• Ecclesia, lectures chrétiennes - N°29 (août 1951)

    Ecclesia, lectures chrétiennes - N°29 (août 1951)

    Auteur : Maurice Colinon
    Titre : Ecclesia, lectures chrétiennes
    Éditions : Bureaux de la revue, N°29 (août 1951)

        Cette revue chrétienne aborde une fois les Antoinistes. Le texte est dû à Maurice Colinon qui a déjà écrit sur le sujet avec Faux prophètes et sectes d’aujourd’hui (1953), Le Phénomène des sectes au XXe siècle (1959) et Guide de la France religieuse et mystique (1969).

        Voici la teneur du texte de ce « spécialiste » qui reprend en grande partie ce qu’il écrit dans les Faux prophètes et sectes d’aujourd’hui dont j’ai déjà fait la critique :

    RELIGIONS ÉTRANGES
    ersatz du Christianisme

    L'ANTOINISME

        Parmi les religions étranges qui ont suscité la curiosité de nos lecteurs, l'une des plus souvent évoquées est certainement l'Antoinisme. Elle est assez fortement représentée en France et ses adeptes font preuve d'un réel esprit de conquête. Par ailleurs, le nom du « Père Antoine » fait parfois penser à certains qu'il s'agit d'un religieux, plus ou moins dissident ou rapidement canonisé par un groupe de fidèles.
        Ce sont assez de raisons pour mettre les choses au point.
        SON HISTOIRE. « Antoine-le généreux ». « Antoine-le-Guérisseur », ou simplement « le Père » pour ses 1.500.000 fidèles répartis à travers l'Europe et l'Amérique s'appelait de son vrai nom Antoine Louis. Il naquit à Mons-Crotteux, en Belgique, l'an 1846. C'était un simple ouvrier, presque illettré, qui fut contraint de travailler aux charbonnages dès l'âge de douze ans et que rien ne semblait prédisposer à fonder une religion.
        C'est, comme tant d'autres, par le spiritisme qu'il y vint, a quarante-deux ans. Animateur d'un petit groupe spirite qu'il avait fondé à Jemmeppe-sur-Meuse, où il exerçait les modestes fonctions de concierge aux Tôleries, il en vint à mêler aux principes du catholicisme dans lesquels il avait été élevé des notions théosophiques de plus en plus étranges. Il construisit ainsi peu à peu, grâce aux « révélations » des tables tournantes, (et notamment de Victor Hugo), une morale simpliste mais efficace qu'il répandit parmi nos familiers.
        Souffrant d'une maladie d'estomac, il eut ainsi le bonheur d'apprendre que « la maladie n'existe pas », mais que seul le péché rend infirme, il suffirait donc d'être pur pour jouir d'une parfaite santé. Par un phénomène de suggestion bien connu, non seulement il se guéri, mais encore se mit à guérir autour de lui. Des lors, sa réputation ne cessa de grandir et atteignit bientôt toute la province.
        Esprit simple, et qui s'émerveillait lui-même, il ne tarda pas à avoir un projet plus grandiose : celui de fonder un culte. Le premier temple « antoiniste » fut ainsi édifié à Jemmeppe-sur-Meuse, en 1910. Il était dominé par « l'arbre de la science de la vue du mal », peint en noir, qui devint vite le drapeau et symbole de la religion nouvelle. Les malades affluèrent de toutes parts ; il fallut guérir en série. L’opération s'organise sur des bases nouvelles ; on nomma un conseil d’administration, on se distribua les titres honorifiques, on publia un journal. Quand « le Père » mourut, le 25 juin 1912, ses fidèles se comptaient déjà au nombre de 150.000.
        Le culte passa alors sous l'autorité de sa veuve (« la Mère »), une simple ouvrière comme lui, qui en demeura le chef incontesté durant près de trente années, jusqu'à sa mort en 1941. Durant cette période, la renommée des « miracles » du Père Antoine, amplifiée par la rumeur publique, amena à la religion nouvelle nombre d'esprits inquiets et plus encore de malades et d'infirmes. L'Antoinisme était, pour toujours, marqué de sa double origine. Religion simpliste, il était aussi entreprise de guérison.
        LA DOCTRINE ANTOINISTE. Les textes fondamentaux de l'Antoinisme sont d'une simplicité qui n'exclut pas l'obscurité. Tel celui-ci, qu'on peut lire sur les murs d'un temple parisien : « Si vous respectez toute croyance et celui qui n'en a pas, vous savez, malgré votre ignorance, plus qu'il ne pourrait vous dire ... » (1)
        Quant à la « doctrine », elle n'est guère plus explicite. On a, en lisant les textes antoinistes, une étrange impression de malaise, tant s'y trouvent mêlés des éléments mal assimilés de christianisme, de socialisme humanitaire et de spiritisme latent. Et, en même temps, il s'en dégage une sorte d'humilité que l'on pourrait résumer ainsi : considérons tous les hommes comme nos égaux, et nous-mêmes comme très médiocres ; soyons solidaires ; défions-nous de notre intelligence qui n'est qu'orgueil ; ayons confiance en Dieu.
        LE CULTE ET LA LITURGIE. Le « culte » est, lui aussi, des plus simples. Il comprend : lecture des « commandements » (2) rédigés par le fondateur, et que ses fidèles considèrent comme la parole même de Dieu ; lectures des Evangiles (3) ; on y ajoute parfois des scènes de la vie du Père Antoine.
        Enfin, à toute heure du jour et de la nuit, un « frère » et une « sœur » se tiennent à la disposition des malades qui pourraient venir leur demander la guérison. Cependant, les Antoinistes refusent pour eux-mêmes, le nom de guérisseurs. Ils n'ordonnent à leurs consultants aucune sorte de remède, ne soignent aucune maladie. Ils se bornent à prier pour la guérison de l'âme du patient, dont ils attendent en retour la santé du corps. Ils n'acceptent, pour ce faire, aucune sorte de rétribution.
        Il arrive, comme toujours, que le malade – impressionné par la solennité du moment et tout prêt à s'y associer – ressente une amélioration réelle qui, pour certaines affections d'origine nerveuse, peut être définitive. C'est alors un nouvel adepte pour l'Antoinisme, et un adepte qui se fera d'enthousiasme propagandiste.
        Les Antoinistes ont adopté, dès l'origine, une sorte d'uniforme qu'on leur voit revêtir aux jours de cérémonies, et particulièrement le 25 juin, jour de fête solennelle qui commémore la « désincarnation » de leur prophète. Les hommes portent une lévite noire et un chapeau haut de forme ; les femmes une sévère robe (noire aussi) de coupe particulière et un bonnet de style 1830.
        On voit parfois, dans les rues de Paris, ces uniformes derrière un cercueil recouvert d'un drap vert (en signe d'espérance). C'est un enterrement antoiniste, et toute la petite communauté tient généralement à y participer.
        IMPORTANCE ACTUELLE DE L'ANTOINISME. Les Antoinistes annoncent, nous l'avons dit, un million et demi de fidèles. En Belgique, ils possèdent vingt-huit temples (dont deux à Bruxelles) ; en France, une vingtaine. Paris possède un premier temple rue Vergniaud et un second, moins important, rue des Grands-Augustins. La plupart des autres sont de simples maisons particulières. On note parmi les centres antoinistes les plus actifs : Lyon, Tours, et Aix-les-Bains ; Monaco compte aussi un petit groupe. (4)
        Il semble que l'Antoinisme se soit relativement développé en Allemagne, et davantage encore dans tous les pays anglo-saxons, ce qui n'a rien de très étonnant. (5) Partout, ce sont les plus humbles, les plus déshérités qui se tournent vers cette religion sans fastes toute de résignation dont les formules leur paraissent merveilleuses.
        L'Antoinisme peut sans doute être considéré comme la « religion » qui compte, proportionnellement au nombre de ses fidèles, le plus grand nombre d'ouvriers, notamment métallurgistes et mineurs. Il va sans dire que la moindre « guérison » donne à ces pauvres gens une ardeur renouvelée et entretient la curiosité et la sympathie autour des « frères » et « sœurs » dont le désintéressement et le dévouement sont dignes d'éloges.
        Il semble que des difficultés internes soient survenues depuis le décès de « la Mère ». Les Antoinistes de Belgique (présidés par un jardinier de Jemmeppe) professent que les guérisons (ou « opérations » doivent se pratiquer collectivement, lors des cérémonies du dimanche matin. Cette façon de procéder se révélerait plus efficace en raison de l'apport important que constitue la concentration de toutes les volontés. Les Antoinistes de France tiennent fermement en faveur des « opérations » strictement individuelles, comptant sur l'intervention du « Père » auprès de Dieu pour en assurer seule le succès.
        Nous ignorons comment le problème a été résolu. Mais il est probable que de telles difficultés ne manqueront pas de surgir à nouveau en diverses occasions, tant les principes laissés par Antoine sont vagues et susceptibles de toutes les interprétations. C'est là le principal obstacle au développement d'un culte qui compte parmi les plus primitifs de ceux qui sont représentés chez nous.
                                                        Maurice COLINON.

    (1) Sans le début de ce principe, cela n’est en effet pas clair. Voici le 2e principe dans sa totalité : « Ne croyez pas en celui qui vous parle de moi, dont l'intention serait de vous convertir, si vous respectez toute croyance et celui qui n'en a pas, vous savez, malgré votre ignorance, plus qu'il ne pourrait vous dire. »
    (2) Pour un spécialiste, voilà l’auteur tombé dans ses habitudes catholiques, puisqu’il n’existe pas de « commandements », dans l’antoinisme. C’est la différence avec les sectes.
    (3) Cela se faisait au temps du cercle spirite Les Vignerons du Seigneur, parfois dans les salles de lecture, puis dans les Unitifs, mais il n’en existe pas de lectures dans les temples.  
    (4) Les données du spécialiste sont là encore dépassés, puisqu’en 1951, existaient déjà des temples parsemés dans toutes la France.
    (5) Il y existait un intérêt de la presse dans ces pays, mais jamais de réels groupes et encore moins de temples (sauf celui de Rio de Janeiro).


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