•     Dès l'ouverture des hostilités le gouvernement avait énergiquement affirmé sa résolution de défendre la neutralité par tous les moyens en son pouvoir. L'armée, observant à la fois la frontière de l'Est et la frontière du Sud, avait pour instructions de désarmer tout corps étranger qui pénétrerait sur le territoire ou, en cas de refus, d'agir immédiatement contre lui. Ni l'un ni l'autre des belligérants ne songeait d'ailleurs à envahir la Belgique, dont la violation eût été considérée par l'Angleterre comme un casus belli. Dès le 25 juillet, la publication par le Times du projet de traité secret que Bismarck, en 1866, avait insidieusement amené Benedetti à lui proposer (on sait que ce projet accordait à Napoléon III le concours de la Prusse pour la conquête éventuelle de la Belgique), avait exaspéré l'opinion, et le 9 août, le Cabinet de Londres avait obtenu de la France et de l'Allemagne l'assurance de respecter la neutralité garantie au pays en 1839. Les opérations militaires avaient débuté sur le Haut- Rhin, et les premières victoires de la Prusse semblaient indiquer qu'elles se prolongeraient dans la direction Verdun-Paris. Il fallut l'obligation imposée à Mac-Mahon de débloquer Metz en manoeuvrant au Nord de cette place pour les rapprocher, contre toute attente, du territoire belge. Refoulés sur Sedan, les Français durent y accepter la bataille sous les yeux des postes qui garnissaient la frontière. Moltke avait donné l'ordre de les poursuivre s'ils la franchissaient sans être désarmés à l'instant. En réalité leur désarroi était trop grand pour leur permettre une retraite de ce côté. Seuls trois mille hommes environ de troupes débandées se jetèrent dans la province de Luxembourg et s'y laissèrent capturer sans résistance (1 septembre). Depuis lors la tourmente se porta définitivement sur Paris, et la Belgique n'eut plus qu'à servir d'asile aux multitudes de réfugiés qui vinrent y chercher un abri durant le siège de la grande ville et les convulsions de la Commune.

    Henri Pirenne, Histoire de la Belgique
    7. De la révolution de 1830 à la guerre de 1914
    La guerre de 1870, p.218
    source : archive.org


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  • Modèle encore utilisé par les Français pendant la Guerre franco-allemande de 1870-71


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  •     Quand on a ravi la côte qui va vers La Chapelle et qu'on a atteint le plateau d'où Bouillon se découvre pittoresquement au fond de son entonnoir, on se trouve dans une vaste plaine bouquetée çà et là de massifs d'arbres et veuve d'habitations.
       Marchez cependant : vous verrez bientôt à votre droite les commencements d'une lisière de bois, une grande ferme où les paysans français ne manquent jamais de prendre une chope quand ils passent la frontière.
        La frontière n'est elle-même qu'à quelques coups de fusils de là, aisément reconnaissable à un grand poteau peint en blanc, avec deux bras, dont l'un porte cette inscription : France, et l'autre, Belgique.
        Il y avait devant la ferme dont je parle un encombrement de carrioles et de charrettes ; des chevaux, mal abrités par des hangars improvisés, recevaient à cru sur leur croupe la pluie qui ne cessait de tomber. Et des flaques d'urine s'étendaient rouilleuses, découlant partout.

    Camille Lemonnier, Les charniers, p.16-17
    source : archive.org


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  •     A la frontière, la compagnie d'Antoine fut cantonnée dans un petit village.
        Tout de suite après la dernière ferme, il y avait un pont. C'était là qu'on montait la garde, fusil chargé, baïonnette au canon. A quelque distance, au-delà d'une longue prairie, commençaient des bois de sapins. Dans cette prairie la troupe venait chaque matin faire l'exercice. Alors tout était plein de bruit et de mouvement. Mais le reste du temps cette étendue trop verte, où l'on devinait l'humidité de l'automne commençant, enveloppait d'une impression presque sinistre la sentienelle silencieuse. Heureusement qu'on n'était de garde qu'à tour de rôle... Aucun n'aurait supporté d'être tous les jours en sentinelle.
        Le soir, dans le village, les paysans s'asseyaient sur les bancs de pierre à côté des soldats, et acceptaient volontiers du tabac pour la pipe. Un troupeau de vaches noires et blanches passait lentement. La dernière bête était suivie d'un chien qui la mordait aux jarrets et la forçait tout d'un coup à courir. Puis venait une jeune fille robuste et paisible, portant une palanche avec deux seaux de lait. C'était l'heure où pointaient l'une après l'autre, dans le ciel gris-bleu, les premières étoiles. La sonnerie de la retraite exhalait son appel ralenti, tout de suite remplacé par le silence nocturne.

    Robert Vivier, Délivrez-nous du mal
    Ed. Labor - Espace Nord, p.63


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  •     Nous allions à Bouillon.
        Au premier tournant de la route, près d'un grosse ferme où des soldats jouaient au bouchon, une sentinelle croisa le fusil et cria :
        - Qui vive ?
        - C'étaient les postes belges. Ils étaient échelonnés de distance en distance, quatre hommes et un caporal, et se repliaient, à mesure qu'on les relevait, sur leurs campements, dans les villages et dans les champs.
        On répondait :
        - Belgique.
        Le caporal montait sur le marche-pied, mettait la tête dans la voiture, regardait s'il n'y avait pas de contrebande de guerre, disait : c'est bon, et les bidets repartaient, pendant que la sentinelle se replaçait au port d'armes.
        Nous traversions successivement des landes, des bruyères et des bois, sous un ciel gris rayé de hachures de pluie. L'horizon plaquait de noir les paysages. On n'entendait dans ces solitudes que le cri bruant lourdement voletant dans les roseaux, le gloussement de la poule d'eau dans les marais, les querelles des geais et des pies dans les futaies.
        Une mélancolie immense suait de la terre amoitie.
        Par moment une sourde rumeur lointaine grandissait en se rapprochant : le nez dans les visières, un gros de lanciers au galop. Puis le tremblement décroissait ; les hautes silhouettes emmêlées aux crinières flottantes se faisaient petites, au loin. Et le silence recommençait.
        A deux lieues de Bouillon, les postes se rapprochaient, le mouvement augmenta ; çà et là couraient des ambulances.
        La première que je vis me poigna l'âme.

    Camille Lemonnier, Les charniers, p.2-3
    source : archive.org


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  •     - Tiens, notre Louis !
        Le cabaretier Fassotte s'ébahit joyeusement :
        - Et d'où vient-tu garçon ? Quelles nouvelles ?
        Il faisait chaud et clair dans le café Fassotte. Ce crachotement interminable ne vous insultait plus le visage. Tous les objets étaient proches et avaient leur couleur : le comptoir dans le fond, haut et brun ; la glace étroite encastrée entre les deux tagères garnies de bouteilles aux étiquettes bariolées. Sur le mur, dans son cadre de noyer sombre, une gravure un peu jaunie représentait l'empereur Napoléon, de profil, un pied en avant, avec son petit chapeau et sa main glissée dans le gilet de la redingote. C'était une chose si familière : il semble que les petits enfants, chez nous, connaissent déjà Napoléon en venant au monde...

    Robert Vivier, Délivrez-nous du mal
    Ed. Labor - Espace Nord, p.76


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  • Le texte de Camille Lemonnier commence à la page 45, il est précédé d'une introduction de Léon Cladel.


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  •   Les revendications de territoires avant 1870
        LES ÉVÉNEMENTS qui précédèrent la guerre avaient indiqués que la Belgique devait se méfier de ses deux voisins, c’est-à-dire de la France et de la Prusse. Les revendications de territoires qui avaient étés demandées par Napoléon III en 1866 et qui avaient fait l’objet d’un projet de traité entre la Prusse et la France indiquaient clairement que Napoléon avait des projets annexionniste envers la Belgique. Ce traité fut révélé le 25 juillet, juste avant le début de la guerre. Bismarck le fit publier simultanément à Berlin et à Londres ce qui irrita beaucoup l’Angleterre qui regarda à partir de ce moment la France avec beaucoup de méfiance. Ce projet de traité fut réalisé par de Benedetti (ambassadeur de France auprès de la Prusse) qui prétendit que celui-ci lui avait été dicté par Bismarck en personne.
        Après l’échec de l’annexion de la Belgique, Napoléon III s’était rabattu en 1867 sur le grand duché du Luxembourg. Là aussi le projet n’aboutit pas. Plus tard, Napoléon essaya encore de s’approprier les chemins de fer de l’est de la Belgique. Ce projet dû être abandonné grâce à l’intervention ferme du roi Léopold II. On voit donc, que déjà avant la guerre, la vigilance et la fermeté était de mise.

      En Belgique
        LORSQUE LA GUERRE eut commencé, cette vigilance du être encore augmentée. Cela ce traduisit en Belgique par la mobilisation de l’armée dès le 15 juillet (date de la mobilisation en France et en Prusse). On voit que l’on ne perdit pas de temps de ce côté même si elle fut très lente. On peut même dire qu’elle n’était pas tout à fait terminée fin septembre lorsque les dispositifs du pied de guerre purent être réduits en raison de l’éloignement du danger de nos frontières.
        La mobilisation s’avéra nécessaire car l’histoire nous apprend que les traités sont rarement respectés. L’indépendance et la neutralité de la Belgique était garanties par un traité datant du 19 avril 1839. Ce traité avait été signé par la France, la Prusse, l’Autriche, la Russie et l’Angleterre. Le 9 et le 11 août 1870, la France, la Prusse (en fait la Confédération de l’Allemagne du Nord) et l’Angleterre resignèrent un traité réaffirmant l’indépendance et la neutralité de la Belgique et s’engageant à une intervention militaire contre celui des deux belligérants qui envahirait sont territoire.
        Dès le début, les forces belges furent divisées en deux armées, une de campagne appelée armée d’Observation et l’autre de forteresse appelée armée d’Anvers. Le commandement en chef était assuré par S.M. le roi Léopold II. Le chef d’état-major général était le lieutenant général Renard. Le ministre de la guerre était le général major Guillaume.
        L’armée d’Observation devait observer et protéger les frontières contre toute intrusion française ou allemande et ses mouvements furent fonctions de l’avancée des armées étrangères le long des frontières belges. Le traité de neutralité perpétuelle que la Belgique était tenue de respecter, indiquait que les premières forces armées qui entraient de force dans le pays devait être considérées comme ennemie. L’armée d’Observation était commandée par le lieutenant général baron Félix Chazal, ancien ministre de la guerre et d’origine française. Le chef d’état-major était le colonel Monoyer. Elle était composée du Ier et IIe corps d’armée, d’artillerie et de cavalerie de réserve. Le Ier corps d’armée, commandé par le lieutenant général Sapin, était composé par les trois premières divisions et d’une brigade de cavalerie. Le IIe corps d’armée, commandé par le propre frère du roi, S.A.R. Philippe, comte de Flandre, était composé de la 4e et 5e division et d’une brigade de cavalerie. En plus, l’armée possédait des unités du génie, du train, de télégraphistes et d’ambulances. L’effectif de cette armée était de plus ou moins 55 000 hommes.
        L’armée d’Anvers était regroupée dans la ville fortifiée d’Anvers. Ce camp retranché devait devenir l’ultime lieu de replis de toute l’armée belge en cas de revers sévères obligeant à la retraite générale. L’armée d’Anvers était commandée par le lieutenant général Eenens. Le chef d’état-major était le colonel Brialmont, architecte du camp retrancher et futur général. Les forces étaient composées par la 6e division et par les troupes de forteresse. L’effectif de cette armée était de plus ou moins 15 000 hommes. Des troupes étaient également présentes dans les autres villes fortifiées : Liège, Namur, Gand, Diest et Termonde (8000 hommes).
        L’évolution des positions de l’armée d’Observation varia tout le mois d’août 1870. A la fin du mois, les différentes divisions finirent par ce concentrer dans le sud du pays, les hostilités s’étant rapprochées fortement de la frontière. C’est le 1 septembre, lors de la bataille de Sedan, ville très proche de la Belgique, que le danger fut le plus grand. Le Ier corps fut positionné dans la province du Luxembourg, à l’est de la Meuse. La 2e division était stationnée autour de Bouillon, face à Sedan, et devait en cas d’hostilités subir le premier choc. Le IIe corps fut positionné dans le Hainaut, à l’ouest de la Meuse.
    source : © É. DODÉMONT, 2000. — Internet : http://users.skynet.be/iCourses

        L'infanterie de ligne - ou la ligne - désigne les unités d'infanterie classique, généralement des fusiliers  qui combattaient en formation en ligne et composaient les compagnies du centre d'un bataillon. On parle à propos de ces hommes de lignards. L'intérêt du combat en ligne sur la colonne est double : d'une part, face à l'artillerie, un boulet en prenant une colonne en enfilade peut causer la perte d'une quinzaine d'hommes, ce qui devient impossible face à une ligne ; d'autre part, pour le tir en ligne, toute la puissance de feu peut être employée simultanément.
        Les unités de ligne s'opposent aux voltigeurs et tirailleurs utilisés pour le harcèlement.

        Le fusil Chassepot modèle 1866 français, avec une munition de 11 mm, a une portée d'un kilomètre nettement supérieure au Dreyse allemand, avec une munition de 15 mm.
        Mais la France a la mauvaise idée d'acheter les munitions à la manufacture belge de Herstal en omettant le simple fait que le Kronprinz était l'actionnaire principal de cette manufacture belge. Les commandes de munitions n'arrivent pas à temps à Sedan. Sans munitions, Napoléon III se rend pour éviter un carnage désespéré. La manufacture d'Herstal explique par courrier cette défaillance de livraison du fait de la désorganisation qui règne sur les routes où se bousculent les chariots empêtrés… La manufacture présente malgré tout sa facture qui sera réglée par la IIIe République.
    source : http://fr.wikipedia.org/wiki/Infanterie_de_ligne
    http://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_franco-allemande_%281870%29#Fusils


        La mise en oeuvre du procédé Thomas (mise au point d'un convertisseur dont le revêtement intérieur absorbe le phosphore) provoque un profond remodelage de la sidérurgie ancienne du continent et un essor prodigieux de l'activité dans cette partie de l'Europe. Le procédé Thomas est l'occasion d'une grave déconvenue pour les Allemands. La partie occidentale du bassin lorrain dont le minerai de fer est considéré comme trop pauvre est laissée à la France par le traité de Francfort de 1871. Mais avec le nouveau procédé, elle se révèle être un gisement très important. Les sidérurgistes allemands, mécontents de cette bévue, feront de la conquête de l'ensemble du bassin lorrain un but de guerre essentiel.
    Philippe Mioche, Et l'acier créa l'Europe
    Matériaux pour l'histoire de notre temps, Année 1997, Volume 47, Numéro 1 (persee.fr)


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  • LARMES DE FER

    De quelles souffrances
    se compose la vérité?
    (questions maculées de sang
    sur le visage).

    Les soldats versent des larmes
    de fer
    (c'est un passage par les choses
    de la douleur).

    Un oeil penche sa main
    au dehors:
    l'on voit nos traces
    sur le temps.

    Florentin Smarandache, Formules pour l'esprit (1983)
    source : manybooks.net


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  • Cette gare fut construite à Bruges en 1844. S'avérant vite trop petite, elle fut déplacée en 1879 à Renaix/Ronse.


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  • Jusqu’en 1853, la durée du service n’était pas spécifiée dans la loi et elle variait entre 11 et 18 mois. Cette année-là elle fut fixée à 2 ans et 4 mois dans l'infanterie de ligne :

     

        Il prit le chemin de fer à Seraing, changea à Liège puis à Bruxelles, et arriva à Bruges vers le soir. C'était son premier voyage. Se doutait-il qui en ferait d'autres, de bien plus grands ? Jusqu'à ce dernier voyage, tout petit celui-là, dans les bois de Neuville, - voyage pendant lequel il aurait si froid, et que les adeptes referaient fidèlement ensuite, chaque année, en chantant le cantique du culte.
        A Bruges, sur le quai de la gare, un sergent du 3e de ligne, en petite tenue, attendait. Il n'attendait pas Antoine seul : il y en avait bien d'autres, qu'on reconnaissant à leur petit paquet. Ils riaient d'une air pas trop rassuré et se sentaient un peu ridicules, déjà séparés des civils qui les entouraient amusés, libres, indifférents. Ils partirent pour la caserne sans tralala et sans clairon. Ils ne savaient pas encore marcher au pas.

    Robert Vivier - Délivrez-nous du mal
    Ed. Labor - Espace Nord, p.45-46


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  •     - Qui a tiré ? Hurla le premier chef.
        Le capitaine avait reparu devant les rangs, le shako en arrière, très rouge, myope, sans lorgnon. Il n'avait plus du l'air d'un capitaine.
        - Qui a tiré ? dit-il à son tour, d'une voix curieusement décolorée. C'était à peine une question.
        Antoine sortit des rangs, présentant son fusil à deux mains. Tout lui semblait noir. Il avait mal à la nuque, sons dos était engourdi. La détonation l'emplissait tout entier et ne voulait plus prendre fin. Il ne comprenait pas. Il avait cru d'abord que l'homme qui était derrière lui avait tiré.
        Le capitaine le regardait venir et semblait lui aussi ne pas comprendre. Antoine sentait l'arme irrécusablement chaude sous ses doigts. Il la tendit gauchement au capitaine, comme si celui-ci avait dû la lui prendre des mains, l'en débarrasser. Ce fut le premier chef qui s'en saisit. Il observait Antoine d'une air étonné :
        - Vous, disait-il. Vous...
        Soudain une autre voix, derrière le capitaine, prononça vite et distinctement :
        - Tué net. Une balle au coeur.
        Il y avait toujours cette odeur irrespirable. Là-bas, on portait à bras d'homme un paquet sombre, curieusement mou. C'était comme un jeu de silhouettes. On eût dit que tout était encore révocable, qu'on allait revenir en arrière et recommencer, tout cela autrement.

    Robert Vivier - Délivrez-nous du mal
    Ed. Labor - Espace Nord, p.66-67


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