• Antoinisme #1 (L'Ami du Clergé, 1953)Antoinisme #2 (L'Ami du Clergé, 1953)

        

    Antoinisme :  le fondateur, la doctrine, la morale, rites et organisation.
       
    Comme on nous a parfois interrogé sur l'Antoinisme, et comme nous y avons fait allusion, récemment, en parlant des guérisseurs, nous saisissons avec empressement l'occasion qui s'offre à nous d'élucider ce problème assez obscur2.
        Louis Antoine naquit en Belgique, à Mons-en-Crotteux (province de Liège), en 1846, dernier-né d'une famille de mineurs de 11 enfants. Dès l'âge de 12 ans, il travaille à la mine. Puis il devient ouvrier métallurgiste. A 24 ans, il passe en Allemagne, puis en Pologne ; dans l'intervalle, il a épousé Jeanne-Catherine Collon, dont il a un fils, qui meurt à l'âge de 20 ans. Il amasse un petit pécule, revient en Belgique et s'installe à Jemeppe-sur-Meuse, où il devient concierge des Tôleries.
        Jusqu'à l'âge de 42 ans – en 1888 – il professa la religion catholique, mais avec des connaissances très rudimentaires. Il s'adonna au spiritisme et fit tourner les tables, ce qui l'amena à mêler à sa religion des idées théosophiques plus ou moins baroques.
        De santé débile, souffrant de l'estomac, il s'était fait végétarien. Mais on peut dire qu'il découvrit sans s'en douter ce qu'on appellerait la Mind-Cure : La médecine par la psychologie de la confiance.
        « La maladie n'existe pas », se disait-il. Il répandit cette certitude. Il devint ainsi guérisseur. Naturellement il fut poursuivi pour exercice illégal de la médecine, mais il abandonna alors les procédés qui avaient fait condamner, pour ne plus demander des « miracles » qu'à la foi seule. Le voici devenu visionnaire, prophète, connu non seulement dans la province, mais au loin. Il répand ses « révélations » en un fatras incohérent, qui en impose aux ignorants. Enfin, en 1906, à 60 ans, il trouve sa voie définitive. Son métier de guérisseur s'estompe derrière la conscience qu'il a de créer une religion nouvelle, une Révélation. C'est ce qu'il appelle « Le Nouveau Spiritualisme ». Les disciples affluent. II crée un Conseil d'administration, un Bulletin mensuel : L'Auréole de la Conscience, remplacé ensuite par un journal : L'Unitif. Le premier temple de cette religion fut édifié à Jemeppe, en 1910. Deux ans plus tard, le 25 juin 1912, le Père « se désincarna », ce qui veut dire tout simplement qu'il mourut, à 66 ans. Il avait transmis ses pouvoirs sa femme, appelée la « Mère » jusqu'à sa mort, 3 novembre 1941. Les dates de la mort du Père et de la Mère sont des jours de fête pour les Antoinistes.
        Les dernières paroles du Père auraient été :

        « Après Mère il y aura de grands guérisseurs. On pourra en choisir un pour remplacer Mère. Mère suivra toujours mon exemple, elle ira sur la tribune comme j'y vais, mais pour le nouveau guérisseur, il n'en sera pas de même ; il montera à la tribune par l'escalier opposé, et, quand il l'aura mérité, il ira par où j'y vais. Voilà, mes enfants. »

        Il paraît qu'à la mort du Père, cette religion comptait environ 150.000 fidèles. Sans se dire Dieu lui-même, il a laissé imprimer dans les livres officiels de sa religion, cette phrase monstrueuse :

        – « Nous ne voulons pas faire d'Antoine le Guérisseur un grand seigneur ; nous faisons de lui notre Dieu ! »

        La doctrine antoiniste, si on peut galvauder ce grand nom de doctrine à propos d'une superstition aussi grossière, est contenue dans les livres suivants :

        L'Enseignement par Antoine le Guérisseur, 1905 ; Le développement de l'Enseignement du Père ; Révélation par Antoine le Généreux, 1910 ; Le Couronnement de l'Œuvre révélée, 1910.

        Le résumé de ces prêches incohérents et qui se répètent sans relâche, serait le suivant :

        « L'Homme est lui-même son Dieu. Ne croyons pas en Dieu, n'espérons rien de lui, mais croyons en nous et agissons naturellement. Sachons que nous sommes Dieu nous-mêmes.
        Je l'ai révélé, tous nous sommes des dieux, nous avons tous un côté divin, notre côté réel. Quand nous aurons surmonté la matière, l'imperfection, nous serons tous réunis dans le même amour, pur ; nous formerons l'Unité absolue de l'ensemble : Dieu ! »

        La matière n'existe pas, c'est nous qui l'imaginons et lui donnons son être. Ce qui existe a toujours existé. C'est la matière, imaginée par nous, qui nous rend vicieux et haineux. La maladie non plus n'existe pas. Elle est le fruit de la matière, donc elle est un fantôme créé par l'intelligence.

        « Croyez, dit Antoine, que la matière n'existe pas, et vous tuerez la racine même de la maladie.

        C'est la foi qui est tout, elle seule qui guérit. C'est une folie criminelle de consulter un médecin, même dans une maladie grave. L'intelligence, coupable d'avoir inventé la matière et, par là-même, la maladie, doit disparaître progressivement pour faire place à la conscience. Elle est cause de l'amoindrissement de l'instinct naturel, qui seul atteint la cause profonde des choses. La mort n'existe pas davantage que la maladie. Il y aura de multiples réincarnations, au bout desquelles l'intelligence cèdera la place à la Foi. Au surplus, n'oublions pas que « ce qui est aujourd'hui la lumière sera demain l'obscurité. » L'Antoinisme ne s'impose donc pas à un assentiment définitif, « La vérité n'est que relative ».

        – « Si nous voulons être dans la vérité, disait Antoine, croyons toujours que nous n'y sommes pas, c'est ainsi que nous y serons réellement, car, je l'ai révélé, nous ne la possédons que lorsque nous ne prétendons pas l'avoir. »

        L'antoinisme est donc quelque chose d'inconsistant, d'évanescent, c'est une recherche, une disposition, une Foi sans corps.

        – « Celui qui vient au culte, dit un tract antoiniste, vient seulement pour trouver le chemin qui l'aidera à sortir de ses épreuves, tout en gardant sa religion, son milieu, ses habitudes, selon sa conscience. »

        Le père Antoine regardait sa morale comme la partie essentielle de son enseignement. Cette morale est totalement étrangère à Dieu. Il n'y est pas question de devoirs envers Dieu. « Nous sommes aussi indépendants de Dieu, qu'il l'est de nous ». Si Dieu nous commandait, ce serait un empiètement sur notre libre-arbitre. L'homme se dicte à lui-même ses règles morales. « Dieu nous a donné la faculté de créer des lois nous-mêmes au fur et à mesure que notre intelligence se développe. » Le père Antoine prêchait l'amour du prochain, même de ses ennemis. « Aimons donc, disait-il, ceux qui sont la cause de nos épreuves, puisqu'en nous faisant souffrir, ils nous font progresser ». Le mal n'existe pas. Faites donc le mal, si votre nature vous y pousse. Agissez en tout naturellement. Le mal n'est rien. Toute éducation est nuisible. Nous déformons les enfants. Il faut les laisser obéir à leur nature.
        Comme on le voit, tout cela est profondément illogique, contradictoire. Des recommandations d'humilité côtoient des affirmations de fol orgueil. Si nous sommes des dieux, pourquoi nous recommander l'humilité ? Et, dans l'antoinisme, tout est à l'avenant.
        Les rites antoinistes sont des plus rudimentaires : il n'y est question ni du Christ, ni de l'Eglise, ni des sacrements. Le mariage n'est conservé que provisoirement, en attendant sans doute que la poussée de l'instinct et de la nature le supprime. Les seules fêtes marquantes sont celles de la « désincarnation » du Père (25 juin) et de la Mère (3 novembre). Ces jours-là les Antoinistes revêtent un costume : lévite noire pour les hommes, robe noire pour les femmes. Le cercueil, pour les enterrements, est recouvert d'un drap vert. La bannière de la Communauté figure « l'Arbre de la Science de la vue du mal ». Le culte consiste dans la lecture des Dix commandements de l'antoinisme, suivie de la lecture des Evangiles et de certaines scènes de la vie du Père Antoine. A toute heure du jour et de la nuit, un « frère » et une « sœur » se tiennent à la disposition des malades qui viennent demander leur guérison. Pour l'obtenir, on se borne à prier pour la guérison de l'âme du patient, L'âme une fois guérie, le corps guérit nécessairement. La moindre guérison, fût-elle fortuite, enthousiasme les antoinistes et les enfonce davantage dans leur erreur. Or, il est possible, probable même que le P. Antoine a opéré des guérisons. La puissance curative de la suggestion est immense. Des médecins – pas tous, heureusement – ont voulu attribuer à la suggestion seule toutes les guérisons de Lourdes. Sans tomber dans cette absurdité, il est permis de penser que la « foi aveugle » en la guérison, peut opérer parfois de véritables cures. Le P. Antoine, en soutenant que la maladie n'existe pas n'a pas été plus stupide que les médecins qui réduisent les miracles de Lourdes à des prodiges d'auto-suggestion.

        – « De tout temps, écrit le chanoine Leroux, les prétendus sorciers, les charlatans, les somnambules lucides, les guérisseurs de toute sorte ont obtenu semblables améliorations de troubles fonctionnels, curables par suggestion, et c'est ce qui a fait leur succès. Mais il est manifeste que l'Antoinisme n'a jamais pu et ne pourra jamais enregistrer la guérison subite d'un ulcère ou d'une lésion organique... Dans ce domaine, la suggestion est inefficace. »

        De nos jours, les Antoinistes, ayant à leur tête « le Représentant du Père », chef inamovible, qui nomme les desservants des temples, accusent un million et demi d'adeptes, ouvriers en grand nombre, métallurgistes et mineurs surtout, qui font preuve d'un grand esprit de prosélytisme. J'ai cependant connu personnellement un prêtre catholique apostat, qui est devenu antoiniste, il y a environ quarante ans. La secte antoiniste est répandue en Belgique, Allemagne, pays anglo-saxons. En Belgique seule, il y aurait une trentaine de temples. Mais en dehors des temples, il y a beaucoup de lieux de réunions privées. Le siège social en France est à Paris (xiiie), 34, rue Vergniaud.
        Il faut évidemment ranger l'antoinisme parmi les manifestations de crédulité qui fournissent tant de clients et de clientes aux voyantes, tireuses de cartes, devins, somnambules, et aux sorcelleries informes de nos pays de mission. L'antoinisme fait songer à certaines hérésies du Moyen Age : celles de Tanchelme, de Pierre de Bruys, etc.

     

    2 En 1924, le chan. Leroux, professeur au Grand Séminaire de Liège, publiait une brochure sur l'Antoinisme. On peut voir aussi P. Debouxthay, Antoine le Guérisseur et l'Antoinisme, in-16 de 332 p., Liège, F. Gothier, 1934. Et cf. Ami, 1961, p. 5 des couv.).

     

    L'Ami du Clergé, 1953


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  • Le fluide vert des Antoinistes, 1977, revue non identifiée (Archives du Temple de Retinne).jpgLe fluide vert des Antoinistes, 1977, revue non identifiée (Archives du Temple de Retinne)

    Le fluide vert des Antoinistes
    un produit belge d’exportation

    Née à Jemeppe-sur-Meuse et bientôt septuagénaire,
    la secte a aujourd’hui de par le monde des dizaines de temples.

        La religion antoiniste, née il y a plus de cinquante ans dans le bassin de Liège, compte aujourd'hui 58 temples aussi bien en Suisse, au Brésil, aux Etats-Unis ou en Angleterre qu'en Belgique où ils sont 29 et en France où on en dénombre 18... Issu de la pensée de Louis Antoine, dit le « père Antoine » bien qu'il ne fut jamais prêtre, le culte antoiniste, non subsidié par l'Etat, a été reconnu par un décret royal de 1922. Tout de noir vêtus, les ministres desservants, habillés de redingotes à boutons ronds et chapeaux haut-de-forme pour les hommes, de longues robes et bonnets à ruche pour les femmes, sont placés sous la férule d'un directeur moral du culte, une sorte de chef suprême qui autorise le mariage de ses assistants. Mais quelle est cette secte qui puise sa sève dans la pensée et les illuminations d'un seul homme ?

    Du surnaturel dans une lampe de mineur

        L'étonnante histoire commence en 1846 quand Louis-Joseph Antoine, que ses adeptes surnommeront plus tard le « guérisseur », naît dans une famille ouvrière de Mons-Crotteux près de Liège. Dernier venu de onze enfants, il descend dans la mine dès l'âge de douze ans comme manœuvre de fond. Mais il étouffe sous terre si bien que le jour où il voit sa lampe de mineur s'éteindre sans raison apparente, il y décèle comme un signe du destin l'invitant à renoncer au charbonnage et à devenir ouvrier métallurgiste. Dans l'intervalle de séjours en Prusse Orientale et en Pologne, il épouse Catherine Collon qui lui donne un fils. La mort de ce dernier, vingt ans plus tard, précipite Antoine dans le spiritisme et les études métapsychiques.

        Revenu en Belgique, après avoir amassé une petite fortune à l'étranger, il construit à Jemeppe des maisons ouvrières dont les loyers lui permettent de ne plus travailler et de se consacrer désormais tout entier à sa vocation spirituelle. Il fréquente alors le café Ghaye à Tilleur, où il prétend entrer en communication avec les esprits par le relais d'un médium. Il édite un catéchisme spirite pour les « Vignerons du Seigneur », une secte qu'il vient de créer alors que sa foi catholique le quitte définitivement. Son optique change encore quand il découvre que le spirituel l'emporte sur la matière. S'octroyant des dons de guérisseur, il soigne désormais gratuitement n'importe quelle maladie. Et comme il le dit lui-même : « Je mets la main sur la tête du malade, je me recueille, je prie en moi-même, puis j'ai l'inspiration qui me permet de dire de quoi il souffre. Si le consultant a la foi en moi, je ne me trompe jamais. Je lui fais alors des passes, je prescris alors soit le contact de papier magnétisé, soit l'usage de certains thés ».

    Des soins collectifs dans un temple-hôpital

        Il n'en fallait pas plus pour émouvoir le clergé et les médecins de Liège. Les activités du guérisseur se soldèrent logiquement par quelques démêlés avec la justice. Antoine comparaît donc une première fois en 1901 devant le tribunal correctionnel de Liège et est condamné pour exercice illégal de la médecine. Pour contrecarrer ses adversaires, il adopte une nouvelle tactique de guérison en supprimant l'imposition des mains et le papier magnétisé. On ne peut plus l'accuser de prescrire des ordonnances. Désormais, il se concentrera à distance grâce aux fluides qui l'entourent et si le malade a la foi, il sera guéri. A en croire Antoine, toute chose contient un fluide (vert de préférence) qui nécessite une pensée. Lorsque l'on fait un mouvement, c'est en réalité notre pensée qui agit sur le fluide. Comme les malades convergent toujours plus nombreux vers sa maison de Jemeppe, il renonce au spiritisme pour créer une religion nouvelle, une sorte de néo-spiritualisme.
        Libre-arbitre, charité morale, non-existence de la matière et du mal, amour fraternel, désintéressement et réincarnation en sont les grands principes. Dans un premier ouvrage intitulé « L'Auréole de la conscience », Antoine affirme que seule la foi peut guérir l'humanité.
        Mais cette fois, c'en est trop pour les catholiques qui prennent peur et veulent un feu rouge pour tous ces fluides verts. Des plaintes et des pressions vont obliger Antoine à comparaître une fois de plus en correctionnelle mais il sera acquitté le 21 juin 1907. Confortablement installé sur cette victoire, le culte se développe tant en Belgique qu'à l'étranger. Bientôt la maison d'Antoine devient trop petite pour y recevoir les milliers de fidèles si bien qu'un premier temple est bâti à Jemeppe-sur-Meuse en 1910 pour permettre au « Père » de ne plus soigner chaque malade individuellement mais bien de traiter en une fois toutes les personnes présentes par de grandes « opérations générales ».

    Comme le Christ, Antoine devait ressusciter

        Il faut bien avouer que ces opérations étaient et sont d'ailleurs toujours réduites à leur plus simple expression. Le père Antoine autrefois, les desservants aujourd'hui, se contentent de lever les yeux au ciel et de joindre les mains pour ensuite tendre les bras vers la foule. Aucune musique, aucun chant, prière ou liturgie n'accompagne la cérémonie.
        Quoi qu'il en soit, les Antoinistes croient en Dieu puisqu'ils vont même jusqu'à certifier que « Père » n'est autre qu'une parcelle incarnée de Dieu. Cela n'empêcha pas pour autant le brave homme de mourir, comme n'importe qui, en 1912. Pourtant ses fidèles, ses « enfants » comme il les appelait, persuadés qu'il ressusciterait, ne crurent pas à sa mort, mais affirmèrent qu'il « rentrait dans le fluide éthéré de l'amour divin ». Et depuis, enterré au cimetière de Jemeppe, il reçoit chaque année la visite de milliers de pèlerins antoinistes. La femme d'Antoine, la « Mère », continua son œuvre et favorisa la création de temples grâce à des fonds provenant de dons généreux d'adeptes convaincus.
        Les temples sont tous peints en vert, couleur de l'espérance qui dégage des fluides bienfaisants. Quant au symbole du culte, il n'est rien moins que « l'Arbre de la science de la vue du mal », emblème fleuri qui indique que le mal existe en toute chose.
        Les autre premiers jours de la semaine, les fidèles qui s'appellent entre eux « frères » et « sœurs », se réunissent pour écouter les écrits et plus précisément les révélations de leur « Père ». Pendant la lecture, une desservante se trouve au-dessus du lecteur, sur une espèce de balcon. Elle y reste immobile, les mains jointes, pour élever sa pensée et conserve cet état statufié pendant de longues minutes après que la lecture soit terminée. En dehors des « opérations » que les non-initiés appelleront plus simplement des consultations médicales gratuites, le culte prévoit encore des recueillements collectifs adressés aux personnes souffrantes. Toutefois, il est faux de croire que les Antoinistes récusent la médecine officielle ou encore que, comme les Témoins de Jéhova, ils refusent toute transfusion sanguine, au risque de faire courir des risques graves à leur famille. Les Antoinistes vont chez le médecin mais complètent le traitement par leurs fameuses opérations.

    Un culte qui vit en concubinage avec d'autres dogmes

        Avec l'Antoinisme on est bien loin des guerres de religion ou de l'esprit d'intolérance puisqu'il respecte toutes les croyances, allant même jusqu'à admettre qu'un Antoiniste soit en même temps catholique ou protestant. Il est, paraît-il, courant que des jeunes gens qui viennent de se marier dans une église, fasse consacrer ensuite leur union au temple.
        Ceci nous conduit tout naturellement à aborder le chapitre des sacrements, tout aussi présents chez les Antoinistes que dans les religions traditionnelles.
        Si les baptêmes et les mariages prennent le nom de « sanctification », les enterrements se font dans la plus grande simplicité, sans discours, musique ou bannière, l'emblème antoiniste précédant le cercueil.
        On peut toutefois se demander si une telle religion, née en 1906, connaît encore quelque succès aujourd'hui. Si les jeunes paraissent déserter certains temples de Wallonie, il semble par contre que ceux de Forest et Schaerbeek maintiennent une population constante où la jeunesse ne se fait pas oublier. Il est malgré tout difficile d'avancer des chiffres représentatifs de la population antoiniste. Selon certaines sources, ils seraient 300.000 à travers le monde pour un clergé de 3.000 personnes. Selon d'autres, ils ne seraient que 150.000.

        Pour devenir adepte de la religion ou plus exactement prendre le nom de « frère » ou de « sœur », aucune cérémonie spéciale de baptême ou d'intronisation n'est requise. Il suffit d'avoir la foi qui vous guidera sur le chemin du temple. Il n'est pas davantage exigé de sacrement pour devenir ministre du culte. Le collège des desservants est composé d'Antoinistes un peu plus convaincus que les autres et qui ont décidé de se consacrer entièrement au culte. Ils désignent parmi eux un seul et unique supérieur hiérarchique : le directeur moral, un Belge, dont le Vatican est on l'a deviné, Jemeppe-sur-Meuse.

        A l'encontre des Témoins de Jéhova et des Mormons, véritables virtuoses du porte-à-porte, les Antoinistes ne font pas de propagande et se terrent si bien qu'il est difficile de les dénicher. Ignorant tout des tabous, ils n'ont pour seule liturgie que la « Révélation des dix principes de Dieu par le Père ».

    Les idées de Bouddha

        Aujourd'hui l'Antoinisme ne se porte pas trop mal. Les héritiers de « Père » et « Mère » continuent à soigner par la foi en prétendant arriver à des guérisons complètes. Certains ont prétendu que l'enseignement du père Antoine était celui du Christ, mais il s'en est lui-même défendu. Se rapprochant davantage du bouddhisme primitif, l'Antoiniste tente en effet de faciliter la vie des gens malheureux en jonglant avec les mots « amour » et « solidarité » comme s'il s'agissait de vulgaires accessoires d'équilibriste.
        Que penser de cette religion qui est l'œuvre d'un homme relativement peu instruit qui savait à peine lire et écrire ? Etait-il un vrai prophète recevant l'inspiration de l'au- delà... ou tout simplement un illuminé ? Quoi qu'il en soit, même si l'on n'est pas convaincu de ce que ces « frères » tout en noir valent un bon médecin en blouse blanche, il faut bien leur concéder au moins un excellent remède de bons principes de morale et de charité contre la maladie mondiale de violence et de corruption.

                                                                      CHANTAL SCHALLER.

    Photo : R. Marton.

    [Revue non identifiée], 1977 (Archives du Temple de Retinne)


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  • Religions et Fakirs (L'Aurore,, 27 août 1925)(belgicapress.be)

    RELIGIONS ET FAKIRS

        Quant au miracle, si c'est une déroga-
    tion aux lois naturelles, on ne sait ce que
    c'est, car personne ne connaît les lois de la
    nature. Non seulement un philosophe n'a
    jamais vu de miracle, mais il est incapable
    d'en jamais voir.
    ANATOLE FRANCE.

        Bien des choses ont amusé ma philosophie ces temps derniers. C'est d'abord le Comte d'Elbée et sa femme, ces deux jeunes époux, qui après deux ans de mariage s'en sont allés, chacun de leur côté, vers le cloître. Ces pleutres ont peur de la vie et désertent leur devoir social.
        Si je n'étais déterministe et par conséquent enclin à l'excuse et à la bienveillance, je les qualifierais purement et simplement de lâches. Je ne m'attarderai pas à vous montrer ce que leur geste a d'irrationnel et d'anti-biologique ; cela saute aux yeux. En voilà qui vont appliquer le « Croissez et multipliez » des Ecritures à leur manière, avec la bénédiction du Pape par-dessus le marché : C'est du bon vaudeville.
        Je serais tenté également de vous commenter l'Inauguration du Temple antoiniste de Schaerbeek.
        Cette cérémonie a donné lieu (voir « L'Etoile » du 3 août 1925) à des scènes de pithiatisme et d'hystérie collective au cours desquelles, une « Sœur » s'est pavé une attaque d'extase à la manière de Thérèse d'Avilla.
        Quel affreux mécréant l'on fait, tout de même, en apportant à l'analyse des faits psychiques et psycho-pathologiques quotidiens la méthode objective des sciences naturelles !!!
        Il apparaît ici une fois de plus que tous les grands dévôts, tous les mystiques, tous les assoiffés d'idéal quelle que soit la religion à laquelle ils appartiennent sont bien comme l'affirmait encore tout dernièrement Rogues de Fursac des psychopathes, des « piqués », pour employer l'expression irrévérencieuse de Courteline.
        Tous présentent les mêmes symptômes morbides et je me refuse à faire une différence entre Apollonius de Tiane et François d'Assise. Tous deux sont des théomégalomanes, des malades de l'Esprit sans plus.
        S'il advenait aujourd'hui à quelqu'un de se promener par la ville en proclamant qu'il est le Messie, il se ferait immédiatement arrêter et conduire au « violon » en attendant sa collocation dans une maison de santé.
        C'est que le XX Siècle en effet ne croit plus aux prophètes. Ceux-ci tonnent à présent dans les asiles et quand ils sont trop véhéments on les envoie à la douche.
        Mais j'ai bien mieux que le Comte d'Elbée et le Temple du père Antoine. Je veux vous entretenir des Fakirs.
        Je parlerai ici, non des Fakirs musulmans, mais, des Fakirs brahmanes, sectateur de Brahma, Vichnou et Siva, la trinité hindoue.

    […]

    L'Aurore, 27 août 1925 (source : belgicapress.be)


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  • Culte Antoiniste (Charivari, Avril-Juin 1976,p.46)

    UNE SECTE DE GUERISSEURS : LES ANTOINISTES

        Fondé en 1906 par un ouvrier liégeois qui se faisait appeler « Le Père Antoine » ou encore « le guérisseur », le « Nouveau Spiritualisme » rassemble aujourd'hui cinq à six mille fidèles disséminés dans toute la France et, surtout, dans la partie wallonne de la Belgique. Il s'agit d'une dissidence « spirite » du catholicisme romain.
        Les « antoinistes » (cette appellation prend de plus en plus le pas sur celle de « néo-spiritualistes ») se réunissent tous les dimanches matin, affublés d'une longue robe noire, dans une cinquantaine de temples. Le décor de ceux-ci est à la fois austère et macabre : une grande salle meublée de bancs de bois et flanquée d'une sorte de chaire surélevée. L'un des quatre murs est tendu de noir. On peut y lire, peinte en grandes lettres blanches, l'inscription suivante : « L'auréole de la conscience : un seul remède peut guérir l'humanité ; LA FOI : c'est de la foi que naît l'amour : l'amour qui nous montre dans nos ennemis Dieu lui-même ; ne pas aimer ses ennemis, c'est ne pas aimer Dieu ; car c'est l'amour que nous avons pour nos ennemis qui nous rend dignes de la servir ; c'est le seul amour qui nous fait vraiment aimer, parce qu'il est pur et de vérité. » Ce texte, exemplaire du style antoiniste, se répète dans toutes les publications de la secte, dont le siège central est fixé à Jemappes-sur-Meuse, dans la banlieue liégeoise. Accroche aussi le regard, derrière la chaire, un arbre stylisé : l'arbre de la science de la vue du mal. Il s'agit de l'emblème des antoinistes. Parfois, l'on trouve encore la photo du Père Antoine : une très belle tête d'illuminé, longs cheveux, longue barbe, yeux extasiés, dont l'expression évoque les photos de Raspoutine jeune. Mais là s'arrête le rapprochement. Autant Raspoutine était débauché et adorait la fréquentation des grands de ce monde, autant le Père Antoine vivait sobrement et se complaisait parmi les petites gens.
        Né à Mons-Crotteux, faubourg industriel de Liège, en 1846, le futur Père Antoine était le cadet d'une famille fort modeste de onze enfants. Dès l'âge de douze ans, il s'en alla travailler à la mine en compagnie de son père et de quelques-uns de ses frères, tous houilleurs.
        Vers sa vingtième année, dégoûté de la fosse, il décida de changer de métier et devint ouvrier métallurgiste. En 1870, il s'expatria et partit pour l'Allemagne où il travailla pendant cinq ans. Puis, il poussa un peu plus loin et passa à nouveau cinq nouvelles années en Pologne russe. Quand il rentra au Pays natal, il était toujours fidèle à la foi catholique de son enfance. Il manifestait même une tendance à être plus catholique que le pape, tant il affectionnait les jeûnes et les privations de toutes sortes.
        A l'âge de quarante-deux ans, cet homme pieux et même cagot rejoignait brusquement un groupe spirite. Bientôt las de faire tourner les tables pour le plaisir des seuls esprits, il franchit un pas de plus dans l'hérésie et se mit à prêcher dans toute la région liégeoise des « révélations » qu'il disait tenir de Dieu lui-même. Sa bonté, sa douceur, et surtout les « guérisons miraculeuses » qu'il multipliait gratuitement, lui conférèrent une grande popularité auprès d'un prolétariat misérable et crédule. En outre, comme le « néo-spiritualisme » entamait sérieusement les positions catholiques en Wallonie, les dignitaires francs-maçons et les politiciens socialistes favorisèrent l'implantation de la secte. Et les premiers « temples » furent construits grâce à des subsides votés par les conseils provinciaux (généraux) à majorité socialiste.Culte Antoiniste (Charivari, Avril-Juin 1976,p.46)
        Quelques années plus tard, l'antoinisme se répandit dans le nord de la France et conquit bientôt de petits mais solides bastions dans tout l'hexagone.
        Tout le culte antoiniste se résume à la sempiternelle lecture des « révélations » et de l'enseignement du Père Antoine. Celui-ci (qui pouvait à peine lire et écrire) s'exprimait en un langage à la fois pompeux et hermétique.
        Seules les funérailles des adeptes revêtent un certain lustre. Pour son dernier voyage, l'antoiniste décédé est précédé d'un jeune arbre fraîchement coupé, et suivi par tous les « frères » et toutes les « sœurs » revêtus de leur longue robe noire et coiffés de grands chapeaux noirs rappelant ces sombreros bâtards qu'affectionnaient les socialistes du début du siècle. La lecture des œuvres du Père Antoine accompagne la descente de la bière dans la fosse.
        Les antoinistes manifestent, à l'égard de ces œuvres, une fanatique et touchante confiance. Leur culte ne possède ni prêtres ni évêques. Les adeptes qui le désirent, ou qui en ont le temps ou les moyens, se chargent bénévolement de servir de haut-parleur à la voix de leur maître. Encore que généralement moralisateurs et même pudibonds, les antoinistes cèdent parfois à un certain laxisme moral qui trouve sa justification dans ces « fluides » dans « lesquels l'homme vit comme un poisson dans l'eau ». Car, mal débarrassé des miasmes du spiritisme, le Père Antoine professait que « tous nos vices et caprices dépendent des fluides qui forment l'atmosphère qui nous entoure ». Ce que d'aucuns « chers maîtres » appellent « des impulsions irrésistibles » !
        L'enseignement antoiniste tombe aussi dans un certain masochisme. Il recommande de « remercier ses ennemis », car l'épreuve qu'ils apportent constitue « un progrès » et « c'est la souffrance seule qui peut nous épurer ».
        Fanatiques mais peu prosélytes, les antoinistes vivent entre eux, en secte fermée. Ils pratiquent une solidarité totale et se distinguent par leur discrétion, sauf quand certains d'entre eux, s'obstinant à ne pas appeler le médecin en cas de maladie grave d'un des leurs, provoquent l'indignation des voisins et l'intervention de la justice. Le Père Antoine ayant recommandé le strict respect des lois naturelles, les antoinistes se méfient en effet des médicaments chimiques et leur préfèrent les décoctions de plantes. Et si, par malheur, leur médication échoue, ils accueillent la perte de l'être cher, et la souffrance qui en découle, comme une nouvelle occasion de se purifier.

    Charivari, numéro sur les Sectes et sociétés secrètes en France aujourd’hui, Avril-Juin 1976, p.46

        Écrit à charge d’un « journaliste » anonyme (lui aime qui aime si bien les guillemets, il me saura grès de les utiliser ici à mon compte) qui n’a certainement jamais franchi la porte d’un temple, ni donc parlé à aucun frère ou aucune sœur, ni ne s’est même donné la peine de lire les textes, que cela soit ceux du Père ou de ceux qui ont étudié la « secte »…


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  • Bernard Michal & Jean Renald - História das Seitas e Sociedades Secretas (2020)

    Auteurs : Bernard Michal & Jean Renald
    Titre : História das Seitas e Sociedades Secretas
    Éditions : Leya, 2020

        Un livre complet qui révèle les secrets des différentes organisations secrètes apparues au fil des siècles. Qu'est-ce qu'une secte ? Et une société secrète ? Quels sont les mystères et les secrets qui les unissent et les distinguent ? Les sectes sont-elles uniquement religieuses ou peuvent-elles être de nature politique ou philosophique ?
        História das Seitas e Sociedades Secretas présente les sectes et les sociétés secrètes les plus importantes et les plus influentes qui sont apparues au fil du temps, en détaillant leurs origines et les énigmes qui les entourent, et en analysant leur importance dans le contexte historique, social, politique et religieux dans lequel elles sont apparues. Des sectes du christianisme antique et médiéval à la franc-maçonnerie, du carbonarisme à la mafia, ce livre révèle les secrets les plus obscurs d'organisations qui ont marqué et marquent encore l'imaginaire de l'histoire universelle.

        Jean Renald est l'auteur également d'une Histoire des sectes, superstitions et religions (1970), ainsi que divers livres d'histoire militaire. Bernard Michal est également l'auteur de divers livres d'histoire militaire.

        Sur l'antoinisme, on lit :
    Os ANTONISTAS
    Com o «Père Antoine» – denominação equívoca, uma vez que, no seu tempo, induziu muita gente em erro, sugerindo que se tratava de um padre ou de um monge – abordamos uma seita de um género particular: a seita taumatúrgica, inteiramente curadora.
        Antoine-Louis (1846-1912) era um belga pouco menos que iletrado, sucessivamente mineiro, operário metalúrgico, e por fim... porteiro em Jemmepe-sur-Meuse. É aí que assiste, em 1888 (tem então 42 anos), em casa de um vizinho, a uma sessão de espiritismo. Instala-se diante de uma mesa de pé de galo, e eis que o móvel valsa sob os seus dedos: Antoine-Louis é um médium extraordinário, que faz acorrer os «espíritos». Católico, fica aterrorizado. Mas quando é o santo cura de Ars que responde, as suas dúvidas desvanecem-se. Convence-se de ter sido chamado, senão à profecia, pelo menos à evangelização.
        Instala em sua casa uma «sala de invocações», aonde afluem rapidamente as testemunhas dos seus dons de espírita, que se proclamam os «Vinhateiros do Senhor». O antigo mineiro ensinalhes as «revelações» recebidas de Deus pela graça das mesas giratórias, e condensadas em dez «princípios», obscura mistura de Catolicismo e de noções teosóficas mal assimiladas.
        A morte do seu filho deficiente, em 1893, incita o «pai Antoine», ele próprio bastante doente, a evocar e invocar «espíritos curadores». É assim que recebe do Além «receitas» ditadas pelos doutores «Carita» e «Demeure». Não sabemos por que motivo as não mandou enviar a casa do... filho. Porque este reencarnou-se na pessoa de um farmacêutico parisiense! Seguro dos seus apoios, Antoine-Louis transforma-se em curador, através da imposição das mãos. Além disso – o que é menos simpático – distribui à sua clientela pedaços de tecido «magnetizado» — grigris!
        Depois de 1901 (e de uma condenação por exercício ilegal da medicina), rompe com os seus embriões de terapêutica. Doravante, tratará e «curará» por métodos místicos. Julga-se senhor da doença e da morte. De resto, as suas «revelações» convenceram-no de que a doença é fruto do pecado. Portanto, viver na pureza é manter a saúde, e se continua a impor as mãos, o «pai Antoine» prodigaliza sobretudo aos seus visitantes exortações à santidade.
        A sua audiência é inimaginável. É preciso aumentar a casa do inspirado, que prega o «novo espiritualismo». Em 1910, os seus «discursos» (revistos e corrigidos) são editados. A capela-templo tornou-se um polo de atração, dominado pela «árvore da ciência da vista do mal». Em 1912, quando Antoine-Louis se «desencarna», milhares de aflitos seguem o seu funeral. A sua viúva – a «Mãe» – tomará eficazmente o testemunho. Mas quando se «desencarna», em 1941, a sua sucessão provoca uma crise e um cisma que travará o crescimento do Antonismo. Permanece implantado sobretudo na Bélgica e no Norte da França, com alguns focos na Alemanha e na Polónia, onde Antoine-Louis trabalhara antes de empreender o seu apostolado.
        A doutrina do Antonismo é simultaneamente ingénua e assustadora. Não preconiza a desaparição progressiva da inteligência em proveito da intuição, portadora da verdade (em suma, é o Zen!)? Que o homem, que é naturalmente bom, siga essa intuição e ame o seu próximo, e deste modo atingira tranquilamente o tempo da desencarnação, por sua vez seguida por uma reencarnação – porque a metempsicose faz parte dos dogmas!
        Quanto ao culto, celebrado por «ministros», consiste numa longa meditação, que se segue a leitura dos dez princípios. Após o que o oficiante agradece aos presentes... e toda a gente sai. A grande festa anual, a 25 de junho, marca o aniversário da «desencarnação do Pai». Não há sacramentos nesta «religião» de que, para dizer a verdade, o deus é o «Pai Antoine».

        «O único rito antonista é a repetição do gesto de Antoine curador, espécie de rito mágico à base de passes magnéticos acompanhados por invocações do Pai.»

        Também desta vez, evitaremos pronunciar-nos sobre o valor das curas obtidas no quadro de tais práticas. Mas observaremos de boa vontade que esta religião do espiritismo, que parece atrair sobretudo os deserdados, por outro lado pouco inclinados a submeterem-se às obrigações das confissões e seitas cristãs, ou como tal se afirmando, despertou no seu período de expansão uma espécie de encantamento respeitável, mesmo se o podemos considerar inexplicável.

    Traduction :
    LES ANTONISTES
    Avec le "Père Antoine" – un nom équivoque, puisqu'il a induit en erreur de nombreuses personnes en son temps en suggérant qu'il s'agissait d'un prêtre ou d'un moine – nous avons affaire à une secte d'un type particulier : la secte thaumaturgique, entièrement guérisseuse.
        Antoine-Louis (1846-1912) est un Belge un peu moins qu'illettré, successivement mineur, métallurgiste, et enfin... porteur à Jemmepe-sur-Meuse. C'est là qu'il assiste, en 1888 (il a alors 42 ans), chez un voisin, à une séance de spiritisme. Il se tenait devant une table à pied de poule et la table valsait sous ses doigts : Antoine-Louis était un médium extraordinaire qui donnait vie aux "esprits". Catholique, il était terrifié. Mais lorsque c'est le saint curé d'Ars qui lui répond, ses doutes s'évanouissent. Il était convaincu qu'il avait été appelé, sinon à prophétiser, du moins à évangéliser.
        Il aménage dans sa maison une "salle d'invocations" où affluent rapidement les témoins de ses dons de spirite, se réclamant des "Vignerons du Seigneur". Le vieux mineur leur enseigne les "révélations" reçues de Dieu par la grâce des tables tournantes, et condensées en dix "principes", un obscur mélange de catholicisme et de notions théosophiques mal assimilées.
        La mort de son fils fragile en 1893 incite le "père Antoine", lui-même assez malade, à évoquer et invoquer les "esprits guérisseurs". Il a ainsi reçu des "prescriptions" de l'autre côté, dictées par les médecins "Carita" et "Demeure". Nous ne savons pas pourquoi il ne les a pas envoyés à la maison de son... fils. Parce qu'il s'est réincarné en pharmacien parisien ! Sûr de son soutien, Antoine-Louis devient un guérisseur par l'imposition des mains. En outre - et c'est moins agréable - il distribuait à sa clientèle des morceaux de tissu "magnétisé" — des grigris !
        Après 1901 (et une condamnation pour exercice illégal de la médecine), il rompt avec ses essais thérapeutiques. Désormais, il traiterait et "guérirait" en utilisant des méthodes mystiques. Il pensait être le maître de la maladie et de la mort. De plus, ses "révélations" l'ont convaincu que la maladie est le fruit du péché. Vivre dans la pureté, c'est donc conserver la santé, et s'il continue à imposer les mains, le "père Antoine" prodigue surtout à ses visiteurs des exhortations à la sainteté.
        Son public est inimaginable. La maison de l'inspiré, qui prêchait le "nouveau spiritisme", devait être agrandie. En 1910, ses "discours" (revus et corrigés) sont publiés. La chapelle-temple est devenue un pôle d'attraction, dominé par "l'arbre de la science de la vue du mal". En 1912, lorsqu'Antoine-Louis se "désincarne", des milliers de personnes affligées suivent ses funérailles. Sa veuve – la "Mère" – sera effectivement son héritière. Mais lorsqu'elle meurt en 1941, sa succession provoque une crise et un schisme qui va stopper la croissance de l'Antonisme. Il reste implanté surtout en Belgique et dans le nord de la France, avec quelques centres en Allemagne et en Pologne, où Antoine-Louis avait travaillé avant d'entreprendre son apostolat.
        La doctrine de l'antoinisme est à la fois naïve et effrayante. Ne prône-t-il pas la disparition progressive de l'intelligence au profit de l'intuition, porteuse de vérité (en un mot, le zen !) ? Que l'homme, qui est naturellement bon, suive cette intuition et aime son prochain, et il atteindra ainsi tranquillement le temps de la désincarnation, qui sera suivie de la réincarnation – car la métempsycose fait partie du dogme !
        Quant à l'office, célébré par des "ministres", il consiste en une longue méditation, suivie de la lecture des dix principes. Après quoi, l'officiant remercie les personnes présentes... et tout le monde part. La grande fête annuelle, le 25 juin, marque l'anniversaire de la "désincarnation du Père". Il n'y a pas de sacrements dans cette "religion" dont, à vrai dire, le dieu est le "Père Antoine".

        "Le seul rite antoiniste est la répétition du geste de guérison d'Antoine, une sorte de rite magique basé sur des passes magnétiques accompagnées d'invocations du Père."

        Là encore, nous éviterons de nous prononcer sur la valeur des guérisons obtenues dans le cadre de ces pratiques. Mais nous constaterons volontiers que cette religion du spiritisme, qui semble attirer surtout les déshérités, par ailleurs peu enclins à se soumettre aux obligations des confessions et des sectes chrétiennes, ou s'affirmant comme telle, a, dans sa période d'expansion, éveillé une sorte d'enchantement respectable, même si nous pouvons le considérer comme inexplicable.



        Impossible de savoir quelle est la source des auteurs, non plus de la citation entre guillemets qui n'a rien à voir avec l'Antoinisme proprement dit...


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  • Le pullulement des sectes (Eglise de Metz n°8 août 1976)Titre : Le pullulement des sectes
    in Eglise de Metz (Mensuel, n°8, août 1976)
    Bulletin officiel de l'évêché de Metz
    Responsable Jean Spir

        Évoque tout d'abord les sectes les plus répandues dans le diocèse (p.2), puis le jugement catholique de ces sectes (p.8) :
    6) Les Antoinistes
        Pour mention on peut signaler cette secte qui a une très ancienne implantation à Metz et en Moselle mais dont les chances de survie en notre région sont minimes.
        Encore plusieurs centaines il y a quelques années, leurs effectifs se réduiront progressivement, car les nouvelles recrues se raréfient et les « fidèles » sont presque tous âgés ou des migrants de passage.

    6) Les Antoinistes
        Secte guérisseuse fondée au siècle dernier en Belgique par Antoine Louis, appelé communément Père Antoine, les Antoinistes, nettement en déclin... et en voie de lente disparition, reconnaissent quatre grands prophètes : Adam, Moise, Jésus et le P. Antoine (évidemment !). Leur « doctrine » est pratiquement inexistante et inconsistante. Elle se trouve exposée dans la « Révélation de l'Auréole de la Conscience » et est plutôt un « moralisme » qu'une doctrine, car l'intelligence y est considérée comme « la grande ennemie... source de tous nos maux... ». L'essentiel est donc de maîtriser son intelligence, c'est-à-dire de la soumettre à l'intuition et à la captation des fluides magnétiques. Le seul péché est de croire au mal et à la réalité de la matière. Dieu n'existe pas en dehors de l'homme, pas plus que la mort car la vie corporelle n'est qu'illusion et toute « désincarnation est suivie d'une réincarnation ». Mélange de spiritisme, de théosophie, d'occultisme, le tout étant attribué à des « révélations d'en-haut », l'antoinisme est un fatras indescriptible et incompréhensible de bons sentiments, d'altruisme, de textes tronqués et falsifiés de l'Ecriture, de pratiques étranges où le magnétisme, le fluide universel et les ondes spirituelles tiennent une place prépondérante, constituant « une sorte de matérialisme spirituel » (1).
        On voit ce qu'il faut penser de cette secte du point de vue catholique. Comme il est regrettable que tant de bonne volonté et de bon cœur se fourvoient encore dans une impasse, sur des voies sans issues, même si l'on comprend que des malades et des isolés, des affligés et des déracinés en quête de quelque soulagement physique ou moral se tournent vers le Père Antoine ! Ce dernier a été quasiment divinisé par ses supporters, mais il n'a pu empêcher qu'ils se divisent entre eux après la mort de la « Mère Antoine », son épouse, qui lui avait survécu pendant presque trente ans après sa « désincarnation » en 1912 (2).

    (1) Comme l'a joliment appelé le P. Chéry. Consulter à ce propos l'ouvrage cité à la n. 1, P. 256
    à 268.
    (2) Le « Père » Dor, neveu du « Père » Antoine, prétend être le Christ Jésus réincarné, alors que son oncle n'aurait été que le Précurseur : Jean-Baptiste. On observera, en passant, que depuis un siècle et demi, il y a eu en moyenne un « nouveau - et faux - Christ » tous les dix ans environ !


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  • La Foire aux Religions (V, Magazine, 5 mars 1950, p.3)

    La Foire aux Religions (V, Magazine, 5 mars 1950, p.3)

     

    Titre : La Foire aux Religions, Il n’y a que la foi qui sauve
    Éditions : V, Magazine, 5 mars 1950

        Un article sur quelques-unes des petites religions, comme les nommaient Jules Bois, c’est-à-dire les Messagers de Jehova, la Chevalerie du Christ, les Pentecôtistes, le culte du Petit Oignon, les Raskolnikistes, le Catharisme, et sur… Les Costumes de l’Antoinisme :

        « L’inspirateur de cette croyance est comme son nom l’indique un certain Père Antoine qui se prétendait  au milieu du siècle dernier le quatrième Messie universel, après Adam, Moïse et Jésus-Christ bien entendu. Il existe en France et en Belgique 48 temples antoinistes dont deux à Paris. 3.000 Frères et Sœurs sont spécialement chargés de diffuser et de propager de par le monde la doctrine du nouveau Messie.
        « Ces pèlerins revêtus d’une robe noire, beaucoup plus ample que la soutane et sans insigne, veulent qu’on les appelle les « costumés ». Leur zèle et l’éloquence de leur prêche valent à l’Antoinisme de multiples fidèles. On en dénombre actuellement plus de 150.000.
        « Né en Belgique en 1845, mort en 1912, le Père Antoine fut, paraît-il, avant tout, un guérisseur. Ses disciples, tout en prêchant son évangile, soignent gratuitement les malades du corps et les affligés de l’esprit. Pour mener à bien son apostolat, il importe que le costumé ait une certaine fortune personnelle ou du moins quelque titre de pension, car le Père Antoine dans son désintéressement oublia de prévoir pour ses adeptes le moindre denier du culte.
        « Une fondation Antoiniste d’érige dans le voisinage du Pré Saint-Gervais. C’est une banale maison de briques à deux étages. Mais on y trouve à l’intérieur la silencieuse majesté des trappes, indispensable à la médecine des âmes. Il paraît que les corps y trouvent aussi fort largement leur compte et que les guérisons miraculeuses y sont monnaie courante. Des infirmes y ont laissé leurs béquilles en guise d’ex-voto. Elles témoignent de l’authenticité des miracles et de la reconnaissance des fidèles. »

    La Foire aux Religions (V, Magazine, 5 mars 1950)

    La Foire aux Religions (V, Magazine, 5 mars 1950, p.4 et 5)


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  • Ecclesia, lectures chrétiennes - N°29 (août 1951)

    Auteur : Maurice Colinon
    Titre : Ecclesia, lectures chrétiennes
    Éditions : Bureaux de la revue, N°29 (août 1951)

        Cette revue chrétienne aborde une fois les Antoinistes. Le texte est dû à Maurice Colinon qui a déjà écrit sur le sujet avec Faux prophètes et sectes d’aujourd’hui (1953), Le Phénomène des sectes au XXe siècle (1959) et Guide de la France religieuse et mystique (1969).

        Voici la teneur du texte de ce « spécialiste » qui reprend en grande partie ce qu’il écrit dans les Faux prophètes et sectes d’aujourd’hui dont j’ai déjà fait la critique :

    RELIGIONS ÉTRANGES
    ersatz du Christianisme

    L'ANTOINISME

        Parmi les religions étranges qui ont suscité la curiosité de nos lecteurs, l'une des plus souvent évoquées est certainement l'Antoinisme. Elle est assez fortement représentée en France et ses adeptes font preuve d'un réel esprit de conquête. Par ailleurs, le nom du « Père Antoine » fait parfois penser à certains qu'il s'agit d'un religieux, plus ou moins dissident ou rapidement canonisé par un groupe de fidèles.
        Ce sont assez de raisons pour mettre les choses au point.
        SON HISTOIRE. « Antoine-le généreux ». « Antoine-le-Guérisseur », ou simplement « le Père » pour ses 1.500.000 fidèles répartis à travers l'Europe et l'Amérique s'appelait de son vrai nom Antoine Louis. Il naquit à Mons-Crotteux, en Belgique, l'an 1846. C'était un simple ouvrier, presque illettré, qui fut contraint de travailler aux charbonnages dès l'âge de douze ans et que rien ne semblait prédisposer à fonder une religion.
        C'est, comme tant d'autres, par le spiritisme qu'il y vint, a quarante-deux ans. Animateur d'un petit groupe spirite qu'il avait fondé à Jemmeppe-sur-Meuse, où il exerçait les modestes fonctions de concierge aux Tôleries, il en vint à mêler aux principes du catholicisme dans lesquels il avait été élevé des notions théosophiques de plus en plus étranges. Il construisit ainsi peu à peu, grâce aux « révélations » des tables tournantes, (et notamment de Victor Hugo), une morale simpliste mais efficace qu'il répandit parmi nos familiers.
        Souffrant d'une maladie d'estomac, il eut ainsi le bonheur d'apprendre que « la maladie n'existe pas », mais que seul le péché rend infirme, il suffirait donc d'être pur pour jouir d'une parfaite santé. Par un phénomène de suggestion bien connu, non seulement il se guéri, mais encore se mit à guérir autour de lui. Des lors, sa réputation ne cessa de grandir et atteignit bientôt toute la province.
        Esprit simple, et qui s'émerveillait lui-même, il ne tarda pas à avoir un projet plus grandiose : celui de fonder un culte. Le premier temple « antoiniste » fut ainsi édifié à Jemmeppe-sur-Meuse, en 1910. Il était dominé par « l'arbre de la science de la vue du mal », peint en noir, qui devint vite le drapeau et symbole de la religion nouvelle. Les malades affluèrent de toutes parts ; il fallut guérir en série. L’opération s'organise sur des bases nouvelles ; on nomma un conseil d’administration, on se distribua les titres honorifiques, on publia un journal. Quand « le Père » mourut, le 25 juin 1912, ses fidèles se comptaient déjà au nombre de 150.000.
        Le culte passa alors sous l'autorité de sa veuve (« la Mère »), une simple ouvrière comme lui, qui en demeura le chef incontesté durant près de trente années, jusqu'à sa mort en 1941. Durant cette période, la renommée des « miracles » du Père Antoine, amplifiée par la rumeur publique, amena à la religion nouvelle nombre d'esprits inquiets et plus encore de malades et d'infirmes. L'Antoinisme était, pour toujours, marqué de sa double origine. Religion simpliste, il était aussi entreprise de guérison.
        LA DOCTRINE ANTOINISTE. Les textes fondamentaux de l'Antoinisme sont d'une simplicité qui n'exclut pas l'obscurité. Tel celui-ci, qu'on peut lire sur les murs d'un temple parisien : « Si vous respectez toute croyance et celui qui n'en a pas, vous savez, malgré votre ignorance, plus qu'il ne pourrait vous dire ... » (1)
        Quant à la « doctrine », elle n'est guère plus explicite. On a, en lisant les textes antoinistes, une étrange impression de malaise, tant s'y trouvent mêlés des éléments mal assimilés de christianisme, de socialisme humanitaire et de spiritisme latent. Et, en même temps, il s'en dégage une sorte d'humilité que l'on pourrait résumer ainsi : considérons tous les hommes comme nos égaux, et nous-mêmes comme très médiocres ; soyons solidaires ; défions-nous de notre intelligence qui n'est qu'orgueil ; ayons confiance en Dieu.
        LE CULTE ET LA LITURGIE. Le « culte » est, lui aussi, des plus simples. Il comprend : lecture des « commandements » (2) rédigés par le fondateur, et que ses fidèles considèrent comme la parole même de Dieu ; lectures des Evangiles (3) ; on y ajoute parfois des scènes de la vie du Père Antoine.
        Enfin, à toute heure du jour et de la nuit, un « frère » et une « sœur » se tiennent à la disposition des malades qui pourraient venir leur demander la guérison. Cependant, les Antoinistes refusent pour eux-mêmes, le nom de guérisseurs. Ils n'ordonnent à leurs consultants aucune sorte de remède, ne soignent aucune maladie. Ils se bornent à prier pour la guérison de l'âme du patient, dont ils attendent en retour la santé du corps. Ils n'acceptent, pour ce faire, aucune sorte de rétribution.
        Il arrive, comme toujours, que le malade – impressionné par la solennité du moment et tout prêt à s'y associer – ressente une amélioration réelle qui, pour certaines affections d'origine nerveuse, peut être définitive. C'est alors un nouvel adepte pour l'Antoinisme, et un adepte qui se fera d'enthousiasme propagandiste.
        Les Antoinistes ont adopté, dès l'origine, une sorte d'uniforme qu'on leur voit revêtir aux jours de cérémonies, et particulièrement le 25 juin, jour de fête solennelle qui commémore la « désincarnation » de leur prophète. Les hommes portent une lévite noire et un chapeau haut de forme ; les femmes une sévère robe (noire aussi) de coupe particulière et un bonnet de style 1830.
        On voit parfois, dans les rues de Paris, ces uniformes derrière un cercueil recouvert d'un drap vert (en signe d'espérance). C'est un enterrement antoiniste, et toute la petite communauté tient généralement à y participer.
        IMPORTANCE ACTUELLE DE L'ANTOINISME. Les Antoinistes annoncent, nous l'avons dit, un million et demi de fidèles. En Belgique, ils possèdent vingt-huit temples (dont deux à Bruxelles) ; en France, une vingtaine. Paris possède un premier temple rue Vergniaud et un second, moins important, rue des Grands-Augustins. La plupart des autres sont de simples maisons particulières. On note parmi les centres antoinistes les plus actifs : Lyon, Tours, et Aix-les-Bains ; Monaco compte aussi un petit groupe. (4)
        Il semble que l'Antoinisme se soit relativement développé en Allemagne, et davantage encore dans tous les pays anglo-saxons, ce qui n'a rien de très étonnant. (5) Partout, ce sont les plus humbles, les plus déshérités qui se tournent vers cette religion sans fastes toute de résignation dont les formules leur paraissent merveilleuses.
        L'Antoinisme peut sans doute être considéré comme la « religion » qui compte, proportionnellement au nombre de ses fidèles, le plus grand nombre d'ouvriers, notamment métallurgistes et mineurs. Il va sans dire que la moindre « guérison » donne à ces pauvres gens une ardeur renouvelée et entretient la curiosité et la sympathie autour des « frères » et « sœurs » dont le désintéressement et le dévouement sont dignes d'éloges.
        Il semble que des difficultés internes soient survenues depuis le décès de « la Mère ». Les Antoinistes de Belgique (présidés par un jardinier de Jemmeppe) professent que les guérisons (ou « opérations » doivent se pratiquer collectivement, lors des cérémonies du dimanche matin. Cette façon de procéder se révélerait plus efficace en raison de l'apport important que constitue la concentration de toutes les volontés. Les Antoinistes de France tiennent fermement en faveur des « opérations » strictement individuelles, comptant sur l'intervention du « Père » auprès de Dieu pour en assurer seule le succès.
        Nous ignorons comment le problème a été résolu. Mais il est probable que de telles difficultés ne manqueront pas de surgir à nouveau en diverses occasions, tant les principes laissés par Antoine sont vagues et susceptibles de toutes les interprétations. C'est là le principal obstacle au développement d'un culte qui compte parmi les plus primitifs de ceux qui sont représentés chez nous.
                                                        Maurice COLINON.

    (1) Sans le début de ce principe, cela n’est en effet pas clair. Voici le 2e principe dans sa totalité : « Ne croyez pas en celui qui vous parle de moi, dont l'intention serait de vous convertir, si vous respectez toute croyance et celui qui n'en a pas, vous savez, malgré votre ignorance, plus qu'il ne pourrait vous dire. »
    (2) Pour un spécialiste, voilà l’auteur tombé dans ses habitudes catholiques, puisqu’il n’existe pas de « commandements », dans l’antoinisme. C’est la différence avec les sectes.
    (3) Cela se faisait au temps du cercle spirite Les Vignerons du Seigneur, parfois dans les salles de lecture, puis dans les Unitifs, mais il n’en existe pas de lectures dans les temples.  
    (4) Les données du spécialiste sont là encore dépassés, puisqu’en 1951, existaient déjà des temples parsemés dans toutes la France.
    (5) Il y existait un intérêt de la presse dans ces pays, mais jamais de réels groupes et encore moins de temples (sauf celui de Rio de Janeiro).


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  • Les sectes de Paris (Construire, 17 janvier 1973)(e-newspaperarchives.ch)

    Traité de petite histoire
    Les sectes étranges de Paris

        La capitale française, ville cosmopolite par excellence, devait tout naturellement être un terrain propice à l'éclosion de sectes et de doctrines de tout genre, en marge ou sans rapport avec les religions officielles existantes qui sont nombreuses à Paris : catholicisme romain et oriental dépendant du Vatican, orthodoxie, christianisme oriental proprement dit, judaïsme et les différents rites aschkenaz et sepharad, islam.
        Nous ne traiterons pas ici des Eglises, sectes ou mouvements religieux plus ou moins connus, bien qu'attachants par leur doctrine et la beauté de leur liturgie, tels les Maronites de la rue d'Ulm, les Melkites de la rue Saint-Julien-le-Pauvre, les Arméniens catholiques de la rue Thouin, les Arméniens orthodoxes de la rue Jean-Goujon, les Syriens de la rue des Carmes, etc., ou des sectes issues du protestantisme comme les Adventistes, les Pentecôtistes ou les Mormons. Nous nous bornerons à décrire quelques sectes peu connues issues du christianisme, ou que l'on peut qualifier d'occultistes.

    La vision cosmique
       
    Proche du spiritisme et surtout de la théosophie est la philosophie cosmique qui prétend avoir maintenu à travers les siècles « la Tradition primitive de l'humanité », la source pure d'où toutes les religions sont issues. Ce mouvement ésotérique qui conférait des grades initiatiques fut fondé par un Tunisien, Aia Aziz, auteur de plusieurs écrits et directeur de la « Revue cosmique », qui initia deux Français, MM. Thémanlys, père et fils. Ce dernier – que j'ai rencontré à Jérusalem où il vit – a également publié des travaux sur la mystique juive. Un autre personnage joua également un rôle important dans ce mouvement : Max Théon. Voici quelques échantillons de sa pensée : « Le Cosmos de l'Etre est en transformation continuelle ; en étant une partie, vous avez le droit de changer et ceci sans regret, joyeusement, volontiers ; toutes les choses qui nous sont nuisibles ne sont que relatives et transitoires. Par conséquent, logiquement, il n'y a de place que pour l'espoir et le courage » ; « La philosophie de la joie sera naturellement reçue en mesure de l'évolution patho-intellectuelle de ceux à qui elle est manifestée » ; « Les Fils de la Rectitude brilleront comme les planètes dans le royaume qui est le leur par droit d'origine, mais ceux qui amènent plusieurs au juste balancement seront comme des centres solaires à tout jamais... » (allusion à Daniel ll, 12). « L'humanité est pour moi le Cosmos. »
        La philosophie cosmique a pratiquement disparu. Elle recrutait surtout des intellectuels et des pseudo-intellectuels.

    Le spiritisme est-il une religion ?
        Dans le XIVe arrondissement, à la rue Copernic, à proximité de la place Victor-Hugo, donc dans les « beaux quartiers », s'élève un bâtiment élégant : la Maison des spirites, qui abrite une salle de conférence, une importante bibliothèque et la rédaction de « La revue spirite ».
        Cet édifice a été élevé à la gloire d'Allan Kardec, le père du spiritisme moderne, dont les restes reposent au cimetière du Père-Lachaise. Auteur de plusieurs ouvrages qui sont devenus des livres de chevet pour les spirites et dont le contenu, il faut l'avouer, offre une synthèse séduisante et ouvre des perspectives consolantes à beaucoup d'êtres, A. Kardec, d'un tempérament mystique, comme le sont beaucoup de Bretons, a créé, sans le vouloir peut-être, une nouvelle religion ou une supra-religion, fondée sur des expériences métaphysiques plus ou moins vérifiables scientifiquement, qu'on aurait cependant tort d'assimiler aux tables tournantes, qui sont des amusettes.
        Le spiritisme séduit notamment les réincarnationistes.

    Christianisme et spiritisme
       
    Il importe de présenter un curieux mouvement qui, partant de Belgique, se répandit dans les pays de langue française : l'église antoiniste. Son fondateur, un certain Antoine, naquit près de Liège en 1846. D'origine très modeste, il travailla comme ouvrier en Allemagne, en Pologne et en Russie ; il reviendra dans son pays natal, s'y mariera. La lecture d'un livre devait orienter sa vie : « Le Livre des Esprits », d'Allan Kardec. Malade, souffrant de l'estomac, Antoine guérit grâce à cette lecture ; il constata peu après qu'il possédait un certain pouvoir magnétique qui lui permit de guérir des malades. Il groupa quelques disciples et transcrivit les révélations qu'il avait reçues sous le titre : « Les révélations de l'auréole de la conscience ». La religion du Père Antoine était créée, et lorsqu'il mourut, en 1912, les « vignerons du Seigneur », appellation sous laquelle les Antoinistes se désignent, étaient plus de 150 000. Leur centre, à Paris, est au numéro 34 de la rue Vergniaud (XIIIe arrondissement) ; une autre chapelle antoiniste est située à la rue du Pré-Saint-Gervais. Le culte antoiniste consiste à rappeler l'enseignement du père Antoine, mélange de spiritisme, de théosophie, d'occultisme et de christianisme, résumé dans les Dix Principes de Dieu. Selon les principes antoinistes, Dieu n'existe qu'en l'homme. Le père Antoine est une sorte d'incarnation de Dieu sur la terre. On aperçoit dans le temple antoiniste, accroché à la très haute chaire, un portrait du fondateur, le Père, un vieillard barbu dont la main droite est en train d'imposer ou, si l'on préfère, de pratiquer l'opération. A gauche, sa femme, la Mère ; à droite, un arbre avec cette inscription : « L'arbre de la science de la vue du mal ». Après le culte, où l'on ne parle presque pas de Jésus-Christ, où il n'est pas question de péché, de la grâce et de la rédemption, on guérit les malades dans la sacristie, au moyen du fluide universel du Père. Notons que l'intérieur du temple est peint en vert ; même les cercueils sont tendus de vert.

    La religion de l'humanité
        Le flâneur curieux qui apprécie l'attachante place des Vosges, découvrira, non loin de ce lieu enchanteur, la rue Payenne. C'est au numéro 10 de cette rue que mourut, le 5 avril 1846, l'an 11 de l'ère positive, « la tendre et immaculée inspiratrice d'Auguste Comte », Clotilde de Vaux. Cette maison est devenue (grâce aux dons des positivistes du Brésil, le seul pays où la doctrine compte encore un certain nombre d'adhérents) le temple de la religion de l'humanité, cette religion que fonda le philosophe Auguste Comte. Dans son « Cours de philosophie positive », A. Comte définit les trois états théoriques par lesquels l'humanité aurait passé : théologique, métaphysique et positif, ce dernier état, synthèse du rationalisme et du mysticisme, étant celui qu'il a inauguré. Or, paradoxalement, lui qui voulait en fait détrôner le christianisme et les religions en général a abouti à la création d'une nouvelle foi, avec sa liturgie étrange dans laquelle furent intercalées des citations en latin et en italien, nouvelle foi ou trône une nouvelle Vierge, Clotilde de Vaux, que le philosophe aimera comme fut aimée Béatrice Portinari par Dante.
        Le temple de la rue Payenne n'était fréquenté, au temps de mes études, avant la guerre, que par quelques personnes.
        Le buste d'Auguste Comte se dressait sur l'autel, cependant que, à la paroi, les portraits de ses « trois anges » (sa mère, Clotilde, sa femme de ménage) le surplombaient. Il y a quelques années, un drapeau vert signalait le lieu du temple, et l'on pouvait lire cette inscription qui résume toute la morale comtienne : « Vivre pour autrui. L'amour pour principe et l'ordre pour base ; le progrès pour but ». L'intérieur de la chapelle comportait, outre le buste et les portraits sus-mentionnés, de nombreux noms, ceux des grands hommes qui symbolisent les trois états ou étapes du comtisme, de Moïse à Bichat, en passant par Aristote, César, Dante.
        Des beaux principes, de la liturgie et de la doctrine d'Auguste Comte, il ne reste que quelques souvenirs, comme ces fleurs dites « immortelles » qui sont figées dans le passé.
        Il en va de même des Saint-Simoniens dont l'église se trouvait à la rue de Ménilmontant, secte qui fut fondée par le père Enfantin, religion sans culte, qui intéressa Augustin Thierry et Comte, s'inspirant de Fourrier, l'initiateur de ces « phalanstères » qui devaient préfigurer la société de l'avenir.

    Des faux christs aux bardes druidiques
       
    Les faux prophètes, les faux messies sont légion depuis les débuts du christianisme. Signalons, parmi les plus récents, Georges-Ernest Roux, employé des PTT d'origine catholique mais grand admirateur de Platon. Le jour de Noël 1950, Roux se découvre comme le nouveau Christ revenu sur la terre et fonde une nouvelle religion, dont les premiers disciples seront ses filles et son gendre. Ce nouveau Christ dit de lui-même : « Je suis la vie, l'Eternel Créateur, Celui qui anime tout. Je suis partout, rien n'est hors de Moi. Je reviens à nouveau sous la forme de l'homme, afin de donner à l'humanité une dernière possibilité d'accéder à la Vie ». Roux guérit les malades et vitupère les médecins. Le culte comprend de la musique et des chants et une prédication fondée sur la doctrine du Christ-Roux ; lorsque les fidèles prient, ils ferment les yeux et tendent les bras. Leur régime alimentaire est très strict : les tomates, les choux, les épinards, les pommes de terre, la viande et le jaune d'œuf en sont exclus.
        Moins connu que le Christ de Montfavet est le messie Vintras, né en 1807, en Seine-et-Oise, qui pratiqua divers métiers avant que l'Archange saint Michel lui apparaisse et lui annonce que le prophète Elie allait descendre en son âme pour préparer la venue du Saint-Esprit. Vintras se mit à prêcher et les disciples vinrent à lui ; son mouvement se répandit même hors de France : le mystique polonais Towianski y adhéra. Quelques néo-Vintrasiens se réunissent encore à Paris, en associant le souvenir de Huysmans, décédé en 1875, qui possédait l'une des hosties consacrées de Vintras.
        Il y a lieu de mentionner l'Ordre Eudiaque, celui de la sérénité, doctrine sans dogme fondée sur la croyance en Dieu qui se propose de rénover l'initiation à la science secrète. Le premier grade conféré par l'Ordre à l'initié est celui de novice, puis viennent ceux d'adepte et de dianoïste (de dianoïa, « entendement »), etc.
        La religion druidique a encore ses fidèles, et leur revue « Ogam » cherche à maintenir un lien avec les partisans d'un retour au druidisme, c'est-à-dire à la science divine et à la sagesse, telles que les transmettent les bardes ou gardiens des paroles. Mentionnons pour terminer, l'« Ordre ésotérique du lys et de l'aigle », secte d'adorateurs du nombril ; la société secrète du « Temple d'Al », qui pratique la nécromancie cérémonielle, et le groupement occultiste « Le Cosmopolite », fondé par un libraire de la rue Gay-Lussac, Claude d'Ygé, que j'avais rencontré dans son arrière-boutique où trônait un énigmatique Bouddha.

                                                                          A. Chédel

    Construire, 17 janvier 1973 (source : e-newspaperarchives.ch)


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  • Gérard Dagon - Les Sectes à visage découvert (Tome 2)(1997)

    Auteur : Gérard Dagon
    Titre : Les Sectes à visage découvert (Tome 2)
    Éditions Barnabas, Paris, 1997 (141 pages)

        L'auteur s'était déjà penché sur le sujet des sectes en 1961 dans Petites églises et grandes sectes en France aujourd'hui.


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  • Les minorités religieuses en France (2019)Les minorités religieuses en France (2019)

     

       

     


    Titre : Les minorités religieuses en France, Panorama de la diversité contemporaine
    Éditions Bayard, 2019
    Sous la direction d'Anne-Laure Zwilling, avec Joëlle Allouche-Benayoun, Rita Hermon-Belot et Lionel Obadia


    Un atlas unique en son genre consacré à tous les groupes religieux présents en France.

    Cet ouvrage original, réunissant près de 80 sociologues, ethnologues, anthropologues, historien, veut permettre une meilleure connaissance des groupes religieux présents en France et leur évolution récente.

    Dans une approche inédite, l’organisation de l’ouvrage repose sur la saisie des grandes religions par « familles », puis en chacune d’elles, des différents sous-groupes confessionnels : les religions asiatiques, les catholicismes, les christianismes orientaux, les islams, les judaïsmes, les protestantismes et les groupes « hors classement traditionnel ».

    Ce livre offre une couverture inégalée dans la présentation des groupes religieux, en évoquant certains déjà connus, mais en éclairant également d’autres qui restent largement à découvrir.

    Présenter, dans un ouvrage unique, l’ensemble des groupes religieux minoritaires de France fournira certainement un outil de travail extrêmement précieux à toute personne cherchant à connaître l’un ou l’autre d’entre eux. Cette vue d’ensemble fournit un élément précieux de connaissance du panorama religieux français. Elle permet également de saisir le positionnement des groupes dans l’espace public et les uns par rapport aux autres, contribuant ainsi à une meilleure intelligence du fait religieux dans la France contemporaine.

    source : https://inshs.cnrs.fr/fr/les-minorites-religieuses-en-france

        Anne-Cécile Bégot est responsable du chapitre consacré aux Antoinistes, pp.1214-1227 (Section 7 : les groupes « hors classement traditionnel »).


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  • Pierre Debouxhtay corrige Michèle de Rienzi (Chroniques, p. 372, in Revue belge de Philologie et d'Histoire, Année 1931)

        Après les grandes religions, les Petites Eglises. Dans ce livre (Paris, Librairie Universelle, in-8°, 196 p. 15 frcs.) M. Michelis Di Rienzi jette un coup d'œil sur vingt cinq sectes religieuses – de petits lacs, comme dit l'auteur, autour desquels campent parfois seulement quelques dizaines d'adeptes, dans l'espoir d'y puiser l'oubli, la consolation, l'espérance : catholiques gallicans, adventistes du 7e jour, mithraïstes, mormons, antoinistes etc. Ce recueil, intéressant pour l'étude de la psychologie religieuse, contient une documentation qui nous a paru généralement exacte, du moins en ce qui concerne les sectes qui nous sont connues. Quelques remarques au sujet de l'Antoinisme : p. 18, en dessous de l'emblême antoiniste il faut lire « l'arbre de la science de la vue du mal » ; c'est pour avoir mal lu que l'auteur n'a pas compris ; en 1846, l'endroit où est né Antoine faisait partie de la commune de Flémalle-Grande lez-Liège ; ce n'est que plus tard qu'il fut rattaché à Mons-Crotteux ; l'auteur semble ignorer qu'Antoine fut spirite, pendant environ 30 ans, avant de devenir fondateur de religion ; ce fait a son importance pour l'explication de certaines doctrines antoinistes. Signalons enfin qu'on appelle aussi Antoinisme la secte fondée, en Suisse, par Antoine Unternaehrer (1759-1824). - Pierre DEBOUXHTAY.

    Chroniques, p. 372,
    in Revue belge de Philologie et d'Histoire, Année 1931


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  • Un livre de M. Kurth

         Avez-vous lu le petit livre de M. Kurth, la Nationalité belge ? Non ? Eh bien, courez chez votre libraire et achetez-le sur l'heure. C'est un ouvrage excellent, que tout bon belge doit mettre dans sa bibliothèque, à côté de l'admirable Histoire de Belgique de notre grand et cher Pirenne. Et quand on a ces livres-là dans sa bibliothèque, il faut les tirer souvent du rayon et les lire et les relire, tantôt d'un bout à l'autre, tantôt par petits fragments, jusqu'à ce que l'on ait le cerveau tout imprégné de leur enseignement et le cœur enflammé de leur superbe ardeur patriotique. J'ai lu ce volume en 1913, dès qu'il a paru. Pourquoi n'en ai-je point parlé aussitôt, comme c'était mon devoir ? Eh ! que sais-je ? Je suis, je le confesse, un pauvre écrivain, affligé de soucis divers et d'une si terrible lenteur de la plume, que je ne trouve pas le temps d'écrire la centième partie des livres que je rêve et des articles que je projette. Voilà ! Mea culpa ! Mais mon retard ne justifierait pas le vôtre, si vous remettiez au lendemain la lecture que je vous conseille.
        Ce que l'on trouvera dans le petit livre de M. Kurth, ce sont des leçons données en 1905, aux élèves d'un pensionnat de jeunes filles. C'est assez dire que leur enseignement est très simple et tout familier. Il est à la portée de la jeunesse des écoles, et j'estime que tout écolier devrait l'avoir entre les mains. Mais les grandes personnes, même les plus lettrées, en feront également leur profit, car elles y trouveront maintes bonnes et belles choses que généralement elles ignorent et qu'il importe qu'elles connaissent. Et celles qui les connaissent déjà, prendront plaisir à les revoir exprimées avec une précision et une simplicité efficaces et charmantes.
        Et tout le monde, je crois, y trouvera de véritables nouveautés. L'une, la meilleure, ce sont les considérations sur le Brabant, envisagé comme l'un des principaux facteurs historiques de notre unité nationale.
        Une autre... me paraît plus contestable. Et comme j'ai aujourd'hui l'esprit fâcheusement porté à la critique, c'est de celle-ci que je veux parler. Etudiant le caractère propre du peuple belge, M. Pirenne l'a montré dans la rencontre et l'interpénétration réciproque de l'esprit germanique et de l'esprit gallo-romain. M. Kurth cherche ailleurs le caractère spécifique de notre peuple. Il croit le trouver dans une fidélité exceptionnelle à l'église catholique. Très ingénieusement, ayant rappelé que la Belgique était devenue le royaume des Francs, il cite le préambule de la loi salique : « Vive le Christ, qui aime les Francs ! » Il montre ensuite la Belgique prenant avec les Carolingiens la tête du mouvement de défense de l'Occident contre les Sarrazins, puis, avec les Croisades, la direction de l'immense effort entrepris par l'Europe contre l'Islam, effort qui se continue jusque sous le règne de Charles-Quint. Il montre enfin la Belgique luttant contre le protestantisme jusqu'à la séparation de la Hollande, luttant contre la politique anticléricale de Joseph II, contre la domination antireligieuse de la République française, contre le règne calviniste du roi Guillaume Ier des Pays-Bas...
        Certes, cela est très significatif. On voit bien que la Belgique est historiquement fort attachée au catholicisme romain. Mais la Pologne et l'Irlande le sont aussi. Et dans l'Europe méridionale, que dire de l'Espagne et de l'Italie ? Cet attachement ne paraît donc pas être le caractère spécifique du peuple belge.
        M. Kurth va jusqu'à dire que nulle hérésie « n'a jamais vu le jour sur notre sol ». Hum ! Et Tanchelin ? Et Jansénius ? Et, dans de moindres proportions, Bloemardine, et même, un tantinet, Ruysbroeck l'Admirable, dont la gloire, remise à neuf par Maurice Maeterlinck et par l'Académie flamande, chagrinait fort le bon chanoine Delvigne, curé de Saint-Josse et ferme champion de l'orthodoxie ? Il y eut aussi les anabaptistes dans le nord, et M. Georges Eekhoud nous a conté les hauts faits des « Libertins d'Anvers ». Enfin, il me semble que le terrible mouvement des iconoclastes qui ravagèrent les monastères et les églises des Pays-Bas... Mais ce mouvement-là, dira-t-on, n'est qu'un affluent du mouvement calviniste qui venait de Suisse et de France. Soit ! Le reste n'est-il pas suffisant ?... Les hérésies d'ailleurs ne naissent guère que dans les temps et les lieux où l'esprit religieux est très actif. Dès lors, est-ce louer la religion d'un pays que de prétendre qu'aucune hérésie n'y a jamais vu le jour ?...
        Dans le dernier chapitre de son petit livre, M. Kurth montre la Belgique actuelle divisée en deux partis, qu'il devrait considérer, s'il était logique, comme constituant désormais deux peuples distincts, étrangers l'un à l'autre, puisque l'un est composé de catholiques fidèles, et l'autre de libres-penseurs, d'athées et, en général, d'anticléricaux. Si la fidélité catholicisme était vraiment le caractère spécifique du peuple belge, il faudrait en conclure que les belges anticléricaux ne sont plus de vrais Belges, partant, que la Belgique est en train de se décomposer. C'est une exagération manifeste. Il n'est pas exact non plus de voir dans l'affaiblissement de l'esprit religieux d'une partie de notre population un phénomène nouveau. Au XVIe siècle, au moment où se préparait l'invasion du protestantisme, le catholicisme de beaucoup de belges était fort tiède ; il ne se réchauffa précisément qu'au choc du protestantisme. Et le passage d'un certain nombre de flamands à la religion réformée constitue un phénomène assez analogue, — mutatifs mutandis, — à l'entrée des belges du XIXe siècle dans la franc-maçonnerie. Enfin, les succès actuels de la secte des Antoinistes dans la population ouvrière de la Wallonie, ne rappellent-ils pas aussi les conversions au protestantisme du temps du Prince d'Orange et de la Ligue des Gueux ?
        Certes, la grande majorité du peuple belge est catholique et entend rester fidèle à sa foi. Je ne songe pas à nier que cette fidélité ne soit l'une des caractéristiques de ce peuple ; mais je n'y saurais voir son caractère principal, puisque, d'une part, elle est commune à plusieurs peuples, et que d'autre part elle est étrangère à une minorité assez considérable de notre population, aujourd'hui comme à certains moments du passé.
        Cela est si vrai que le catholicisme exagéré de certains chapitres de cet excellent petit livre, l'empêchera malheureusement d'être pour quelques belges le manuel patriotique qu'il sera certainement pour tous les autres.

                                                              IWAN GILKIN.

    La Belgique artistique et littéraire, tome 35 (n°120-125),
    Bruxelles, 1er avril 1914-1er août 1914
    Chronique du Mois, Les faits et les idées, p.309


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  • Claude Petit-Castelli - Les sectes, Enfer ou paradis (1977)

    Auteur : Claude Petit-Castelli
    Titre : Les sectes : Enfer ou paradis
    Éditions : Ed. de Messine, Paris, 1977 (191 pages)

        Un livre qui évoque les sectes au sens large, dont les Antoinistes. Pratiquement sans erreur en ce qui concerne les antoinistes (quelques généralités et indications imprécises), il mérite d'être lu dans son entier pour comprendre le phénomène.

        Voici le chapitre consacré aux Antoinistes :

        Parmi les sectes issues du christianisme, la secte des Antoinistes est l'un des mouvements les plus sympathiques, presque une bouffée d'air pur. En effet à la différence de ses consœurs, cette secte ne demande aucune participation financière à ses fidèles, ne pratique pas l'endoctrinement à outrance, ne cherche nullement à combattre qui que ce soit, ni les religions, ni les hommes.
        Qui est cet Antoine, l'inspirateur, le chef d'une secte qui compte aujourd'hui environ vingt mille fidèles, notamment en France et en Belgique, berceau du culte ?
        Louis Antoine est né le 7 juin 1846 à Mons-Crotteux en Belgique, cadet d'une famille de onze enfants, famille de mineurs catholiques pratiquants, il fut élevé selon les principes de charité et d'humilité. A douze ans, le jeune Louis Antoine descendit à son tour dans la mine mais, trop faible, il dut travailler dans une chaudronnerie jusqu'à l'âge de vingt ans. Depuis longtemps il aimait la lecture, et préférait volontiers la solitude et le recueillement aux joies de la vie. Après son service militaire et la guerre de 1870 contre l'Allemagne, durant laquelle il tua malencontreusement un de ses camarades, il choisit de s'exiler en Allemagne pour tenter d'oublier et mieux gagner sa vie. Là, il se maria avec celle qui est devenue plus tard la mère et qui perpétua son œuvre, Catherine Collon, la sœur d'un de ses amis. Un enfant naquit de leur union. Ils revinrent vivre en Belgique, mais l'argent manquant de plus en plus, la famille Antoine s'expatria de nouveau, en Pologne cette fois. A Varsovie, ils restèrent cinq années, le temps de mettre un petit pécule de côté et de rentrer à Jemeppe-sur-Meuse en Belgique où Antoine trouva un travail de concierge dans une usine. Intervint alors dans sa vie un événement qui bouleversa sa vie.
        Un ami lui fit découvrir un cercle spirite, et lui donna à lire le livre d'Allan Kardec, le Livre des esprits. Sa voie était trouvée. Il se découvrit medium et fonda un groupe spiritualiste, les Vignerons du seigneur.
        Il s'intéresse au problème de la maladie, entre en contact spirite avec deux médecins qui lui dictent les thérapeutiques à appliquer aux patients qui commencent à venir le voir. Il impose les mains aux malades, distribue des bouts d'étoffe magnétisée. Pour Antoine, le corps ne représente rien, la guérison du corps est la conséquence de la guérison de l'âme. L'homme est naturellement bon et altruiste. Dieu n'existe pas si ce n'est dans chacun de nous. Il pense que la mort terrestre n'est qu'une désincarnation suivie presque aussitôt d'une réincarnation.
        Lorsque Antoine parle de son fameux médecin-esprit, il dit : « Il m'apparaît comme un visage lumineux. C'est la foi qui guérit. Si, par la volonté, on arrive à se persuader que l'on n'est plus malade, alors la maladie s'en va. Mais quand ceux qui viennent à moi n'ont pas la foi, alors mon guide s'en va et je reste seul. »
        Les malades en question viennent de plus en plus nombreux. Cela n'est pas du goût des médecins pratiquants qui intentent à Antoine un procès pour escroquerie et exercice illégal de la médecine.
        Louis Antoine va donc, afin de poursuivre sa mission salvatrice, abandonner sa démarche spirite pour un enseignement doctrinal plutôt philosophique, voire prophétique. En 1906, est construit le temple des Antoinistes premier de la série ; il en existe maintenant cinquante-cinq en Belgique et vingt-cinq en France. Antoine impose les mains désormais devant une assemblée et non plus individuellement. Sa vie de prophète commence : il dicte la Révélation de l'auréole de la conscience, véritable bible des Antoinistes, recueil des pensées des révélations plutôt, du père – c'est ainsi qu'on l'appelle – pour lequel « la valeur d'un enseignement réside non dans les mots mais dans le fluide qui en découle ».
        Pour les Antoinistes, la mort n'existe pas, la matière n'existe pas : l'homme, par voie de conséquences, ne peut mourir. Le fluide passe, véritable substance intemporelle qui doit amener l'homme à la pureté. Le mal est la conséquence d'un manque de foi ; or le manque de foi vient d'une hypertrophie de l'intelligence, intelligence et conscience étant incompatibles ; le mal vient donc de la science. Théorie simpliste certes, mais qui touche les gens simples épris de charité.
        Le culte est aussi réduit à sa plus simple expression. Les quatre premiers jours de la semaine, a lieu l'opération : au temple, un officiant lit les dix principes de Dieu et c'est tout, l'opération ayant pour but d'arrêter les « fluides » négatifs. Après la cérémonie, desservants pratiquent la consultation, ils donnent des conseils de tous genres. Le dimanche, est célébré le culte du recueillement durant lequel les officiants lisent des morceaux choisis dans la vie du père. Il n'y a pas de sacrements.
        Après la désincarnation d'Antoine, devenu par la force des choses une sorte de personnage mythique, c'est sa femme appelée mère qui a continué son œuvre avant de se désincarner à son tour en 1941. On assiste alors à plusieurs querelles, notamment entre les temples belges et français. Les premiers voulaient remettre en vigueur les guérisons collectives ; les autres, au contraire, se contentaient de recevoir les malades individuellement. C'est la seconde orientation qui l'emporta.
        Les frères, sont habillés de noir comme le père, avec une lévite, un chapeau haut-de-forme aux bords recourbés ; les sœurs, en jupe plissée, corsage noir, portant un châle et un bonnet, restent discrètement à l'écart. Les Antoinistes sont pour une réunification de tous les groupements religieux. « Quand nous serons pénétrés de l'enseignement du père, il n'y aura plus de dissensions entre les religions. Nous nous aimerons tous car nous aurons tous compris la loi du progrès. »
        Bien entendu, il est difficile de prendre très au sérieux le culte antoiniste tant ses dogmes semblent puérils et primaires, mais la bonté et la charité ne peuvent-elles pas parfois prendre l'aspect le plus déroutant ? Entre un Antoiniste sincère, pur et sage et un catholique décadent, est-il possible d'hésiter.

    Claude Petit-Castelli - Les sectes, Enfer ou paradis (1977)

     

    Catherine Collon appelée encore « Laurie ».
    C’est elle qui a perpétué le culte Antoiniste après la désincarnation de son mari.
    Louis Antoine, Père spirituel des Antoinistes.
    Ce beau vieillard auréolé de lumière préconisait l’amour et l’amitié entre tous les hommes.


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  • Maurice Colinon - Le Phénomène des sectes au XXe siècle (1959)

    Auteur : Maurice Colinon
    Titre : Le Phénomène des sectes au XXe siècle
    Éditions : Fayard (Collection "Je Sais, Je Crois"), Paris, 1959

    Recension :
        Ce petit ouvrage allègrement écrit résume et synthétise pour le grand public catholique les résultats des travaux de l'auteur lui-même, du R. P. Chéry, du Chanoine Verrier, du R. P. Lavaud et du présent recenseur sur les « sectes » dans notre pays. Une bibliographie sommaire termine le livre et permet de pousser plus loin l'étude. Il faut remarquer et saluer ici un progrès certain dans la typologie de l'auteur. Certes le mot « secte » est employé un peu légèrement, d'une manière en tout cas qui étonne le sociologue. Ainsi lisons-nous, p. 11 : « Tous ces mouvements, toutes ces Eglises, toutes ces Sectes... ont en commun... quelques traits..., dont le principal parait étre celui-ci : aux Ecritures, elles ajoutent généralement une « révélation » due à quelque prophète inspiré qui est supposé éclairer ou compléter la Bible ». Dans ce cas-là, et nous doutons qu'il se vérifie dans la plupart des exemples dont M. Colinon nous entretient, il faut parler de religions nouvelles, et non indifféremment de mouvements, d'Eglises ou de Sectes. Ceci dit, notre auteur divise son monde en : 1) Sectes d'Origine Protestante, 2) Sectes Guérisseuses (non-protestantes, donc), et 3) « Dissidences » catholiques Modernes. Le refus initial d'une typologie est compensé par le groupement fait par l'auteur pour les besoins de sa rédaction. Nous nous félicitons de ce pas en avant vers une classification plus nettement scientifique, regrettant seulement qu'elle n'aille pas plus loin.
                      J. S.

    source : https://www.persee.fr/doc/assr_0003-9659_1959_num_8_1_2066_t1_0178_0000_2

     

        Évoque les Antoinistes de la page 73 à 81 :

    LE « PERE » ANTOINE ET L'ANTOINISME

        Il est parfois assez difficile de comprendre comment naît une secte. Quand il s'agit d'un mouvement d'origine protestante, le processus paraît bien établi. Mais que dire des « Petites Eglises » qui ont pris naissance chez nous (ou presque), à une date récente ?
        A ce titre, l'exemple de l'Antoinisme ne manque pas d'intérêt. Il s'agit, en effet, d'un mouvement numériquement important (un million d'adeptes, affirment ses dirigeants), d'origine proche (au début de ce siècle) et dont le fondateur est né et a vécu dans cette partie de la Belgique la plus voisine de la France : la région de Mons.
        Ce qui est arrivé à Jemeppe-sur-Meuse en 1906 ne pourrait-il pas se produire encore aujourd'hui ?
        Essayons donc de revivre cette extraordinaire aventure, et de comprendre de quelle manière un homme « comme les autres » peut devenir, par étapes, un guérisseur, un mystique, un prophète, un fondateur de religion et même – aux yeux de beaucoup de ses disciples – une sorte de Dieu.

    Un homme « comme les autres »

        Dans tous les temples antoinistes, un portrait domine la salle de culte : c'est celui d'un beau vieillard dont les longs cheveux blancs, la barbe en éventail et les moustaches d'ouate épaisse auréolent le visage extasié et doux. Ce vieillard, c'est le « Père » à la fin de sa vie terrestre.
        Les biographies du « Père » Antoine sont nombreuses, et souvent contradictoires sur les points importants. Nous suivrons plus volontiers celle que lui a consacrée M. Robert Vivier, auteur sympathique à l’Antoinisme et même probablement disciple du « Père ». Pour tout ce qui concerne l'homme, elle nous guidera avec objectivité.
        Louis Antoine est né le 7 juin 1846 à Mons-Crotteux, en Belgique. Il était le cadet d'une famille de onze enfants et son stimulé par l'exemple de ses parents, pieux et charitables, le petit Louis se passionnait pour l'histoire sainte. A douze ans, il fit sa première communion. Puis il quitta l'école et, à son tour, descendit dans la mine.
        Le métier de mineur lui déplaisait. Il obtint de ses parents la permission d'aller travailler à Seraing, dans une chaudronnerie. Il y resta jusqu'à l'âge de vingt ans. A cette époque, il avait une foi fort vive et s'écartait souvent de ses compagnons pour prier à son aise. En 1866, il partit faire son service militaire. Profitant de ses instants de loisir, il lisait tout ce qui lui tombait sous la main. L'aumônier du régiment, qui redoutait les effets de ces découvertes désordonnées et disparates sur un homme dénué de culture de base, lui dit un jour : « Antoine, mon ami, prenez garde aux lectures. Ce sera votre péché... » Il ne croyait pas si bien dire.
        Quand, quatre ans plus tard, la guerre éclata avec l'Allemagne, Louis Antoine fut de nouveau appelé sous les armes. Là se produisit un événement tragique, qui devait avoir sur son esprit la plus profonde influence : au cours d'un exercice, Louis tua, d'un coup de fusil, un de ses camarades. Il était si estimé de ses chefs que la sanction fut bénigne. Mais, des années durant, Louis Antoine allait se demander : « Pourquoi cette épreuve ? Pourquoi ? ».
        Démobilisé, il partit travailler en Allemagne, où les ouvriers qualifiés touchaient de hauts salaires. Au cours d'un congé, il épousa la sœur d’un de ses amis, Catherine Collon, qui attendait un enfant de lui. Le bébé naquit en Allemagne et reçut le prénom de Louis. Trois ans plus tard, le jeune ménage rentrait en Belgique et Antoine se mit à vendre des légumes avec une carriole. L'hiver, il continuait à lire beaucoup. Il s'intéressait particulièrement à la médecine, et aussi aux doctrines socialistes. Il réfléchissait, seul, durant des heures.
        Le jeune ménage était très pauvre ; presque dans la misère. Aussi Antoine décida-t-il de s'expatrier à nouveau. Cette fois, ce fut comme contremaître dans une usine de Varsovie. Le jeune ménage en revint cinq ans plus tard, avec un pécule qui le mettait à l'abri du besoin. Et Louis se contenta des modestes fonctions de concierge aux « Tôleries liégeoises », à Jemeppe-sur-Meuse.
        Son caractère avait changé. Les pensées obscures qu'il retournait dans sa tête l'avaient aigri. Il souffrait de l'estomac ; un jour même, il s'était battu et avait eu affaire à la police. Il ne pouvait même plus prier. Un prêtre, auquel il confia son désarroi, lui dit : « Méfiez-vous. Il est très dangereux de penser quand on n'a pas assez d'instruction... » Il refusa la leçon, et décida de chercher ailleurs.
        C'est alors qu'un camarade, Gustave Gony, l'introduisit dans un cercle spirite. Il lui prêta Le Livre des Esprits, d’Allan Kardec. Louis Antoine s'enthousiasma pour le spiritisme, et crut y trouver la réponse à toutes les questions qui l'obsédaient depuis si longtemps ? Bientôt, les évocations eurent lieu chez lui. Il se découvrit médium, fonda son propre groupe « spiritualiste », qui prit le nom de Vignerons du Seigneur. C'étaient ses premiers pas sur un chemin qui devait le mener très loin...

    Guérisseur, puis prophète

        En 1893, Louis Antoine eut la douleur de perdre son fils unique. Il choisit de lui faire des obsèques spirites. Un seuil décisif était franchi : Antoine quittait avec éclat le catholicisme.
        Sa foi spirite s'affermit avec l'espoir de communiquer avec son fils décédé. En même temps, il s'attache au problème de la maladie. Les « esprits » répondent à son attente. Deux d'entre eux, qui disent se nommer « docteur Carita » et « docteur Demeure » lui dictent des ordonnances. Antoine impose les mains aux malades, recommande certains remèdes, distribue des morceaux de tissu « magnétisé », édicte des régimes alimentaires. Le voici guérisseur. Et guérisseur spirite.
        Bientôt, il quitte ses fonctions à l'usine et se consacre tout entier à sa « mission ». Séances de guérison et évocations spirites vont de pair. Antoine compose un résumé des « enseignements » des « esprits » qu'il intitule Petit catéchisme spirite et que ses disciples répandent de porte en porte. On y lit notamment :
        « Les Vignerons du Seigneur guérissent les maladies, chassent les démons (mauvais esprits), ressuscitent les morts, s'entretiennent avec les disparus de ce monde, donnent gratuitement ce qui leur a été donné gratuitement. »
        Pour Antoine, le corps n'est rien. Pour le guérir, c'est à l'âme qu'il faut s'attaquer. Et lui-même n'y parvient encore qu'avec l'aide d'un guide de l'au-delà dont il donne cette description :
        « Il m'apparaît comme un nuage lumineux lorsque je dois réussir ma cure ; mais quand ceux qui viennent à moi n'ont pas la foi, mon guide s'en va, je deviens seul... C'est la foi qui nous guérit. Si nous croyons que nous allons cesser d'être malade, la maladie s'en va. »
        En 1900, les malades se pressent si nombreux qu'il faut construire une vaste salle pour les recevoir. On la décore des portraits d’Allan Kardec, du curé d'Ars et du « docteur Demeure », ainsi que d'une gravure représentant « le Christ guérissant les malades ».
        Le 19 février 1901, Antoine comparaît devant le tribunal correctionnel de Liége pour exercice illégal de la médecine. Ne fait-il pas des diagnostics, n'ordonne-t-il pas des remèdes ? Antoine est condamné, avec sursis. Comme l'écrivent ses disciples : « Un nouveau magistrat s'est levé, et du coup un mauvais fluide s'est répandu dans la salle. Il y a eu lutte de fluides et finalement Antoine a perdu. »
        Mais, comme il arrive toujours en ces sortes d'affaires, les journalistes rendent longuement compte du procès et Antoine en retire une énorme publicité. Cette condamnation le fait réfléchir. Ne pourrait-il abandonner les passes magnétiques et tout le reste pour ne s'en tenir qu'à la prière ? il le tente, et s'aperçoit très vite qu'il obtient les mêmes résultats. Son journal L’Unitif écrira : « Sans cette condamnation, il aurait continué à opérer matériellement... Ainsi les médecins et les juges lui avaient rendu le plus grand service en dissipant un doute et en lui démontrant d'une manière palpable que seules opéraient sa foi et notre confiance en lui. »
        L'affaire, peu à peu, se dégage des gestes matériels. Le Père, comme on commence à l'appeler, précise lentement sa doctrine. En 1905 paraît en librairie, sous le titre d'Enseignement, le recueil des entretiens qu'il a avec ses disciples. Les adeptes se mettent en campagne pour colporter la parole du Père.
        A cette époque, Antoine est encore un pur spirite. Il répète : « Je ne suis qu'un guérisseur, un médium comme les autres. » Et son disciple Hollange proclame, dans un hymne en vers :

                  Déjà le spiritisme se lève
                  Et conquerra le genre humain...

        Mais, un dimanche matin, Antoine réunit ses fidèles et leur dit de sa voix tranquille et douce : « J'ai reçu une inspiration, mes enfants. Nous devons abandonner les évocations et la médiumnité. Le vrai spiritisme n'est pas là. »
        Il brûle tous les exemplaires de sa doctrine et précise : « Bientôt, je vous révélerai un nouvel Enseignement. »
        Nous sommes en 1906. La salle de consultations est démolie et remplacée par un véritable Temple. Le Maître quitte ses habits ordinaires pour y paraître désormais vêtu d'une longue lévite noire, fermée du haut en bas. Chaque dimanche, pendant trois ans, il va prêcher sa nouvelle révélation qui sera imprimée aussitôt. Ce seront : « La Révélation de l’Auréole de la Conscience », suivie du « Couronnement de l'œuvre révélée » et du « Développement de l'Enseignement », les trois livres sacrés de l'Antoinisme.
        On ne parle plus des Vignerons du Seigneur. L'Antoinisme est né. Après trois années de prédication, Antoine fait retraite. Pendant six mois, il s'enfermera dans sa chambre. Même sa femme, collaboratrice de tous les instants, se verra condamner sa porte. Que faisait Antoine ? M. Robert Vivier nous le dit : « Il ajustait avec prudence les pièces d'un étrange appareil de précision, fait de mots et de pensées. Et cet appareil, qu'il montait et démontait sans trève dans le silence de sa petite chambre, sous le toit, ce n'était rien moins que l'univers »...
        A Pâques 1910, Antoine reprend sa place dans le Temple. Désormais, il renonce à recevoir individuellement ceux qui viennent le consulter. Il impose les mains à l'assemblée tout entière. Le 15 août, il consacre solennellement le Temple au nouveau culte. Le dernier pas est franchi : Antoine, le « Père », fonde sa propre religion.

     

        L'introduction également est disponible en ligne.


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  • Pierre Geyraud - Les petites Eglises de Paris (1937)

     

    Auteur : Pierre Geyraud (également auteur de Les Religions Nouvelles de Paris et de l'article Les Sociétés Secrètes de Paris)
    Titre : Parmi les Sectes et les Rites : Les petites églises de Paris
    Éditions Émile-Paul frères, Paris, c.1937, 249 pages

    Pierre Geyraud - Les petites Eglises de Paris (1937)-recension

    Recension :

        Les petites Eglises de Paris M. Pierre Geyraud a entrepris une exploration des sectes et des rites inconnus qui vivent à Paris, capitale des religions. Il nous conduit ainsi chez les Trappistes, les Pères blancs de Carthage, les Bénédictines, les Eglises catholiques romaines, mais non latines, l'Eglise catholique évangélique, les Saint-Simoniens, les Antoinistes, l'Armée de l'Eternel et le Petit Troupeau, chez les Mages et dans l'Ordre du Lys et de l'Aigle.
        Qui pourrait croire que, parmi tous les gens que l'on rencontre dans l'immense ville, tant de personnes puissent appartenir à des cultes secrets et presque inconnus, dont quelques-uns, à cause des guérisons qui leur sont imputées, sont soudain placés en pleine lumière par un procés correctionnel. Ainsi, les fervents du zouave Jacob et les flagellants de Bordeaux, qui connurent une heure de trop grande célébrité avec leur expédition punitive sur le curé de Bombon.
        Un curieux livre, en vérité, écrit par un ancien ecclésiastique « entraîné aux voies multiples de la vie mystique et rompu aux subtilités de la théologie ».

                            Edmond HOUZE.
    Ce soir, 2 septembre 1937


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  • Dom Besse - Les religions laïques, un romantisme religieux (1913)

    Auteur : Dom Besse (Jean-Martial Besse)
    Titre : Les religions laïques : un romantisme religieux
    Éditeur : Nouvelle librairie nationale, Paris, 1913, 317 pages, in-16

     

        Évoque l'antoinisme dans le chapitre I consacré aux religions laïques (p.21) :

        C'est le spiritisme qui, avec l'occultisme, profite le plus des diminutions religieuses de la France. Leurs théories échevelées et leurs pratiques énervantes attirent ceux qu'a détraqués une longue anarchie intellectuelle et morale. L'instinct religieux a chez ces individus des manifestations et des exigences maladives. Ils réclament de l'extraordinaire et du malsain. Cela les apaise un instant pour les surexciter à nouveau.

        L'occultisme ne sera jamais au terme de sa fécondité ; sa souplesse lui permet de tourner les obstacles. Il se met à la portée de chacun. Ce sera tantôt une sorcellerie grotesque ou un sensualisme, qui mêle à des actes immondes des formules et des prétentions saintes, tantôt un spiritualisme élevé et une philosophie mystique. Il revêt parfois des formes nouvelles ; plus fréquemment, il se borne à rajeunir mal des erreurs oubliées, la magie, la gnose, le manichéisme par exempte.  

        Les occultistes se partagent en sectes et en écoles très diverses. Elles ont pour organes des revues, que se passent les initiés. Voici quelques titres : l'Initiation, l'Humanité intégrale, la Religion universelle, la LUmière, la Paix universelle, le Voile d'Isis, la Curiosité, etc.

        Des praticiens habiles font des affaires en exploitant ces faiblesses religieuses de l'humanité. L'occultisme et le spiritisme se prêtent fort bien a leurs calculs. On s'en aperçut en Belgique avec Antoine le guérisseur, mort à Jemmapes, près de Liège, dans le courant de l'été de 1912. Sa clientèle de dévots s'étendait assez loin en France, après avoir débuté modestement parmi les spirites de son voisinage.


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  • Jules Bois - Les petites religions de Paris (1894)

    Auteur : Jules Bois
    Titre : Les petites religions de Paris
    Éditions : L. Chailley (Paris), 1894 - VI-215 p. ; 17 cm

        Évoque les Théosophes :


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