• Désincarnation (mar.25) & Funérailles (dim.30 juin 1912)

    Avant la date fatidique
    Mère remplace son mari et opère en son nom quand il doit s'abstenir. (Biographie, p.2, in Debouxhtay, p.293)

     

    Lundi 24 juin 1912
    Lundi dernier, me dit une des premières sœurs antoinistes, Mme Desart, à qui le frère directeur Delaunoy avait donné mission de me guider, le Père sentit que le moment suprême était venu. Il nous réunit autour de lui et nous annonça qu’avant le lendemain un grand événement se produirait et qu'à sa mort prochaine, sa femme lui succède dans son enseignement religieux. (La Meuse, 24 juin & Excelsior, 2 juillet 1912)

    Après l'opération, il demande à voir les adeptes. (Unitif I, 12, p.7, in Debouxhtay, p.196)

    Puis il demandait à revoir Jeanfils (Unitif février 1914, p.3, in Debouxhtay, p.197)

    Et, à minuit, il expirait ! (Excelsior, 2 juillet 1912)

    Ceux qui L'entouraient rendirent pieusement les derniers devoirs au corps privé de vie, le revêtirent de la robe révélée et le couchèrent dans le Temple sur un lit enveloppé de drap vert, le buste bien relevé pour qu'il fût permis de voir facilement sa tête vénérable. Des lauriers disposés tout autour par ordre de grandeur, laissaient le corps bien en vue et formaient un fond de verdure d'où l'emblème du Culte, l'Arbre de la science de la vue du mal, se détachait nettement ; cette disposition avait été prise pour empêcher les visiteurs de toucher le corps par superstition. Le livre de l'Enseignement que le Père a pratiqué si religieusement pendant sa vie, reposait sur ses mains unies. (J. H. dans l'Unitif, août 1912, p. 9 in Debouxhtay, p.197)

    Désincarnation (mar.25) & Funérailles (dim.30 juin 1912)
    Souvenir Père Antoine le Généreux (FaceBook de Christian Sorte)

    Mardi 25 juin 1912
    Acte de décès (Excelsior, 1er juillet 1912)
    Cause du décès : attaque d’apoplexie (Revue internationale des sociétés secrètes, v1, n8 Août 1912)
    Antoine, qui avait été frappé lundi d'une attaque d'apoplexie, est mort le soir-même. (L'Express, 26 juin 1912). Quelques lignes plus bas L'Express cite les paroles d'un adepte : « Ce fut non d'apoplexie, mais d'un épuisement progressif et continu... » Le Jour (Verviers) du 25 juin 1912, dit aussi qu'Antoine « s'affaissa frappé par une attaque d'apoplexie ». (in Debouxhtay, note 10 p.197).

    Depuis le mardi jusqu'au jour de l'enterrement le temple fut rempli de visiteurs qui se succédaient devant le corps du thaumaturge (Unitif, janvier 1913, p.14).
    Pendant toute cette semaine sainte des groupes recueillis ne cessèrent de contempler le visage sacré dont le regard si bon les pénétrait d'une joie incompréhensible et on sentait que le souvenir de cette scène serait en eux inoubliable comme celui des grands bienfaits que tous avaient reçus dans ce temple, de leur Sauveur. Ainsi le fluide opérait et il n'y avait rien de changé. Le jour même de la désincarnation du Père, Mère vint opérer en son nom à dix heures et loin d'être impressionnée comme beaucoup de personnes l'étaient par la présence du défunt, elle anéantit ces pensées de doute, réconfortant l'assistance du même fluide éthéré qu'auparavant. Les dernières paroles du Père lues à la fin de l'opération, raffermirent encore les cœurs et les rassurèrent sur l'avenir. Les jours suivants, les malades arrivèrent tout aussi nombreux et obtinrent la même satisfaction. Pour la remplacer dans le Temple (à la petite tribune, mère occupera désormais la grande tribune), Mère a désigné le frère Deregnaucourt dont le dévoûment ne s'est pas un instant démenti depuis le jour où il a commencé à pratiquer les Enseignements du Père. (Unitif, août 1912, p.10) (in Debouxhtay, p.200)


    Le corps du défunt, qui avait été exposé plusieurs jours dans le temple (La Liberté, 2 juillet 1912)
    Jusqu’à vendredi soir, continue Mme Desart, nous avons veillé sa dépouille mortelle, qui fut alors mise dans sa bière de sapin. (Excelsior, 2 juillet 1912)

    Il n'est pas indifférent de lire la lettre de faire-part de sa mort :
        Culte Antoiniste,
        Frère.
        « Le Conseil d'administration du culte Antoiniste porte à votre connaissance que le Père vient de se désincarner aujourd'hui, mardi matin, 25 juin.
        « Avant de quitter son corps, il a tenu à recevoir une dernière fois ses adeptes pour leur dire que Mère Le remplacera dans sa mission. Il n'y a donc rien de changé, le Père sera toujours avec nous.
        « Mère montera à la tribune pour les opérations générales, les quatre premiers jours de la semaine, à 10 heures.
        « L'enterrement du Père aura lieu dimanche prochain, 30 juin, à 3 heures. » (Le Nouvel éducateur rationnel, année 1, n°7, 1912)(La Liberté, Jeudi 27 juin 1912)

     

    Vendredi 28 juin 1912
    Mise en bière (Excelsior, 1 juillet 1912)

     

    Dimanche 30 juin 1912
    Inhumation dans la fosse commune (La Liberté, 2 juillet 1912)
    Accompagné de :
    - 12 000 à 15 000 fidèles (Excelsior, 1er juillet 1912)
    - 25 000 personnes (Delftsche courant, 12 août 1912)
    - 15 à 20 000 personnes étaient massées dans les rues (Express, 2 juillet)(in Debouxhtay, p. 201)
    - plus de trente mille personnes étaient venues ce jour-là à Jemeppe (Unitif, août 1912, p.12)(in Debouxhtay, p. 201)

    Désincarnation (mar.25) & Funérailles (dim.30 juin 1912)

    Un peu avant 3 heures 30, on ferma les portes du temple, et les Frères Antoinistes transportèrent le catafalque sous le porche. (Excelsior, 1er juillet 1912)

    Le cercueil, porté par douze hommes de la communauté, était précédé d’un tronc d’arbre figurant l’arbre de la science du bien et du mal, que portait l’un des plus qualifiés adeptes de l’antoinisme, M. Delcroix, professeur à l’athénée de Liège. (Le Messin, 2 juillet 1912)

    A 3 heures précises, le Frère directeur Delaunay fit un signe. Précédé du Frère porte-arbre, le lecteur du dimanche, M. Delcroix s’avança au milieu de la foule et se mit à lire tout haut les préceptes de la Révélation. (Excelsior, 1er juillet 1912)

    Le cortège suit la rue des Tomballes pour aboutir à la rue de Hollogne qu'il descend jusqu'au viaduc où il prend la route qui conduit au cimetière. (in Debouxhtay, p.203)
    Au coin des rues Hullos et du Bois de Mont, M. Delcroix lit les principes du culte. Puis le cortège se met en marche par la rue des Tomballes, la rue Toute-voie et la rue du Bois de Mont vers le cimetière de Jemeppe. (Gazette de Charleroi, 2 juillet 1912)

    Désincarnation (mar.25) & Funérailles (dim.30 juin 1912)Désincarnation (mar.25) & Funérailles (dim.30 juin 1912)

     

     

     

     

     

    M. le Dr A. Delville, qui était bourgmestre en 1912, m’a dit qu’il n’avait pas dû intervenir pour faire enterrer Antoine, il a seulement dû refuser aux antoinistes la permission d’organiser un cortège à travers toute la commune. (in Debouxhtay, p.199).

    A quatre heures, on arrive au cimetière [...] on lit l'Avant-propos de l'Enseignement (in Debouxhtay, p.203)

    Les adeptes s'en viennent tour à tour jeter une pelletée de terre (Unitif août 1912, p.12-13, in Debouxhtay, p.204)

     

    Désincarnation (mar.25) & Funérailles (dim.30 juin 1912)
    (Archives de Roland AE Collignon)

    Lundi 1er juillet 1912
    Ce matin, avant de partir, j’ai assisté à l’« opération » du lundi. Tandis qu’au-dessous d’elle le frère Dérégnaucourt, qui lui a succédé dans l’opération du vendredi, et qui, dans l’avenir, est appelé à devenir le grand prêtre, le pape de l’antoinisme, ouvrait le Grand Livre de la Révélation, la « Bonne Mère » s’installa à la tribune et imposa les mains. (Excelsior, 2 juillet 1912)

    Désincarnation (mar.25) & Funérailles (dim.30 juin 1912)

    L’œuvre d’Antoine ne sera pas arrêtée par sa mort. Au temple, son corps a été exposé, l’affiche suivante a été apposée disant que « le conseil d’administration du culte antoiniste porte à votre connaissance que le Père vient de se désincarner aujourd’hui mardi matin, 25 juin. Avant de quitter son corps il a tenu à revoir une dernière fois ses adeptes pour leur dire que Mère le remplacera dans sa mission, qu’elle suivra toujours son exemple. Il n’y a donc rien de changé, le Père sera toujours avec nous, Mère montera la tribune pour les opérations générales les quatre premiers 1 jours de la semaine à dix heures. » (L'impartial, vendredi 28 juin 1912)

  • Chronique de la Semaine (L'Écho du Nord, 29 juin 1912)

                                                               Lille, le 28 juin 1912,

    Chronique de la Semaine

        Il n'y a plus de « prophètes », Le dernier vient de succomber ou, comme disent ses disciples, de se « désincarner », car vous pensez bien qu'un prophète ne peut mourir tout simplement comme vous et moi. Le « désincarné » se nommait Antoine prosaïquement, mais ses fidèles l'appelaient « le Père ». Entendez bien qu'ils ne disaient pas le « Père Antoine », ce qui eût évoqué un mauvais calembour et eût nui au prestige du Prophète, mais « le Père » tout court. Cela vous a une tout autre allure.
        « Le Père » avait commencé modestement par être employé d'usine, puis encaisseur ; il s'était ensuite occupé d'assurance et ne s'était établi prophète, fondateur de religion, thaumaturge et guérisseur que sur le tard. Mieux vaut tard que jamais, n'est-ce pas ? Antoine avait mieux réussi comme prophète que comme employé. Il avait fondé le culte antoiniste, réuni des milliers d'adhérents – une pétition présentée au Gouvernement belge pour que la religion nouvelle fût reconnue par l'Etat, recueillit, paraît-il, cent mille signatures, – et bâti un temple à Jemmapes. C'est dans ce temple qu'il a été « désincarné » par une attaque d'apoplexie, non sans avoir eu le temps de léguer sa succession à sa femme : « la Mère », qui, annonce un avis officiel, continuera sa mission. « Mère montera à la tribune pour les opérations générales, les quatre premiers jours de la semaine, à dix heures ».
        Cette phrase évoque invinciblement le souvenir de l'épitaphe fameuse : « Sa veuve inconsolable continue son commerce, à la même adresse, rue... », dont on se gaussa jadis.

    *
    * *

        Il y eut de tous temps des thaumaturges, et Antoine ne terminera pas la série ; d'autres viendront qui connaîtront comme lui les succès, la gloire. Mais Antoine nous intéresse spécialement parce que son « temple » était voisin de notre région et que le « Culte antoiniste » avait des adeptes chez nous.
        Récemment, aux environs de Caudry, on mena grand bruit autour d'une fillette impotente qui s'était bien trouvée, paraît-il, d'un voyage à Jemmapes. On allait la voir de tous côtés et elle contait volontiers son histoire aux visiteurs. Antoine y gagna assurément quelques adhérents dans notre région. On allait d'ailleurs en foules nombreuses à Jemmapes. Notre époque se targue volontiers de scepticisme, voire d'incrédulité ; ce n'est qu'une apparence. Au fond, les hommes sont restés, en 1912, ce qu'ils étaient il y a des siècles et des siècles. Ils le sont restés moralement et physiquement. Ne vient-on pas de nous révéler, l'après de très sérieuses constatations scientifiques et médicales que « les hommes des cavernes », ces ancêtres très éloignés, étaient arthritiques ? Que des Egyptiennes momifiées portaient des stigmates très nets d'appendicite ? Voire que la neurasthénie sévissait à l'âge de pierre ? – déjà ! Les lésions tuberculeuses ne sont point rares sur des cadavres vieux de milliers et de milliers d'années. Toutes les maladies que nous avons coutume d'attribuer à notre époque, d'imputer à notre civilisation avancée, tourmentaient déjà nos sauvages aïeux. La caverne creusée dans le roc, la vie en plein air purement animale presque, ne les en défendaient pas.

    *
    * *

        Et quand la « Mère » montera, les quatre premiers jours de la semaine, à la tribune, pour les opérations générales, ne croyez-vous pas qu'elle aura un petit air de ces pythonisses antiques, dont la tribune était un trépied ? On les soupçonne d'avoir connu maints secrets scientifiques que nous avons redécouverts : peut- être, par exemple, l'électricité leur était-elle familière, comme à nous. Certaines descriptions, données par les auteurs grecs, permettraient, du moins, de le supposer, sans faire la part trop large à l'imagination. Que savons-nous, d'ailleurs, de la vie antique ? Fort peu de choses. Il n'est venu jusqu'à nous qu'un nombre minime d'écrits, de rares manuscrits. Les arts – si parfaits que nous les admirons encore, sans pouvoir toujours les égaler – des civilisations disparues ne s'accommodaient point, assurément, d'une culture générale médiocre. Et pourquoi serait-il déraisonnable de supposer que, scientifiquement, les contemporains de ces artistes ne leur étaient point inférieurs ?
        Ce sont là des problèmes sur lesquels notre amour-propre n'aime guère méditer. Il nous plaît de nous croire supérieurs à ceux qui vécurent avant nous. Nous avons inventé le Progrès pour nous persuader plus facilement de cette supériorité dont nous nous enorgueillissons. Et nous allons répétant sans cesse : « l'Humanité marche ». Est-ce bien certain ? Peut-être tourne-t-elle simplement comme les vieux chevaux des manèges paysans. Chaque génération nouvelle condamne ce que la précédente avait érigé en dogme, et réhabilite ce qu'elle avait condamné. Ne lisais-je pas, l'autre jour, que d'éminents médecins n'étaient pas éloignés d'en revenir à la théorie des humeurs, dont Molière se moqua si fort en caricaturant les Diafoirus de son temps !
        Alors ?... Après tout, la vie est si courte que, peut-être, vaut-il mieux laisser aux hommes leurs illusions. Les moins intelligents d'aujourd'hui se croient, de bonne foi, très supérieurs aux plus éminents d'autrefois. Pourquoi, diable essayer de les détromper ? Y réussirait-on, au surplus ?

    L'Écho du Nord, 29 juin 1912


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  • Enterrement - Cerceuil du Père dans le porche du temple (Exelcior)(médaillon)

    Funérailles d'Antoine (Excelsior, 2 juillet 1912)


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  • Anton der Heiler (Westdeutsche Landeszeitung, 10.7.1912)

         * Anton, der Heiler.   In Lütticher Blättern ist zu lesen:    Am 25. v. Mts. starb im nahen Jemeppe eine auch über Belgien hinaus bekannte Persönlichkeit: Anton, der Heller. Mit ihm ist jedenfalls ein ganz sonderbarer Seltenstifter aus dem Leben geschieden.    Antoine Louis – so lautete der wirkliche Name des Verstorbenen – war 1846 in dem 11 Kilometer von Lüttich entfernten Dorfe Mons-Crotteux als Sohn kleiner Ackersleute geboren. Er genoß nur mangelhaften Volksschulunterricht und konnte, da er schon früh auf einer Kohlengrube arbeiten mußte, kaum lesen. 1869 wurde er Soldat und kam im folgenden Kriegsjahre als solcher an die französische Grenze. Dort erlebte er einen Zwischenfall, der einen tiefen und dauernden Eindruck auf ihn machte: bei einer Uebung fiel plötzlich ein scharfer Schuß, durch den ein Soldat getötet wurde. Bei Nachforschungen aber die Herkunft des Schusses trat Louis vor und meldete, daß sich sein Gewehr von selbst entladen habe.     Man glaubte ihm und er blieb unbestraft. Nach seiner Entlassung kehrte er nach Mons-Crotteux zuruck, arbeitete zunächst als Maschinist auf einer Kohlengrube in Flemalle, heiratete dann, fand eine Stelle auf einer belgischen Grübe in Stolberg bei Aachen und eröffnete vier Jahre später in Jemeppe ein Gemüsegeschäft, das er aber bald wieder aufgeben mußte.    Auf Grund eines neuen Vertrages mit der Stolberger Grube erhielt er dann eine Meisterstelle in Praga bei Warschau, wo seine Frau mit Erfolg ein Kosthaus betrieb. In Warschau hatte Louis durch Verkehr mit einigen anderen geistesverwandten Arbeitern Lust am Lesen sowie an der Erörterung religiöser und wirtschaftlicher Fragen gefunden und Bekanntschaft mit der damals viel verbreiteten Kampherbehandlung des französischen Arztes Raspail gemacht, die auch er versuchte und durch die er sich den Ruf eines Heilkundigen erwarb.     In Warschau aber hatte er auch der gewaltsamen Unterdrückung eines Aufruhrs beigewohnt, bei der Leute auf öffentlichen Plätzen erhängt wurden und die geängstigte Bevölkerung Heiligenbilder an den Fenstern ausstellte, um sich vor der Wut der Soldaten zu schützen.    Dadurch entwickelte sich in ihm der Gedanke, die menschliche Gesellschaft durch „Güte“ von den vorhandenen Wickständen zu erlösen. Er kam nach Belgien zurück, wurde Versicherungsagent, fand in Seraing einen Freund, mit dem er ein in Tilleur bei Seraing gelegenes kleines, aber sehr geachtetes Wirtshaus besuchte, dessen Inhaber Spiritist war, und wohnte den dortigen Sitzungen bei. Louis war in dem kleinen Klub alsbald der „Millionär“.     Er kaufte spiritistische Werke, gründete eine Büchersammlung, versammelte die Anhänger in einem seiner Häuser in Jemeppe – er hatte dort inzwischen drei Grundstücke erworben – und brachte es zu einer Gruppe der „Wintzer im Herrn“.    Sein Freund gründete ein kleines Blatt, „Le Tombeau“, das nur ein Jahr lebte, inzwischen in eine heiße Fehde mit dem evangelischen Pfarrer von Seraing geriet und schließlich einging, weil sein Herausgeber dem Spiritismus Lebewohl jagte und in das politische Leben trat (er hat darin heute eine verhältnismäßig bedeutende Rolle erreicht).    Darüber erkannte Anton der Heiler seine eigentliche Bestimmung und fand seinen eigenen Weg: er erinnerte sich, daß man ihm in Rußland gejagt habe, daß die Macht des Willens Krankheiten heile, und verlegte sich auf die sogenannte Gesundbeterei.    Daß er dabei durch Suggestion Erfolge erzielte, ist zweifellos.    Anton der Heiler war ein höchst einfacher Mensch, dem jede Anlage zu falschen Vorspiegelungen fehlte und der an sich selbst glaubte.     An eine Ausbeutung Leichtgläubiger hat er nie gedacht; dagegen wirkte er wie seine Frau Gutes, wo er konnte. So nahm er, als sein einziger Sohn im Alter von 20 Jahren starb, zwei Waisen an Kindesstatt an.    Eine durch ihn geheilte Pariserin schenkte 20 000 Franks für einen in Jemeppe zu errichtenden Antonistentempel, wozu sich bald weitere Gaben aus den verschiedensten Gegenden Europas gesellten.     Die von Anton dem Heiler gegründete Zeitschrift „L'Aureole de la Conscience“ erfreut sich eines weiten Leserkreises.   Sie wird, wie sonstige Antonistenschriften und Flugblätter in einer mit dem Tempel verbundenen Druckerei hergestellt. Am Tempel in Jemeppe, in dem die Leiche Antons aufgebahrt wurde, hängt folgender Maueranschlag:    „Brüder! Der Verwaltungsrat des Antonistenkultus macht bekannt, daß sich Vater heute morgen, den 25. Juni, seiner körperlichen Hülle entledigt hat. Bevor er seinen Leib verließ, berief er seine Jünger noch einmal zu sich, um ihnen zu erklären, daß ihn Mutter in seiner Mission vertreten und stets seinem Beispiel folgen wird. Es bleibt also alles unverändert. Mutter wird zu den allgemeinen Heilhandlungen an den vier ersten Tagen jeder Woche um 10 Uhr die Tribüne besteigen. Die Beerdigung Vaters wird Sonntag, den 30. Juni, um 3 Uhr, stattfinden. Der Verwaltungsrat.“    Zu dem Begräbnis des Wundermannes waren riesige Menschenmassen von nah und fern nach Jemeppe geeilt, so daß der ganze Ort überfüllt war. Die Zahl der Teilnehmer an dem Leichenzuge, in den die Antonisten in „Uniform“ - langer schwarzer Levitenrock, halbhoher flacher schwarzer Filshut - stark vertreten waren, wird auf 15 000 geschätzt.

    Westdeutsche Landeszeitung, 10.7.1912

     

    Traduction :

         * Antoine, le guérisseur.   On peut lire dans des feuilles liégeoises :    Le 25 mars, une personnalité connue au-delà de la Belgique, Antoine le guérisseur, est décédé à Jemeppe. Avec lui, c'est en tout cas un rare personnage tout à fait singulier qui a quitté la vie.    Antoine Louis – tel était le vrai nom du défunt – était né en 1846 dans le village de Mons-Crotteux, à 11 kilomètres de Liège, comme fils de petits paysans. Il n'a reçu qu'une éducation primaire insuffisante et, ayant dû travailler très tôt dans une mine de charbon, il savait à peine lire. En 1869, il devint soldat et se rendit en tant que tel à la frontière française pendant la guerre suivante. C'est là qu'il vécut un incident qui le marqua profondément et durablement : lors d'un exercice, il y eut soudain un tir à balles réelles qui tua un soldat. Lors d'une enquête sur l'origine du coup de feu, Louis se présenta et annonça que son fusil s'était déchargé de lui-même.     On l'a cru et il est resté impuni. Après sa libération, il retourna à Mons-Crotteux, travailla d'abord comme machiniste dans une mine de charbon à Flemalle, puis se maria, trouva un emploi dans une mine belge à Stolberg près d'Aix-la-Chapelle et ouvrit quatre ans plus tard un magasin de légumes à Jemeppe, qu'il dut bientôt abandonner.     En vertu d'un nouveau contrat avec la mine de Stolberg, il obtint ensuite un poste de maître à Praga, près de Varsovie, où sa femme tenait avec succès une cantine. A Varsovie, Louis avait pris goût à la lecture et à la discussion de questions religieuses et économiques grâce à la fréquentation de quelques autres ouvriers à l'esprit proche, et il avait fait connaissance avec le traitement au camphre du médecin français Raspail, très répandu à l'époque, qu'il avait également essayé et grâce auquel il avait acquis une réputation de guérisseur.     Mais à Varsovie, il avait également assisté à la violente répression d'une émeute, au cours de laquelle des personnes avaient été pendues sur les places publiques et la population effrayée avait exposé des images de saints aux fenêtres pour se protéger de la colère des soldats.    C'est ainsi que s'est développée en lui l'idée de racheter la société humaine des maux existants par la "bonté". Il revint en Belgique, devint agent d'assurance, trouva un ami à Seraing, avec lequel il fréquenta une petite auberge très respectée, située à Tilleur près de Seraing, dont le propriétaire était spirite, et assista aux séances qui s'y tenaient. Louis devint rapidement le "millionnaire" de ce petit club.     Il acheta des ouvrages spirites, fonda une collection de livres, rassembla les adeptes dans l'une de ses maisons à Jemeppe – il y avait entre-temps acquis trois terrains – et en fit un groupe de "Vignerons du Seigneur".    Son ami fonda un petit journal, "Le Tombeau", qui ne vécut qu'un an, entra entre-temps dans une chaude querelle avec le pasteur protestant de Seraing et finit par disparaître parce que son éditeur fit ses adieux au spiritisme et entra dans la vie politique (il y a aujourd'hui atteint un rôle relativement important).    Antoine le Guérisseur reconnut alors sa véritable vocation et trouva sa propre voie : il se souvint qu'on l'avait chassé en Russie, que le pouvoir de la volonté guérissait les maladies, et se lança dans ce qu'on appelle la prière de guérison.    Il ne fait aucun doute qu'il y parvenait par la suggestion.    Antoine le guérisseur était un homme très simple, dénué de toute prédisposition aux faux semblants et qui croyait en lui-même.     Il n'a jamais pensé à exploiter les crédules ; en revanche, comme sa femme, il faisait le bien là où il le pouvait. Ainsi, lorsque son fils unique est mort à l'âge de 20 ans, il a recueilli deux orphelines à l'adoption.    Une Parisienne guérie par lui offrit 20 000 francs pour la construction d'un temple antoiniste à Jemeppe, auxquels s'ajoutèrent bientôt d'autres dons provenant des régions les plus diverses d'Europe.     La revue "L'Auréole de la Conscience", fondée par Antoine le Guérisseur, jouit d'un large cercle de lecteurs.   Elle est produite, comme les autres publications et les tracts antoinistes, dans une imprimerie liée au temple. Le temple de Jemeppe, où le corps d'Antoine a été déposé, porte l'inscription suivante :    "Frères ! Le Conseil d'administration du culte Antoiniste porte à votre connaissance que le Père vient de se désincarner aujourd'hui, mardi matin, 25 juin. Avant de quitter son corps, il a tenu à recevoir une dernière fois ses adeptes pour leur dire que Mère Le remplacera dans sa mission. Il n'y a donc rien de changé. Mère montera à la tribune pour les opérations générales, les quatre premiers jours de la semaine, à 10 heures. L'enterrement du Père aura lieu dimanche prochain, 30 juin, à 3 heures".    Pour les funérailles du miraculé, des foules immenses, venues de près et de loin, s'étaient précipitées à Jemeppe, si bien que tout le village était bondé. On estime à 15 000 le nombre de participants au cortège funèbre, dans lequel les Antoinistes étaient fortement représentés en "uniforme" – longue lévite noire, chapeau plat de feutre noir à mi-hauteur.

    Journal régional d'Allemagne de l'Ouest, 10 juillet 1912


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  • Funérailles - Cercueil dans le porche du Temple (Archives de soeur Mya)Les funérailles du Père Antoine (Archives de soeur Mya)

                         Cercueil dans le porche du Temple                                      La foule dans la rue Hulos

    Funérailles - La foule (Archives de soeur Mya)Funérailles - Portée du cercueil vers le cimetière (Archives de soeur Mya)

                             La foule vers le cimetière                                                    Portée du cercueil

    Funérailles - Mise en terre (Archives de soeur Mya)

    Mise en terre

    (Archives de Sœur Mya) - cliquez sur les images pour agrandir


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  • Anton der Heiler (General Anzeiger für Dortmund, 27.6.1912)    Brüssel, 26. Juni. (Anton der Heiler.) In Jemeppe ist gestern im Alter von 66 Jahren ein Wunderdoktor und Prophet, der sich „Anton der Heiler“ nannte, gestorben. Der Mann arbeitete in feiner Jugend in Rußland und kehrte anfangs der 90 er Jahre nach Belgien zurück. Er gründete eine Kolonie und predigte dieser einen vereinfachten Katholizismus, offenbar unter dem Einfluß der Theorien des Grafen Tolstoi. Seine Anhängerschar wird auf etwa 100 000 berechnet.
        Er nannte seinen Kultus den Antoinismus. Im vorigen Jahre hatten seine Anhänger eine Petition an die belgische Kammer gerichtet und ersucht, man solle ihre Religion als eine staatlich offizielle anerkennen. Die Kammer hat diesem Ersuchen nicht stattgegeben. Trotzdem predigte Anton seine Religion weiter. Er hatte sogar Anhänger in Deutschland und den Vereinigten Staaten von Nordamerika, die alljährlich zu ihm pilgerten.
        Seine Haupttätigkeit bestand in Wunderkuren, die ihn verschiedene Male mit dem Strafrichter in Konflikt brachten. Er wurde aber nur einmal zu einer geringfügigen Geldstrafe verurteilt. Anton war ein Schwärmer, der seine Kuren selbstlos ausübte, denn er hatte sich in Rußland ein Vermögen erworben. Auf seinem Totenbette hatte er bestimmt, daß seine Frau als Priesterin seiner Religion an die Spitze seiner Gemeinde treten solle.

    General Anzeiger für Dortmund, 27.6.1912

     

        Article repris presque à l'identique par le Lüdenscheider Tageblatt, du 11.7.1912:  Anton der Heiler (General Anzeiger für Dortmund, 27.6.1912)

     

    Traduction :

        Bruxelles, 26 juin. (Antoine le Guérisseur.) Un médecin miracle et prophète qui se faisait appeler "Antoine le Guérisseur" est décédé hier à Jemeppe à l'âge de 66 ans. L'homme a travaillé en Russie quand il était jeune et est revenu en Belgique au début des années 1890. Il fonde une colonie et prêche un catholicisme simplifié, apparemment influencé par les théories du comte Tolstoï. Ses partisans sont estimés à environ 100 000.
        Il a appelé son culte l'Antoinisme. L'année dernière, ses partisans ont adressé une pétition à la Chambre belge, demandant que leur religion soit reconnue par l'État. La Chambre n'a pas accepté cette demande. Malgré cela, Antoine a continué à prêcher sa religion. Il avait même des partisans en Allemagne et aux États-Unis d'Amérique qui faisaient des pèlerinages annuels pour le voir.
        Son activité principale consistait en des guérisons miraculeuses, ce qui le mit en conflit avec le juge pénal à plusieurs reprises. Cependant, il n'a été condamné qu'une seule fois à une petite amende. Antoine était un fanatique qui pratiquait ses cures avec désintéressement, car il avait fait fortune en Russie. Sur son lit de mort, il avait décrété que sa femme dirigerait sa communauté comme prêtresse de sa religion.


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  • L'Enterrement d'Antoine le Guérisseur (Gazette de Charleroi, 2 juillet 1912)(Belgicapress)

    L'Enterrement d'Antoine le Guérisseur

        Les antoinistes ont enterré dimanche, à Jemeppe, leur prophète. Il y avait foule, foule dans les trains, foule dans les trams, foule dans les rues, dans les cafés, aux fenêtres des maisons, sur les toits des voitures et jusque sur le remblai du chemin de fer que devait longer le cortège funèbre.
        La cérémonie était fixée à trois heures après-midi, et, le matin déjà, Jemeppe était empli d'étrangers. On s'écrasait aux abords du temple. On ne trouvait pas la moindre place où s'asseoir dans les cafés. Des nuées de camelots criaient le portrait d'Antoine le Généreux, le dernier souvenir d'Antoine le Guérisseur, la vie et la doctrine du Père Antoine.
        Le cercueil de hêtre verni, que surmonte l'ensemble de métal blanc découpé représentant l'« arbre de la science » et qu'aucun autre ornement ne décore, est placé dans un couloir du temple, sur une table recouverte d'un drap vert. Pas de cierge, pas de tenture. La foule entre dans le temple par la rue Hullos, passe devant la bière et sort par la rue du Bois-de-Mont. C'est un défilé ininterrompu. « Et dire que cela dure depuis mardi sans arrêter ! » dit un adepte, avec quelque naïve fierté. A mesure que l'heure de l'inhumation approche, la foule devant le temple devient toujours plus dense. On s'écrase les pieds, on s'aplatit les ventres, on s'étouffe sans scrupule. Cette rue du Bois de Mont n'est pas large, et il y a facilement dix mille personnes qui s'y pressent. Et toujours le monde arrive de tous les côtés.
        A trois heures, M. Delcroix, à la tête des adeptes qui ont revêtu le costume rituélique – chapeau de demi-haute forme en feutre noir, longue redingote sévère des pasteurs protestants et col rabattu – vient faire la levée du corps. Au coin des rues Hullos et du Bois de Mont, M. Delcroix lit les principes du culte. Puis le cortège se met en marche par la rue des Tomballes, la rue Toute-voie et la rue du Bois de Mont vers le cimetière de Jemeppe où seuls les adeptes seront admis. Il avance péniblement, devant se frayer un chemin dans la foule qui ne recule pas.
        Au cimetière, on descend le cercueil dans la fosse. M. Delcroix fait une nouvelle lecture des articles de la foi antoiniste et c'est fini. La cérémonie a été d'une simplicité extrême. Ensuite, les fidèles sont rentrés au temple pour s'y recueillir.

    Gazette de Charleroi, 2 juillet 1912 (source : Belgicapress)


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  • L'enterrement d'Antoine de Guérisseur (La Meuse, 1er juillet 1912)(Belgicapress)L'ENTERREMENT
                     D'ANTOINE LE GUERISSEUR

        Antoine le Guérisseur, le Père Antoine, comme on l'appelait communément dans le pays, a été enterré hier dimanche, à 3 h. de l'après-midi.
        L'affluence était considérable ; les trams, dont le service avait été doublé, les trains et les bateaux-mouches déversaient des flots considérables de personnes de Liége et des environs. Le train Jemeppe-Hannut amena de nombreux Hesbignons.
        Jamais, de mémoire d'homme, à part lors des obsèques du député socialiste Wettinck, on ne vit pareille foule à Jemeppe.
        C'est une véritable procession, depuis le pont de Seraing jusqu'au Temple Antoiniste, vers lequel on s'avance difficilement, à travers la cohue, et dont l'accès est presque impossible.
        Le long du chemin, de nombreux camelots vendent le portrait du Père Antoine.
        Des gens entreprenants ont dressé, devant leurs fenêtres ouvertes ou sur le pas de leur porte, de petits étalages, et l'on peut se procurer, auprès d'eux, le dernier souvenir d'Antoine le Généreux, que presque tout le monde achète.
                     DANS LE TEMPLE
        Au prix de maints efforts, nous parvenons à nous introduire dans le temple.
        Tous les adeptes : femmes, enfants et hommes, y sont rassemblés. Tous sont très affectés, beaucoup de femmes pleurent.
        Dans le porche conduisant à la sortie, qui se fait rue du Bois-de-Mont, le cercueil, en hêtre vernis, sans la moindre garniture, repose sur une table recouverte d'un drap vert.
        A la tête de ce catafalque rudimentaire se trouve une plaque en fer nickelé, affectant la forme d'un blason et surmontée d'un arbre, sur laquelle on lit : « L'Arbre de la Science de la Vue du Mal. »
        Et la foule défile... défile, jusqu'au moment où le cortège se forme. Devant le temple, environ 6,000 personnes stationnent pour le voir sortir.
                     LE CORTEGE
        Il est composé uniquement d'adeptes, précédés de la plaque portant les insignes du culte.
        Le cercueil, recouvert du drap vert, est porté à la main par des antoinistes.
        Pas le moindre bouquet, pas la plus petite couronne.
        Le deuil est conduit par M. Jean Dor, de Jemeppe, neveu du défunt, dont la ressemblance avec le Père Antoine est frappante.
        A la sortie du temple. M. Delcroix lit les principes d'Antoine, et lentement, escorté par la police et la gendarmerie, le cortège se met en marche vers le cimetière.
        Il doit, pour se conformer à l'arrêté du bourgmestre de la localité, emprunter les voies de communication les plus directe pour se rendre au champ des morts.
        Les rues Tombales, Toutes-Voies et Bois-du-Mont, par où l'enterrement doit passer, sont noires de monde.
        Rue Toutes-Voies, les talus du chemin de fer sont envahis par la foule. Le spectacle est vraiment émotionnant.
                     AU CIMETIERE
        Le cimetière de Jemeppe est situé au-dessus de la rue de Bois-du-Mont. Seuls, les adeptes ayant revêtu le costume sont autorisés à y pénétrer.
        Selon le rituel du culte d'Antoine, l'inhumation est exempte de tout cérémonial.
        M. Delcroix dit quelques mots sur les principes Antoinistes et le cercueil est descendu dans la fosse.
        Voilà comment fut enterré Antoine le Guérisseur, dont le renom s'est étendu au delà de nos frontières.
                     QUELQUES DETAILS
        Toute l'après-midi, la foule stationna devant le Temple. Lorsque le cortège fut parti, de nombreuses personnes y pénétrèrent et allèrent se désaltérer à la fontaine qui se trouve dans un coin.
        Sur le parcours du cortège, des fenêtres se louèrent cinq et dix francs. Depuis trois jours, les logements ont eu, paraît-il, toutes leurs chambres occupées par les adeptes étrangers d'Antoine.
        On évalue à 25,000 environ le nombre des personnes arrivées hier à Jemeppe.
        Jusque bien tard une grande animation régna dans les rues, et les tables des restaurants furent prises d'assaut.
        Le service d'ordre était assuré par M. le bourgmestre Delville ; M. Jacquet, commissaire de police ; la police et la gendarmerie locale.
                                                                                 René L…

    La Meuse, 1er juillet 1912 (source : Belgicapress)


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  • Mort d'Antoine le Guérisseur (La Meuse, 25 juin 1912)(Belgicapress)

     MORT D'ANTOINE LE GUERISSEUR

        Comme nous l'avions fait prévoir hier soir, M. Louis Antoine, surnommé Antoine le Guérisseur, est mort ce matin dans son temple.
        Depuis le mois de février, son état de santé était devenu très précaire. Toutefois, contrairement à notre information d'hier, ce n'est pas à une attaque d'apoplexie que l'on doit attribuer sa mort, mais uniquement à la fatigue et à l'épuisement résultant de l'excès du travail. Immédiatement après sa mort. M. Delcroix, professeur à l'Athénée de Liége, prit la parole devant la foule accourue de toutes parts pour venir saluer la dépouille mortelle de celui dont la réputation était devenue mondiale.
        Dans son allocution, qui a fait grande impression, le distingué professeur a annoncé à la foule recueillie que M. Antoine n'avait fait aucun testament et qu'il avait transmis ses pouvoirs à sa femme, qui continuera l'enseignement de son culte et de sa doctrine.
        Le corps du fondateur du culte antoiniste repose au milieu du temple. Ni bougies, ni fleurs, si ce n'est quelques lauriers placés en cercle. Le vénéré défunt porte l'habit de son culte. Ses traits sont calmes.
        A l'entrée du temple, des adeptes en tenue antoiniste distribuent cet avis.

                                           Frère,
        Le Conseil d'administration du Culte antoiniste porte à votre connaissance que le Père vient de se désincarner aujourd'hui, mardi matin, 26 juin. Avant de quitter son corps, Il a tenu à revoir une dernière fois ses adeptes pour leur dire que Mère Le remplacera dans sa mission, qu'Elle suivra toujours son exemple. Il n'y a donc rien de changé, le Père sera toujours avec nous, Mère montera à la tribute pour les opérations générales les quatre premiers jours de la semaine, à 10 heures.
        L'enterrement du Père aura lieu dimanche prochain, 20 juin, à 3 heures.
                                                                      Le Conseil d'administration.

        Voici quelques notes biographiques :
        Louis Antoine était un ouvrier, né à Mons-Crotteux (province de Liége) en 1856, de parents pauvres, simples et foncièrement honnêtes. Il était le cadet de sa famille qui comptait onze enfants. Il débuta à 12 ans dans la mine, accompagnant son père et un frère qui étaient également mineurs. Ne voulant plus descendre dans la fosse, il devint ouvrier métallurgiste. A 24 ans, il quitta la Belgique pour aller travailler en Allemagne, où il séjourna pendant 5 ans. Deux ans plus tard, il alla à Pragua, près de Varsovie (Pologne Russe) et y accomplit un nouveau terme de 5 années, puis il s'installa définitivement en Belgique, à Jemeppe-sur-Meuse. Dans l'intervalle de son séjour en Allemagne, il revint au pays, épouser une femme, dont il avait fait la connaissance avant son départ. De leur union, naquit un enfant, un garçon que la mort leur ravit à l'âge de 20 ans. Leur séjour à l'étranger leur avait permis d'amasser une petite fortune. Ils la sacrifièrent pour venir en aide aux malheureux, éprouvant plus de bonheur à la dispenser à tous qu'ils n'en avaient trouvé en l'acquérant par leur labeur.
        Antoine le Guérisseur vécut très simplement et très sobrement. Ce fut un végétarien total. Il ne mangeait ni viande, ni œufs, ni beurre, ni lait, en un mot rien qui provint de l'animal ; il s'appliqua à rester en tout dans le naturel, fit lui-même tous les menus travaux que nécessita son entretien. Son travail du jour et de la nuit pour ceux qui firent appel à son concours, exigeait un recueillement constant. C'est pourquoi il vécut absolument retiré. Sa femme, une brave épouse, simple et modeste, qui va lui succéder, adopta deux orphelines, qu'ils ont élevées. En plusieurs circonstances, Mme Antoine remplaça son époux en opérant en son nom. Le défunt professa la religion catholique jusqu'à l'âge de 42 ans, puis il s'appliqua à la pratique du spiritisme, sans s'attarder toutefois dans le domaine expérimental pour lequel il n'avait aucune aptitude et qui ne le tentait nullement. Sachant à peine lire et écrire, il se trouvait incompétent pour résoudre ce problème scientifique : il lui préféra la morale et s'y adonna de tout cœur. Il continua jusqu'en 1906, date à laquelle il a créé le Nouveau Spiritualisme : c'est là que commença sa mission.
        Antoine le Guérisseur n'était pas instruit ; et, le peu de connaissance qu'il possédait il les avait acquises en dehors de l'école par son travail personnel. Mais au point de vue de la morale, il fut de tout temps supérieur à son milieu et à son époque, car il s'appliqua sans cesse à son amélioration. Sa mère était une femme pieuse et charitable. C'est dire que le fils fit ses premiers pas dans la voie de la charité qu'il a toujours suivie par la suite.
        Au contact incessant de la quantité innombrable de personnes qui le consultèrent chaque jour depuis plus de 21 ans, Antoine le Guérisseur n'a cessé d'être bienveillant, accueillant et très aimable.

    *  *  *

        A Jemeppe, comme partout d'ailleurs, Louis Antoine était entouré d'une profonde vénération.
        C'est une figure noble, étrange et troublante qui disparait avec Antoine le Guérisseur, fondateur de religion et thaumaturge.
        Antoine exerçait dans tout le pays de Jemeppe une influence salutaire. C'était un homme animé de généreux sentiments humanitaires et d'une grande foi mystique. A notre époque il apparaissait un peu comme un personnage anachronique et mystérieux de légende. Il sera très vivement regretté.
        On se souvient qu'Antoine fut, à deux reprises, poursuivi pour exercice illégal de l'Art de Guérir. Il fut, une première fois, condamné à 36 francs d'amende et la seconde il fut acquitté.
        Antoine avait fait de nombreux adeptes partout : en France, en Allemagne et en Belgique. Il avait fondé, dans la région de Jemeppe, un Cercle qui comprend un nombre considérable de membres.
        Le temple de Jemeppe possède son imprimerie d'où sortent des publications hebdomadaires dont le tirage s'élève, paraît-il, à vingt mille exemplaires.
        Depuis ce matin c'est un va et vient continuel. De tous les pays, de toutes les villes arrivent à la mortuaire des télégrammes de condoléances. Devant le temple, une foule compacte se presse et il faut attendre son tour pour pouvoir aller saluer la dépouille mortelle.
        A proximité du temple quelques marchands de cartes illustrées offrent, pour 10 centimes, le portrait du défunt.
        Sur toutes les figures des adeptes du culte antoiniste se lit la plus profonde consternation.
        On peut s'attendre pour dimanche à d'imposantes funérailles.

    La Meuse, 25 juin 1912 (source : Belgicapress)


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  • Antoine le guérisseur (L'Indépendance luxembourgeoise, 27 juin 1912)(eluxemburgensia.lu)

                                               «Antoine le guérisseur»
        Louis Antoine, dit «Antoine le guérisseur», vient de mourir à Jemeppe, près de Namur.
        Après un long séjour en Russie, il était, en 1903, revenu à Jemeppe et y avait fait construire un temple, qui devint par la suite un lieu de pèlerinage, car, à en croire les habitants de l'endroit, Antoine y accomplissait de nombreuses guérisons.
        L'an dernier, une pétition couverte de milliers de signatures fut remise au Parlement belge, demandant la reconnaissance officielle du «culte antoiniste», qui compte des adeptes en Belgique, en Allemagne et en France.

    L'Indépendance luxembourgeoise, 27 juin 1912 (source : eluxemburgensia.lu)


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  • Antoine le Guérisseur serait mourant (Le Peuple, 25 juin 1912)(Belgicapress)Antoine le Guérisseur
                            serait mourant

        Lundi matin, les allées et venues des antoinistes, à Jemeppe, avaient excité l'attention et le bruit courut aussitôt que Louis Antoine, dit le Guérisseur, se trouvait à l'article de la mort.
        Depuis quelques jours, la santé d'Antoine est devenue précaire et lundi matin un incident inattendu a encore accru les craintes de son entourage.
        Vers 10 h. 30, comme il se trouvait dans son temple, il s'affaissa subitement, frappé d'apoplexie.
        On dut le transporter chez lui où il reprit peu à peu ses sens.
        Sur ces entrefaites, un grand nombre de ses disciples, vêtus de soutanelles d'une coupe spéciale et coiffés d'immenses chapeaux dont la caractéristique est la laideur, parmi lesquels un professeur d'athénée, étaient accourus.
        Antoine alors proféra : « Demain quelque chose de sérieux se produira ». Puis il ajouta une voix sourde : « Je désire que ma femme me succède dans mon enseignement religieux ».
        Tous les antoinistes sont consternés.
        Une fois le saint homme disparu, que deviendra la communauté ?
        Antoine on le sait, a tardé beaucoup avant de faire « sa » révélation.
        Cet étonnant fondateur de culte fut pendant nombre d'années occupé à la division des forges et martelage de la société Cockerill. Il fut ensuite encaisseur à la Société anonyme des tôleries liégeoises. Puis il s'occupa d'assurances. On le dit propriétaire des maisons ouvrières qui entourent son temple. D'aucuns estiment sa fortune à 80,000 francs.
        Quoi qu'il en soit, Antoine le Guérisseur a toujours vécu modestement.

    Le Peuple, 25 juin 1912 (source : Belgicapress)


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  • ''Anton der Heiler'' gestorben (Luxemburger Bürger=Zeitung, 2. Juli 1912)(eluxemburgensia.lu)

        „Anton der Heiler“ gestorben. Brüssel, 27. Juni. In Jemappe, unweit Lüttich, ist im Alter von 66 Jahren ein Wunderdoktor u. Prophet, „Anton der Heiler“, gestorben. Dieser Mann war ehemals in Rußland als Arbeiter beschäftigt; er kam im Jahre 1895 nach Belgien zurück und gründete eine Kolonie von Schwärmern, denen er einen vereinfachten Katholizismus predigte. Offenbar stand er unter dem Einfluß der Tolstoischen Theorien. Er nannte seine Religion Antoinismus. Seine Anhängerzahl soll sich auf 100 000 belaufen haben, die im vorigen Jahre an die belgische Kammer eine Petition richteten und um staatliche Anerkennung ihrer Religion ersuchten. „Anton der Heiler“ hatte sich einen Tempel errichtet und dort führte er Wunderkuren aus. Er kam verschiedene Male mit dem Strafrecht in Konflikt, wurde aber nur einmal zu einer geringen Geldstrafe verurteilt. Sein Einfluß war ein großer. Er hat jetzt bestimmt, daß seine Frau sein Werk weiterführen soll.

    Luxemburger Bürger=Zeitung, 2. Juli 1912 (source : eluxemburgensia.lu)

     

    Traduction :

        Mort d'« Antoine le guérisseur ». Bruxelles, le 27 juin. Un thaumaturge et prophète, « Antoine le guérisseur », est mort à Jemappe, non loin de Liège, à l'âge de 66 ans. Cet homme avait été employé comme ouvrier en Russie ; il revint en Belgique en 1895 et fonda une colonie d'enthousiastes auxquels il prêchait un catholicisme simplifié. Il était apparemment influencé par les théories de Tolstoï. Il a appelé sa religion l'antoinisme. Ses adeptes seraient au nombre de 100 000 et auraient adressé l'année précédente une pétition à la Chambre belge pour demander la reconnaissance de leur religion par l'Etat. « Antoine le guérisseur » s'était construit un temple où il pratiquait des cures miraculeuses. Il eut plusieurs fois des démêlés avec la justice pénale, mais ne fut condamné qu'une seule fois à une légère amende. Son influence était grande. Il a maintenant décidé que sa femme poursuivrait son œuvre.

    Luxemburger Bürger=Zeitung, 2 juillet 1912


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  • Antoine le Guérisseur est mort (Courrier de l'Escaut, 27 juin 1912)(Belgicapress)

                                                                            Antoine le Guérisseur
    est mort. Né à Flémalle-Grande en juin 1846, il avait donc 66 ans et s'était établi, voilà une vingtaine d'années en cette localité de Jemeppe où il avait fait élever ce temple où il officiait gravement. On sait qu'il avait changé son ancien métier d'armurier contre celui de grand prêtre de la « religion antoiniste » et qu'il est parvenu à se faire nombre d'adeptes dans le peuple qui le qualifiait de guérisseur parce qu'il lui attribuait des cures, résultat de prières et d'imposition de mains sur le malade. Poursuivi deux fois pour exercice illégal de la médecine, il fut acquitté une fois, condamné à l'amende une autre fois.

    Courrier de l'Escaut, 27 juin 1912 (source : Belgicapress)


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  • Mort d'Antoine le Guérisseur (Journal de Genève, 28 juin 1912)

    Mort d'Antoine le Guérisseur

        Un homme de Wallonie, un petit bourgeois, presque du peuple, est mort mardi, qui avait acquis non seulement en Belgique même mais un peu partout où il y avait des malades et des désespérés, une célébrité et un crédit exceptionnels ; c'est, dit le Temps, celui qu'on appelait Antoine le Guérisseur. Il n'avait fait rien de moins que de fonder une religion, une espèce de variété de christianisme mélangé de théosophie. Il guérissait par la prière et l'imposition des mains, à la manière des christian scientists d'Angleterre et d'Amérique.
        Peu à peu les malades de l'âme comme du corps, les incurables, les déséquilibrés, les névropathes, tous ceux que les médecins avaient abandonnés, avaient appris le chemin du petit pays de Jemmappes où Antoine avait son temple et tenait ses assises de médecine religieuse. Depuis plusieurs années il y avait les foules de Jemmappes comme les foules de Lourdes et les « antoinistes » recrutés parmi les inquiets d'un culte nouveau et augmentés des guéris reconnaissants, formaient une communauté éparse en divers lieux, mais fort nombreuse.
        Depuis mardi le prophète et guérisseur belge n'est plus.
        Il y a quelque jours, la santé d'Antoine était devenue précaire et lundi matin un incident inattendu a encore accru les craintes de son entourage. Vers, dix heures trente, comme il se trouvait dans son temple, il s'affaissa subitement, frappé d'apoplexie. On dut le transporter chez lui, où il reprit peu à peu ses sens. Sur ces entrefaites, un grand nombre de ses disciples, vêtus de soutanelles d'une coupe spéciale et coiffés d'immenses chapeaux, étaient accourus auprès du lit de leur maître. Antoine alors proféra : « Demain quelque chose de sérieux se produira. » Puis il ajouta d'une voix sourde : « Je désire que ma femme me succède dans mon enseignement religieux. »
        Antoine avait tardé beaucoup avant de faire sa révélation et de se déclarer l'homme de Dieu. Pendant nombre d'années, il était un homme comme un autre, un simple employé à la division des forges et martelage de la société Cockerill. Il fut ensuite encaisseur à la Société anonyme des tôleries liégeoises. Puis il s'occupa d'assurances. Enfin vinrent la grâce, l'action publique, les prédications publiques. Antoine était alors déjà dans l'âge mûr.
        Au temple où il prêchait, Antoine avait adjoint une imprimerie et publiait chaque semaine un journal populaire qui tirait à plus de 20.000 exemplaires et répandait les doctrines de l'apôtre.
        Il y a quelques mois, les antoinistes de Belgique avaient adressé aux Chambres une pétition demandant que la religion nouvelle fut reconnue par l'Etat. La pétition des fidèles du culte antoiniste portait cent mille signatures.
        L'œuvre d'Antoine ne sera pas arrêtée par sa mort. Au temple, où son corps est exposé, l'affiche suivante a été apposée :

    CULTE ANTOINISTE

               Frère,
        Le conseil d'administration du culte antoiniste porte à votre connaissance que le Père vient de se désincarner aujourd'hui mardi 25 juin. Avant de quitter son corps, il a tenu à revoir une dernière fois ses adeptes pour leur dire que Mère le remplacera dans sa mission, qu'elle suivra toujours son exemple. Il n'y a donc rien de changé, le Père sera toujours avec nous, Mère montera à la tribune pour les opérations générales les quatre premiers jours de la semaine, à dix heures.
        L'enterrement du Père aura lieu dimanche prochain 30 juin, à trois heures.
                                             Le conseil d'administration.

    Journal de Genève, 28 juin 1912


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  • Antoine le Guérisseur serait à la mort (La Meuse, 24 juin 1912)(Belgicapress)

        ANTOINE LE GUERISSEUR SERAIT A LA MORT. – Il y a eu, ce matin, à Jemeppe, un moment de gros émoi. Des quatre coins du village, on affirmait la mort de M. Louis Antoine, surnommé Antoine le guérisseur. D'autres, plus prudents, disaient que son état de santé venait de devenir subitement très inquiétant pour ceux de son entourage. Renseignements pris, voici ce qui en est : Effectivement l'état de M. Antoine est considéré comme désespéré ce matin, vers 10 heures, il avait encore pris possession de sa tribune, mais là il se borna à faire quelques gestes sans pouvoir prononcer une parole. Une demi-heure après, il s'affaissa, frappé par une attaque d'apoplexie. Alors, ce fut un va-et-vient continuel d'Antoinistes, venant de toutes les directions et se rendant au temple. Là reposait dans un fauteuil l'homme dont la réputation est devenue universelle.
        Il fit cette déclaration : « Il va se produire un grand événement » et, faisant allusion à sa mort prochaine, il manifesta le désir que sa femme lui succédât dans son enseignement religieux.

    La Meuse, 24 juin 1912 (source : Belgicapress)


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  • Un guérisseur (Le progrès médical, 1912, p.349)

    BULLETIN DU PROGRÈS MÉDICAL

    Un guérisseur.

        Un singulier personnage vient de mourir. On l'appelait Antoine le guérisseur ou encore Antoine le généreux. Ancien ouvrier lamineur, dénué de culture, mais doué d'une extraordinaire puissance psychique, il prétendait posséder le pouvoir de soulager ses semblables ; il les délivrait de leurs maux physiques et leur restituait le bien-être. D'innombrables témoignages attestent les cures qu'il opérait ainsi, sans remède, par la seule vertu de sa présence et de sa volonté. Chaque jour des centaines de malades accouraient vers lui : les aveugles voyaient, les paralytiques marchaient. « C'est la foi qui opère », disait-il, sérieusement ou ironiquement, je ne sais ; se souvenant de son métier d'autrefois il ajoutait : « Le feu de la forge rend le fer malléable, et alors l'homme en fait ce qu'il désire. Notre âme est un peu ainsi ». Les syndicats médicaux lui intentèrent un procès pour exercice illégal de la médecine. Bien entendu, les tribunaux l'acquittèrent sous prétexte qu'il ne tirait aucun salaire de ses soins. Alors il fonda une sorte de religion « l'Antoinisme » dont les adeptes se répandirent dans toutes les parties de l'univers.
        Un admirateur passionné consacra 100.000 francs à lui bâtir un temple à Jemmapes. Une pétition couverte de 130.000 signatures et adressée au gouvernement belge demanda que « l'Antoinisme » fût officiellement reconnu. Le nouveau culte recruta un peu partout ses fidèles ; des groupes se formèrent à Paris, à Tours, à Vichy, à Lyon, à Nice, à Grenoble.
        Antoine avait fondé des organes qui propageaient sa doctrine. L'Unitif portait partout la bonne parole. « Vous ne pouvez faire de la morale à personne, y disait-il ; ce serait prouver que nous ne faites pas bien, car elle ne s'enseigne pas par la parole, mais par l'exemple... Tachez de vous persuader que la moindre souffrance est due à votre intelligence qui veut toujours plus posséder : elle se fait un piédestal de la clémence, en prétendant que tout lui soit subordonné ». Ce langage, de par son obscurité même, séduisait et attirait les cœurs simples.
        Le cas n'est pas nouveau. De tout temps il a existé des guérisseurs de l'espèce d'Antoine. Il y en avait aux Indes, en Grèce, à Rome, chez les Gaulois, plus tard au moyen-âge, dans les villes et dans les campagnes où ils se livraient à leurs pratiques suspectes. Parfois on les tolérait ; souvent convaincus de sorcellerie, condamnés par l'Eglise, ils périssaient de la main du bourreau. Mais ces persécutions ne les décourageaient pas. Ils renaissaient de leurs cendres. Leur race est indestructible. Elle résiste aux progrès de la science, à l'évolution des meurs, au développement de l'esprit d'analyse et d'examen. Hier, Antoine avait des émules en la personne du célèbre zouave Jacob, qui jouit, pendant un demi-siècle, d'une réputation mondiale ; en la personne du non moins fameux Philippe, que le tsar manda à St-Pétersbourg afin de le consulter sur la santé de l'impératrice et qui revint chargé de présents et d'honneurs. La liste pourrait s'allonger indéfiniment. Plus que jamais aujourd'hui, les voyants, les apôtres de l'occultisme, pullulent. Balzac annonce quelque part que le début du vingtième siècle doit être marqué par une recrudescence de la magie. Sa prédiction s'accomplit. La France compte aujourd'hui plus de dix mille devins et devineresses répartis dans les différents quartiers les plus aristocratiques, les plus populeux, tout le monde veut faire lire son avenir dans le blanc d'œuf ou dans le marc de café. Tout le monde croit au don spécial qui, déjà du temps de Tiresias, se nommait la double vue. Faut-il en conclure avec Renan que seule la bêtise humaine peut nous donner une idée de l'infini ? Ce serait peut-être la réflexion de circonstance, mais elle serait pour le moins parfaitement inutile.             Paul MAURY.

    Le progrès médical, 1912, p.349


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  • Le Père est mort (Gazette de Charleroi, 27 juin 1912)(Belgicapress)Le Père est mort

        « Le Père est mort ! » C'est ainsi que les proches d'Antoine le Guérisseur ont annoncé, mardi matin, au monde, la fin de l'étrange et doux vieillard de Jemeppe.
        La mort d'Antoine était prévue, depuis quelques jours. L'apôtre avait, au moment d'un prêche, dans son temple, été pris d'une syncope et avait dû s'aliter. On annonça qu'il avait été frappé d'apoplexie : mais les collaborateurs d'Antoine assurent que celui-ci succomba au surmenage.
        Antoine Louis était un petit homme, d'allure paysanne, aux bons yeux vifs et intelligents. Il avait gardé jusqu'en ces dernières années, des allures simples, distribuant ses conseils sans aucune des manies chères aux inspirés. C'était un sage qui vivait sagement, dédaigneux de sa gloire.
        Cependant celle-ci le troubla quelque peu, récemment. Le développement subit de l'Antoinisme, en France, en Angleterre, dans les pays du Nord, eut alors sur le guérisseur une influence qui se manifesta par une certaine recherche dans le costume d'Antoine qui se vêtit d'une lévite noire et se laissa croître une chevelure et une barbe de mage. Il vivait en reclus, se promenant dans le jardin de sa maison, dictant ses réflexions à un secrétaire. Longtemps il s'était refusé aux interviews, recevant les savants, les écrivains, les journalistes attirés par sa renommée, tout comme les autres personnes qui avaient recours à son pouvoir. Mais depuis qu'à Paris et en Angleterre, ses adeptes avaient créé, eux-mêmes, des groupements, il avait, peut-être, compris la nécessité de rester le chef ; il permit ainsi à d'indiscrets photographes et à des reporters de l'approcher.
        Quoi qu'il en soit. Antoine n'eut jamais, dans une vie qui fut celle d'un brave homme généreux et désintéressé, des manies de charlatan ou de rebouteux campagnard. C'était un apôtre, il avait combiné une doctrine et passa toute son existence à la divulguer.
        Antoine Louis était né à Mons-Crotteux en juin 1846. Ses parents étaient de petits cultivateurs très estimés. Il avait fréquenté la petite école du village, mais savait à peine lire quand il dut aller travailler aux machines du charbonnage. Soldat en 1869, il dut se rendre, l'année suivante, à la frontière. Là, un pénible accident auquel le mêla le hasard, devait influer considérablement sur son caractère. Au cours d'une manœuvre, un coup de feu frappa un soldat qui fut tué. On chercha qui avait tiré, Antoine Louis se présenta, son fusil était parti seul. Il n'y eut aucune suite judiciaire, Antoine étant un excellent soldat connu pour sa douceur et pour son intelligence. Cependant le souvenir de cet accident le poursuivit longtemps.
        Antoine revint à Mons-Crotteux, puis fut machiniste au puits d'extraction d'un charbonnage de Flémalle. Il épousa Jeanne Collon, de Bois-de-Mont-Jemeppe, et partit pour l'Allemagne aux usines belges Pastor à Stolberg. Quatre ans plus tard, rentré à Jemeppe, il acheta un cheval et se fit marchand de légumes. Son commerce ne marchait guère ; Antoine signa un nouvel engagement avec les mines Pastor et fut chef marteleur à Praga, près de Varsovie.
        Là, sa femme tint une pension qui fit fortune.
        A Varsovie, Antoine rencontra quelques illuminés, ouvriers comme lui, qui discutaient de lourdes idées religieuses et économiques.
        Avant de partir, il avait pris le goût de la lecture d'ouvrages scientifiques ; c'était un admirateur des méthodes de Raspail et de la médecine par le camphre ; ce qui lui donnait déjà une réputation de guérisseur habile.
        A Varsovie, Antoine assista à une émeute dont la répression fut terrible ; on accrochait des icônes aux fenêtres pour se sauver de la fureur des soldats ; on pendit des hommes sur les places publiques.
        Ces événements dont il fut témoin, épouvantèrent Antoine et l'amenèrent à de nouvelles idées de réformation de la société par la bonté ; l'influence des idéalistes slaves se manifestait ainsi chez le calme paysan wallon.
        Puis ce fut le retour au pays. Antoine fut agent d'assurance et représenta l'« Union de Paris ». Il se lia, à Seraing, avec Gustave Gony qui était alors menuisier et tous deux se rendirent à Tilleur dans un petit café très honorablement estimé dont le patron, M. Ghaye, était spirite. Là on interrogeait les esprits et on avait pour guide d'au-delà tantôt le cure d'Ars, tantôt Victor Hugo lui-même.
        Antoine était le richard de ce petit cercle, il acheta des livres, forma une petite bibliothèque spirite, réunit les adeptes dans une de ses maisons de Jemeppe – car Antoine était propriétaire de trois immeubles – et de là sortit le groupe des Vignerons du Seigneur.
        M. Gony fonda un petit journal, « Le Tombeau », qui vécut un an, et soutint une polémique ardente avec le pasteur évangéliste de Lize-Seraing, polémique qui se termina par une conférence contradictoire au local de la Fanfare de Jemeppe. L'ami d'Antoine était un spirite militant ; il ne parvint cependant pas à convertir M. Smeets, qui était magasinier à la Coopérative de Jemeppe. Gustave Gony se jeta alors dans la bataille politique et oublia les esprits.
        Pendant ce temps, Antoine après avoir été concierge aux Forges et Tôleries liégeoises à présent transportées à Jupille, après avoir été encaisseur, abandonna ces occupations pour se consacrer entièrement à sa destinée qui lui apparut bien déterminée. Antoine qui avait toujours été porté à la compassion et s'était toujours dépensé à la guérison des malheureux, considéra cette forme du caractère comme une obligation venue de Dieu. Dès lors, il crut que tous les intermédiaires, remèdes, gestes rituéliques, massages, dont il s'était servi jusqu'ici pour guérir, étaient inutiles. Il se souvint d'un homme qui, lui avait-on dit en Russie, soulageait les malades par la seule force de la volonté. Antoine essaya et réussit ; il avait enfin trouvé sa voie.
        Un fils unique, âgé de 20 ans, lui fut enlevé par la phlébite, Antoine ne pleura pas et son attitude émut le peuple de Jemeppe qui déjà le vénérait comme un médecin des pauvres et un cœur charitable.
        Antoine fut, en effet, un homme de bien qui ne tira jamais de son pouvoir et de sa renommée un profit matériel. En cachette, sa femme alla souvent porter des aliments à des miséreux, et Antoine voulut, à la mort de son fils, avoir, en dépit du sort, une famille ; il adopta deux petites orphelines.
        On sait la gloire du guérisseur de Jemeppe. Une Parisienne qu'il guérit, donna 20 000 francs pour la construction d'un temple. D'autres dons venus de tous les coins de l'Europe soutinrent la revue L'Auréole de la Conscience.
        Partout les admirateurs du Père formèrent des milieux d'où la religion d'Antoine se répandit. La grande presse aida à cette renommée et, il y a deux ans, cent mille fidèles belges demandaient, par une pétition au Roi et aux Chambres, la reconnaissance par une loi du culte antoiniste.
        Ce culte a ses cérémonies, ou tout au moins ses séances publiques, il a ses publications sous forme de circulaires et de brochures et une imprimerie est jointe au temple. Antoine était entouré d'actifs collaborateurs ; on cite parmi ceux-ci un professeur d'Athénée, une dame française venue lu Midi, après guérison d'un mal grave.
        La Révélation d'Antoine-le-Guérisseur s'exprime par un mot : l'amour du prochain, mais il ne s'explique que par de longues analyses d'une lecture assez pénible. En voici cependant un résumé fait par les Antoinistes eux-mêmes :
        « L'enseignement d'Antoine le guérisseur a pour base l'amour ; il démontre la loi morale, la conscience de l'humanité ; il rappelle à l'homme les devoirs qu'il a à remplir envers ses semblables ; fût-il arriéré même jusqu'à ne pouvoir le comprendre, il pourra, au contact de ceux qui le répandent, se pénétrer de l'amour qui en découle ; celui-ci lui inspirera de meilleures intentions, et fera germer en lui des sentiments plus nobles.
        « La vraie religion, dit le guérisseur, est l'expression de l'amour pur puisé au sein de Dieu, qui nous fait aimer tout le monde indistinctement. Ne perdons jamais de vue la loi morale car c'est par elle que nous pressentons la nécessité de nous améliorer. Nous ne sommes pas arrivés tous au même degré de développement intellectuel et moral et Dieu place toujours les faibles sur notre chemin pour nous donner l'occasion de nous rapprocher de Lui. Il se trouve parmi nous des êtres qui sont dépourvus de toute faculté et qui ont besoin de notre appui ; le devoir nous impose de leur venir en aide dans la mesure où nous croyons en un Dieu bon et miséricordieux. Leur développement ne leur permet pas de pratiquer une religion dont les enseignements sont au-dessus de la portée de leur compréhension, mais notre manière d'agir à leur égard les rappellera au respect qui lui est dû et les amènera à chercher le milieu le plus avantageux à leur progrès. Si nous voulons les attirer à nous, par une morale qui repose sur des lois inaccessibles à leur entendement, nous les troublerons, nous les démoraliserons et la moindre morale leur deviendra insupportable : ils finiront par ne plus rien comprendre ; doutant de la religion, alors ils recourront au matérialisme.
        « Voilà la raison pour laquelle notre humanité perd tous les jours de sa croyance en Dieu en faveur de la matière. Antoine le guérisseur a révélé qu'il était autrefois aussi rare de rencontrer un matérialiste qu'aujourd'hui, un vrai croyant.
        « Aussi longtemps que nous ignorerons la loi morale, par laquelle nous devons nous diriger, nous la transgresserons.
        « L'enseignement d'Antoine le Guérisseur raisonne cette loi morale, inspiratrice de tous les cœurs dévoués à régénérer l'humanité ; il n'intéresse pas seulement ceux qui ont foi en Dieu, mais tous les hommes indistinctement, croyants et non-croyants, à quelque échelon que l'on appartienne. Ne croyez pas qu'Antoine le Guérisseur demande l'établissement d'une religion qui restreigne ses adeptes dans un cercle, les obligeant à pratiquer sa doctrine, à observer certain rite, à suivre une opinion quelconque, à quitter leur religion pour venir à lui. Non, il n'en est pas ainsi : nous instruisons ceux qui s'adressent à nous de ce que nous avons compris de l'enseignement du Guérisseur et les exhortons à la pratique sincère de leur religion, afin qu'ils puissent acquérir les éléments moraux en rapport avec leur compréhension. Nous savons que la croyance ne peut être basée que sur l'amour ; mais nous devons toujours nous efforcer d'aimer et non de nous faire aimer, car ceci est le plus grand des fléaux. Quand on sera pénétré de l'enseignement d'Antoine le Guérisseur, il n'y aura plus de dissension entre les religions parce qu'il n'y aura plus d'indifférence, nous nous aimerons tous parce que nous aurons enfin compris la loi du progrès, nous aurons les mêmes égards pour toutes les religions et même pour l'incroyance, persuadés que nul ne peut nous faire aucun mal et que, si nous voulons convertir nos semblables, nous devons leur démontrer que nous sommes dans la vraie religion en respectant la leur et en leur voulant du bien. Nous serons alors convaincus que l'amour nait de la vraie foi qui est la vérité ; mais nous ne la posséderons que lorsque nous ne prétendrons pas l'avoir. »
        Chaque jour des centaines de croyants venaient consulter le Père. Chaque matin, aussi, des paquets de lettres et de télégrammes parvenaient au temple, car Antoine guérissait à distance.
        Mais Antoine continuera son œuvre. Au temple, où son corps est exposé, une affiche dont le texte a été reproduit dans une circulaire publiée hier soir, annonce ainsi la mort du guérisseur :
                              CULTE ANTOINISTE
                    Frère,
        Le Conseil d'administration du Culte antoiniste porte à votre connaissance que le Père vient de se désincarner aujourd'hui, mardi matin, 25 juin. Avant de quitter son corps, il a tenu revoir une dernière fois ses adeptes pour leur dire que Mère Le remplacera dans sa mission, qu'Elle suivra toujours son exemple. Il n'y a donc rien de changé, le Père sera toujours avec nous, Mère montera à la tribune pour les opérations générales les quatre premiers jours de la semaine, à 10 heures.
        L'enterrement du Père aura lieu dimanche prochain 30 juin, à 3 heures.
                            Le Conseil d'administration.

    Gazette de Charleroi, 27 juin 1912 (source : Belgicapress)


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  • La mort de M. Antoine, dit le Guérisseur (Le Patriote, 30 juin 1912)(Belgicapress)

    La mort de M. Antoine,
                                 dit le Guérisseur.

        On nous écrit, jeudi soir :
        Nous nous sommes rendus à Jemeppe, la grande localité industrielle qui s'étend le long de la Meuse entre le fleuve et la montagne vis-à-vis de Seraing. Une grande animation y régnait. Tous les trams venant de Liége arrivaient bondés et la circulation augmentait sans cesse dès qu'on approchait de la station qui se trouve sur la ligne de Liége à Huy. C'est au delà de la gare et du passage à niveau que se trouve le temple antoiniste, ou le Père, pour employer l'expression courante là-bas, est exposé. Tout le long du chemin, des camelots vendent des cartes postales illustrées représentant M. Antoine en buste.
        Il a absolument la tête d'un pope et c'est évidemment son séjour en Russie – nous le signalerons tantôt – qui lui aura donné l'idée de se ménager cet extérieur. Les cheveux longs, un peu ondulés, blanchissent assez fortement, séparés au milieu de la tête par une raie et tombant sur les épaules. La barbe, les moustaches cachent complètement le bas du visage. La barbe est taillée en gros favoris que relient les poils du menton. Elle ne pend pas sur la poitrine et est coupée en carré à la ligne des épaules. Il porte une soutanelle étroitement fermée jusqu'au cou par une rangée de petits boutons.
        Mais la foule au milieu de laquelle circulent une nuée d'estropiés et de mendiants, hommes et femmes se pressent autour du temple englobé au milieu de petites habitations proprettes qui sont la propriété du défunt. Le temple a l'architecture d'une chapelle, avec un clocheton terminé par un paratonnerre. On entre par une porte donnant sur une ruelle montante. Très haut, encastrée dans la muraille de briques, une pierre bleue portant ces mots : « 1905. Les Vignerons du Seigneur ». Les Vignerons du Seigneur était le titre que portait la société spirite, fondée par M. Antoine à ses débuts.
        Il faut attendre son tour, on ne laisse pénétrer que par groupes. Le public est surtout composé de curieux. Un assez grand nombre de femmes sont vêtues de deuil ; il faut noter qu'il est de tradition dans le pays que lorsque l'on va voir un mort, on s'habille autant que possible en noir.
        Nous pénétrons enfin. L'intérieur ressemble à une sorte de grand hall. Il est éclaire au fond et vers la façade par des fenêtres en ogive et sur les côtés par des panneaux de verre mat au milieu desquels se détache une espèce de roue aux rayons de couleurs différentes. De trois côtés à hauteur d'un premier étage, courent des galeries où des chaises sont empilées. Tout le long des murs : des porte-manteaux. Au fond de l'édifice, la tribune constituée par une galerie aussi, a mais plus basse et à claire voie qui communique avec les appartements de M. Antoine d'où il sortait car il ne mettait pas le pied sur le pavé du temple. Au milieu de cette galerie pend un écusson noir où brille un arbre en métal argenté portant au milieu des branches les mots : « culte antoiniste » et en-dessous cette inscription : « L'arbre de la science de la vue du mal ». (sic)
        Derrière la galerie-tribune, un immense tableau noir, annonçant qu'il y a séance tous Les dimanches à 10 heures et relatant quelques considérations d'ordre moral. De la voûte tombent des lampes électriques.
        C'est au milieu de ce froid décor que repose le corps. Il est étendu sur une chaise longue drapée de noir et un léger voile le recouvre. Il est revêtu de sa soutanelle. La figure est cireuse, les joues un peu creusées et c'est le dernier jour où l'on pourra le voir paraît-il, car la décomposition se fait sentir. Les bras sont placés le long du corps et les mains longues, presque bleues déjà, reposent ouvertes sur les genoux. Les pieds sont chaussés et montrent la semelle des souliers.
        Autour et par gradation, quelques lauriers en boule. Pas un cierge, pas une fleur. Devant le corps, un guéridon avec un plateau où de rares personnes déposent leur carte. Des adeptes – des étrangers – dans le costume spécial des Antoinistes, la longue redingote noire fermée jusqu'au menton par la rangée des petits boutons, veillent debout le cadavre, avec quelques dames portant le grand deuil, moins le voile.
        La foule stationne quelques instants. Il y a des femmes d'ouvriers portant des jeunes enfants qui se mettent à pleurer. C'est alors un moment de désarroi et un subalterne vêtu comme un domestique de grande maison, cravate blanche, frac de drap bleu avec grands boutons de métal, intervient.
        Nous sortons par la porte de la façade principale s'ouvrant sur une autre rue. Dans le temple même, une fontaine avec trois gobelets d'étain retenus par une chaînette appelle encore notre attention. Plusieurs visiteurs y sont occupés. Nous lisons sur une plaque d'émail cet avis : « Cette fontaine n'a d'autre destination que de désaltérer ceux qui viennent dans ce temple. En faire un autre usage est un manque de foi qui porterait plutôt obstacle à la guérison. Votre foi en l'opération du Père, seule, vous guérira ».
        M. Antoine, en tant que « guérisseur », avait eu quelques mésaventures au tribunal de Liége, à propos de l'exercice illégal de l'art de la médecine, il était devenu prudent.
        Enfin nous sommes dehors. La façade du temple est quelconque de ce côté. Un grand pignon de pierres sur lequel s'ouvrent à droite et à gauche de la porte et au-dessus trois étroites fenêtres ogivales et deux lucarnes. En-dessous de la corniche les mots : « Culte Antoiniste ».
        Nous nous rendons alors, au coin des deux rues, au bureau du culte où nous sommes reçus par des dames adeptes. C'est un bureau ordinaire, meublé de chêne et qui semble bien organisé. Il y a machine à écrire, étalage de brochures. On nous présente l'enseignement révélé par « Antoine le généreux », car c'est ce nom que les adeptes du défunt lui donnèrent à dater du jour où il leur dit qu'il leur transmettrait son pouvoir. Il a jugé mieux de leurs préférer sa femme. Le volume coûte 2 fr. 50.
        On nous dit les derniers moments. Lundi matin, M. Antoine se sentait très faible. Il voulut néanmoins paraître, mais il ne sut pas étendre les bras et c'est Mme Antoine qui dut le remplacer. Il s'est « désincarné », dans la nuit. Ce mot dans la langue antoiniste veut dire mourir.
        Il avait 66 ans. Antoine était son nom et Louis son prénom. C'était un ouvrier, né à Mons-Crotteux, un village des environs, de parents pauvres. Il était le cadet de sa famille qui comptait 11 enfants. II débuta à 12 ans dans la mine, accompagnant son père et un frère qui étaient également mineurs. Ne voulant plus descendre dans la fosse, il devint ouvrier métallurgiste.
        A 24 ans, il quitta la Belgique pour aller travailler en Allemagne où il séjourna pendant 5 ans. Deux ans plus tard, il va en Russie, non loin de Varsovie et y accomplit un nouveau terme de 5 années, puis il s'installa définitivement en Belgique, à Jemeppe. Dans l'intervalle de son séjour en Allemagne, il était revenu au pays pour se marier. Il eut un fils qui mourut à l'âge de 20 ans. Pendant leur séjour à l'étranger les époux Antoine avaient amassé une petite fortune qu'ils convertirent en partie en immeubles.
        M. Antoine a toujours vécu très simplement et très sobrement. Il était végétarien et ne prenait ni viande, ni œufs, ni beurre, ni lait, rien qui provint de l'animal.
        Il professa la religion catholique jusqu'à l'âge de 42 ans, puis il s'appliqua à la pratique du spiritisme et continua jusqu'en 1906, date à laquelle il créa « le nouveau spiritualisme ».
        M. Antoine savait à peine lire et écrire. Nous eussions voulu rencontrer Mme Antoine, mais notre demande souleva des hésitations et nous n'insistâmes pas.
       – Ce n'est pas qu'elle soit si affectée, nous dit-on, elle comprend sa mission, mais...
        Mme Antoine a six ans de moins que son mari. Elle a les cheveux blancs. Sa figure, autant que nous ayons pu en juger par un portrait, est intelligente. Elle porte naturellement l'uniforme antoiniste : une sorte de long peignoir avec manches largement évasées et sur les cheveux un bonnet en crêpe tuyauté.
        Nous avons dit que M. Antoine débuta dans sa carrière de « guérisseur » par le spiritisme. Il fonda à Jemeppe le cercle des « Vignerons du Seigneur » dont l'inscription reste encastrée dans le mur extérieur de son temple. Mais il se fatigua bientôt de causer avec les morts et annonça par prospectus qu'on trouverait chez lui, le soulagement de toutes les afflictions morales et physiques. Il renonça aux évocations et se fit excommunier par les véritables spirites.
        Les clients ne manquèrent pas, mais s'étant aperçu que pour attirer la confiance il fallait droguer, il porta son dévolu sur une spécialité pharmaceutique qui si elle ne faisait pas de bien ne pouvait faire de mal et délivra des prescriptions fixant la dose à prendre suivant les individus. La justice intervint et le « guérisseur » fut condamné à deux fois 26 francs d'amende.
        Il abandonna la spécialité en question et fit annoncer qu'il avait le pouvoir de magnétiser l'eau qu'on lui apportait. De tous côtés, on accourut chez lui avec flacons et bouteilles, dans lesquelles il envoyait avec force gesticulations une soi-disant charge de fluide qui devait amener la guérison de toutes les maladies.
        Mais à tous ces exercices, M. Antoine se fatiguait. Il distribua alors des petits papiers qui avaient prétendument la propriété de magnétiser un verre d'eau. On les emportait et l'opération se faisait à domicile.
        Entretemps, le « guérisseur », avait élaboré une théorie vague de la Foi et des fluides. Le nouveau culte cherchait à se lancer. M. Antoine distinguait les bons et les mauvais fluides et maniait les bons pour guérir les personnes qui avaient la foi, foi en ses théories nouvelles bien entendu. Il fit alors l'imposition des mains, ce qu'on a appelé des passes individuelles. Les séances dominicales sont fondées et des disciples s'amènent.
        Cela devient encore une fois, trop fatiguant. M. Antoine avait construit son temple et il trouva les passes collectives, C'était la dernière manière et voici comment un assistant raconte la scène.
        C'est dimanche. Il est 10 heures. Les fidèles et les curieux occupent les bancs du temple, face à la tribune. Au pied de celle-ci assis à une table, se trouve un adepte. Il se lève :
        – Notre bon Père va venir. Avant d'opérer, il se recueille dans la prière. Respectez ce moment solennel. Ranimez votre foi, car tous ceux qui ont de la foi seront guéris ou soulagés. »
        Une porte s'ouvre sur le palier où se trouve la tribune. M. Antoine sort de ses appartements, l'air inspiré ; son regard est perdu dans l'au-delà. Il élève majestueusement les mains, étend les bras, remue les doigts pour laisser écouler sur l'assistance, tout le fluide qu'il a emmagasiné. Il ferme les yeux et rentre lentement sans avoir prononcé une parole.
        L'adepte se lève de nouveau :
        – L'opération est terminée. Les personnes qui ont la foi sont guéries ou soulagées. »
        La séance est finie et l'on fait entrer d'autres spectateurs pour la réédition de la même cérémonie (à la ligne). Comment expliquer l'affluence !
        Des malades qui se sont adressés inutilement aux médecins et auxquels le moindre espoir fait tenter l'expérience !
        Une réclame intensive qui s'étend aux villes d'eaux étrangères où l'on va chercher à recouvrer la santé !
        La presse antireligieuse raillant Lourdes mais vantant les prétendues guérisons du spirite jemeppois.
        Les médecins sont écartés du lit des Antoinistes. Consulter un médecin est pour eux, un manque de foi. Combien de fois cette crédulité a-t-elle entrainé la mort.
        La doctrine antoiniste est un tissu d'incohérences, de contradictions, de divagations, etc. Il n'y a pour lui aucune différence entre le bien et le mal. « Ne croyons pas en Dieu, dit-il, dans un chapitre de sa révélation, dictée à un sténographe, n'espérons jamais rien de lui, sachons que nous sommes Dieu nous-mêmes ».
        Nous avons quitté cet endroit pris d'une immense pitié pour de telles aberrations. Répétons que la saine population des bords de la Meuse, ne s'est pas laissée prendre dans les filets de l'antoinisme. On nous l'a répété encore tout le long du chemin :
        – Ici, Antoine n'est pas connu. Tous ceux qui vont chez lui ne sont pas du pays. Il aura beaucoup de monde à son enterrement. On annonce des milliers de personnes. Tant mieux, cela fait aller le commerce.
        La semaine prochaine Antoine sera déjà entré dans l'oubli et d'ici à peu de temps, il est probable que l'antoinisme l'y suivra.
        M. Antoine avait fait quelquefois annoncer sa fin prochaine.
        Les malades s'empressaient d'accourir, mais M. Antoine ne mourait pas. Cette fois, il n'a pas informé qu'il allait quitter sérieusement cette terre.
        Un jour un de ses adeptes lui avait demandé :
        – Maître, que deviendront vos disciples quand l'humanité vous aura perdu ?
        M. Antoine répliqua :
        – La mort, c'est la vie, elle ne peut m'éloigner de vous, elle ne m'empêchera pas d'approcher tous ceux qui ont confiance en moi, au contraire.
        Avant de mourir, M. Antoine avait pris ses mesures comme nous l'apprend l'avis de faire part de son décès :
                             Frère,
        Le conseil d'administration du Culte antoiniste porte à votre connaissance que le Père vient de se désincarner aujourd'hui, mardi matin, 25 juin. Avant de quitter son corps Il tenu à revoir une dernière fois ses adeptes pour leur dire que Mère Le remplacera dans sa mission, qu'Elle suivra toujours son exemple. Il n'y a donc rien de changé. Le Père sera toujours avec nous. Mère montera à la tribune pour les opérations générales, les quatre premiers jours de la semaine à dix heures.
        L'enterrement du Père aura lieu dimanche prochain 30 juin à 3 heures.

        Comme il est dit, il n'y aura donc rien de changé. M. Antoine mort est remplacé par Mme Antoine.
        M. Antoine était donc peu connu à Jemeppe et dans les environs. Il ne sortait plus depuis plusieurs années et ses adeptes ne se recrutaient pas dans la contrée, mais dans le Centre et le Borinage notamment, à Bruxelles même, où existe dans une rue du quartier Louise, in temple antoiniste, présidé par un officier retraité, en France, en Allemagne et jusqu'en Autriche.

    Le Patriote, 30 juin 1912 (source : Belgicapress)


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  • Funérailles du Père - vers le cimetière (photo FaceBook Pierre Dock, archive Soeur Jeanne, Waremme)

     (photo FaceBook scannée par Pierre Dock, archive de Sœur Jeanne, Temple de Waremme)

    Funérailles du Père - vers le cimetière (photo FaceBook Pierre Dock, archive Soeur Jeanne, Waremme)

    version restaurée

    Funérailles du Père - vers le cimetière (photo FaceBook Pierre Dock, archive Soeur Jeanne, Waremme)

    version restaurée et colorisée par frère Philippe Delorme


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  • Funérailles du Père - les enfants costumés (photo FaceBook Pierre Dock, archive Soeur Jeanne, Waremme)

    (photo FaceBook scannée par Pierre Dock, archive de Soeur Jeanne, Temple de Waremme)


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  • Dans le mystère (La Meuse, 27 juin 1912)(Belgicapress)

    DANS LE MYSTERE

        En des pages merveilleuses, M. Maurice Maeterlinck a étudié l'influence qu'exercent impérieusement sur le moindre de nos actes les forces du mystère. Notre vie est à la merci de puissances ténébreuses que nous devinons ou que nous pressentons, mais qui restent absolument impénétrables. Dans un de ses drames les plus sobrement émouvants, Intérieur, M. Maeterlinck montre d'une façon saisissante comme nous sommes enveloppés par les arrêts impitoyables de volontés occultes. Ainsi toute notre existence est dominée par le mystère et c'est ainsi qu'Antoine le Guérisseur, qui possédait sans doute la clef du Trésor des Humbles, a pu, à notre époque résolument scientifique, jouit d'un prestige incontestable. Il apportait aux esprits que troublent les forces inconnues des consolations, il leur donnait du courage ; il calmait les consciences affolées, il trouvait les paroles simples et touchantes qui s'adressent directement à l'âme.
        Il put passer ainsi une vie exemplaire, toute de droiture, de bonté et de charité, et il fut entouré de la vénération de ses adeptes, qui venaient à lui de toutes les classes de la société.
        Il possédait le don de l'apostolat ; il avait un pouvoir troublant et dans notre temps de scepticisme ce thaumaturge vénéré avait des allures anachroniques qui l'auréolaient d'une atmosphère de légende.
        Antoine le Guérisseur fonda alors une religion et ses adeptes adressèrent aux Chambres une pétition couverte de 160,000 signatures, dont 22,000 étrangères, pour que le culte Antoiniste fut officiellement reconnu.
        Nous avouons que nous préférons le thaumaturge au législateur rituélique.
        Son geste guérisseur avait je ne sais quelle onction souveraine ; il s'accompagnait de bonté et de beauté, et le spectacle de toute une humanité qui accourait auprès de lui chercher du soulagement à ses maux ne manquait ni d'émotion ni de grandeur et indiquait l'éternelle faiblesse de l'homme devant le jeu indifférent des éléments.
        Antoine le Thaumaturge a droit à la reconnaissance de ses semblables, parce qu'il fut bon et qu'autour de lui il répandit de la bonté.

                                                                              Mestré.

    La Meuse, 27 juin 1912 (source : Belgicapress)


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