombrables personnes qui la fréquentent.
    Il eut mieux valu s'inspirer des procédés usités en Amérique et en Angleterre, qui laissent en paix ces petits cultes ; dans ces pays, on n'est pas plus catholique que le pape. Pourquoi, ici, réclamer sur une question de quelques pièces de cent sous ?
    On a dit que Dor est un charlatan. On réclame de lui les qualités contraires à celles qui sont nécessaires pour réaliser une œuvre comme la sienne.
    Cette œuvre suppose une conviction que les idées que l'on a sont supérieures à celles des autres. S'ils n'avaient pas cette conviction, les Doristes ne seraient pas ce qu'ils sont.
    Ils ont des expressions qui leur sont propres, Luther s'est attaqué au pape, il a soutenu à la face du monde qu'il était l'Ante-Christ ; il avait en lui une confiance extraordinaire, il a réussi et de par son influence il a même provoqué des guerres.
    Il arrive souvent aux fondateurs de religions qu'ils ont l'impression que leurs idées viennent du ciel et ce à cause de l'intensité de leurs convictions. Ils ont des visions et c'est ainsi que Mahomet a fort bien pu dire qu'il avait reçu la visite de l'ange Gabriel...
    Par une intention honnête, M. Dor a dit : « Le Christ parle à nouveau » et il était sincère quand il s'est dit le Christ réincarné, le Messie du 20e siècle.
    Il n'a ici aucune intention frauduleuse en s'appelant de la sorte.
    C'est l'ordre religieux avec des exagérations, avec des emphases.
    Le tribunal l'admettra comme naturel.
    M. le procureur du roi doit démontrer au moyen d'autres arguments qu'il y a intention frauduleuse. On reproche à M. Dor un esprit de lucre. Ici encore il y a une déduction fausse.
    Le prophète est souvent dépourvu de délicatesse et de goût, car parlant aux foules, il emploie un langage spécial et imaginé destiné à faire impression.
    On se demande comment le Père Dor a mis au bas de la première page de son livre que la base de ses principes était l'amour du Bien.
    Si M. Dor était un réel charlatan, il eut plutôt écrit : « Guérison certaine, concurrence impossible » ; chez les Salutistes, l'allure réclamière se confond avec l'allure commerciale.
    Encore une fois, la thèse de M. le Procureur du Roi devrait prouver qu'il y avait un intérêt cupide.
    En réalité, il faut prendre l'homme dans son ensemble. Les qualités s'accompagnent immanquablement de défauts.
    On est descendu encore plus bas dans les objections. On lui a reproché son costume. C'est un argument qui ne prouve rien.
    Le choix de notre costume, le choix de la coupe de cheveux et de la barbe ; c'est le reflet de nos idées et de nos caprices personnels.
    M. Dor, notamment, qui est convaincu qu'il est dépositaire de la doctrine du Christ, a cru tout naturel de se vêtir et de se « croquer » à la mode de ce dernier.
    L'allure extérieure de son costume d'apôtre le maintient dans son rôle. Nous ne sommes pas seulement une âme, mais aussi un corps.
    Toutefois, il ne faut pas croire que le port de cet habit influe d'une façon exagérée sur l'esprit des adeptes.
    Me Bonehill a entamé là-dessus un couplet...
    Me Bonehill. – Et vous, vous entamez le refrain. (Rires).
    Me Lebeau... fort fallacieux destiné à abaisser les idées de morale de M. Dor.
    Celui-ci invite la personne qui vient le trouver à avoir un ton sérieux.
    M. Dor fait quelques gestes rudimentaires, il n'y a ni feux de rampe, ni vitraux, ni jet de lumière.
    Ces cérémonies rudimentaires s'exerçant dans un temple, dans un milieu spécial, ne constituent pas une intention frauduleuse.
    M. Dor veut convertir des âmes à un culte. Il y a les robes d'avocats.
    Me Bonehill. – Ne déconsidérez pas notre robe.
    Me Lebeau. – L'esprit des croyants doit être impressionné.
    M. Dor fait un minimum de cérémonie : c'est son droit. 0n lui reproche qu'il s'attribue le pouvoir de guérir, mais les adeptes reconnaissent que le Père Dor soulage simplement.
    Lorsque M. Dor dit que recevant des malades, il les soulage, ment-il ? Non puisque Me Gérard a reconnu que le prévenu avait un fluide particulier.
    A cet égard il est utile de rappeler les poursuites dont fut l'objet Antoine le Guérisseur et le Parquet de Liége peut être plus avisé que celui de Charleroi, a délégué deux médecins qui ont interrogé le Père Antoine et divers de ses adeptes se disant guéries.
    Ces docteurs se sont acquittés de leur tâche avec une grande conscience.
    Ils admettent la sincérité du Père Antoine et reconnaissent certaines guérisons jugées impossibles dans certains cabinets de docteurs.
    Le père Antoine n'était donc pas un imposteur ni un escroc, mais bien un homme sincère.
    Le tribunal s'inspirera des conclusions de ce rapport et ne frappera pas le Père Dor.
    M. Dor ne dit même pas qu'il guérit les gens, mais dit au contraire que ces derniers sont soulagés mais non guéris. Vous seuls pouvez vous guérir par effort personnel.
    Un charlatan tiendrait un autre raisonnement, profiterait du premier mouvement d'extase du malade pour le persuader de sa guérison radicale.
    M. Dor conseille alors de suivre les instructions contenues dans son livre.
    Dans l'esprit de M. Dor, la guérison véritable, c'est de faire disparaître la cause et on n'y arrive qu'en pratiquant sa morale.
    Il s'intitule le guérisseur des âmes souffrantes. Si on le consulte comme guérisseur de maux physiques, pour ensuite aller se replonger dans les plaisirs malsains, M. Dor déclare lui-même que tel n'est pas son pouvoir, car il ne fait que soulager, mais ne guérit pas.
    Le travail du charlatan a pour but de soutirer de l'argent et dans ce but ne sous évalue pas son travail. Il promettra le maximum d'effet avec le minimum d'efforts.
    M. Dor fait le contraire ; la pratique de sa morale est extrêmement dure et sévère. Il exige de ses adeptes un effort absolument surhumain.
    La conséquence en est que la façon d'agir de M. Dor est contraire à celle des charlatans.
    Le petit miracle qu'il réalise par le soulagement momentané, il en détruit de suite l'impression dans l'esprit de son adepte à qui il impose sa doctrine morale.
    S'il guérit, s'il soulage, on a dit que c'était au moyen de son fluide. Ceci est une blague.
    Par fluide, qu'entend M. Dor ? C'est un mot qu'il a emprunté à la science spirite.
    Il parle du fluide homme, fluide de colère, etc.
    Il veut dire que ce sont des essences qui dégagent certaines influences.
    Il veut parler de son influence à la fois morale et physique.
    Le corps de l'homme a des nerfs et il est indéniable qu'il dégage une influence morale.
    Me Lebeau parle de l'opération individuelle reprochée au prévenu.
    Me Bonehill. – Parlez-nous de la pompe foulante.
    Me Gérard... et aspirante.
    Me Lebeau. – J'en parlerai tantôt.
    Me Bonehill. Vous allez toujours parler de tout et vous n'en faites rien. Vous n'avez pas encore rencontré la prévention.
    Me Lebeau. – Je suis convaincu du contraire. Le grand mérite du Père Dor est qu'il dit aux gens qu'il guérit qu'il y est arrivé parce qu'il était mû à leur égard de grands sentiments de charité.
    C'est donc dire à ces personnes : pratiquez la charité et alors vous complèterez votre guérison.
    Cette théorie a pour eux un effet foudroyant et la pratique de ce principe amène un résultat étonnant.
    Aux docteurs il manque cet ascendant moral que possède M. Dor à la suite de circonstances particulières.
    Les Doristes ont pour M. Dor une reconnaissance qui va jusqu'au délire.
    Il n'y a pas eu de pratiques mystérieuses.
    Me Gérard. – Parlez nous de l'eau salée ?
    Me Lebeau. – Nous en parlerons, soyez tranquille, et vous verrez que l'eau salée se dessalera.
    L'honorable avocat rappelle les dépositions des témoins à décharge qui tous ont dit qu'il n'y avait pas de passes magnétiques, que M. Dor n'employait aucune manœuvre spéciale et qu'il n'y a pas d'opération individuelle.
    La pose du Père Dor est une pose évangélique. L'opération générale est celle qui est faite pour les vivants et les morts.
    Il ne s'agit pas de guérison : c'est la célébration de la fête de la Toussaint, fête catholique.
    Le jour de la célébration de cette fête, il y a chez les Doristes un sentiment de pieux souvenir à l'adresse de ceux qui sont morts.
    M. Dor n'a rien innové, mais il a trouvé en lui-même des notions d'amour et de bien.
    Le sentiment religieux est un sentiment excessif qui pousse l'adepte à un élan furieux qui aboutit parfois à un sacrifice personnel ; ils ne sont pourtant pas fous. Qu'étaient-ce les chrétiens dans les temps primitifs ?
    Ces gens étaient les esclaves pauvres et misérables, ils étaient traqués et se réunissaient dans les catacombes où ils célébraient le culte à l'intention du Christ leur sauveur, dans les yeux ils avaient les éclairs de la foi religieuse.
    Les Doristes sont mus par ce même sentiment et le transport de ces gens est dicté par leur reconnaissance envers le père Dor qui les a délivrés d'un esclavage moral. Vous devez admettre la sincérité de M. Dor qui tient beaucoup plus à son rêve qu'à l'argent.
    Lorsque les adeptes achetaient un livre, c'était dans l'intention non de rémunérer M. Dor, mais bien dans le but de s'initier à sa doctrine. Le livre précieux contenant les principes du Père Dor constitue pour ses adeptes un livre évangélique.
    Il est établi que M. Dor ne demandait à personne d'acheter ce livre.
    Seuls, les époux Chartier et Mme Delisée ont prétendu le contraire.
    Le prévenu n'a même plus voulu, à un certain moment, qu'on vendit le livre. Ces gens savaient cependant que le Père Dor réalisait un bénéfice sur la vente des livres, mais ils n'ignoraient pas que M. Dor devait vivre et ils savaient qu'ils l'aidaient de la sorte.
    Depuis la guerre, le colportage a complètement cessé.
    Qui vendaient les brochures ? Mais précisément les époux Chartier et Mme Delisée. Pour acheter les brochures, on devait s'adresser à cette dernière et si M. Dor avait tenu à exploiter cette vente, à la forcer même, il eut donné des instructions dans ce sens à Mme Delisée ; or, celle-ci, n'en a jamais rien dit. M. Dor n'a donc jamais eu cette pensée : celle de s'enrichir.
    Ce qu'il demande à la vente de ces brochures, c'est de gagner de quoi vivre.
    Le désintéressement et la sincérité de M. Dor sont une fois de plus démontrés.
    L'audience est levée à midi 45 ; elle sera reprise mercredi prochain à 9 heures du matin.
    Me Lebeau a déclaré en avoir encore pour deux bonnes heures.
    La sortie du Palais se fait dans le calme le plus complet, mais dès que Pierre Dor paraît ce sont des huées et des coups de sifflet à son adresse.
    Suivi d'une foule d'environ 1500 personnes, le prévenu entouré de quelques partisans se dirige vers la gare de Charleroi-Sud.                                       RASAM

La Région de Charleroi, 23 novembre 1916 (source : belgicapress.be)

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Procès de Presse - Pierre Dor (La Gazette de Charleroi, 12 décembre 1919)(Belgicapress)

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Procès de Presse - Pierre Dor (La Gazette de Charleroi, 12 décembre 1919)(Belgicapress)

CHRONIQUE JUDICIAIRE
Tribunal Correctionnel de Charleroi
Audience du 11 décembre

    PROCES DE PRESSE. – Le père Pierre Dor intente un procès à M. Camille Pestiaux, pour non insertion d'un droit de réponse dans le journal « La Région ». L'affaire est reportée au 8 janvier et passera devant la 9e Chambre.
    M e Juste plaidera pour M. Pestiaux et M e Lebeau pour le père Dor.

La Gazette de Charleroi, 12 décembre 1919 (source : Belgicapress)

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Alceste - Quotidiennes sur Pierre Dor (La Gazette de Charleroi, 25 février 1914)(Belgicapress)

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Alceste - Quotidiennes sur Pierre Dor (La Gazette de Charleroi, 25 février 1914)(Belgicapress)Quotidiennes

    Le parquet a donc opéré une descente chez le père Dor, le thaumaturge de Roux. On lui reproche d'exercer illégalement l'art de guérir. Ce reproche me paraît extraordinaire. Car enfin, la loi est inhumaine qui interdit de guérir en dehors de certaines règles déterminées. Guérir est l'essentiel. Ce que la loi devrait proscrire, sous peine de sanctions rigoureuses, c'est l'art de ne pas guérir.
    Pierre Dor n'a pas de parchemin délivré par les bonnets carrés de l'Université. Pour ma part, je regarderais à deux fois avant de m'abandonner à ses soins magiques, car j'ai encore le respect atavique des diplômes qui constituent, en somme, une présomption de savoir. Mais Dor n'est pas seul dans son cas. Où sont, je vous la demande, les diplômes de la kyrielle de bienheureux et de bienheureuses établis, depuis des siècles, spécialistes des affections les plus diverses et les plus délicates ? Si le parquet contrarie le père Dor dans l'exercice de sa profession, il doit, en toute équité, sévir aussi contre saint Hubert, saint Guy et les autres médecins du paradis.
    On dit que le thaumaturge de Roux opère par l'imposition des mains. C'est une méthode divine. Jésus l'a illustrée, sans compter Mahomet dont les musulmans, égarés par leur fanatisme sectaire, prétendent que les prodiges sont les seuls authentiques.
    On m'objectera que cette thérapeutique n'a de valeur que par celui qui l'emploie. Excellente quand Jésus l'utilisait, elle est illusoire lorsqu'un Dor y recourt pour abuser la crédulité populaire.
    Ce raisonnement est fallacieux. Certes, le Sauveur a accompli des miracles, mais Dor en a effectué également. Invoquez donc le témoignage de ses fidèles : ceux-ci seront des centaines à attester, par serment, qu'il les a guéris de la jaunisse, du diabète, de la gale et de tout ce qu'il vous plaira. Et comment auriez-vous le droit de rire de leurs témoignages, alors que vous acceptez sans discussion ceux de gens trépassés depuis vingt siècles ?
    Je commence à croire véhémentement que, si le Seigneur recommençait ses cures merveilleuses en notre beau pays, il recevrait la visite des gendarmes et serait coffré par la magistrature catholique.
                                                                                 ALCESTE.

La Gazette de Charleroi, 25 février 1914 (source : Belgicapress)

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Le père Dor contre ''La Région'' (Gazette de Charleroi, 6 février 1920)(Belgicapress)

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Le père Dor contre ''La Région'' (Gazette de Charleroi, 6 février 1920)(Belgicapress)CHRONIQUE JUDICIAIRE
Tribunal Correctionnel de Charleroi

Le père Dor contre “La Région„

    On se souvient que, pendant l'occupation, le père Dor fut condamné par le tribunal correctionnel de Charleroi pour escroqueries, exercice illégal de l'art de guérir, etc.
    La Cour d'appel de Bruxelles révisa ce jugement et, le 16 mai 1917, le père Dor fut acquitté de la prévention d'escroquerie.
    Le surlendemain, le journal « La Région » publia en deuxième page un article signé M. R., intitulé « La Justice » et dont le thème était fourni par le procès du père Dor. Celui-ci y était cité nominalement.
    Le 29 mai 1917, le père Dor envoya un droit de réponse qui ne fut pas inséré. Il en envoya alors un second reproduisant l'arrêt de la Cour d'appel ; celui-là non plus ne fut pas inséré.
    Le 6 novembre 1917, « La Région » fut assignée une première fois. L'audience devait se tenir en janvier 1918. La séance fut remise mais, sur ces entrefaites survint la suspension des audiences.
    Le 25 novembre 1919, le père Dor assigna de nouveau « La Région ». L'affaire fut inscrite au rôle plusieurs fois et, finalement, remise à cette audience.
    Me Lebeau plaide pour le père Dor. Il évoque l'ombre de « La Région » et rend hommage à la presse qui, par dignité et par patriotisme, refusa de se soumettre à la censure. « La Région » dit Me Lebeau, s'est jetée sur tous les prétendus scandales qui se sont commis pendant l'ocupation pour les donner en pâture au public. C'est ainsi qu'elle s'est activement occupée de l'affaire Dor, accablant, dès l'ouverture de l'instruction, le père Dor d'injures et de calomnies.
    Me Lebeau accorde au père Dor une confiance complète et le considère comme un homme irréprochable et honnête. Il s'étend assez longuement sur sa doctrine philosophique et sur les procédés « fluidiques » qu'il employait pour soulager les malades qui se présentaient à lui.
    Me Lebeau insiste sur l'indignité de la partie citée. Il lit l'article de « La Région » incriminé et le droit de réponse du père Dor : celui-ci rend hommage aux juges qui l'ont acquitté, à l'avocat qui l'a défendu, en l'occurrence Me Lebeau, et à notre collaborateur Alceste.
    Me Lebeau réfute, avant la lettre, les objections de son adversaire.
    Le droit de réponse ? Il était fondé puisque le père Dor était cité.
    Les tiers cités ? Le père Dor pouvait le faire, en vertu d'un arrêt de la Cour de cassation de 1883, puisqu'il n'y avait pas d'imputations calomnieuses à leur charge.
    Le droit de réponse devait être visé par la censure ? Cela regardait la rédaction du journal.
    Me Lebeau conclut en insistant sur le préjudice causé, par l'article incriminé, au père Dor et réclame pour celui-ci 3000 frs de dommages-intérêts et la contrainte par corps.
    Me Lefèvre défend Pestiaux, l'éditeur responsable de « La Région ». Il s'étonne que son adversaire veuille embrouiller la situation en faisant le procès de « La Région » alors qu'il ne s'agit que d'une querelle entre le journal et le père Dor.
    Il fait l'historique du procès et soutient qu'il était impossible de vivre pendant cinq ans sans nouvelles quotidiennes données par un journal. Le fait de se soumettre à la censure, dit-il, ne tomba pas sous l'application de la loi et, du reste, le père Dor s'y est lui-même soumis puisqu'il a fait éditer des brochures pendant la guerre.
    Me Lefèvre ridiculise le père Dor et son « fluide » ; c'était, dit-il, un charlatan et un escroc. L'arrêt de la Cour d'appel est un brevet de malhonnêteté. Un des attendus est, en effet, rédigé à peu près comme suit : « Attendu que le délit a été commis six ans avant l'assignation, la prescription est acquise. Pour les autres faits, continue l'arrêt, il ne sera pas condamné, car il n'est pas absolument impossible qu'il soit de bonne foi. »
    On se trouve donc en présence, dit Me Lefèvre, d'un cas pathologique peu ordinaire : ou bien le père Dor est un malhonnête homme ou il est une espèce d'illuminé irresponsable.
    « La Région » a donc bien fait de ne pas insérer cet arrêt dans l'intérêt du père Dor. De plus, la réponse n'était pas adéquate ; donc, il n'avait pas le droit de la faire imprimer.
    Quant aux personnes citées, elles auraient parfaitement pu envoyer des droits de réponse. Le père Dor se répand en éloges dithyrambiques sur vous, mon cher confrère, dit Me Lefèvre. Je ne doute pas que le ridicule dont le père Dor vous couvrirait de la sorte ne vous ait été fort désagréable : vous auriez très bien pu, à votre tour, envoyer à « La Région » un droit de réponse.
    Quant à Alceste, le père Dor eut voulu qu'on reproduisit des extraits d'une de ses « Quotidiennes », mais il y ajoutait des expressions à sa façon et Alceste se serait certainement froissé de cette collaboration intempestive qui eût pu, elle aussi, attirer un droit de réponse à « La Région ».
    Enfin, en ce qui concerne le visa de la censure, c'était au père Dor à l'obtenir car « La Région » n'était pas son commissionnaire.
    Me Lefèvre aborde ensuite la question des dommages-intérêts. Les faits étant couverts par la loi d'amnistie, aucune condamnation pénale n'est possible. Il n'a été causé aucun préjudice au père Dor ; bien au contraire, on lui a rendu service en lui évitant le ridicule.
    Me Lebeau réplique. Dor a été légalement acquitté pour les faits qui lui étaient reprochés. Dor est moralement le frère du Christ, s'exclame l'avocat ; je l'ai affirmé devant la Cour d'appel et je le répète encore ici.
    Dor avait intérêt à faire publier sa réponse. On ne l'a pas insérée ; il a donc subi un dommage.
    La parole est ensuite donnée à M. le substitut du Procureur du Roi qui demande la remise de l'affaire à quatre semaines afin de pouvoir étudier le dossier pour donner son avis.
    M. le président remet donc cette affaire à l'audience du 4 mars.

Gazette de Charleroi, 6 février 1920 (source : Belgicapress)

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Le ''Christ'' devant ses juges (Le Messager de Bruxelles, 20 novembre 1916)(Belgicapress)

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Le ''Christ'' devant ses juges (Le Messager de Bruxelles, 20 novembre 1916)(Belgicapress)

CHARLEROI
(De notre correspondant particulier)
Le « Christ » devant ses juges
Plaidoirie de Me Lebeau, un des défenseurs
du Père Dor

    Avant d'entamer le fond de sa plaidoirie, Me Lebeau rend hommage à l'honorable tribunal et particulièrement au président, qui, par sa patience, sa bonne grâce vis-à-vis de la défense, a permis que la vérité se lit éclatante et convaincante sur la légende de l'Ecole Morale en dépit des calomnies infames dont elle fut l'objet. Il souligne que ce n'est qu'après les plaintes Chartier et Delysée que le Parquet se décida enfin à effectuer une descente à Roux, et à ouvrir une instruction. On escomptait un scandale ; la déception fut vive car on ne découvrit rien de semblable : l'Ecole Morale était à l'abri de tout reproche.
    Il dit avoir écouté avec attention les brillantes plaidoiries de ses adversaires ; celle de Me Bonnehill surtout, qui contenait certaines affirmations des plus graves pour le Père et son œuvre, et où la rage et la passion étaient distillées, et qui renfermait beaucoup d'invectives qu'il a été surpris d'entendre de la part d'un tel confrère à la parole si élégante. N'a-t-il pas dépassé la mesure ?
    Me Lebeau y voit une maladresse, car lorsqu'on emploie des moyens qui dépassent le but, on nuit à sa propre cause. Il reproche aussi cette manière de plaider où il oppose continuellement le vrai Jésus avec Dor et l'appel fait au tribunal pour qu’il « tue » avec le Père Dor les doristes eux-mêmes. Il met en garde le tribunal contre son propre sentiment dans ces questions religieuses.
    L'enquête a fait naître un sentiment qui sera partagé par le tribunal ; pour Me Lebeau, c'est une demi-révélation, c'est que le Dorisme, c'est-à-dire la petite église qui s'est formée autour de Dor, est un phénomène d'ordre religieux : c'est là la véritable caractéristique de cet état d'esprit, de cette mentalité étrange qui s'est manifestée à l'audience. Le dorisme est une manifestation de cet état d'esprit propre à tout homme qui recherche son idéal : à se troubler devant certaines manifestations des forces de la nature devant la mort, devant le problème de l'au-delà. Au domaine religieux appartient précisément ce phénomène moral de la conversion que l'éminent avocat définis dans toutes ses phases avec une rare maîtrise et qu'il agrémente de citations de Tolstoï, Pascal et Ibsen.
    Les doristes ont précisément été l'objet de cette conversion morale pour la plupart, c'est la maladie qui en a été la cause primordiale, car ils n'avaient pas trouvé auprès des hommes de l'art le soulagement qu'ils escomptaient ; Dor, avec sa doctrine, leur a révélé la valeur mystique de la souffrance qui constitue un avertissement, pour adopter une ligne le conduite meilleure, car on ne peut se libérer de la souffrance qu'en se dématérialisant.
    Les convictions des doristes sont donc à la fois d'ordre moral et d'ordre religieux. C'est une secte bien caractérisée comme on en rencontre beaucoup en Angleterre où tout le monde peut devenir un innovateur et réunir autant d'adeptes qu'on le peut.
    Me Lebeau, très habilement, invoque la jurisprudence belge basée sur la liberté des cultes. Il définit exactement la nature du procès engagé qui vise plus haut que le simple délit d'escroquerie et même de l'art de guérir et se fait un argument puissant des protestations exubérantes de la reconnaissance et de la vénération des adeptes du Père Dor, que ceux-ci considèrent comme un être suprême et non à l'égal d'un simple rebouteur guérissant avec ou sans diplôme, auquel on doit de la reconnaissance, et rien de plus, Dor est plus que tout cela, c'est le fondateur de leur religion. L'éloquent et persuasif défenseur insiste sur cette constatation qui doit, selon lui, emporter l'acquittement du prévenu. L'action du Ministère public doit fatalement se briser dès lors contre un obstacle d'ordre constitutionnel, contre l'art. 14 de la constitution belge : La liberté des cultes. Le tribunal peut-il, en conscience, décider que la doctrine Doriste n'est qu'un amas d'insanités, qu'elle constitue un artifice pour l'exploitation des crédules ! Si une condamnation devait intervenir, c'est admettre que les 1,500 ou 2,000 adeptes de Dor se sont trompés du même coup.
    Le tribunal ne le peut ; la constitution belge d'abord s'y oppose et ensuite le tribunal ne peut s'ériger en concile charge de juger une hérésie. En frappant Dor, on atteint l'unique dépositaire de la doctrine Doriste, mais Dor n'a commis aucun délit de droit commun ; on veut atteindre surtout la religion qu'il a fondée. Tout sentiment religieux, quel qu'il soit, doit être respecté. Au cas d'une condamnation du fondateur de la religion doriste, deux hypothèses se présenteraient : Ou bien Dor s'inclinerait devant la sentence et alors ce serait l'effondrement suivi du découragement de milliers de doristes revenus à la pratique d'une meilleure vie par suite d'un puissant effort sur eux-mêmes et l'impossibilité pour eux de s'attacher à d'autres croyances ; ou bien encore que Dor et les doristes ne s'inclineront pas devant le jugement ; sachant que Dor n'est pas un imposteur, il lui décerneront la palme du martyr et le vénéreront comme tel, et le résultat sera dès lors contraire à celui auquel on voulait arriver...
    L'honorable avocat disserte longuement sur la religion bouddhiste, qui présente une grande analogie avec la religion doriste ; il établit des comparaisons très habiles que nous nous dispenserons, bien à regret, de publier pour la documentation de nos lecteurs, mais qui démontrent que la religion doriste, à peu de chose près, est issue des doctrines du Bouddha, sans que Dor en ait jamais eu l'intuition bien définie. Me Lebeau en arrive à examiner si Dor est réellement sincère.
    Le tribunal aura certainement retenu une impression favorable de l'interrogatoire du prévenu, qu'il considèrera peut-être comme un ascète, un rêveur, un contemplateur, mais non pas comme un vil escroc. Tout concorde à établir que Dor vivait pauvrement, qu'il se cloitrait, lisant, écrivant, recevant tous les jours 5 à 600 personnes, se livrant en un mot à une besogne obsédante, déprimante. On re peut affirmer qu'il avait l'amour de l'argent puisqu'il vivait misérablement, ne se livrait à aucune dépense, donnant seulement à ses deux fils une instruction rudimentaire : l'un est apprenti ouvrier, l'autre plus jeune, suit des cours à l'Ecole de St. Gilles.
    On critique aussi ses ouvrages ; on y relève beaucoup d'inexactitudes, on a débité beaucoup de plaisanteries ; mais plaisanter n'est pas raisonner ; Dor n'a aucune prétention : ce n'est pas un lettré ni un érudit, et néanmoins il y a dans ses livres de belles pages (il lit plusieurs pages que l'auditoire, amusé, écoute), et on conclut que les ouvrages de Dor peuvent être lus sérieusement, car ils ont été consciencieusement pensés et écrits. Pas de talent, certes, mais des convictions ardentes, remarquables, personnelles, ce qui est étrange. On a prétendu que ce livre avait été corrigé, écrit par une autre personne, mais on n'a jamais pu le prouver ni désigner un autre auteur que Dor !
    A ce moment, une femme s'évanouit : vif moi passager ; un policier la transporte dans une salle contiguë où on lui prodigue des soins.
    Me Lebeau verse au dossier de nombreux cahiers renfermant les brouillons des théories du Père publiées dans les brochures incriminées. (Remarque de Me Bonnehill, les dites pièces n'ayant pas été enregistrées.)
    Me Lebeau veut démontrer d'une manière lumineuse la sincérité de son client. Dor prêche le désintéressement et montre l'exemple. En effet, il est parvenu à réunir des preuves écrites de son désintéressement : il a derrière lui tout un passé d'honnêteté et de probité. A la suite d'un accident de travail dont il fut victime, il abandonna sa profession d'ajusteur et s'établit dans le commerce, il devint successivement épicier, puis restaurateur à la Porte du Temple d'Antoine, son oncle, où il gagnait beaucoup d'argent (les témoignages abondent dans ce sens). Il est de bonne conduite et de mœurs honorables, une attestation du commissaire de police de Jemeppe en fait foi ; ce n'est ni un escroc ni un imposteur, son casier judiciaire est vierge et il jouit de l'estime et de la considération de ses concitoyens. Attiré par les belles maximes d'Antoine, son oncle, il devint un de ses adeptes, mais se détacha bientôt de lui, c'est alors qu'il connut un industriel de Liége, nomme V..., qu'il guérit d'une grave maladie. Cet industriel lui avait voué une gratitude illimitée, il l'amena en Russie où il fut l'objet des sollicitations de la médecine et des agents de la police et revint en Belgique où il vint s'installer à Roux ; afin d'aider à ses premiers besoins, l'industriel V... fut sollicité pour un prêt de 5,500 francs, qu'il consentit avec empressement et sans espoir de remboursement (une lettre émanant de cet industriel en fait foi). Avec cet argent, Dor acheta un terrain, mais, pris de remords, il renvoya une première fois 2.000 francs à V..., qui en parut fort étonné, puisqu'il avait consenti la donation à fonds perdus, et plus tard Dor remboursa le solde de ce qu'il considérait comme un prêt à terme par l'abandon d'une créance de 3.558 fr. (15 février 1911). Tout ceci est prouvé par des documents authentiques que l'éminent avocat communique à l'appréciation du tribunal. Ce beau geste de désintéressement doit être apprécié d'autant mieux que cet acte a toujours été tenu secret même vis-à-vis des adeptes. Il y a encore un deuxième fait, une preuve plus décisive encore, souligne Me Lebeau. C'est l'affaire de la margarine.
    En 1912, M. Dor, après avoir reconnu la valeur de la margarine végétale, se mit en rapport avec la firme Vanderdherghe qui fabriquait la margarine Era, afin de faire vendre ce produit à Roux, où les adeptes du Père, sur la recommandation de celui-ci, viendraient se pourvoir. La firme susdite accepta avec empressement, et Romain Jules fut commis pour la vente. Or, selon l'aveu même de ce Monsieur qui devint plus tard un ennemi acharné de M. Dor, celui-ci n'a jamais été intéressé d'un seul centime et malgré que quelque temps après il fit confectionner des emballages à son nom « Margarine Père Dor » sans jamais réclamer le moindre avantage pécunier, ni du fabricant, ni de l'intermédiaire ; mieux, il refusa la proposition de M. Servaes succédant à M. Romain dans la vente de la margarine et cependant les bénéfices réalisés par le vendeur du produit, aux témoignages même de celui-ci, étaient fort appréciables. (M.Servaes, qui habite actuellement Bruxelles, et qui ne fut jamais un adepte du Père Dor, est venu témoigner qu'il avait réalisé un bénéfice de fr. 0.30 à 0.40 au kilo et que la vente avait monté une année à 9,078 kilos. Ces faits sont décisifs parce qu'une participation dans les bénéfices aurait parfaitement pu être tenue secrète.
    Me Lebeau résume : Première considération : Le Père Dor n'a pas fait le geste inconsidéré qui fait tendre les mains vers l'argent ; deuxième considération : non seulement, Dor est un désintéressé, mais il est aussi un naïf, précisément parce que la margarine à sa marque ne rapportait pas un sou et qu'il laissait dire à tout le monde qu'il intervenait dans les bénéfices de la vente ; en effet, c'est contraire à notre logique mercantile que nous prêtions assistance à une opération commerciale sans récupérer la moindre parcelle du profit. N'est-ce pas exactement le contraire de ce que fait l'escroc, Considérer Dor comme un illuminé, un apôtre, cela explique amplement toute l'affaire…
    Il est 5 h. ½ ; le tribunal décide de reporter au mercredi 22, à 9 heures, la cotinuation de la plaidoirie de Me Lebau et d'entendre ce même jour à l'audience de l'après-midi la défense de la troisième prévention qui incombe à Me Morichar. Ensuite, selon toute vraisemblance, l'affaire sera remise en délibéré.

            Plaidoirie de Me Bonnehill

    Me Bonnehill prenant la parole, rappelle la rare maîtrise avec laquelle M. le Président a procédé à l'interrogatoire du faux Christ et, d'une part, la claire et fluide logique du magistrat, sa profonde connaissance ; d'autre part, la piteuse et lamentable mentalité du prévenu qui est sorti de l'audience couvert de ridicule après avoir passé sous une volée de verges administrées par l'honorable organe de la loi, après aussi que Me Gérard, dans sa puissante plaidoirie, l'eut cloué au pilori de l'opinion publique. Il rappelle que le Ministère public a démontré l'interprétation que les commentateurs donnent à l'art. 496 : les délits d'escroquerie existent lorsque la remise a été déterminée par l'usage de faux nom et de fausse qualité ou bien lorsque la remise des sommes a été provoquée par des manœuvres frauduleuses. Or, ces faits de la prévention ont été suffisamment établis.
    Il expose ensuite la demande de la partie civile Delysée, M. le Procureur du Roi a portraituré (que d'honneur !) le Père Dor : il a dépeint sa course vertigineuse à la fortune. Mme Delysée fut amenée à connaître Dor par un des rabatteurs de ce dernier : il discerna aussitôt tout le Profit qu'il pourrait tirer d'une telle adepte car il découvrit qu'elle était très âgée (66 ans), ancienne théosophe, spirite, qu'elle était riche et n'avait aucun héritier direct ; après l'avoir fascinée, éblouie, il en fit sa commensale, la séquestra et, par la menace des pires douleurs physiques et de châtiments éternels pour ses défunts, il lui soutira de grosses sommes. La lecture de certaines lettres du Père soulève l'hilarité de l'auditoire par l'énoncé des fautes triviales de syntaxe qui y figurent, mais démontrent la sollicitude toute particulière du « charmeur » à l'égard de « sa chère enfant ». Il cite aussi de nombreux passages tendancieux du livre précieux dont la pauvre femme avait fait son livre d'heures et dont elle imprégnait son esprit des inepties y contenues. Or, il appert que le livre en question n'était autre chose qu'une vulgaire reproduction de livres de morale, de psychologie et autres traités parus à une date antérieure à celle où « Christ parle à nouveau « fut imprimé. Pendant qu'il lit les livres du plagiaire, le tribunal suit attentivement les passages incriminés.
    Mme Delysée pouvait-elle résister à tant d'artifices ! Comme elle l'a affirmé, elle n'était plus qu'une misérable loque entre les mains du « charmeur ». D'autres hommes sont venus affirmer qu'il était bien le Messie, le Christ réincarné d'il y a 2.000 ans. Ce sont les pantins dont il tire la ficelle. La proie, en l'occurence Mme Delysée, est suffisamment préparés. En 1913, le Père persuade à la pauvre femme que les appartements qu'il occupe sont insalubres, qu'il manque d'air et de clarté, et lui soutire 1,800 francs pour le parquet et la vérandah, on ne demande pas de reçu à Jésus, mais lorsqu'il paie ses fournisseurs, il prend soin de se faire délivrer des reçus en due forme. En 1914, 4.000 francs sont encore versés pour l'installation du chauffage central, puis, afin de contribuer à la diffusion de l'œuvre, des brochures sont achetées au prix de la vente au numéro, pour une somme de 5,400 francs.
    En 1905, il convient que Mme Delysée signala sa présence par de nouvelles libéralités, et le rusé coquin se souvient qu'il dispose d'un terrain improductif entre le temple et la maison voisine. L'Ecole Morale devrait plutôt s'intituler « Jeu de massacre des Innocents ».
    Nous sommes loin des maximes enseignées par le Père sur le désintéressement : Donnez, dépossédez-vous. Quel joli couple d'éperviers, dit-il, en faisant allusion à Dor et à sa femme.
    Après avoir vendu ses maisons de Jemeppe pour 15,700 francs, comme cela résulte d'une attestation du receveur de St-Nicolas, il vint habiter Roux, où il loue une maison d'une valeur locative de 20 fr. Six années après, il fait édifier une Ecole Morale, que Me Bonnehill évalue à 55,000 francs.
    On discute le droit de réponse adressé le 3 mai à « La Région » et établissant les immeubles dont se compose la fortune du Père et l'affirmation de ce dernier assurant qu'il fait don d'une somme à l'Ecole des Estropiés se heurte à incrédulité de l'orateur, car il ne suffit pas de promettre, mais aussi d'exécuter. Donc, en 1909, 15,750 francs. En 1916. 15,000 francs, plus la valeur de la propriété que le Père fit construire à Uccle et évaluée à 30.000 francs. (Protestations de Me Lebeau, qui conteste cette évaluation et affirme que le coût de cette construction a été payé par une tierce personne qu'il désignera.)
    L'affirmation du Père au sujet de ce qu'il a avoué avoir recueilli en dix mois de temps uniquement dans les troncs, doit laisser rêveur ! Me Bonnehill ajoute qu'en admettant le geste du Père de verser une somme au profit de l'Ecole des Estropiés, il est hors de doute que Me Pastur, qui a les mains blanches comme l'hermine de sa robe, tandis que celles de Dor sont noires, refuserait l'offrande, car il sait que chaque brique de l'Ecole Morale représente l'apport d'un malheureux spolié, mais il ajoute qu'il ne croit pas à une pareille tentative sérieuse de Dor.

Le Messager de Bruxelles, 20 novembre 1916 (source : Belgicapress)

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Les tribulations d'un prophète (Le Vingtième Siècle, 14 juin 1917)(Belgicapress)

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Les tribulations d'un prophète (Le Vingtième Siècle, 14 juin 1917)(Belgicapress)

Les tribulations d'un prophète

LE « PÈRE DOR » EN COUR D'APPEL

    La Cour d'appel de Bruxelles vient de rendre son arrêt dans l'affaire du P. Dor, après d'interminables plaidoiries et plusieurs remises à huitaine. Car le prophète ne s'est pas enlevé au ciel ; (il n'avait pas de « Passier-schein » il ne s'est pas enveloppé d'un nuage ; (les Allemands les envoient au front, chargés de gaz asphyxiants). Il est venu, – non sans majesté – s'asseoir au banc des prévenus : il s'est, avec la même égalité d'âme, entendu tour à tour, porter aux nues des plaidoiries, trainer dans la boue des réquisitoires ou des réclamations de la partie civile.

LES ANTI-DORISTES

    Me Bonnehill plaide pour Mme Delisée, qui se prétend victime de sa confiance en le « Père Dor ». Il s'obstine à considérer le « Messie » comme un paresseux, le dorisme comme une profitable industrie ; il n'hésite pas à comparer au mauvais larron celui qui se proclame le Christ.
    L'honorable organe de la Loi – M. le substitut Simons – fait bon marché des doctrines. Le dorisme n'étant pas un culte n'est pas couvert par la Constitution ; le Père Dor est un homme de génie – de ce génie qui, dans la fertile sottise humaine, découvre, exploite un filon nouveau. En vain, pris d'une soudaine humilité, il dénie à ses gestes toute majesté, toute vertu ; en vain, il rabaisse au modeste emploi de robe de chambre, la toge qui le drapait de ses plis. Il a voulu en imposer aux simples ; il leur a « soutiré » de l'argent, vendu des brochures ; le chauffage central et le parquet de Mme Delisée sont – si j'ose ainsi m'exprimer – les chevaux de bataille de l'accusation.

LES DORISTES

    C'est leur faire peut-être beaucoup d'honneur que d'appeler ainsi les défenseurs du « Messie ». Me Lebeau se promène, avec aisance, parmi les plate-bandes des théologies. Il parle du boudhisme ; il évoque la figure de Jean Huss, brûlé jadis comme hérétique. Il proclame l'honnêteté, la bonne foi du P. Dor et revendique, pour sa doctrine, le respect que mérite toute croyance sincère.
    Dor a touché de l'argent : il n'en a jamais demandé ; il a le droit de vivre de l'autel qu'il dessert, l'eut-il bâti de ses mains. Somme toute, Me Lebeau dépeint le Père Dor comme un illuminé, convaincu de l'excellence des doctrines qu'il enseigne et tout dévoué au bonheur de l'humanité. Ces assertions ne vont pas sans soulever les protestations des avocats de la partie civile ; l'on parle, tour à tour, de la femme à barbe, de Mahomet, de l'ange Gabriel et d'un commerce de margarine où le Père Dor eût pu faire fortune. Il ne l'a pas voulu, ce qui prouve son désintéressement : il est prêt d'ailleurs, à rembourser à Mme Delisée et aux plaignants leurs offrandes, toutes volontaires.

ETRE LE CHRIST OU NE PAS L'ETRE

    Maître Lebeau plaide avec une conviction qui émeut les Doristes de l'auditoire ; ils ne sont pas loin de le prendre pour un adepte. Me Lebeau ne s'offusque pas de ce que Dor se dise le Christ ; tout au plus, y aurait-il lieu de le soumettre à un examen mental. Après tout, les adeptes du Père Dor ont été moralement améliorés, sinon guéris de leurs maux physiques. Ce sont de braves gens, respectueux des lois et de ceux qui les appliquent. S'il y avait plus de Doristes, il faudrait moins de gendarmes et moins de magistrats.

LE TOUR DE LA PARTIE CIVILE

    Maître Lebeau n'est pas tendre pour les ennemies du Père Dor. Elles, l'avoir aimé ? Manières ! elles ont voulu jouer un rôle dans la religion nouvelle, vivre auprès du Père, capter sa confiance, s'imposer à lui. Il n'admet pas davantage que le Messie les ait aimées ; il lui eût fallu, assure-t-il, « un rude courage ». Lui ! aimer ces vieilles femmes, ces véritables monstres de laideur.... J'en passe, et des meilleurs. Car la plaidoirie de Maître Lelong – c'est Maitre Lebeau, que je veux dire – rendrait, pour l'élasticité, des points à la ligne Hindenburg. Le président, le substitut, les avocats de la partie civile le conjurent de passer au déluge ; Maître Lebeau s'en tient à la genèse.... de l'affaire, et ne cesse de peindre le Paradis terrestre que Mme Delisée dota du chauffage central et d'un parquet flambant neuf.
    Il se résigne pourtant à en finir : il tresse des couronnes au front inspiré du Messie de Roux. Il exécute une dernière fanfare à la gloire du prophète. Pour un peu, il menacerait le tribunal et les plaignants des foudres vengeresses. Mais il se modère ; il n'exige même pas leur conversion au culte du « Perfectionnement moral ». Il lui suffit que justice soit rendue à son client.

OU IL EST QUESTION DE....

    De quoi ne parle pas Maître Morichar, second défenseur du Messie ? De l'article 14 de la Constitution – monument invoqué dans le temple de Thémis comme en une forteresse ; des principes du dorisme ; de l'origine des cultes ; de Marconi ; d'Edison et d'aviation – le P. Dor étant accusé de vol – enfin, de la laideur – physique et morale – des plaignantes : elles accusent le P. Dor de les avoir trop aimées ; elles semblent plutôt regretter qu'il les ait dédaignées

LE MESSIE A PARLE

    Et peut-être eût-il mieux fait de se taire. Le prudent silence qu'il gardait devant ses juges, tels gestes adroits, l'outrance même de son affirmation : « Je suis le Christ », lui conféraient quelque prestige. L'intimité le dépouille de son auréole. Un journaliste bruxellois a interrogé le Messie ; et le Messie fait figure de pauvre homme. Il a reçu quelques dons ; ne faut-il pas boire et manger ? Il est végétarien sans nul doute, il se contente d'œufs, de lard et de saindoux. Il glisse rapidement, et non sans embarras paraît-il, sur les effusions de ses fidèles suivantes Et il résume sa doctrine en ces mots : « Je recommande la pratique du bien. Je ne me permets de rien imposer ; je laisse chacun, même dans mon entourage immédiat, libre de vivre et d'agir à sa guise... »

CONCLUSION QUI NE CONCLUT PAS

    La Cour d'Appel a statué. Elle ne retient contre le P. Dor que l'accusation d'exercice illégale de la médecine, et confirme, sur ce point, l'arrêt du tribunal de Charleroi. Le Messie est donc libre ; il peut continuer de travailler, en paix, au « perfectionnement moral de l'humanité ». Pourvu qu'il s'abstienne de prescrire du thé Chambard, des ingurgitations sucrées, des clystères salés, il peut prêcher la foi en sa personne et chanter les louanges du dorisme. Peut-être – car cette folle histoire ne va pas sans quelque mélancolie – peut-être est-il de bonne foi, et verra-t-il se presser, sous son geste emphatique, les pauvres gens en quête d'une croyance ou d'une consolation Je m'incline devant ces douleurs qui cherchent une espérance, et marchent vers la plus faible lueur entrevue dans la nuit. Mais le P. Dor n'enlève rien à mon scepticisme. Je me vois mal à ses pieds, dans la chambre banale où le dépeint son interviewer, parmi un bureau américain, un poêle émaillé, une plante d'ornement. Je me croirais égaré dans un décor de vaudeville...

                                                        Julien FLAMENT.

Le Vingtième Siècle, 14 juin 1917 (source : Belgicapress)

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