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Alceste - Quotidiennes sur Pierre Dor (La Gazette de Charleroi, 25 février 1914)(Belgicapress)
Le parquet a donc opéré une descente chez le père Dor, le thaumaturge de Roux. On lui reproche d'exercer illégalement l'art de guérir. Ce reproche me paraît extraordinaire. Car enfin, la loi est inhumaine qui interdit de guérir en dehors de certaines règles déterminées. Guérir est l'essentiel. Ce que la loi devrait proscrire, sous peine de sanctions rigoureuses, c'est l'art de ne pas guérir.
Pierre Dor n'a pas de parchemin délivré par les bonnets carrés de l'Université. Pour ma part, je regarderais à deux fois avant de m'abandonner à ses soins magiques, car j'ai encore le respect atavique des diplômes qui constituent, en somme, une présomption de savoir. Mais Dor n'est pas seul dans son cas. Où sont, je vous la demande, les diplômes de la kyrielle de bienheureux et de bienheureuses établis, depuis des siècles, spécialistes des affections les plus diverses et les plus délicates ? Si le parquet contrarie le père Dor dans l'exercice de sa profession, il doit, en toute équité, sévir aussi contre saint Hubert, saint Guy et les autres médecins du paradis.
On dit que le thaumaturge de Roux opère par l'imposition des mains. C'est une méthode divine. Jésus l'a illustrée, sans compter Mahomet dont les musulmans, égarés par leur fanatisme sectaire, prétendent que les prodiges sont les seuls authentiques.
On m'objectera que cette thérapeutique n'a de valeur que par celui qui l'emploie. Excellente quand Jésus l'utilisait, elle est illusoire lorsqu'un Dor y recourt pour abuser la crédulité populaire.
Ce raisonnement est fallacieux. Certes, le Sauveur a accompli des miracles, mais Dor en a effectué également. Invoquez donc le témoignage de ses fidèles : ceux-ci seront des centaines à attester, par serment, qu'il les a guéris de la jaunisse, du diabète, de la gale et de tout ce qu'il vous plaira. Et comment auriez-vous le droit de rire de leurs témoignages, alors que vous acceptez sans discussion ceux de gens trépassés depuis vingt siècles ?
Je commence à croire véhémentement que, si le Seigneur recommençait ses cures merveilleuses en notre beau pays, il recevrait la visite des gendarmes et serait coffré par la magistrature catholique.
ALCESTE.La Gazette de Charleroi, 25 février 1914 (source : Belgicapress)
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