• On arrête un guérisseur inoffensif (Le Petit bleu de Paris, 8 avril 1927)TROP DE ZELE

    ON ARRÊTE
    un guérisseur inoffensif

        Mais mieux vaudrait coffrer les assassins, les cambrioleurs et les empoisonneurs publics.

        Il est entendu qu'il faut défendre la santé publique contre les marchands d'orviétan qui vendent, sous forme de poudres, de cachets ou de flacons, sans diplômes et contre espèces sonnantes, des drogues sans valeur, quand elles ne sont pas nocives pour ceux qui les emploient.
        Mais pourquoi, diable, arrêter ce paysan des environs de Metz qui, d'aubergiste, était devenu antoiniste zélé, puis guérisseur des maladies du corps humain par la foi et l'amour de Dieu ? Le père Wagner, comme on l'appelait, en plus de ses fonctions d'hôtelier villageois, avait rang d'évêque du culte antoiniste. A ce titre, il faisait des miracles, c'est-à-dire qu'il faisait du bien à une foule de malheureux malades par l'application de sa doctrine purement mystique.
        La foi soulève les montagnes, c'est un lieu commun. Pourquoi – à la condition que celui qui se sert de ce levier intérieur ne soit pas un filou – lui refuser le moyen de soulager des misères physiques ? Le Codex n'est pas l'alpha et l'oméga de la thérapeutique humaine et l'on conçoit très bien que certaines catégories de souffrants trouvent un soulagement à leurs maux ailleurs que dans les formules débitées avec garantie du gouvernement. C'est dans ce domaine-là qu'on peut dire que la fin justifie les moyens, l'essentiel étant qu'importe le flacon pourvu qu'on ait l'ivresse.
        Il y a au surplus assez de cambrioleurs, d'assassins, de mercantis et autres malfaiteurs publics pour que les juges s'occupent de choses utiles et ne se rendent pas ridicules en arrêtant des gens qui veulent guérir les corps, comme les âmes, en prescrivant la foi et l'amour de Dieu.
        Justement, dans cette région lorraine, il y a des bouchers empoisonneurs et des dissimulateurs de bénéfices de guerre. Les parquets locaux ne croient-ils pas que mieux vaudrait s'occuper de ces gens-là que d'un thaumaturge villageois et mystique qui, en fait de médicaments, recommandait aux malades de chercher la guérison aux sources de la vie surnaturelle ? Un tel apôtre n'est pourtant guère dangereux ni pour l'ordre public, ni pour la santé de ses concitoyens, à la différence des marchands de viande avariée et de vaches tuberculeuses. Aussi peut-on penser que ce n'est pas M. Barthou qui a donné des instructions de ce genre-là.

    Le Petit bleu de Paris, 8 avril 1927


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  • Les guérisseurs et les médecins (La Meuse, 5 avril 1927)(Belgicapress)LES GUERISSEURS ET LES MEDECINS

     Les premiers en sont réduits à consulter les seconds

        « Chacun son métier et les vaches seront bien gardées ». Nicolas Wagner, cafetier à Esch-sur-Alzette, n'avait qu'à continuer à débiter des petites gouttes au lieu de débiter des sornettes, sous couleur de guérir les malades. Maintenant, il ne guérira plus les autres, mais on espère, en le mettant en prison, qu'il se guérira lui-même de son fâcheux travers.
        Aussi, Wagner n'était pas trop intéressé, car, prescrire des bains d'eau-de-vie quand on est cafetier – cafetier luxembourgeois, s'entend – donne à penser aux moins clairvoyants et aux plus débonnaires, qu'on pense à soigner son commerce au moins autant que les malades.
        – Versez-moi donc une petite goutte, père Wagner, pour me remonter un peu…
        – Prenez-en donc un tonneau. Un bon bain de « péket » avant de vous coucher, et vous serez comme un neuf.
        Et, en effet, le client, qui n'était d'abord que plein d'espoir, après pareille trempette, le devenait bientôt comme un œuf : Wagner ne mentait pas !
        Il n'empêche que les amateurs de régénération par l'alcool ne faisaient pas défaut. Wagner n'en inscrivit pas moins de quatre cent cinquante sur son carnet.
        Mais ce succès n'a pas empêché de mettre en doute l'infaillibilité de la méthode employée. Ceux qui étaient acharnés à la perte du cafetier rebouteux, se sont empressés de tirer du fait qu'ils n'usaient pas de son remède, tout au moins de la même façon que ses malades, des conclusions redoutables.
        Wagner, qui n'est pas exempt de douleurs, s'est mis dans de vilains draps et à aggravé singulièrement son cas, en consultant, les rebouteux des hommes qui n'étaient que médecins.
        Pourtant, nous tenons pour nous, en toute sincérité, que c'est là, tenter de demander par un argument peu probant la duplicité du coupable.
        Wagner, comme tous ses parents, procédait par suggestion à l'égard de ses clients. Il est possible que la suggestion puisse avoir des effets salutaires chez les autres. Il est facile de dire aux gens qui viennent geindre près de vous en les regardant dans le blanc des yeux : Vous n'avez rien ! Je vous dis que vous n'avez rien ! Récitez tous les soirs en vous couchent un petit couplet d'une chanson qui commence par : Ça va mieux, ça va mieux, ça va mieux, et qui se termine par : Je suis guéri ! Je suis guéri ! Je suis guéri !
        Tout ça c'est bien pour les autres, mais aller donc vous payer, vous munir de pareilles chansons.
        Fallait-il donc que Wagner s'en aille trouver un autre guérisseur pour essayer de se laisser suggestionner. Les rebouteux doivent être un peu comme les Augures de l'antique Rome : ils ne peuvent se regarder sans rire.
        Bien triste est la situation d'un rebouteux atteint d'une maladie qu'il craint incurable et qui se dit : dire que je parviens à réconforter les autres, à les suggestionner tant et si bien que je crois, Dieu me pardonne, qu'ils en guérissent parfois et qu'il faille que je perde jusqu'à l'espoir !
        Il faudrait pour les guérisseurs et même pour les autres, non de simples médecins, mais des médecins rebouteux qui allieraient le talent de la suggestion à la science pure et simple.
        Ne riez pas et écoutez plutôt cette petite histoire : un jeune médecin vivait pauvrement parce que les malades brillaient par leur absence dans son cabinet de consultation. Un jour, une heureuse inspiration lui vint, il déménagea et fit répandre le bruit qu'il était guérisseur et faisait des cures merveilleuses.
        Aussitôt la clientèle la plus nombreuse et même la plus huppée de la ville de venir se pendre à sa sonnette, tant et si bien que les vrais médecins s'en émurent et portèrent plainte.
        Ce n'est pas une raison parce que je suis médecin, dit alors notre homme, sans la moindre malice, au juge d'instruction qui l'interrogeait, pour que je ne sois pas aussi guérisseur.                              ERBE.

    La Meuse, 5 avril 1927 (source : Belgicapress)


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  • Médecine et thaumaturgie (L'Indépendance luxembourgeoise, 20 juin 1924)(eluxemburgensia.lu)Médecine et thaumaturgie

        Il n'est question à Luxembourg et surtout dans le bassin minier que des guérisons miraculeuses opérées par un empirique établi à Esch-sur-Alzette. Notre confrère, le Journal d'Esch, avait dénoncé il y a quelques jours aux pouvoirs publics les « solennelles fariboles » grâce auxquelles ce rebouteux réussit à amadouer et à duper une clientèle qui, paraît-il, s'accroît tous les jours dans des proportions inquiétantes. Les moyens auxquels recourt ce nouveau marchand d'orviétan sont une application, paraît-il, des méthodes bien connues du Père Antoine. Notre confrère croit savoir que le thaumaturge du bassin minier a déjà été condamné pour exercice illicite de la médecine par un tribunal du pays.
        Le temps des thaumaturges, dit l'Escher Tageblatt, est passé. Et les malades doivent se faire soigner aujourd'hui par le médecin que sa science et sa pratique ont préparé à remédier à nos informités physiques. Par la suggestion les charlatans ne peuvent produire qu'un sentiment passager de soulagement ; mais le mal se propage et lorsqu'au bout de quelque temps on recourt aux soins du vrai médecin, il est ordinairement trop tard. Ainsi les marchands d'orviétan jouent avec la vie de leurs semblables.
        Notre confrère reconnaît qu'il n'est pas toujours facile aux organes de la sûreté publique de démasquer de pareils charlatans, car ils savent déguiser fort habilement l'exploitation de la superstition et de la bêtise humaine. C'est précisément pour cela qu'il entend mettre le holà à ces louches pratiques et rappeler aux victimes de l'imposteur qu'en l'enrichissant elles se font du tort à elles-mêmes.
        Or, voici que le guérisseur en question vient prendre lui-même sa défense dans les colonnes du Journal d'Esch. Il s'appelle Nic. Wagner, – ancien chef de gare du Prince Henri à Weilerbach, nous dit-on – et voici en quels termes il fait son apologie :
        « Ce n'est pas à ma personne, mais à Dieu et à tous ceux qui ont confiance en moi que je dois de répondre à votre article calomnieux.
        « La science n'arrivera jamais à découvrir quel esprit m'éclaire et me guide et de quels moyens je dispose pour tirer de sa misère l'humanité souffrante. Il n'y entre ni magnétisme, ni hypnotisme, ni suggestion ni spiritisme. Ma puissance repose exclusivement sur la bonté du Tout-Puissant, et celui qui ose insulter à cette bonté, qu'il vienne me trouver pour être converti à une meilleure façon de voir.
        « Pourquoi m'appelle-t-on marchand d'orviétan ? Pourquoi fait-on de moi un charlatan qui joue avec la vie de ses semblables ? Personne de ceux qui ont eu foi en moi n'a été déçu. Si ma cure n'a pas réussi, c'est au doute seul qu'ils doivent s'en prendre. Ceux qui ont recours à mes soins, viennent de leur propre mouvement. Tous pourront attester la vérité de ce que j'affirme. Ils seront mieux à même d'éclairer la conscience du ministère public que les gens qui s'offrent par l'organe du Tageblatt à fournir ces éclaircissements. Ce qui prouve d'ailleurs combien ces gens sont peu renseignés, c'est qu'ils parlent de « l'enrichissement de l'imposteur ». Je travaille gratuitement au soulagement de l'humanité souffrante, et personne n'est à même de me prouver le contraire.
        « Je n'ai pas le temps d'engager une polémique de presse. Aussi est-ce mon premier et mon dernier mot. »
                              (Signé: Nic. Wagner).

    L'Indépendance luxembourgeoise, 20 juin 1924 (source : eluxemburgensia.lu)


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  • Les guérisons miraculeuses - Nicolas Wagner (Le Soir, 29 avril 1926)(Belgicapress)

    COUR DE CASSATION de Luxembourg
    Les guérisons miraculeuses ?

        Me Jules Destrée, du barreau de Bruxelles, est venu plaider l'affaire Wagner devant notre Cour de Cassation. Wagner est un ouvrier d'Esch-sur-Alzette, disciple du Père Antoine, qui a obtenu des guérisons extraordinaires, avec un parfait désintéressement, uniquement par la prière et la foi dans le Père Antoine.
        Acquitté par le tribunal de Luxembourg du chef d'exercice illégal de l'art de guérir, il fut condamné par la Cour d'appel et se pourvut en Cassation.
        La question de principe discutée était de savoir ce qu'il faut entendre par exercice illégal de la médecine. La thèse de la défense a été que l'activité médicale comportait deux opérations liées : le diagnostic et la prescription du remède, essentiellement individuelles, et nécessitant des connaissances scientifiques.
        Rien de pareil dans le cas antoiniste. Ni diagnostic, ni prescription, ni science, mais des recommandations générales d'un caractère moral ou parfois des conseils banaux.
        Elargissant le débat, Me Destrée a montré les effets bienfaisants de l'auto-suggestion, et les recherches récentes (Christian Scientists chez les Anglo-Saxons, Freud dans les pays germaniques, Coué en France) qui expliquent de façon rationnelle les guérisons dont se vantent toutes les religions et qu'on considère cons miraculeuses.
        L'arrêt sera rendu à quinzaine.

    Le Soir, 29 avril 1926 (source : Belgicapress)


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  • Erbe Nicolas Wagner-Schmit (Luxemburger Wort, 9. Oktober 1953)(eluxemburgensia.lu)

    mise en vente pour l'héritage Nicolas WAGNER-SCHMIT de Esch

    Luxemburger Wort, 9. Oktober 1953 (source : eluxemburgensia.lu)


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  • Défense de guérir - Nicolas Wagner (Le Midi socialiste, 19 avril 1927)AU JOUR LE JOUR

    Défense de guérir

        Le « père Wagner », aubergiste dans une petite localité du Luxembourg, vient d’être arrêté en Alsace et conduit devant le juge de Metz pour avoir soigné sans diplôme des foules de malades.
        A la vérité, la médication de ce gargotier, en rupture de fourneaux n’était pas bien dangereuse. Adepte et même évêque de la religion antoiniste, le « père Wagner » disait à ses malades :
        – Allez et croyez en Dieu. Il vous guérira des maux du corps comme il vous guérira de ceux de l’âme.
        Mais les gens, que l’évêque antoiniste traitait de la sorte, avaient l’imprudence de se proclamer guéris. Sur les livres de cet étrange médecin on a relevé les noms de quatre cent cinquante clients !
        Quand ceux-ci apprirent que le « père Wagner » était incarcéré, ils envoyèrent une délégation au juge pour lui dire que s’il ne le mettait pas tout de suite en liberté, de nombreux malades, faute de soins, se trouveraient exposés à la mort.
        Le juge a dû relaxer l’apôtre sous caution. Mais la Faculté aura le dernier mot.
        C’est l’aventure de Jésus qui se renouvelle ainsi de temps en temps.
        Saint Marc, dans son évangile, nous dit que Jésus s’étant retiré dans un endroit désert, Simon, son disciple, l’y alla trouver pour lui dire : « Seigneur, tout le monde vous réclame. » Jésus se laissa convaincre et, à travers les bourgades de la Galilée, guérit un lépreux, un aveugle, un paralytique, etc.
        Ces bonnes gens, eux aussi, allèrent proclamer leur merveilleuse guérison et Jésus dut fuir la colère des scribes et des Pharisiens.
        Il n’y a pas grand’chose de changé depuis deux mille ans. Les apôtres qui commettent la maladresse de mêler la médecine à la morale finissent, sinon sur la croix, du moins en correctionnelle.

                                                                       André NEGIS.

    Le Midi socialiste, 19 avril 1927


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  • Condamné pour avoir guéri des malades (La Patrie, Montréal, 23 juillet 1927)(numerique.banq.qc.ca)

    Condamné pour avoir guéri des malades

        METZ. 23. – Le tribunal correctionnel de Metz été saisi du procès intenté à M. Nicolas Wagner, desservant du culte antoiniste, demeurant à Esch-sur-Alzette (Luxembourg), inculpé d'exercice illégal de la médecine.
        Des témoins déclarent avoir été guéris, par M. Wagner, de maladies déclarées incurables. M. Wagner les guérissait en disant des prières et en invitant les malades à en dire en même temps que lui.
        Après une plaidoirie de M. Henry Ferrette le tribunal condamne à 200 francs d'amende le guérisseur Antoiniste.

    La Patrie, Montréal, 23 juillet 1927 (source : numerique.banq.qc.ca)


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  • Le thaumaturge d'Esch et le culte antoiniste (L'Indépendance luxembourgeoise, 24 juillet 1924)(eluxemburgensia.lu)

    Le thaumaturge d'Esch-sur-Alzette et le culte antoiniste

        Par un récent jugement de la Cour d'appel, celui qu'on nomme le thaumaturge d'Esch-sur-Alzette, M. Nic. Wagner, autrefois chef de gare à Weilerbach, actuellement cafetier à Esch-sur-Alzette, a été condamné pour exercice illégal de l'art de guérir. L'amende de 200 francs à laquelle il avait été condamné en première instance a été portée à mille francs.
        Dans ses considérants la Cour d'appel rappelle que la loi du 10 juillet 1901 considère comme exerçant illégalement l'art de guérir toute personne non munie des diplômes luxembourgeois autorisant à la pratique de la médecine qui traite des malades ou prend part à ce traitement, sauf le cas d'urgence avérée. Beaucoup de personnes s'imaginent qu'un profane qui exerce l'art de guérir ne devient passible d'une peine que s'il se fait rétribuer pour les services qu'il rend à l'humanité souffrante et s'il administre à ses malades des médicaments et de prétendues panacées. Un de nos confrères avait même accusé le guérisseur d'Esch-sur-Alzette de s'enrichir aux dépens de ses clients. M. Nic. Wagner avait protesté énergiquement, on s'en souvient, contre cette accusation, et, de fait, l'instruction n'a pu retenir aucun fait probant qui ait pu confirmer ce soupçon. Une de ses clientes qui se disait miraculeusement guérie d'une sorte de lupus que les médecins auraient désespéré de guérir, a bien déclaré que dans sa gratitude elle était prête à céder à son sauveur toute sa fortune. Mais on ne saurait guère y voir qu'une de ces hyperboles qui échappent à un cœur débordant de joie et de reconnaissance.
        Aussi la Cour d'appel, pour venir au-devant de l'opinion erronée selon laquelle il n'y a délit pour un guérisseur que s'il y a eu rémunération, rappelle-t-elle expressément dans son jugement que la loi ne « subordonne l'existence de l'infraction qu'elle réprime ni au mode de traitement employé ni à l'administration d'un médicament même à titre gratuit. » Ce qui suffit au juge, c'est de constater que le but des pratiques auxquelles se livrait M. Wagner, était de guérir les malades ; c'est de fournir la preuve irrécusable que cet illuminé avait pris au pied de la lettre l'enseignement du catéchisme qui fait précisément de cette pratique charitable la vertu chrétienne par excellence.
        En quoi consistaient les pratiques du guérisseur ? « Pour faire impression sur les malades, dit un des considérants du jugement, il les introduit dans une chambre et les plaçant devant le portrait du père Antoine de Jemeppe dont il est un adepte fervent, il leur impose les mains pour faire passer dans leur corps le fluide guérisseur qu'il prétend posséder. Il leur recommande d'avoir une foi inébranlable en lui et en leur guérison, de prier avec ferveur pendant qu'il récite quelques principes de « l'unitif », code des Antoinistes dont il endosse parfois le costume.
        Qu'est-ce que le père Antoine et les Antoinistes dont M. Wagner semble avoir pris à tâche, d'après l'énoncé de ce jugement, de répandre le culte dans le Grand-Duché ? Nos lecteurs en ont entendu parler plus d'une fois. Tous les journaux de Paris, le mois dernier, ont parlé de la commémoration solennelle à Paris de la « désincarnation », c'est-à-dire de la mort du Père Antoine. Ce fut pour les Parisiens un spectacle inaccoutumé. Car si depuis le 25 juin 1913, date de la mort du Père Antoine, les anniversaires de la « désincarnation » ont toujours été célébrés à Jemeppe-sur-Meuse (Belgique) par des foules comparables à celle – 30.000 à 40.000 personnes – qui avait suivi le cercueil du Père, c'est pourtant pour la première fois que cette commémoration eut lieu à Paris. On la célébra dans le temple antoiniste, nouvellement construit, qui s'élève rue Vergniaud, temple minuscule précédé d'un jardin et dont le porche porte cette légende : « Le Père Antoine, le grand guérisseur de l'humanité pour celui qui a la foi. » A l'intérieur du temple, où se déroulait la cérémonie devant une foule compacte de frères et de sœurs en robe « révélée » et débordant jusque sur les deux trottoirs de la rue, un large carton affiche, écrite en grosse ronde, la copie du décret d'utilité publique obtenu du Gouvernement belge en 1910 et signé, à gauche : Masson, Ministre de la Justice, à droite, Albert, Roi.
        Mais si l'immense popularité dont jouissait le Père Antoine en Belgique aux environs de 1910 – époque où le guérisseur de Jemeppes recevait par jour 500 à 1200 malades et où des milliers de personnes déclaraient avoir été guéries par lui – valut aux adeptes des Antoinistes un décret d'utilité publique, ils furent énergiquement combattus par l'Eglise qui s'inquiétait d'autant plus des progrès de cette religion nouvelle que les zélateurs du culte nouveau opposaient triomphalement le nombre de leurs guérisons aux miracles de Lourdes. Il faut ajouter d'ailleurs que les incrédules furent aussi étonnés que les catholiques du succès obtenu par les prédications du guérisseur qui semblait avoir pris pour devise le mot du Christ : « C'est la foi seule qui sauve », devise qui est devenue d'ailleurs en Amérique celle des adeptes de la « Christian Science ». Eh quoi, entendait-on dire, est-ce donc un siècle de scepticisme que celui où l'on voit surgir aussi inopinément une foi nouvelle ?
        Quel est donc l'homme extraordinaire qui a pu produire un pareil miracle ? Louis Antoine, né à Mons, était simple ouvrier mineur, promu aux fonctions de chef-marteleur et plus tard – après un séjour de cinq ans en Pologne – d'encaisseur aux Forges et Cokeries Liégeoises. Par son travail et son économie, il avait gagné une petite fortune et il rêvait de grandes destinées pour son fils unique. La mort de celui-ci le décida à consacrer sa vie et sa fortune au soulagement de toutes les misères physiques et morales. Il quitta son travail et resta chez lui à la disposition des malades et de tous ceux qui étaient dans la peine. Le bruit de ses guérisons attirait chez lui des foules toujours grossissantes.
        Antoine était d'un désintéressement absolu et n'acceptait rien de ses malades. Il y avait jadis dans le temple qu'un adepte reconnaissant lui avait fait construire à Jemeppe, un tronc dans lequel les malades pouvaient déposer leur obole et dont le produit était intégralement distribué aux pauvres de Jemeppe. Ce tronc fut supprimé dans la suite, Antoine recommandant à ceux qui lui offraient de l'argent de choisir eux-mêmes les pauvres auxquels ils voulaient faire la charité. Lui-même avait donné en aumônes tout ce qu'il possédait. A peine lui restait-il de quoi vivre. Il vivait d'ailleurs comme un ascète. En végétarien convaincu il ne prenait ni viande ni œufs ni beurre ni lait. Il ne sortait jamais de la petite maison qu'il habitait à côté du temple de Jemeppe avec son admirable femme – la « Mère » qui continuait son œuvre après sa mort – et 2 orphelines qu'il avait recueillies, que pour se promener avec ses malades dans le jardin et pour monter en chaire. Deux fois aussi il en sortit pour comparaître devant le tribunal correctionnel et la cour d'appel du chef d'infraction à la loi sur l'art de guérir. Il fut d'ailleurs acquitté, et ses deux comparutions avaient donné lieu à de grandes manifestations populaires. C'était un Saint, et ainsi s'explique la prodigieuse influence morale qu'il exerçait sur tous ceux l'approchaient et suivaient ses enseignements.
        Quelles étaient, demandera-t-on, les croyances et les doctrines philosophiques d'Antoine ? Longtemps il avait été catholique fervent, et il a toujours eu un penchant au mysticisme. Etant enfant il quittait ses camarades de jeux pour entrer à l'Eglise. Dans la suite il s'est affranchi de toute croyance dogmatique pour s'attacher à une vague et mystique théosophie. Il croyait à la réincarnation. Chacun de nous porte, selon lui, la peine et la récompense de sa vie antérieure, doit travailler à son avancement moral, à son amélioration, doit se détacher de plus en plus de la matière pour mériter de devenir un pur esprit et se rapprocher de plus en plus de Dieu. Mais Antoine s'expliquait peu sur ses idées philosophiques, dit le journal la Meuse, auquel j'emprunte plusieurs de ces renseignements ; son enseignement était plutôt moral. Il prêchait le désintéressement, la résignation devant l'épreuve nécessaire, la charité, l'amour même de ses ennemis. Comme guérisseur il était persuadé que les maux du corps proviennent d'une imperfection de l'âme : c'est l'âme qu'il faut soigner et guérir de ses maux. Il ne demandait pas même aux malades le mal dont ils souffraient. En cela, notre thaumaturge luxembourgeois semble se conformer à son exemple.
        Avec une rapidité qui tient du prodige l'Antoinisme a, depuis la mort de son fondateur, étendu son influence spirituelle. La « Mère Antoine », sans compter les temples consacrés au culte du Père en Belgique, a inauguré en France plus de six temples antoinistes : à Vervins, à Tours, à Lyon, à Caudry, à Monaco, à Paris. Cette année deux autres doivent s'ouvrir, l'un à Aix-les-Bains, le second à Orange. Le nombre des fidèles, en Belgique et en France, s'élève à 700.000 selon les uns, à un million, selon les autres. Le nombre s'augmentera-t-il d'une phalange luxembourgeoise ou l'arrêt de notre Cour d'appel arrêtera-t-il à frontière cette nouvelle vague de mysticisme ?

                                                                                       LE CURIEUX.

    L'Indépendance luxembourgeoise, 24 juillet 1924 (source : eluxemburgensia.lu)


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  • Le guérisseur antoiniste Nicolas Wagner (La Revue hebdomadaire, 29 juin 1927)

    Le guérisseur antoiniste
    est condamné
    à 200 francs d'amende

        METZ, 28 juin. (De notre correspondant particulier.) – Un desservant du culte antoiniste d'Esch-sur-Alzette, Nicolas Wagner, a été condamné par le tribunal correctionnel de Metz à 200 francs d'amende pour exercice illégal de la médecine.
        Continuant la tradition du père Antoine, fondateur de la secte, Nicolas Wagner guérissait à l'aide de prières et a été déjà condamné de ce chef en Luxembourg.
        Les honoraires du guérisseur étaient versés à la caisse commune des antoinistes et servaient à alimenter des œuvres de bienfaisance.

    La Revue hebdomadaire, 29 juin 1927


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  • Un chef antoiniste passe en correctionnel - Wagner (L'Express de Mulhouse, 27 juin 1927)

    METZ. – Un chef « Antoiniste » passe en correctionnelle. — Ces jours derniers a été jugé par la correctionnelle M. Nicolas Wagner, d'Esch-sur-Alzette, un chef du culte des Antoinistes. Il était accusé d'exercice illégal de la médecine en Moselle, où cette secte possède de nombreux adhérents. Son fondateur est un ancien serrurier, « le père Antoine », né à Liége en 1846.
        Après avoir fait le tour du monde et possédant assez d'argent, le père Antoine fonda sa religion qui consiste à réunir ses adeptes à la prière commune et à exercer la bienfaisance. D'aucuns parmi les Antoinistes ont le pouvoir de guérir. Pour être guéri, il faut être membre, payer 20 frs et avoir la foi.
        Des témoins sont venus parler des guérisons opérées par Wagner, guérisons pour le moins étranges.
        Le défenseur de Wagner, Me Ferrette a plaidé non coupable, son client ne donnant jamais de drogue, mais opérant ses cures par la suggestion et la prière. Le jugement sera rendu mercredi prochain.

    L’Express de Mulhouse, 27 juin 1927


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  • Nicolas Wagner (Le Petit Journal 24 juin 1927)

          A-T-ON LE DROIT DE GUERIR
    sans diplôme et sans médicamente,
               par une simple prière ?

        Metz, 23 Juin. Un curieux procès s'est déroulé devant la correctionnelle hier. Nicolas Wagner, de Esch-sur-Alzette (Luxembourg), est accusé d'exercice illégal de la médecine en Moselle.
        Wagner est un des chefs de la secte des « Antoinistes » comptant en Europe plus de cent mille adhérents. Cette secte fut fondée par le Père Antoine, serrurier, originaire de Liège, qui, après avoir fait le tour du monde, résolut de grouper des adhérents dans la prière et la pratique de la vertu. Le Père Antoine et les dirigeants de la secte auraient le pouvoir de guérir toutes sortes de maladies. En réalité, ils ont guéri de nombreuses personnes dont un sourd-muet de naissance, ainsi qu'il fut prouvé au cours de l'audience. Toutes ces guérisons furent opérées seulement par la prière, Wagner ne donnant jamais de médicaments.
        Son défenseur, Me Ferrette, demande l'acquittement suivant la jurisprudence qui dit que les personnes prétendant guérir les maladies par le pouvoir spirituel et la prière ne sont jamais considérées comme exerçant illégalement la médecine.
        Le jugement sera rendu à huitaine.

    Le Petit Journal, 24 juin 1927


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  • Nicolas Wagner (Le Petit Journal 6 avril 1927)Un « guérisseur antoiniste » avait été arrêté en Moselle

        Metz, 5 Avril. – M. Nicolas Wagner, 50 ans, aubergiste et antoiniste guérisseur, à Esch-sur-Alzette (Luxembourg), avait décidé d'étendre son cercle d'affaires et de venir dans la région de Thionville.
        Là, il établit son cabinet de consultations, 103, rue de Castelnau, à Nivange, et les visites affluèrent si bien que la gendarmerie voulut connaître le nouveau médecin, et eut l'indiscrétion de lui demandé des diplômes, qu'il ne put montrer. Il fut alors arrêté et amené devant le juge d'instruction, M, Pagniez.
        Lundi matin, une délégation d'antoinistes composée du trésorier et de quatre membres du groupe d'Esch, est arrivée à Metz en automobile, dans le seul but de demander la mise en liberté provisoir de Nicolas Wagner, dont l'absence prolongée causerait, disent-ils, les plus grands malheurs, plusieurs dizaines de malades privés des soins du guérisseur se trouvant en danger de mort.

    Le Petit Journal, 6 avril 1927


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  • Toubib or not toubib (La Fronde, 24 juin 1927)        TRIBUNAUX 

            Toubib or not toubib

    A-t-on le droit de guérir sans diplôme,
    sans médicaments, par la prière !

        Un curieux procès s'est déroulé devant le tribunal correctionnel de Metz, Nicolas Wagner, de Esch-sur-Alzette (Luxembourg), est accusé d'exercice illégal de la médecine en Moselle.
        Wagner est un des chefs de la secte des « Antoinistes » comptant en Europe plus de cent mille adhérents. Cette secte fut fondée par le Père Antoine, serrurier, originaire de Liège, qui, après avoir fait le tour du monde, résolut de grouper des adhérents dans la prière et la pratique de la vertu. Le Père Antoine et les dirigeants de la secte auraient le pouvoir de guérir toutes sortes de maladies. En réalité, ils ont guéri de nombreuses personnes, dont un sourd-muet de naissance ainsi qu'il fut prouvé au cours de l'audience. Toutes ces guérisons furent opérées seulement par la prière, Wagner ne donnant jamais de médicaments.
        Son défenseur, Me Ferrette, demande l'acquittement suivant la jurisprudence qui dit que les personnes prétendant guérir les maladies par le pouvoir spirituel et la prière ne sont jamais considérées comme exerçant illégalement la médecine.
        Le jugement sera rendu à huitaine.

    La Fronde, 24 juin 1927

    Source : bibliotheques-specialisees.paris.fr


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  • Wagner - Le Guérisseur antoiniste (Le Petit journal 29 juin 1927)

    Le guérisseur antoiniste
            est condamné
     à 200 francs d'amende

        Metz, 28 Juin. – Le tribunal correctionnel de Metz a été saisi du procès intenté à M. Nicolas Wagner, desservant du culte antoiniste, demeurant à Esch-sur-Alzette (Luxembourg), inculpé d'exercice illégal de la médecine.
        Des témoins déclarent avoir été guéris, par M. Wagner, de maladies déclarées incurables. M. Wagner les guérissait en disant des prières et en invitant les malades à en dire en même temps que lui.
        Après une plaidoirie de M. Henry Ferrette le tribunal condamne à 200 francs d'amende le guérisseur antoiniste.

    Le Petit journal, 29 juin 1927


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  • Le Procès de Nicolas Wagner

     

    Le procès de l’antoiniste
                guérisseur
                                   Metz, 29 juin

        Le tribunal correctionnel de Metz a été saisi hier du procès intenté à M. Nicolas Wagner, desservant du culte antoiniste, demeurant Esch-sur-Alzette (Luxembourg), inculpé d’exercice illégal de la médecine.
        M. Menjaud, qui préside l’audience, fait expliquer par M. Wagner, qui a guéri un certain nombre de personnes appartenant au culte antoiniste, ou qui y adhéraient moyennant la cotisation de 20 francs. Ces cotisations tombaient dans la caisse commune des antoinistes et servaient des œuvres de bienfaisance. Le trésorier du culte justifie ce dire. Des témoins déclarent avoir été guéris par M. Wagner de maladies déclarées incurables.
        M. Wagner les guérissait en disant des prières et en invitant les malades à en dire en même temps que lui ; il a même guéri des malades qu’il ne voyait pas.
        M. le substitut Guernion déclare avoir le plus grand respect pour les convictions religieuses, mais le cas de Wagner tombe sous le coup des articles de la loi de 1882 qui réprime l’exercice illégal de la médecine.
        Me Henry Ferrette défend l’accusé. Il rappelle les organes du culte antoiniste dont la fondateur, le Père Antoine, un ancien ouvrier serrurier n’a pas voulu créer une nouvelle religion Il se contenta de grouper un certain nombre de personnes auxquelles il enseigna le culte du bien et la pratique des vertus. Selon lui, la prière à Dieu consola de toutes les infortunes et aboutit à la guérison des malades. Il obtint même de nombreuses guérisons. Aujourd’hui on compte en Europe 100.000 antoinistes.
        Le Père Antoine fut poursuivi une fois devant les tribunaux belges pour exercice illégal de la médecine : il fut acquitté.
        M. Nicolas Wagner, un de ses disciples, fut une fois condamné dans le Luxembourg, puis, une seconde fois, un jugement très motivé l’acquitta.
        Me Ferrette explique ensuite que M. Nicolas Wagner soigne ses malades sans leur procurer de médicaments. Il ne suit pas leur traitement. Il ne les voit même qu’une seule fois. Quelquefois, il ne les voit pas et les soigne en leur ordonnant des prières.
        Les articles de loi qui punissent l’exercice illégal de la médecine ne s’appliquent pas à lui.
        La Cour de cassation et les cours d’appel ont toujours considéré que ceux qui prétendent guérir en vertu d’un pouvoir supérieur ou d’une mission divine, ne commettaient pas l’exercice illégal de la médecine.
        Il faut d’ailleurs retenir que jamais la moindre plainte n’a été formulée par des malades mécontents de M. Nicolas Wagner.
        Me Ferrette demande l’acquittement. Le jugement sera rendu à huitaine.

    L’Est Républicain, 23 juin 1927


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  • Le cas de Vagner

         LE CAS DE VAGNER
       aubergiste et guérisseur

        Metz, 4 avril. – M. Nicolas Vagner est un homme d’une cinquantaine d’années, exerçant, à Esch-sur-Alzette (Luxembourg), la démocratique profession d’aubergiste et jouissant dans le Grand-Duché d’une véritable célébrité. A la vérité, cette célébrité n’a rien de commun avec la vente des spiritueux à laquelle se livre Vagner depuis de nombreuses années. Elle lui vient du fait qu’il est guérisseur et il est devenu guérisseur parce qu’il est antoiniste.
        L’antoinisme, vous le savez, est une petite religion nouvelle, née en Belgique croyons-nous, assez répandue dans le nord de la France et ayant conquis des adeptes dans les régions industrielles et minières du Luxembourg. De ces adeptes, le débitant Vagner fut un des premiers. Il est un des plus zélés et ces deux qualités lui ont fait attribuer le titre de président de l’association antoiniste d’Est, ce qui, d’après lui, est quelque chose comme archiprêtre ou évêque.
        L’antoinisme est une religion pour personnes pratiques, puisqu’elle prétend guérir les corps de leurs maux en même temps qu’elle expurge les âmes de leurs péchés et débarrasse les hommes, et aussi les femmes, de leurs vices.
        Le père Vagner, comme on l’appelle familièrement à Esch, digne émule du père Antoine, fondateur de la secte, a soif de dévouement et s’attache à faire des prosélytes. Il y mit tant d’ardeur que les autorités judiciaires luxembourgeoises lui cherchèrent querelle a un moment donné et le trainèrent devant le tribunal qui lui infligea une amende pour exercice illégal de la médecine sous prétexte que pour guérir les corps il prescrivait à ses fidèles l’usage de remèdes bénins.
        Mais depuis longtemps les autorités luxembourgeoises se sont rendues compte que le pontife guérisseur n’est pas bien dangereux pour les malades et elles se désintéressent de lui.
        Cependant, le père Vagner pensa que les Lorrains étaient, autant que les Luxembourgeois, dignes de ses soins spirituels et matériels et il vint dans la région de Thionville prêcher la religion nouvelle. Ce n’est pas un missionnaire comme les autres que l’aubergiste antoiniste. Il commença par donner des soins à quelques malades qui, sans doute, ne s’en trouvèrent pas mal puisque sa réputation de science s’étendit vite sur Hayange, Knutange, Algrange, Nilvange et environs.
        Le père Vagner établit son cabinet da consultations et son confessionnal chez un nommé Trost, 103, rue de Casatelnau, à Nilvange, et les visites affluèrent. Elles affluèrent si bien que la gendarmerie voulut connaitre le nouveau médecin et eut l’indiscrétion de lui demander des diplômes qu’il ne put montrer pour l’excellente raison qu’il n’a jamais usé ses pantalons sur les bancs d’une quelconque école de médecine.
        Sans se soucier des protestations des clients de l’apôtre, sans craindre la colère du Dieu dont se réclame le père Vagner, les gendarmes l’arrêtèrent et l’amenèrent à Metz, où il fut confié aux bons soins de M. le juge d’instruction Pagniez.
        En même temps que le guérisseur, les représentants de la loi amenaient ses registres, car l’aubergiste antoiniste guérisseur a de l’ordre et tient une comptabilité que pourraient lui envier bon nombre de commerçants. Sur son livre-journal figurent les noms et adresses de 450 personnes ayant reçu une carte d’antoiniste, moyennant 20 francs, et des soins médicaux par dessus le marché.
        Car M. Nicolas Vagner affirme qu’il ne se fait pas payer pour soigner les corps. Lorsqu’une personne, attirée par sa réelle réputation de guérisseur, vient solliciter ses services, il lui fait d’abord une petite causerie sur l’antoinisme. Si la grâce opère en elle, elle reçoit, en échange de 20 francs, une belle carte bleue lui donnant la qualité d’antoiniste et le droit de recourir aux bons offices du guérisseur pendant un an. Etant ainsi en règle, le visiteur expose son cas, fait connaitre le siège des douleurs dont il se plaint. Comme remèdes, le père Vagner prescrit la foi et l’amour de Dieu. Il prescrit aussi, car il faut bien, comme il le dit, frapper l’imagination, quelques médicaments inoffensifs rentrant dans la catégorie des remèdes de bonne femme, dont au surplus, personne n’eut jamais à se plaindre. Quant à ceux qui ne veulent pas entrer dans le giron de la nouvelle Eglise, le guérisseur les renvoie tout bonnement aux médecins ordinaires, à ceux qui ont fait des études.
        Mais les 20 francs, qu’en fait-il ? allez-vous demander, car vous êtes curieux comme des juges d’instruction. Ce faisant, vous ne gênerez pas du tout l’aubergiste pontife qui vous répondra : une partie des sommes ainsi recueillies sert à l’entretien de notre chapelle (qui se trouve, je crois bien, dans son arrière-boutique) et à l’exercice de notre culte. Le reste est, par nous, employé en bonnes œuvres. Et cette déclaration vous sera confirmée par les antoinistes d’Esch, si la fantaisie vous prend d’aller leur demander ce qu’ils pensent de leur président, dont l’arrestation a provoqué une vive émotion dans la cité industrielle luxembourgeoise.
        Cette émotion est telle que lundi matin une délégation d’antoinistes, composée du trésorier et de quatre membres du groupe d’Esch est arrivée à Metz en automobile, dans le seul but de demander Ia mise en liberté provisoire de Nicolas Vagner, dont l’absence prolongée causerait, disent-ils, les plus grands malheurs, plusieurs dizaines de malades, privés des soins du guérisseur, se trouvant en danger de mort.
        Ces considérations, appuyées par un fort cautionnement et l’argumentation Serrée de Me Joseph, défenseur de Vagner, décideront sans doute M. Pagniez à rendre le guérisseur-pontife bistro à ses malades, à ses clients, et à ses fidèles, ce qui n’empêchera pas de le renvoyer devant le tribunal correctionnel, s’il y a lieu.
        En tout cas, il y a gros à parier que les antoinistes d’Hayange et environs seront dorénavant contraints d’aller à Esch pour remplir leurs obligations spirituelles car Vagner paraît bien décidé à ne pas revenir dans un pays aussi peu hospitalier aux prêtres des religions nouvelles et aux guérisseurs amateurs.                    H. D.

    L'Est Républicain, 5 avril 1927


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  • Nicolas Wagner

           LETTRE DE LUXEMBOURG

     Le thaumaturge d’Esch-sur-Alzette

    Une nouvelle vague de mysticisme :
                le culte antoiniste ?
     

                       Luxembourg, le 21 octobre.
        Le Luxembourg semble appelé à de hautes destinées. Déjà il lui est né un thaumaturge. Le bruit du ses miracles prend un retentissement toujours grandissant et fait rentrer dans l’ombre toutes les autres questions d’actualité dont, en chroniqueur consciencieux, je devrais entretenir mes lecteurs : les résultats de nos élections communales et les modifications d’ailleurs peu sensibles qu’ils ont pu apporter dans la constellation politique du pays; la question – enfin résolue – de la nationalisation de nos chemins de fer avec le consentement assez inexplicable du gouvernement français, détachera pour la première fois et pour toujours le réseau luxembourgeois du réseau d’Alsace-Lorraine et fera passer l’administration de nos voies ferrées entre les mains de la Société belgo-luxembourgeoise du « Prince-Henri » ; la question, enfin, des traités commerciaux à conclure avec l’Allemagne ainsi que du nouveau traité à conclure avec la France.
        Il est vrai que les guérisons miraculeuses accomplies par notre thaumaturge n’auraient pas absorbé ce point l’attention publique, si les tribunaux ne s’étaient pas avisés de le ceindre de la couronne du martyr. Les gendarmes n’admettent plus qu’on opère des miracles de nos jours, surtout lorsque, comme le commun des mortels, on s’appelle Nicolas Wagner et que dans la moins mystique de nos villes – car la métropole de notre bassin manier : Esch-sur-Alzette jamais rien eu d’une sainte Mecque – exerce la profession de cabaretier. A l’hostilité des gendarmes est venue se joindre celle des gens d’Eglise qui soupçonnent le cabaretier thaumaturge de vouloir fonder dans le pays une nouvelle communauté religieuse.
        Condamné en première instance, pour exercice illégal de l’art de guérir, à une amande de deux cents francs, l’aubergiste Nicolas Wagner, autrefois chef de gare sur la ligne du « Prince-Henri », a vu porter son amende à mille francs par la cour d’appel. Les considérants du jugement rappellent que la loi considère comme exerçant illégalement l’art de guérir « toute personne non munie du diplôme luxembourgeois et traitant des malades en prenant part à ce traitement, sauf le cas d’urgence avérée ». Beaucoup de personnes s’imaginent qu’un profane qui exerce l’art de guérir ne devient passible d’une peine que s’il se fait rétribuer pour les services qu’il rend à l’humanité souffrante et s’il administre à ses maladies des médicamente et de prétendues panacées. Or, l’instruction n’a pu retenir aucun fait probant qui puisse confirmer une accusation de ce genre. Une des clientes, qui se disait miraculeusement guérie d’une sorte de lupus que les médecins auraient désespéré de guérir, a bien déclaré que dans sa gratitude elle était prête à céder à son sauveur toute sa fortune. Mais on ne guère y voir qu’une de ces hyperboles qui échappent à un cœur débordant de joie et de reconnaissance.
        Aussi la cour d’appel, pour venir au devant de l’opinion erronée selon laquelle il n’y a délit pour un guérisseur que s’il y a rémunération, rappelle-t-elle expressément dans son jugement que la loi ne « subordonne l’existence de l’infraction qu’elle réprime ni au mode de traitement employé ni à l’administration d’un médicament même à titre gratuit ». Ce qui suffit au juge, c’est de constater que le but des pratiques auxquelles se livrait M. Vagner était de guérir les malades ; c’est de fournir la prouve irrécusable que cet illuminé avait pris au pied de la lettre l’enseignement du catéchisme qui fait précisément de cette pratique charitable la vertu chrétienne par excellence.
        En quoi consistait la pratique du guérisseur ? « Pour faire impression sur les malades, dit un des considérants du jugement, il les introduit dans une chambre et, les plaçant devant le portrait du père Antoine de Jemeppe dont il est un adepte fervent, il leur impose les mains pour faire passer dans leur corps le fluide guérisseur qu’il prétend posséder. Il leur recommande avoir une foi inébranlable en lui et en leur guérison, de prier avec ferveur pendant qu’il récite quelques principes de l’unitif, code des Antoinistes, dont il endosse parfois le costume.
        C’est en effet, le culte du père Antoine que M. Wagner semble avoir pris à tâche de répandre dans le grand-duché. On sait l’immense popularité dont jouissait le père Antoine en Belgique aux environs de 1910, époque où cet ancien ouvrier mineur, qui se croyait appelé par le ciel à soulager les misères physiques et morales de ses semblables recevait par jour 500 à 1.200 malades et où des milliers de personnes déclaraient avoir été guéries par lui. Mais si cette popularité valut aux adeptes du nouveau culte un décret d’utilité publique en Belgique, ils furent énergiquement combattus par l’Eglise qui s’inquiétait d’autant plus des progrès de cette religion nouvelle que les zélateurs de l’Antoinisme opposaient triomphalement le nombre de leurs guérisons aux miracles de Lourdes. Il faut ajouter d’ailleurs que les incrédules furent aussi étonnés que les catholiques du succès obtenu par les prédications du guérisseur, qui semblait avoir pris pour devise le mot du Christ : « C’est la foi seule qui sauve », devise qui est devenue en Amérique celle des initiés de la « Christian Science ». Eh quoi, entendait-on dire, est-ce donc un siècle de scepticisme que celui où l’on voit surgir aussi inopinément une foi nouvelle ?
        Avec une rapidité qui tient du prodige l’Antoinisme a, depuis la mort de son fondateur étendu son influence spirituelle. La mère Antoine, comme les fidèles appellent la veuve de celui qu’ils vénèrent comme un saint, sans compter les temples consacrés au culte du « Père » en Belgique, a inauguré en France plus de six temples antoinistes : à Vervins, à Tours, à Lyon, à Caudry, à Monaco, à Aix-les-Bains, à Paris. Tous les journaux de Paris ont parlé, l’an dernier, de la commémoration solennelle à Paris de la « désincarnation », c’est-à-dire de la mort de Père Antoine. La cérémonie, qui fut pour les Parisiens un spectacle inaccoutumé, se déroula, dans le temple antoiniste de la rue Vergniaud, devant une foule compacte de frères et sœurs en robe révélé et débordant jusque sur les deux trottoirs de la rue.
        Poussé par la curiosité, j’ai voulu assister à un des offices que le cabaretier thaumaturge organise tous les matins à dix heures dans une arrière-boutique attenant à son débit de boissons et transformée en une sorte de sanctuaire. Avais-je mal choisi ma journée ! Je ne sais. Mais aucune guérison ne s’est accomplie ce jour-là. Le guérisseur lui-même en était navré. « Que n’êtes-vous venu la semaine dernière ? me dit-il. Vous auriez vu des miracles stupéfiants ». L’ineffable candeur qui s’exprimait dans ces paroles se retrouvait dans tous ses gestes et dans toute sa physionomie. Comment cet homme lourd et trapu, taillé à grands coups de serpe, peut-il exercer une si étonnante fascination sur la foule recueillie qui se presse au pied de la chaire ornée de dessins symboliques et écoute avec avidité la lecture des enseignements – libellés en français à la fois fruste et amphigourique – du Père Antoine ? Ce qui en impose au nombre sans cesse accru de ses clients et surtout de ses clientes – il y avait parmi elles ce jour-là beaucoup de Lorraines venues des villages voisins de la frontière – c’est sa sincérité absolue et la naïveté de sa foi d’illuminé, de cette foi qui transporte des montagnes et qui lui fait espérer l’accomplissement du plus urgent des miracles : la guérison de sa propre femme, atteinte depuis près de vingt ans de cécité complète.
        « Ce miracle, nous l’attendons avec une ferme confiance, me disait un des apôtres les plus actifs et les plus remuants du thaumaturge, un robuste boulanger, avec lequel je vidais une chope servie gracieusement par une des trois filles du cabaretier. Et ce miracle, nous le fêterons dans le temple antoiniste qui s’élèvera bientôt dans notre ville ». Je crains bien, décidément que l’arrêt de la cour d’appel ne soit impuissant à arrêter à notre frontière cette nouvelle vague de mysticisme.

                                             Jean de CRECY.

    L'Est Républicain, 24 octobre 1924


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  • L'« ANTOINISME »
    enfant perdu du spiritisme
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    Comment, des révélations d'une table tournante, naquit une véritable religion
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        Un dépêche du Petit Journal, relatait il y a quelque temps l'arrestation à Nivange (1), en Lorraine, d'un aubergiste Antoiniste-Guérisseur luxembourgeois, du nom de Nicolas Wagner, accusé d'exercice illégal de la médecine. Notre information ajoutait qu'une délégation d'Antoinistes du groupe d'Esch, était arrivée le lendemain même en automobile à Metz, pour demander instamment à M. Pagniez, juge d'instruction, la mise en liberté immédiate du guérisseur. « L'absence prolongée de Nicolas Wagner, dit le trésorier du groupe, risque de causer les plus grands malheurs. Plusieurs dizaines de malades, privés de ses soins, sont actuellement en danger de mort. » (2)
        Quel est donc cet Antoinisme qui, si ses vertus médicales se trouvent fort bousculées par les pouvoirs publics, inspire par contre une telle ferveur à ses adeptes ?
        C'est un véritable culte religieux, issu, par voie de ricochet, du spiritisme, et nourri d'un certain nombre de principe philosophique, assez singulièrement digérés. Il fut fondé, en 1906 (3), à Jemeppe-sur-Meuse, par un ancien ouvrier mineur, le « Père » Antoine. Depuis lors, des temples ont été ouverts à Paris et à Monaco. L'an dernier enfin, Mme Antoine, héritière de la toute puissance de son défunt époux, inaugurait en tête de quatre cents adeptes, le temple antoiniste d'Orange, en Provence.
        Antoine, vous ai-je dit, était ouvrier mineur à Jemeppe-sur-Meuse. La révélation lui vint un jour, à cinquante ans (4), à la suite de la mort de son fils, âgé de vingt ans. Une séance de spiritisme marqua cette date.
        - Ton fils est réincarné ! Il est établi pharmacien ! dit péremptoirement un pied de guéridon inspiré.
        En foi de quoi, fiers de cette élévation bourgeoise (5), le père et la mère Antoine fondèrent sans plus tarder une manière de bureau surnaturel des renseignements, véritable central téléphonique de l'au-delà, où les héritiers affligés venaient entendre la voix de leurs chers morts. Et l'affaire prospéra...
        Elle prospéra si bien que le Père Antoine résolut bientôt d'annexer au bureau de renseignements un cabinet « pour le soulagement de toutes les maladies, afflictions morales et physiques. »
        Une liqueur baptisée « Courre », qu'il vendait 5 francs le flacon (6), lui ayant valu condamnation pour exercice illégal de la médecine, Antoine remplaça sans hésiter par de l'eau (H 2 O :) qu'il couvrait de passes magnétiques. Puis, souvieux - c'est là, si l'on y réfléchit la marque des esprits supérieux - d'une simplification plus grande encore, il eut un trait de génie, il remplaça son eau par du papier... La santé, le bonheur, la vertu, la sagesse, dispensés comme de vulgaires timbres-poste, par retour du courrier, quel beau rêve !
        Naturellement, depuis belle lurette, le « Père » Antoine avait envoyé promener les tables tournantes et les évocations du spiritisme. Il traitait désormais avec une confiante familiarité de l'inconnaissable. Il standardisait l'au delà.
        Entre le guérisseur inspiré et l'apôtre, il n'y a guère plus de différence qu'un régiment, entre l'adjudant et d'adjudant-chef. En quelques mois, dans l'esprit de ses disciples, Antoine était promu ! Je n'essaierai pas, dans ce court article, de résumer sa doctrine. D'autant qu'elle est fort sibylline. Aux questions qui l'embarassaient, le bonhomme répondait, par exemple, sans hésiter : « Vous ne voyez que l'effet, cherchez la cause ! »
        Evidemment, avec des arguments de cette force-là...
        Toujours est-il que quand il mourut, le culte nouveau était magnifiquement prospère. Avec un bel esprit de famille, Mme Antoine, la « Bonne Mère », reprit le flambeau de ses mains. Et l'Antoinisme continue aujourd'hui, paraît-il, de faire « merveille »...
        En notre époque de machinisme et de science exacte, ne trouvez-vous pas cela tout à fait curieux ?   -   J. Lefebvre.

    Le Petit Journal N°23502 du 22 mai 1927
    source : Gallica

    Notes :
    (1) Il doit s'agir de Nilvange, petite commune française près de Thionville, à quelques kilomètres de Esch-sur-Alzette au Luxembourg.
    (2) Mère n'a eut de cesse d'essayer que la guérison ne soit pas le fait du guérisseur par la foi au Père. Cependant, elle a eu beaucoup de mal à arriver à faire respecter cela des adeptes. De plus, si ce Nicolas Wagner a eu maille à partir avec la justice c'est qu'il devait utiliser des remèdes, ce que le Père avait abandonné lui-même. Cela aussi fut courant dans l'histoire de l'antoinisme du début.
    (3) La source de cette article semble être Lucien Roure. Il dit "à partir de 1906, l'enseignement moral l'emporte de plus en plus". Mais le culte même a été fondé en 1910.
    (4) Louis Antoine a 47 ans à la mort de son fils.
    (5) Louis Antoine était déjà considéré comme bourgeois en rentrant de Varsovie, ayant pu construire plusieurs maisons ouvrières.
    (6) Il s'agit de la liqueur Koene. On ne sait d'où les journalistes savent le prix que demandait Louis Antoine. Chez Debouxhtay, on lit : "dont le flacon de 125 gr. coûte dix francs" "et souvent Antoine lui-même en paie le montant pour les malades qui sont trop pauvres" (p.81).


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