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Défense de guérir - Nicolas Wagner (Le Midi socialiste, 19 avril 1927)
Défense de guérir
Le « père Wagner », aubergiste dans une petite localité du Luxembourg, vient d’être arrêté en Alsace et conduit devant le juge de Metz pour avoir soigné sans diplôme des foules de malades.
A la vérité, la médication de ce gargotier, en rupture de fourneaux n’était pas bien dangereuse. Adepte et même évêque de la religion antoiniste, le « père Wagner » disait à ses malades :
– Allez et croyez en Dieu. Il vous guérira des maux du corps comme il vous guérira de ceux de l’âme.
Mais les gens, que l’évêque antoiniste traitait de la sorte, avaient l’imprudence de se proclamer guéris. Sur les livres de cet étrange médecin on a relevé les noms de quatre cent cinquante clients !
Quand ceux-ci apprirent que le « père Wagner » était incarcéré, ils envoyèrent une délégation au juge pour lui dire que s’il ne le mettait pas tout de suite en liberté, de nombreux malades, faute de soins, se trouveraient exposés à la mort.
Le juge a dû relaxer l’apôtre sous caution. Mais la Faculté aura le dernier mot.
C’est l’aventure de Jésus qui se renouvelle ainsi de temps en temps.
Saint Marc, dans son évangile, nous dit que Jésus s’étant retiré dans un endroit désert, Simon, son disciple, l’y alla trouver pour lui dire : « Seigneur, tout le monde vous réclame. » Jésus se laissa convaincre et, à travers les bourgades de la Galilée, guérit un lépreux, un aveugle, un paralytique, etc.
Ces bonnes gens, eux aussi, allèrent proclamer leur merveilleuse guérison et Jésus dut fuir la colère des scribes et des Pharisiens.
Il n’y a pas grand’chose de changé depuis deux mille ans. Les apôtres qui commettent la maladresse de mêler la médecine à la morale finissent, sinon sur la croix, du moins en correctionnelle.André NEGIS.
Le Midi socialiste, 19 avril 1927
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