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leon tolstoi

Anton der Heiler (General Anzeiger für Dortmund, 27.6.1912)

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Anton der Heiler (General Anzeiger für Dortmund, 27.6.1912)    Brüssel, 26. Juni. (Anton der Heiler.) In Jemeppe ist gestern im Alter von 66 Jahren ein Wunderdoktor und Prophet, der sich „Anton der Heiler“ nannte, gestorben. Der Mann arbeitete in feiner Jugend in Rußland und kehrte anfangs der 90 er Jahre nach Belgien zurück. Er gründete eine Kolonie und predigte dieser einen vereinfachten Katholizismus, offenbar unter dem Einfluß der Theorien des Grafen Tolstoi. Seine Anhängerschar wird auf etwa 100 000 berechnet.
    Er nannte seinen Kultus den Antoinismus. Im vorigen Jahre hatten seine Anhänger eine Petition an die belgische Kammer gerichtet und ersucht, man solle ihre Religion als eine staatlich offizielle anerkennen. Die Kammer hat diesem Ersuchen nicht stattgegeben. Trotzdem predigte Anton seine Religion weiter. Er hatte sogar Anhänger in Deutschland und den Vereinigten Staaten von Nordamerika, die alljährlich zu ihm pilgerten.
    Seine Haupttätigkeit bestand in Wunderkuren, die ihn verschiedene Male mit dem Strafrichter in Konflikt brachten. Er wurde aber nur einmal zu einer geringfügigen Geldstrafe verurteilt. Anton war ein Schwärmer, der seine Kuren selbstlos ausübte, denn er hatte sich in Rußland ein Vermögen erworben. Auf seinem Totenbette hatte er bestimmt, daß seine Frau als Priesterin seiner Religion an die Spitze seiner Gemeinde treten solle.

General Anzeiger für Dortmund, 27.6.1912

 

    Article repris presque à l'identique par le Lüdenscheider Tageblatt, du 11.7.1912:  Anton der Heiler (General Anzeiger für Dortmund, 27.6.1912)

 

Traduction :

    Bruxelles, 26 juin. (Antoine le Guérisseur.) Un médecin miracle et prophète qui se faisait appeler "Antoine le Guérisseur" est décédé hier à Jemeppe à l'âge de 66 ans. L'homme a travaillé en Russie quand il était jeune et est revenu en Belgique au début des années 1890. Il fonde une colonie et prêche un catholicisme simplifié, apparemment influencé par les théories du comte Tolstoï. Ses partisans sont estimés à environ 100 000.
    Il a appelé son culte l'Antoinisme. L'année dernière, ses partisans ont adressé une pétition à la Chambre belge, demandant que leur religion soit reconnue par l'État. La Chambre n'a pas accepté cette demande. Malgré cela, Antoine a continué à prêcher sa religion. Il avait même des partisans en Allemagne et aux États-Unis d'Amérique qui faisaient des pèlerinages annuels pour le voir.
    Son activité principale consistait en des guérisons miraculeuses, ce qui le mit en conflit avec le juge pénal à plusieurs reprises. Cependant, il n'a été condamné qu'une seule fois à une petite amende. Antoine était un fanatique qui pratiquait ses cures avec désintéressement, car il avait fait fortune en Russie. Sur son lit de mort, il avait décrété que sa femme dirigerait sa communauté comme prêtresse de sa religion.

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Léon Tolstoï - La foi

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    Une foi dont ne découlent pas des actes n'est pas la foi.

issu de Pensées de Tolstoï
d'après les textes russes par Ossip-Lourié (1898)

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Léon Tolstoï - La vie est un sommeil (Le Fraterniste, 15 janvier 1929)

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Léon Tolstoï - La vie est un sommeil (Le Fraterniste, 15 janvier 1929)« LA VIE EST UN SOMMEIL »

     Notre vie terrestre est l'un des rêves d'une autre vie, plus réelle, plus authentique, et à laquelle nous retournons après notre mort... et ainsi de suite jusqu'à l'infini, jusqu'à la dernière vie, qui est la vie de Dieu.
    La naissance et l'apparition des premières notions sur le monde peuvent être considérées comme le commencement du sommeil, toute la vie terrestre comme le sommeil complet ; la mort, comme le réveil.
    La mort prématurée, c'est lorsque l'homme est réveillé avant d'avoir dormi tout son sommeil.
    La mort dans la vieillesse, c'est lorsque l'homme a bien dormi et qu'il s'est réveillé de lui-même.
    Le suicide, c'est un cauchemar qu'on fait évanouir en se souvenant qu'on dort ; on fait un effort et on se réveille.
    L'homme qui est tout absorbé par la vie présente, qui n'a pas le pressentiment d'une autre vie, c'est celui qui dort, profondément.
    Le sommeil profond, sans rêves, est comparable à l'état de demi-bestialité.
    Le dormeur qui sent pendant le sommeil ce qui se passe autour de lui, qui a le sommeil léger et qui est prêt à se réveiller à tout instant, c'est celui qui a conscience, quoique vaguement, de la vie dont il est sorti et à laquelle il est en train de revenir.

    Pendant le sommeil, l'homme est toujours égoïste, vit solitaire, sans participer à la vie de ses semblables, sans aucun lien avec eux.
    Dans la vie que nous considérons comme réelle, notre lien avec nos semblables est déjà plus grand : il y existe une apparence de l'amour du prochain.
    Dans la vie dont nous sortons, et à laquelle nous retournerons, ce lien est plus étroit : l'amour du prochain n'est plus une simple aspiration, mais une réalité.
    Dans la Vie pour laquelle celle dont je viens de parler n'est qu'une préparation, le lien entre tous est plus étroit et l'amour de tous plus grand encore.
    Cette fois, dans ce rêve, nous sentons déjà tout ce qui se réalisera peut-être dans la nouvelle vie.
    La forme corporelle dans laquelle nous surprend ici-bas le réveil de notre conscience de la vraie vie apparaît comme la limite au libre développement de notre esprit.
    La matière est la limite de l'esprit. La vraie vie commence lorsque cette limite est abolie.
    Cette notion renferme toute la connaissance de la vérité, et donne à l'homme la conscience de la vie éternelle.
    Je ne m'amuse pas à imaginer une théorie. Je crois de toute mon âme en ce que je dis. Je sens, je sais avec certitude qu'en mourant je serai heureux, que j'entrerai dans un monde plus réel.

                                                                              Léon TOLSTOÏ.

Le Fraterniste, 15 janvier 1929

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BONNES FEUILLES - Sans âme (L’Ère nouvelle, 19 janvier 1928)

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BONNES FEUILLES - Sans âme (L’Ère nouvelle, 19 janvier 1928)

BONNES FEUILLES
Sans âme

    ... Sans âme, par André Therive (Grasset, éditeur). Est-ce Huysmans, est-ce Tolstoï qu'il faut rappeler à propos de l'histoire de Julien Lepers, de l'ouvrière Lucette, de la danseuses Lydia ? et de tant d'autres personnages inoubliables ?

III

    Le train avait passé Thieulecques ; avant d'arriver à la station de Saint-Achille, Julien aperçut, fort près de la voie, la sucrerie rouge de M. Drémoncourt, son oncle. Les bâtiments, la haute cheminée, la villa, tout flambait neuf, au milieu des champs pâles et sur un fond de bois dépouillés. Tout cela avait été dévasté par la guerre, reconstruit magnifiquement sur les toits éclatants, un jeu de tuiles faisait lire le nom de Ghislain Drémoncourt beaucoup plus fièrement qu'un drapeau.
    Le maître de ces lieux vint chercher son neveu à la gare. Il avait notablement vieilli depuis un an ; enflé, tassé, les yeux sanglants, mais la parole gaillarde. Sous des dehors si grossiers, c'était un esprit vif et curieux. Ancien pharmacien à Saint-Omer, où la société bien pensante lui rendit autrefois la vie intenable, on le disait prospère dans l'industrie, et sa vieillesse semblait son apogée. Mais il ne parlait pas de ses affaires. Deux passions fortes l'animaient encore : l'une politique et qui se devine ; l'autre d'exceller à la tapisserie. Il s'était brodé lui-même des pantoufles historiées, tantôt à ses initiales gothiques, tantôt au caducée ou au mortier de son ancienne confrérie. Il avait été marié, veuf de très bonne heure, coureur assez longtemps. A présent, il se contentait de son industrie et d'intrigues politiques, qui lui faisaient trouver dans les journaux une pâture savoureuse et variée. Il n'était même pas conseiller général ; il était faiseur de députés comme on fut faiseur de rois, en dédaignant un peu ses créatures. Bien moins riche d'ailleurs que son renom ne le voulait ; satisfait de faire peur à ses ennemis, envie à ses amis, et en cela de duper tout le monde à moitié. Gourmet à la mode d'aujourd'hui, gourmand aussi à la mode d'hier. Casanier depuis deux ou trois ans, il avouait avec amertume, au moins dans ses lettres, qu'il est sage de se détacher de la vie quand elle se détache de vous. Mais, en paroles, une pudeur le gardait de cette forfanterie plaintive.
    – Alors, il y a eu un drame demanda Julien, copieusement embrassé.
    – Oui, oui, je te raconterai. Mais, d'abord, que je te prévienne : il va nous arriver de Wazemmes les de Gouin pour déjeuner, après la messe. Deux parents, trois filles. Je me suis réconcilié par lettre avec eux ; ou eux avec moi. Enfin, mettons tous ensemble. Il n'y a pas tant d'occasions de faire la fête en famille. Autant ceux-là que d'autres ; ils habitent si près ! Vois-tu, il n'y a rien de si terrible que la solitude. Il me semble que je la sens plus lourde de mois en mois. J'ai bien le temps, que diable, d'être enterré pour de bon !
    Ces paroles, dites avec gaité, rendaient un son funèbre. L'air était aigre, glacé par moments. La boue de novembre ne séchait plus sur les routes où les camions marquaient leurs ornières pour six mois. Au bord des champs, des silos à betteraves, voutés comme des tombeaux, exhalaient, malgré le froid, une puanteur acide.
    – Ah ! Dieu de Dieu ! s'écria encore M. Drémoncourt, que j'aime à te voir, Julien, froncer le nez devant l'odeur de la campagne maternelle ! Les de Gouin, au moins, sont des rustiques : ils ont fait de la terre, de la vie aux champs, un article de foi ; cela en ajoute un à ceux qu'ils croient déjà. On n'en saurait trop mettre. J'espère bien que tu les feras enrager là-dessus. Car il est inutile de parader devant ces demoiselles : tu as surement horreur de la campagne et de ton oncle campagnard.
    Il frappa amicalement sur l'épaule du neveu, qui lui prit le bras et avoua :
    – Ce qui doit être affreux dans la campagne, c'est de pouvoir penser à soi trop nettement, et de voir toute simple, toute fatale devant soi, sa destinée.
    – Tu me dis ça, fit observer M. Drémoncourt, souriant, à moi qui la verrais n'importe où aussi simple et aussi courte, parce que je suis vieux ! Tu gardes l'illusion des jeunes : que la vie reste libre tant qu'elle cache de l'imprévu. Je ne t'en veux pas, égoïste. Tu as les défauts de ton âge, et un autre encore : car au fond tu es un bohème.
    Oui, un bohème..., Ha ! Ha ! j'ai trouvé le mot. Il y a des êtres qui poussent ainsi, même dans les plantations bourgeoises, comme le chiendent dans les betteraves. Ce n'est pas moi qui les appellerai des maudits... Ils choisissent la meilleure part. Si j'avais su, peut-être, en mon temps... mais il ne faut pas recommencer toujours sa vie en songe. Il ne faut jamais détester ce qu'on est. Ça, c'est la vraie malédiction.
    – Ah ! oui, reconnut Julien.
    – Mon neveu a le cafard, dit le distillateur. Voilà le paysage de Saint-Achille qui agit déjà. Ou bien est-ce qu'il aurait des peines de cœur. Oui ? non dans le sacré Paris pourtant, avec mille francs que je t'envoie par mois, et tes honoraires ! Combien gagnes-tu avec M. Comte ?
    – Neuf cent six francs.
    – Cela fait bien des cigares. Et tu vends bien quelques petites gravures ? A ta place, je serais heureux. Veux-tu changer ta peau avec moi ? Ah ! vingt milliards de dieux ! qu'est-ce qu'elle cherche donc, la science, si ce n'est de faire rajeunir les vieilles bêtes ? à quoi sert-elle, je te demande un peu ? Allons, Julien, c'est toi qui fais la tête, et moi qui te remonte ! Et malgré mes drames domestiques ! Et malgré l'arrivée de la sainte famille de Gouin !
    Ils parvenaient à la distillerie. Le pavillon de M. Drémoncourt donnait sur un jardin dessiné, mais tout nu, qui rejoignait les prés et les bois. A l'horizon, deux cônes noirâtres indiquaient le pays des mines, les terrils de charbon, Le ciel était bas : des corbeaux erraient déjà comme une fumée sous les nuages, en criant, et soudain se taisaient, laissant le paysage à sa nudité, à son silence.
    – A propos, demanda Julien. Et le drame ! et votre fidèle Irène ?
    M. Drémoncourt se rembrunit :
    – C'est vrai ; je ne pouvais te raconter par lettre toute cette histoire incroyable. La pauvre vieille a passé juste le lendemain du 14 juillet, tandis qu'il y avait encore dans la cour des lanternes et un accordéon pour le bal des ouvriers. Elle avait eu déjà deux ou trois crises d'étouffement, mais elle ne voulait pas se reposer, encore moins se faire suppléer par une jeunesse. On peut dire qu'elle est morte avec son tablier bleu ! Je l'ai relevée moi-même, je lui ai scarifié moi-même des ventouses ; et Dieu sait si je n'aime plus ce métier-là ! Elle disait juste : « Ça me fourmille, monsieur, ça me fourmille partout », avec sa langue pâteuse. Et puis : « Il faudra avertir à Caudry M. Meulemester. – Quoi donc ? c'est un parent ? – Non, non. – Un médecin ? non ? un notaire ? – Un « adepte » ! a-t-elle dit enfin.
    « Je n'y comprenais rien du tout. Depuis vingt-cinq ans qu'elle me servait, elle ne m'a jamais parlé d'« adeptes ». Elle ne quittait non plus jamais la baraque. Tu sais qu'elle n'allait pas même à la messe, que je lui plaçais ses gages, et qu'elle me demandait vingt francs de temps en temps, sur son magot, pour s'acheter de la laine à tricot. Quand elle a été morte, j'ai fait chercher à Caudry le sieur Meulemester.
    « Il est arrivé le soir même, avec deux femmes bizarres, des espèces de nonnes, ou d'infirmières en noir. Ils ont passé la nuit à l'auberge, sans vouloir veiller la pauvre Irène. C'est moi qui suis resté auprès de son lit, à boire le café sans chicorée, qui était bon pour la première fois : car enfin elle avait de sacrés goûts en cuisine ! Tu me vois devant les bougies, luttant contre le sommeil, farfouillant un peu dans ses nippes pour rassembler son héritage, avant de dénicher les héritiers, belle corvée mon ami ! J'étais attaché à cette bonne vieille, après tout : Vieille ? elle avait trois ans de plus que moi. Mais éreintée et un peu hébétée aussi. Qu'est-ce que je trouve dans ses paquets de linge : des brochures bleues ou vertes qu'elle recevait, écrites en un charabia impossible, et intitulée l'« Unitif ». Cela lui venait de Belgique, et cela m'avait l'air de prêcher l'Antoinisme, une espèce de nouvelle religion, oh ! une religion pour les pauvres bougres... Naturellement, j'ai jeté les papiers au feu : cela pourrait faire beaucoup de mal. Je n'ai su que le fin mot que le lendemain.
    « Le sieur Meulemester arrive donc avec ses acolytes : vêtu d'une lévite jusqu'aux talons, il apportait un drap vert-chou dont il a fait couvrir le cercueil, au grand épatement des gens d'ici ; et il s'est prélassé devant la charrette en promenant une espèce d'écriteau carré où il y avait un arbre peint et ces mots : « La science de la vue du mal ». Il m'a montré un papier signé (si on peut dire) de la pauvre Irène, qui exigeait des funérailles « antoinistes », c'est-à-dire ce carnaval, et en fin de compte, la fosse commune (tu entends, Julien !) le trou au bout du cimetière, le silo où l'on ne jette ici que les os déterrés et les vieilles couronnes, avec défense de jamais avoir son nom sur ce misérable tombeau. Tu penses si j'étais furieux ! J'avais d'abord l'air d'un pingre, d'un abominable dégoûtant, devant tous les gens de l'usine qui regardaient le cortège, et qui n'en croyaient pas leurs yeux. Heureusement que le sieur Meulemester, avec son attirail, éveillait l'attention, me sauvait la mise. Il a récité au cimetière des phrases ridicules, en langage d'école du soir : la conscience, la matière, le développement intellectuel, que sais-je ? Le bruit s'est répandu vite que ce gibier représentait des Antoinistes ; et il y a eu des gens pour trouver que des funérailles pareilles, c'était crâne, c'était grand... et que la vieille Irène avait été une sainte à sa façon. Le nommé Meulemester, a replié son drap vert ; ses donzelles ont distribué des papiers. Le curé, m'a-t-on dit, contemplait l'affaire derrière ses rideaux, d'où il voit la porte du cimetière. Les crétins qui se disent ici bolchevistes ont raconté le soir, à l'estaminet, que la fosse commune devrait être rendue obligatoire. Et puis tout cela s'est oublié ; le notaire s'occupe de trouver des ayants-droits au petit magot de la pauvre Irène. Rendons cette justice au sieur Meulemester et à sa nouvelle religion : c'est qu'ils n'ont pas capté le testament ni réclamé de casuel... Mais faut-il qu'il existe des abrutis en ce monde !
    A ce moment, la nouvelle servante se montra sur le perron. C'était une grosse Flamande, veuve d'un marin disparu, et qui avait été cordon-bleu à Dunkerque.
    – Celle-là au moins, dit M. Drémoncourt, elle n'a rien de la prophétesse. Tu verras sa cuisine ! Il faut avouer qu'elle se boissonne tous les samedis, et le chauffeur la console de ses malheurs quand il l'emmène faire son marché. J'aime mieux cela. Mais je pense à la pauvre Irène qui soufflait en se traînant de pièce en pièce, et qui maintenant dort comme un chien à l'endroit des pots cassés et des grilles en morceaux... Ah ! pouah ! c'est joli, ce qui nous attend tous !
                                                                                                          André THERIVE.

L’Ère nouvelle, 19 janvier 1928

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''Anton der Heiler'' gestorben (Luxemburger Bürger=Zeitung, 2. Juli 1912)(eluxemburgensia.lu)

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''Anton der Heiler'' gestorben (Luxemburger Bürger=Zeitung, 2. Juli 1912)(eluxemburgensia.lu)

    „Anton der Heiler“ gestorben. Brüssel, 27. Juni. In Jemappe, unweit Lüttich, ist im Alter von 66 Jahren ein Wunderdoktor u. Prophet, „Anton der Heiler“, gestorben. Dieser Mann war ehemals in Rußland als Arbeiter beschäftigt; er kam im Jahre 1895 nach Belgien zurück und gründete eine Kolonie von Schwärmern, denen er einen vereinfachten Katholizismus predigte. Offenbar stand er unter dem Einfluß der Tolstoischen Theorien. Er nannte seine Religion Antoinismus. Seine Anhängerzahl soll sich auf 100 000 belaufen haben, die im vorigen Jahre an die belgische Kammer eine Petition richteten und um staatliche Anerkennung ihrer Religion ersuchten. „Anton der Heiler“ hatte sich einen Tempel errichtet und dort führte er Wunderkuren aus. Er kam verschiedene Male mit dem Strafrecht in Konflikt, wurde aber nur einmal zu einer geringen Geldstrafe verurteilt. Sein Einfluß war ein großer. Er hat jetzt bestimmt, daß seine Frau sein Werk weiterführen soll.

Luxemburger Bürger=Zeitung, 2. Juli 1912 (source : eluxemburgensia.lu)

 

Traduction :

    Mort d'« Antoine le guérisseur ». Bruxelles, le 27 juin. Un thaumaturge et prophète, « Antoine le guérisseur », est mort à Jemappe, non loin de Liège, à l'âge de 66 ans. Cet homme avait été employé comme ouvrier en Russie ; il revint en Belgique en 1895 et fonda une colonie d'enthousiastes auxquels il prêchait un catholicisme simplifié. Il était apparemment influencé par les théories de Tolstoï. Il a appelé sa religion l'antoinisme. Ses adeptes seraient au nombre de 100 000 et auraient adressé l'année précédente une pétition à la Chambre belge pour demander la reconnaissance de leur religion par l'Etat. « Antoine le guérisseur » s'était construit un temple où il pratiquait des cures miraculeuses. Il eut plusieurs fois des démêlés avec la justice pénale, mais ne fut condamné qu'une seule fois à une légère amende. Son influence était grande. Il a maintenant décidé que sa femme poursuivrait son œuvre.

Luxemburger Bürger=Zeitung, 2 juillet 1912

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Edouard Saby - Fin et Résurrection d'un monde (1948)

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Edouard Saby - Fin et Résurrection d'un monde (1948)

Auteur : Edouard Saby
Titre : Fin et Résurrection d'un monde
Éditions de l'École Addéiste, Paris, 1948
Cf. https://books.google.fr

    Auteur d'ouvrages sur la spiritualité et l'occultisme (Hitler et les forces occultes, Comment devenir médium, Au-delà du monde visible, Sur le sentier de l'initiation, La réincarnation...), il est le fondateur et directeur de publication des périodiques "L'Évolution spirituelle et sociale" et "Le Messager d'évolution" où il utilisa le pseudo "Le Veilleur" pour signer ses critiques littéraires. Il est également le fondateur des "Éditions de l'École addeiste" qui publia ce livre.
    Un long article lui est consacré dans Le Fraterniste du 1er novembre 1931.

    L'auteur se propose ici : d'écrire un livre « dans lequel il traite des grands problèmes de la Paix, de la Justice et de la Prospérité des Etats. [Mais] il se demanda si le fait d'être un inconnu n'allait pas desservir ses idées... Combien elles seraient plus convaincantes, soutenues par des noms illustres : Religieux, Sociologues, Moralistes universellement réputés ! »
    «  Réunir toutes ces pensées dans une même gerbe ;
    A ces pensées, exprimées en des temps et par des penseurs différents, donner une unité de lieu et de temps ;
    Sertir en une véritable mosaïque cette somme des connaissances humaines... »

    On y retrouve donc pêle-mêle les idées de la Bible, Marc-Aurèle, Cicéron, Léon Tolstoï, Voltaire, Rousseau, Bossuet, mais aussi Wagner, George Sand, Edgar Quinet et Antoine le Guérisseur.

    Voici quelques passages inspirés (et référencés en fin d'ouvrage) par l'Enseignement :
La Foi.
    Un seul remède peut guérir l'Humanité, LA FOI [; mais il n'est de foi inébranlable que celle qui peut regarder la raison en face].
Le Grand Mystère.
    Amour, Intelligence et Conscience réunis constituent une Unité, Le Grand Mystère : Dieu.
    Ce Dieu, que tu ne peux ni définir ni comprendre, mais que le sens intime te démontre, et que l'Univers et ses Lois mathématiques te prouvent :
    Que tu l'appelles DESTIN, tu n'erres point : IL est Celui de qui tout dépend ;
    Que tu l'appelles NATURE, tu n'erres point : IL est celui de qui tout est né ;
    Que tu l'appelles PROVIDENCE, tu n'erres point : c'est dans ses conseils que le monde déploie ses moyens.

L'Amour.
    Laisse-moi maintenant te parler d'une vertu essentielle, L'AMOUR, « lumière de la vie  », « cause du monde ».
    Que serait, en effet, la vie sans amour, sinon un jardin sans fleurs, un arbre sans oiseaux ? 

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Louis Piérard - En Wallonie (1911)

Publié le par antoiniste

Louis Piérard - En Wallonie (1911)

Auteur : Louis Piérard
Titre : En Wallonie
Éditeurs : Henri Lamertin, Bruxelles, 1911Louis Piérard - En Wallonie (1911)

    Louis Piérard est un homme politique belge et un militant wallon né à Frameries (dans le Borinage) le 7 février 1886 et mort à Paris le 3 novembre 1951, mais repose au cimetière de Frameries, au pied d'un des plus anciens charbonnages. Sur le tombeau érigé par la commune, on lit l'inscription Citoyen du monde. Son œuvre vient de passer dans le domaine public.
    Issu d'une famille modeste (ses deux grands-pères étaient mineurs), il vint très jeune au socialisme et lutta aux côtés de Jules Destrée et Émile Vandervelde pour le suffrage universel. Il fut maire de Bougnies, sur la frontière française, de 1933 à sa mort.
    Journaliste, il collabora au journal Le Soir puis au journal Le Peuple, organe de son parti, mais aussi pour Le Flambeau, le journal de Gustave Gony (il est donc possible qu'il fût spirite). Il accompagne François Crucy pour son article dans l'Humanité. Il écrivit de nombreuses critiques d'art (sur Van Gogh, Manet…) et Visages de la Wallonie (réédité par Labor, Bruxelles, 1980). Ce livre est de la même trempe que ce dernier, mais date de 1911, un des premiers titres de l’auteur.
    Il y consacre deux chapitres à ce qui nous intéresse : les Thaumaturges (pp. 47-49) et Antoine le Guérisseur (pp.50-56). Pour autant, l’auteur ne nous apprend rien, et fait un travail de journaliste qui rapporte des faits. Cependant je doute qu’il se soit rendu à Jemeppe. Jugez par vous-mêmes. Pourtant, il semble bien connaître le culte, car deux articles (L'Humanité donc, et Le Monde illustré) l'évoque. Et il a soutenu la reconnaissance du culte auprès du Parlement.
    On retrouve une sœur Alice Piérard en relation avec le temple de Verviers, sans savoir s'ils sont de la même famille.


                                 THAUMATURGES

    A tout seigneur, tout honneur. Que je vous parle d'abord de l'éphémère bon dieu Baguette qui opéra deux mois durant à Ressaix, près de Binche dont le carnaval est célèbre.
    Jemeppe-sur-Meuse avait déjà Antoine le Guérisseur. Nous connaissions aussi un brave paysan d'Erbisœul qui succéda à son beau-père dans les délicates fonctions de Tout-Puissant. Et cette trop neuve région du Centre où Baguette opéra, n'avait-elle eu déjà Louise Latteau, la fameuse stigmatisée de Bois-d'Haine ?
    Ce christ de Ressaix, après des semaines de gloire et de recettes abondantes (on vint le consulter Paris, de Lille et d'Arlon !) connut en quelques jours la plus lamentable des déchéances et le ressentiment de la foule. Il eut le tort grand de ne point se montrer assez supra-terrestre ; Il s'enivra, eut une maîtresse, fut appelé au Parquet de Charleroi. Aucun dieu ne peut résister à de telles épreuves.
    La révélation lui était venue au fond de la mine : plusieurs fois, devant ses camarades ahuris, puis bouleversés, ce jeune sclauneur jetant son pic s'était écrié « qu'il le voyait encore. » Sur la façade du cabaret paternel, on peignit à la chaux blanche : Au nouviau bon Dieu, Jules Buisseret, dit Baguette. Et malades, curieux, reporters, affluèrent de partout. « Qui eût cru, dit la mère Buisseret, que nos fieu s'rait dèv'nu bon Dieu ? »
    Moi aussi je fus le consulter. Le pays est hideux, presque effrayant : chemins noirs et boueux, maisons toutes pareilles, trop neuves et trop sales à la fois. On se prend à regretter avec douceur d'autres régions charbonnières, antiques celles-là, où une industrialisation féroce n'a pas encore souillé un paysage de vieux terrils verdissants et de collines douces.
    Aux murs du cabaret sordide, des béquilles, des crucifix ornés d'une cocarde en flanelle rouge, des vierges naïvement peinturlurés, voisinaient avec des chromos recommandant le chocolat des Boers ou l'élixir des colombophiles. Les visiteurs attendaient leur tour, assis devant une chope crasseuse. « Allons, à qui le tour ? » criait de temps en temps le Bon Dieu du fond de la cuisine. C'était un jeune homme maigre, aux joues blêmes, au regard fuyant. Une narquoise chanson populaire décrivait ainsi son accoutrement :
                     Il a n'ceinture de rouge coton,
                     Pou fé t'nir ses marronnes (son pantalon),
                     Il a planté dins des bouchons
                     Des s'pénes (épines) pou fé n'couronne.
    Ajoutez à cela un énorme crucifix en plomb attaché au gilet du bonhomme par une épingle de sûreté, et un sceptre grossier. Son remède consistait en peu de chose : dire des prières tous les jours, matin et soir, et après les repas : faire le signe de la croix de la main gauche et à l'envers. Penser à lui. Et voilà ! Cela valait dix sous, cinq francs, dix francs, selon la mine. Cocasse et poignant !

 

                                 ANTOINE LE GUÉRISSEUR

    Cent soixante mille Belges ont demandé dans une pétition au Parlement de leur pays, la reconnaissance d'une nouvelle religion : l'Antoinisme.
    Cent soixante mille signatures ! Ni le suffrage universel, ni l'instruction obligatoire, ni la limitation des heures de travail n'ont jusqu'ici, bénéficié d'un tel engouement. Dans une lettre qui accompagne la pétition, une propriétaire, un professeur de lycée, et un lieutenant d'infanterie exposent ce que demandent avec eux, ces 160.000 Belges : la reconnaissance légale d'un nouveau culte, le culte » antoiniste », du nom de son fondateur, Antoine le Guérisseur, un homme étrange qui, au pays de Liège, exerce depuis quelques années, un étonnant prestige.
    Si Antoine le Guérisseur et ses adeptes, dit la pétition, demandent la reconnaissance légale de leur culte, ce n'est pas pour obtenir des subsides. La religion antoiniste est fondée sur le désintéressement le plus complet : Antoine le Guérisseur et ses adeptes ne veulent recevoir ni subside ni rémunération, mais assurer l'existence légale de leurs temples.
    Ajoutons que les signataires joignent à leur pétition quelques certificats de guérison dont la lecture disent-ils, fera comprendre pourquoi ils considèrent Antoine le Guérisseur comme l'un des plus grands bienfaiteurs de l'humanité.
    Jemeppe-sur-Meuse, c'est, au noir pays du fer et du charbon, près de Liège, un gros village minier au bord de la Meuse. De l'autre côté du fleuve, au bout du pont de fer, c'est l'ancien palais des princes évêques de Liège, l'entrée des usines Cockerill, Seraing, qui impressionnait Victor Hugo si violemment en 1838, et qui est bien, aujourd'hui, l'un des grands temples de la beauté moderne. Un peu plus loin, en amont, sont les cristalleries du Val-Saint-Lambert.
    C'est dans ce décor que le thaumaturge Antoine opère depuis quelques années. On le vient voir de très loin, non seulement de toutes les provinces belges, mais encore du nord de la France et du grand-duché de Luxembourg. Louis-Antoine est né en 1816, Mons-Crotteux, un village de ce pays de Liège, où, à l'âge de douze ans, il descend dans la mine, avec son père et son frère. A l'âge de vingt-quatre ans, il quitte la Belgique pour l'Allemagne, où il travaille pendant cinq ans ; puis nous le retrouvons dans les environs de Varsovie, où il fait un nouveau séjour de cinq ans. Marié à une payse, il revient à Jemeppe, à la tête d'un petit pécule, qu'il a vite fait de partager en aumônes continuelles. Dès lors, après une grande crise mystique, Antoine commença sa carrière de guérisseur.
    Il fut longtemps un fervent disciple d'Allan Kardec et fonda à Jemeppe même, la société spirite des « Vignerons du Seigneur. » Les esprits, un jour, lui révélèrent sa mission actuelle et lui ordonnèrent de se consacrer tout entier à « l'art de guérir. » Et Antoine commença d'imposer les mains aux malades en leur disant simplement : « Pensez à moi, ayez la foi ».
    Plus tard, le nombre des visiteurs étant devenu trop considérable, Antoine adopta le système de la guérison en bloc, par paquets. A présent, il n'opère plus que les quatre premiers jours de la semaine. Vers dix heures, quand quelques centaines de visiteurs sont réunis dans le temple, le bonhomme paraît, monte dans une chaire et invite l'assemblée à se recueillir. Lui-même semble concentrer toute sa pensée sur un point et souffrir. Puis, sortant de sa torpeur, il recueille dans l'atmosphère, les fluides !!! S'ils sont mauvais, il demande aux assistants de prier pour purifier l'ambiance...
    Le « temple » de Jemeppe-sur-Meuse est bâti comme beaucoup de maisons en Wallonie, sur l'emplacement d'une exploitation charbonnière abandonnée : le grisou s'échappe, s'allume facilement à un petit trou que l'on a foré dans le plancher. De même autrefois, les pythonisses plaçaient leur trépied au-dessus d'une ouverture crachant des vapeurs infernales...
    Antoine est végétarien, travaille de ses mains continuellement, tâche de suffire à tous ses besoins.
    – Mais, allez-vous dire, c'est l'histoire de Tolstoï que vous nous racontez là !
    A la vérité, la similitude est frappante, surtout si l'on étudie leur enseignement moral à tous deux.
    Cependant, c'est à un simple, à un ouvrier peu instruit, ne l'oublions pas, que nous avons affaire ici.
    A vrai dire, c'est surtout un panseur de plaies morales ; mais j'ai trouvé dans cet homme une telle force de persuasion que je ne serais point étonné qu'il eût agi favorablement sur bien des malades. A un ami qui m'accompagnait il y a quelques années, quand je l'allai voir, et qui lui demandait une consultation, cet homme étrange répondit avec calme :
    – Vous n'avez point la foi : je lis bien dans vos yeux que vous me demandez cela par goguenardise ou poussé par une frivole curiosité. A quoi bon vous répondre ?...

*
*   *

    Il y a, dans les boniments que répandent les fidèles d'Antoine, des choses bien amusantes. Tenez, je trouve à la fin d'une brochure intitulée : L'auréole de la conscience, révélation et biographie d'Antoine le Guérisseur, l'annonce suivante :
    Nous portons à la connaissance des personnes souffrantes que le GUERISSEUR ne reçoit plus en particulier. Il fait en tout quatre opérations générales par semaine : les lundi, mardi, mercredi et jeudi, à 10 heures.
    Pour les opérations particulières, une dame qui opère en son nom Le remplace. Les personnes qui ont foi en Lui, soit pour conseils, contrariétés ou maladies, recevront satisfaction aussi bien par l'intermédiaire de cette dame que par Lui-même.
    Mais voyons la doctrine de cet homme qui a plus du thaumaturge en lui que du vulgaire rebouteux.
    L'enseignement d'ANTOINE LE GUERISSEUR a pour base l'amour, il révèle la loi morale, la conscience de l'humanité : il rappelle à l'homme les devoirs qu'il a remplir envers ses semblables ; fût-il arriéré même jusqu'à ne pouvoir le comprendre, il pourra, au contact de ceux qui le répandent, se pénétrer de l'amour qui en découle : celui-ci lui inspirera de meilleures intentions et fera germer en lui des sentiments plus nobles.
    La vraie religion, dit LE GUERISSEUR, est l'expression de l'amour pur puisé au sein de Dieu, qui nous fait aimer tout le monde indistinctement.
    Il est plutôt médecin de l'âme que du corps. Non, non, nous ne pouvons pas faire d'ANTOINE LE GUÉRISSEUR un grand seigneur, nous faisons de Lui notre Sauveur. Il est plutôt notre Dieu, parce qu'Il ne veut dire que notre serviteur.
    Ce sont ses disciples qui parlent, mais sans doute vaut-il mieux que nous entendions parler ce dieu nouveau lui-même.
    Lisez les versets naïvement rimés qu'il met dans la bouche de Dieu :
                               Ne croyez pas en celui qui vous parle de moi
                               Dont l'intention serait de nous convertir.
                               Si vous respecter toute croyance
                               Et celui qui n'en a pas,
                               Vous savez, malgré votre ignorance
                               Plus qu'il ne pourrait vous dire.
    Et ceci :
                               Vous ne pouvez faire de la morale à personne
                               Ce serait prouver
                               Que vous ne faites pas bien,
                               Parce qu'elle ne s'enseigne pas par la parole
                               Mais par l'exemple
                               Et ne pour le mal en rien.
    Ce dernier vers vous a un petit parfum d'immoralisme nietzschéen. Il serait fort intéressant d'étudier, à propos de ce guérisseur, certaines sectes religieuses aux conceptions fort libres, qui se sont développées en Wallonie depuis quelques années, en marge du protestantisme et de la religion catholique. L'historien, le philosophe, le folkloriste – et le simple amoureux de pittoresque – y trouveraient sans doute leur compte.

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    Un peu plus loin, dans le chapitre consacré à Liège, l'auteur ajoute, p.160 :

    C'est ce peuple là, à la fois gouailleur et sentimental, frondeur avec Tchanchet et mystique avec Franck, qui vient de constituer un groupe des « adventistes du septième jour », qui rendit célèbre Antoine le guérisseur, le brave thaumaturge de Jemeppe-sur-Meuse, et qui enfanta le mineur Hubert Goffin, précurseur des Nény et des Prouvost de Courrières.

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Belgium's Christian Scientists have woman chief (San Antonio Express, Vol. 47, No. 287, Ed. 1 Sunday, October 13, 1912)(texashistory.unt.edu)

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Belgium's Christian Scientists have woman chief (San Antonio Express, Vol. 47, No. 287, Ed. 1 Sunday, October 13, 1912)(texashistory.unt.edu)

        BELGIUM’S CHRISTIAN SCIENTISTS
                                       HAVE WOMAN CHIEF

Widow of "Anthony the Healer" Now Rules a Sect That Has Attracted Hundreds of Thousands – Magnetic Healing the Vital Principle of Their Faith – Founder Died Recently, But His Wife, Simple Countrywoman, Is Continuing to "Suggest" the Cure of the Worshippers.

Amazing Successes With Nervous Sufferers – A World-wide Correspondence Leads to Magnetized Water and Printed Prayers – Curious Service That Attracts Crowds – Conflict With Authority in France.

Special Cable Service to the Express
BRUSSELS, Oct 12. – It is curious to note how Christian Science movements tend to bring women into the responsible position of leadership. Mrs. Mary Baker Eddy is, of course, the most notable example, but outside the regular fold of Christian Science as understood in Boston there is at least one other sect in which healing is the central principle and a woman is today the unquestioned chief.
    This is the sect founded by "Antoine le Guerisseur," as he was known, an uncultured but very businesslike mystic who drew to his banner hundreds of thousands of believers both in Belgium and France. Antoine has just died, but now his widow rules the sect, and seems destined, simple countrywoman though she is, to maintain its strength intact.
    The name of "Anthony the Healer," is revered by the Antoinists today with singular fervor. Only a few months ago a petition bearing 130,000 signatures was presented to the Belgian Parliament asking that they should be officially recognized as members of a religious sect. How this extraordinary man rose to religious power and prominence belongs in part to that world of mysticism which Maeterlinck, a still greater Belgian, has explored in his inimitable writings.
    The first incident of any importance in Anthony's life happened just after the Franco-German War, when he was sent with his regiment to the French frontier. In the course of some military maneuvers he accidentally shot dead one of his comrades, and though he was acquitted of all blame the incident made him changed man. He became grave and silent, and when he returned to his vocation as a miner, he won the deep respect of his fellow workers, who came to the conclusion that there was something uncanny about the companion.
    In due course he married, and having worked as a mechanic in Germany for awhile, returned to his native village, Jemeppe, near Liege in Belgium, where he ran small green grocer's store. This did not last very long for he secured sob a mechanic in a large Belgian factory near Warsaw, in Russian Poland. His wife, who accompanied him, and who is now running the strange sect he inaugurated, there demonstrated her enterprise by establishing an apartment house which prospered until he had amassed modest fortune.
    Meanwhile Anthony covered himself while in the congenial Society of circle of local spiritualists, among whom he became marked man by reason of his possession of singular gifts as a medium. Political events in Poland, and particularly the violence of Russian repression, awakened his sympathies for the suffering of mankind, while at the same time he came under the influence of Tolstoy's teaching
                              RETURNED AFTER EXILE.
    After twelve years' exile Anthony and his wife returned to Belgium, full of the ideas that subsequently developed into the Antoinist movement of the present day. His first achievement with the erection of sort of garden village near Jemeppe, where he soon became established unofficial father confessor and advisor upon the troubles of the troubles of life. But the most potent development came when Anthony discovered he had remarkable powers as a healer, especially in cases of nervous disorders. His fame in this direction spread all over Belgium, and soon he was besieged by all sorts and conditions of patients who had lost their faith in doctors
    Another and still more remarkable development occurred when his only son died. Henceforth be devoted all his time and money to his mission, which was rapidly assuming nation-wide importance. The sick and needy in places far away from his native country began to hear whispers of the wonderful Belgian healer and letters from all parts of the world began to pour in upon him.
    Two devoted disciples, a college professor and a woman of Nice, whom he had cured, became his secretaries, and controlled as strange a mailbag as any in the world. Correspondents hailed Anthony as a redeemer of mankind, and kept up such a battery of extravagant adulation that this almost illiterate peasant came to believe himself to be an inspired prophet, in sign of which he let his hair grow till it curled over his shoulders and cultivated a head of the traditional prophetic cut. Subscriptions poured in from his admirers, and this money, combined with his own private fortune, supplied the wherewithal for the erection of a temple called "The Tree of the Science of the Perception of Evil." At the same time a branch was established in Liege to promulgate the tenets of the new faith.
                              SOME REMARKABLE SCENES
    The little village of Jemeppe began to present some of the most remarkable scenes to be witnessed anywhere on the continent of Europe, not excepting the famous shrine of Lourdes. Every day crowds of people consulted Anthony the Healer, and the number of applicants grew till special tickets of admission to his presence had to be issued.
    How far it went can be gathered from the fact that his correspondence attained even more swollen dimensions because it became noised abroad that he could heal at a distance "by the inspired word dictated to his shorthand writers." Mystic missives began to speed to America, England, Scandinavia, Italy, Egypt and Austria. Another temple was erected in Brussels, in charge of retired army officer who still looks after the growth of "The Tree of the Science of the Perception of Evil," while other places caught the infection.
    After a time Anthony got tired of such prodigious work and shut down his consultations und audiences. First he circulated bottles of magnetised chemical preparation, varying in size according to the individual case, the contents of which were declared capable of healing those of sufficient faith. But the vigilant medical association prosecuted the healer and he was fined 26 francs. Thereafter he circulated bottles of water, "magnetised" by gestures and murmured prayers, so it was said, and still warranted to cure all maladies. At last he abandoned even this expedient, having grown desperately weary of the credulous crowds. So he had printed prayers to himself distributed among the health seekers, and issued instructions that their perusal by the recipients would impart healing properties to the water and in fact, complete the cure. For Anthony had discovered that there are thousands of people whose maladies are largely existent in imagination and merely need suggestion to effect recovery.
    There's no doubt at all that at this time of his life Anthony the Healer had a fine time. The temple service, which began at 10 o'clock on Sunday morning, was simplicity itself. At the outset an assistant got up and announced, "Our good father in about to appear. He is about to appear. He is engaged in prayer. Respect this solemn moment. Revive your faith, for those who have faith shall alone be cured." Immediately after this announcement a door opened and Anthony appeared and ascended the pulpit. He majestically raised his arms and made gestures as if he were scattering influence upon the congregation, and then retired.
    "The operation is at an end," the assistant then said. "Those who have had faith are cured or relieved."
                              APPOINTED WIFE HIS SUCCESSOR
    Before his recent death Anthony the Healer appointed his simple wife as his inspired successor. She is now carrying on the business of the temple, and all the healing activities of the sect with magnificent assurance which seems to hypnotise the faithful. The assistant minister announces her coming into the pulpit with the same awe-inspiring tones with which he ushered in her deceased husband, and her gestures in the pulpit are just the same. She tells all inquirers "that the multitude of believers is growing, and the correspondence increased."
    The Antoinists are also to be found in Paris where a girl of the Joan of Arc type has created a good deal of stir by her alleged cures wrought by the invocation of "Our Father Anthony." The sect has many followers among the poor, two of whom got into trouble recently with the Commissary of Police in the Sorbonne quarter for returns permission for the burial of their dead child. Medical investigation showed that the child had died from lack of proper attention, and the parents when questioned candidly admitted that they had not called in a doctor. When further questioned, these humble followers of the Belgian Christian Scientist declared: "We are the faithful followers of Anthony the Healer, and we hold that God alone has the power, if he will, to save and to cure. The most high preferred to call our beloved child to himself. His will be done." As it was proved that another child of whom they had the guard had also died of inattention, the two French believers were sent to jail.
    Opinion in Belgium as to the staying power of the sect is divided, but it is conceded that nothing can be said against the woman of simple habits who now control its destinies. Her motives appear to be strictly honorable, but the question remains – is she not herself one of the most notable examples of the power of auto-suggestion?

San Antonio Express, Vol. 47, No. 287, Ed. 1 Sunday, October 13, 1912 (source : texashistory.unt.edu)

    Article repris par le San Diego Union and Daily Bee, du 9 novembre 1912 (cdnc.ucr.edu) :

New Belgian Sect (San Diego Union and Daily Bee, 9 November 1912)(cdnc.ucr.edu)

Traduction :

      LES SCIENTISTES CHRÉTIENS DE BELGIQUE
     ONT UNE FEMME COMME CHEF

La veuve d'"Antoine le guérisseur" dirige aujourd'hui une secte qui a attiré des centaines de milliers de personnes – La guérison magnétique est le principe vital de leur foi – Le fondateur est décédé récemment, mais sa femme, simple paysanne, continue de "suggérer" la guérison des adorateurs.

Succès étonnants auprès des malades nerveux – Une correspondance mondiale conduit à l'eau magnles – Conflit avec l'autorité en France.

Service de câble spécial pour l'Express  
BRUXELLES, 12 octobre. – Il est curieux de constater que les mouvements de la Science Chrétienne tendent à amener les femmes à occuper des postes de responsabilité. Mme Mary Baker Eddy en est, bien sûr, l'exemple le plus remarquable, mais en dehors du giron régulier de la Science Chrétienne telle qu'elle est comprise à Boston, il existe au moins une autre secte dans laquelle la guérison est le principe central et où une femme est aujourd'hui le chef incontesté.
    C'est la secte fondée par "Antoine le Guérisseur", comme on l'appelait, un mystique inculte mais très entreprenant qui a attiré sous sa bannière des centaines de milliers de croyants tant en Belgique qu'en France. Antoine vient de mourir, mais c'est sa veuve qui dirige la secte, et semble destinée, toute simple paysanne qu'elle est, à en maintenir la force intacte.
    Le nom d'"Antoine le guérisseur" est aujourd'hui vénéré par les Antoinistes avec une singulière ferveur. Il y a quelques mois seulement, une pétition portant 130 000 signatures a été présentée au Parlement belge pour demander qu'ils soient officiellement reconnus comme membres d'une secte religieuse. La manière dont cet homme extraordinaire a accédé au pouvoir et à la notoriété religieuse appartient en partie à ce monde mystique que Maeterlinck, un Belge encore plus grand, a exploré dans ses écrits inimitables.
    Le premier incident d'importance dans la vie d'Antoine se produit juste après la guerre franco-allemande, lorsqu'il est envoyé avec son régiment à la frontière française. Au cours de manœuvres militaires, il tue accidentellement l'un de ses camarades et, bien qu'il soit acquitté de toute responsabilité, l'incident le transforme. Il devint grave et silencieux, et lorsqu'il retourna à sa vocation de mineur, il gagna le profond respect de ses compagnons de travail, qui arrivèrent à la conclusion qu'il y avait quelque chose d'étrange chez ce compagnon.
    En temps voulu, il se marie et, après avoir travaillé quelque temps comme mécanicien en Allemagne, il retourne dans son village natal, Jemeppe, près de Liège en Belgique, où il tient une petite épicerie de légumes. Cela n'a pas duré très longtemps car il a obtenu un poste de mécanicien dans une grande usine belge près de Varsovie, en Pologne russe. Sa femme, qui l'accompagnait et qui dirige maintenant l'étrange secte qu'il a inaugurée, a démontré son esprit d'entreprise en créant une pension qui a prospéré jusqu'à ce qu'il ait amassé une modeste fortune.
    Pendant ce temps, Antoine se couvrait de la sympathique société du cercle des spirites locaux, parmi lesquels il s'est fait remarquer en raison de la possession de dons singuliers de médium. Les événements politiques en Pologne, et en particulier la violence de la répression russe, éveillèrent ses sympathies pour la souffrance de l'humanité, tandis qu'en même temps il subissait l'influence de l'enseignement de Tolstoï.
                              RETOUR APRÈS L'EXIL.
    Après douze ans d'exil, Antoine et sa femme reviennent en Belgique, pleins des idées qui se sont développées par la suite pour devenir le mouvement antoiniste d'aujourd'hui. Sa première réalisation fut l'érection d'une sorte de cité ouvrière près de Jemeppe, où il devint rapidement un père confesseur officieux et un conseiller sur les problèmes de la vie. Mais le développement le plus puissant s'est produit lorsqu'Antoine a découvert qu'il avait de remarquables pouvoirs de guérisseur, en particulier dans les cas de troubles nerveux. Sa renommée dans ce domaine se répandit dans toute la Belgique et il fut bientôt assailli par toutes sortes de patients qui avaient perdu leur foi dans les médecins.
    Une autre évolution, encore plus remarquable, se produit à la mort de son fils unique. Désormais, il consacre tout son temps et son argent à sa mission, qui prend rapidement une importance nationale. Les malades et les nécessiteux dans des endroits très éloignés de son pays natal ont commencé à entendre parler du merveilleux guérisseur belge et des lettres de toutes les parties du monde ont commencé à affluer vers lui.
    Deux disciples dévoués, un professeur d'université et une femme de Nice, qu'il avait guéris, devinrent ses secrétaires, et contrôlaient un sac de courrier aussi étrange que n'importe quel autre au monde. Les correspondants saluaient Antoine comme un rédempteur de l'humanité et entretenaient une telle batterie d'adulations extravagantes que ce paysan presque illettré en vint à se prendre pour un prophète inspiré, en signe de quoi il laissa pousser ses cheveux jusqu'à ce qu'ils frisent sur ses épaules et cultiva une tête à la coupe prophétique traditionnelle. Les souscriptions affluent de la part de ses admirateurs, et cet argent, combiné à sa fortune personnelle, fournit les moyens d'ériger un temple appelé "L'Arbre de la Science de la Vue du Mal". En même temps, une branche fut établie à Liège pour promulguer les principes de la nouvelle foi.
                              DES SCÈNES REMARQUABLES
    Le petit village de Jemeppe commença à présenter certaines des scènes les plus remarquables que l'on puisse observer sur tout le continent européen, à l'exception du célèbre sanctuaire de Lourdes. Chaque jour, des foules de personnes consultaient Antoine le guérisseur, et le nombre de candidats augmentait jusqu'à ce que des tickets spéciaux d'admission à sa présence doivent être émis.
    On peut se faire une idée de l'ampleur de la situation en constatant que sa correspondance prend des proportions encore plus importantes, car on entend dire à l'étranger qu'il peut guérir à distance "par la parole inspirée dictée à ses sténographes". Les missives mystiques commencent à affluer en Amérique, en Angleterre, en Scandinavie, en Italie, en Égypte et en Autriche. Un autre temple est érigé à Bruxelles, sous la responsabilité d'un officier de l'armée à la retraite qui veille toujours à la croissance de "l'arbre de la science de la vue du mal", tandis que d'autres endroits sont gagnés par la secte.
    Au bout d'un certain temps, Antoine se lasse de ce travail prodigieux et arrête ses consultations et ses audiences. Il fait d'abord circuler des flacons de préparation chimique magnétisée, de taille variable selon les cas, dont le contenu est déclaré capable de guérir ceux qui ont suffisamment de foi. Mais l'association médicale vigilante poursuit le guérisseur et il est condamné à une amende de 26 francs. Par la suite, il fit circuler des bouteilles d'eau, "magnétisées" par des gestes et des prières murmurées, disait-on, et toujours garanties pour guérir toutes les maladies. Finalement, il abandonna même cet expédient, s'étant désespérément lassé des foules crédules. Il fit donc distribuer des prières imprimées à son intention parmi les personnes en quête de santé, et donna des instructions pour que leur lecture par les destinataires confère des propriétés curatives à l'eau et, en fait, complète la guérison. Car Antoine avait découvert qu'il y a des milliers de personnes dont les maladies existent en grande partie dans l'imagination et qui ont simplement besoin d'une suggestion pour se rétablir.
    Il ne fait aucun doute qu'à cette époque de sa vie, Antoine le guérisseur n'a pas chômé. Le service au temple, qui commençait à 10 heures le dimanche matin, était la simplicité même. Dès le début, un assistant se lève et annonce : "Notre bon père est sur le point d'apparaître. Il est sur le point d'apparaître. Il est en train de prier. Respectez ce moment solennel. Ravivez votre foi, car seuls ceux qui ont la foi seront guéris." Immédiatement après cette annonce, une porte s'ouvre et Antoine apparaît et monte en chaire. Il leva majestueusement les bras et fit des gestes comme s'il répandait de l'influence sur la congrégation, puis se retira.
    "L'opération est terminée", dit alors l'assistant. "Ceux qui ont eu la foi sont guéris ou soulagés".
                              A DÉSIGNÉ SA FEMME COMME SON SUCCESSEUR
    Avant sa mort récente, Antoine le Guérisseur a désigné sa simple épouse comme son successeur inspiré. Elle s'occupe maintenant des affaires du temple et de toutes les activités de guérison de la secte avec une magnifique assurance qui semble hypnotiser les fidèles. Le ministre adjoint annonce sa venue en chaire sur le même ton impressionnant que celui avec lequel il a accueilli son défunt mari, et ses gestes en chaire sont exactement les mêmes. Elle dit à tous les demandeurs "que la multitude des croyants augmente, et que la correspondance s'est accrue."
    Les Antoinistes se trouvent aussi à Paris où une jeune fille du type de Jeanne d'Arc a fait beaucoup de bruit par ses prétendues guérisons opérées par l'invocation de "Notre Père Antoine". La secte compte de nombreux adeptes parmi les pauvres, dont deux ont eu récemment des ennuis avec le commissaire de police du quartier de la Sorbonne pour avoir retourné la permission d'enterrer leur enfant mort. L'enquête médicale a montré que l'enfant était mort par manque de soins appropriés, et les parents, interrogés, ont candidement admis qu'ils n'avaient pas fait appel à un médecin. Interrogés plus avant, ces humbles disciples de la Scientiste Chrétienne Belge ont déclaré : "Nous sommes les fidèles disciples d'Antoine le guérisseur, et nous soutenons que Dieu seul a le pouvoir, s'il le veut, de sauver et de guérir. Le Très-Haut a préféré appeler à lui notre enfant bien-aimé. Que sa volonté soit faite". Comme il a été prouvé qu'un autre enfant dont ils avaient la garde était également mort d'inattention, les deux croyants français ont été envoyés en prison.
    En Belgique, les avis sont partagés quant à la pérennité de la secte, mais on admet que rien ne peut être dit contre la femme aux habitudes simples qui en contrôle désormais les destinées. Ses motivations semblent être strictement honorables, mais la question demeure : n'est-elle pas elle-même l'un des exemples les plus remarquables du pouvoir de l'auto-suggestion ?

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Les Antoinistes (Journal de Bruxelles, 12 janvier 1911)(Belgicapress)

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Les Antoinistes (Journal de Bruxelles, 12 janvier 1911)(Belgicapress)Les Antoinistes

    Antoine-le-Guérisseur a fondé une religion nouvelle dans notre pays wallon. Ses adeptes sont nombreux. Ils ont envoyé aux Chambres belges une pétition recouverte de cent soixante mille signatures ; c'est un beau chiffre. Antoine est un ancien mineur. J'ignore dans quelles conditions il a quitté la pioche du houilleur pour se livrer à la propagande de sa religion. Tout ce que je sais, c'est qu'il impose les mains aux malades qui viennent le trouver et qu'il a, paraît-il, opéré un certain nombre de guérisons. Cela ne doit étonner personne. On sait que certaines maladies nerveuses peuvent être guéries par la suggestion et qu'il y a d'autant plus de chances de guérison que la « foi » du malade est plus vive. Mais Antoine ne se contente pas de guérir. Il prêche une religion, qui, à la vérité, est assez obscure ; elle n'est point l'œuvre méthodique d'un théologien. Quant à la partie morale, elle s'inspire du Sermon sur la Montagne, dont elle délaie assez piteusement les divines maximes. Il n'importe ! Ce n'est point l'essence de cette religion que j'ai le dessein d'examiner ici ; il me suffit de constater sa fondation et son développement rapide. Voilà le phénomène intéressant, digne de suggérer mainte réflexion.
    N'est-il pas singulier, en effet, de voir se propager avec rapidité une religion nouvelle dans nos régions minières où le socialisme et le rationalisme se vantaient d'avoir étouffé la foi chrétienne ! Nos populations wallonnes ne passent point pour mystiques. La tournure un peu railleuse de leur esprit a favorisé la propagation des sarcasmes voltairiens et des blasphèmes matérialistes. On s'accorde généralement à reconnaître que leur scepticisme est à peu près le même que celui des Français et personne ne se fut avisé d'y découvrir un terrain favorable à la germination d'une conviction religieuse. Au contraire, l'anticléricalisme a fait chez eux d'innombrables recrues, tandis qu'il entamait bien plus difficilement nos populations flamandes. Aussi M. le comte Goblet d'Alviella, interviewé dernièrement touchant le culte Antoiniste, s'étonnait-il de le voir se répandre ailleurs que dans un milieu germanique, tant est commun ce préjugé que seules, en Occident, les populations de race germanique ont gardé une âme religieuse.
    C'est une grande erreur. Les populations celtiques ne sont pas moins religieuses : songez aux Bretons de la France ; songez aux Irlandais ; songez aux habitants du pays de Galles, en Angleterre, où dernièrement, chez les mineurs, se développait une agitation religieuse dont, un instant, toute l'Europe s'est occupée. Il est vrai qu'aujourd'hui l'on n'en parle plus ; mais il y a cinq ou six ans, on était si frappé de l'intensité de ce mouvement que l'on voyait déjà ce « revival » s'étendre à l'Angleterre entière, à peu près comme le puritanisme des compagnons de Cromwell.
    Ne nous étonnons donc pas de voir un renouveau religieux se produire chez nos Wallons.

*
*     *

    Ce qui est piquant, c'est de constater que les efforts de nos anticléricaux et de nos athées, qui ont si déplorablement travaillé à déchristianiser les ouvriers wallons, n'ont abouti qu'à leur faire adopter, dans le pays de Seraing, une religion singulièrement plate et grossière en regard de la foi catholique qu'on leur a ravie. Messieurs les partisans des lumières et du progrès ont fait là, vraiment, un bel ouvrage ! En ruinant la religion traditionnelle dans l'âme de tant de pauvres gens, ils n'ont fait que les livrer à une croyance d'une nature inférieure. Ils ont remplacé la plus grande religion civilisatrice que la terre ait connue par une superstition rurale, où certes se rencontrent encore de bons éléments, mais dont les ressorts supérieurs ont été enlevés ou faussés. Ils ont ôté aux humbles une religion qui a suffi aux plus grands génies de notre civilisation pour les voir se ruer vers une croyance que seuls peuvent accepter les cerveaux incultes.
    Quelle leçon pour les spectateurs attentifs ! La propagation de ce culte nouveau montre à quel point les hommes, au milieu de leurs durs travaux, de leurs douleurs, de leurs peines, ont besoin d'une croyance sur laquelle ils puissent appuyer leur cœur. Ils se soucient bien des doctrines des savants sur la formation de l'univers et des grandes phrases des philosophes qui leur proposent chaque jour un nouveau système de morale ! Ce qu'il leur faut, c'est une croyance fondée sur leurs sentiments ; et ces sentiments, rien ne les touche aussi profondément que la vieille morale de l'Evangile. Cela est si vrai que seuls les ressasseurs des maximes évangéliques parviennent à fonder des sectes nouvelles. En Russie, c'est Tolstoï ; en Angleterre, c'est le mineur Ewans ; en Belgique, c'est Antoine le Guérisseur. Je défie bien M. Fouillée et M. Bourgeois de fonder une religion !
    Et croyez bien que les guérisons d'Antoine-le-Guérisseur ne sont que le vestibule qui mène au sanctuaire de sa foi. Certes, elles lui ont donné du prestige. Mais s'il s'était contenté de guérir quelques malades, il ne serait qu'un rebouteux comme il y en a tant. Ce qui lui a valu l'engouement de tous ces milliers d'hommes, c'est qu'il prêche une foi avec tant de persuasion qu'il la fait pénétrer dans le cœur simple des bonnes gens qui l'écoutent. Et ce faisant, il n'est peut-être pas sans procurer quelque bien à de pauvres âmes désemparées qui ne connaissent que l'indifférence et ses incertitudes.

*
*     *

    Mais si tel est l'effet que produit une « religion » quelconque, fût-elle bonne seulement pour les esprits incultes, quelle n'est point la bienfaisance de la religion qui a enfanté la civilisation dans laquelle nous vivons ! La richesse de ses ressources est infinie. Elle peut satisfaire les esprits les plus profonds aussi bien que les plus simples ; plus que toute autre elle parle au cœur ; enfin, elle peut montrer la longue suite de ses saints et les innombrables asiles de ses cloîtres en témoignage des satisfactions qu'elle offre aux âmes altérées de sentiments mystiques.
    A ces sentiments mystiques, parfois si impérieux et si violents, elle ouvre des canaux réguliers où ils s'épancheront sans rien détruire, tout au contraire, en développant leur puissance pour le bien général de la société, comme le prouvent tant d'œuvres charitables et tant de mouvements intellectuels et sentimentaux qui tirent de là leur origine. Quand on obstrue ces issues, les sentiments mystiques en cherchent d'autres : le socialisme et l'anarchie les leur fournissent. Beaucoup d'apôtres des sectes destructives ne sont que des mystiques dévoyés. On en peut dire autant de la plupart de leurs disciples. Mieux vaut encore peut-être pour leur propre bonheur et pour la paix de la société qu'ils suivent les enseignements Antoine-le-Guérisseur !

                                                                          ZADIG.

Journal de Bruxelles, 12 janvier 1911 (source : Belgicapress)

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Le ''Christ'' devant ses juges (Le Messager de Bruxelles, 20 novembre 1916)(Belgicapress)

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Le ''Christ'' devant ses juges (Le Messager de Bruxelles, 20 novembre 1916)(Belgicapress)

CHARLEROI
(De notre correspondant particulier)
Le « Christ » devant ses juges
Plaidoirie de Me Lebeau, un des défenseurs
du Père Dor

    Avant d'entamer le fond de sa plaidoirie, Me Lebeau rend hommage à l'honorable tribunal et particulièrement au président, qui, par sa patience, sa bonne grâce vis-à-vis de la défense, a permis que la vérité se lit éclatante et convaincante sur la légende de l'Ecole Morale en dépit des calomnies infames dont elle fut l'objet. Il souligne que ce n'est qu'après les plaintes Chartier et Delysée que le Parquet se décida enfin à effectuer une descente à Roux, et à ouvrir une instruction. On escomptait un scandale ; la déception fut vive car on ne découvrit rien de semblable : l'Ecole Morale était à l'abri de tout reproche.
    Il dit avoir écouté avec attention les brillantes plaidoiries de ses adversaires ; celle de Me Bonnehill surtout, qui contenait certaines affirmations des plus graves pour le Père et son œuvre, et où la rage et la passion étaient distillées, et qui renfermait beaucoup d'invectives qu'il a été surpris d'entendre de la part d'un tel confrère à la parole si élégante. N'a-t-il pas dépassé la mesure ?
    Me Lebeau y voit une maladresse, car lorsqu'on emploie des moyens qui dépassent le but, on nuit à sa propre cause. Il reproche aussi cette manière de plaider où il oppose continuellement le vrai Jésus avec Dor et l'appel fait au tribunal pour qu’il « tue » avec le Père Dor les doristes eux-mêmes. Il met en garde le tribunal contre son propre sentiment dans ces questions religieuses.
    L'enquête a fait naître un sentiment qui sera partagé par le tribunal ; pour Me Lebeau, c'est une demi-révélation, c'est que le Dorisme, c'est-à-dire la petite église qui s'est formée autour de Dor, est un phénomène d'ordre religieux : c'est là la véritable caractéristique de cet état d'esprit, de cette mentalité étrange qui s'est manifestée à l'audience. Le dorisme est une manifestation de cet état d'esprit propre à tout homme qui recherche son idéal : à se troubler devant certaines manifestations des forces de la nature devant la mort, devant le problème de l'au-delà. Au domaine religieux appartient précisément ce phénomène moral de la conversion que l'éminent avocat définis dans toutes ses phases avec une rare maîtrise et qu'il agrémente de citations de Tolstoï, Pascal et Ibsen.
    Les doristes ont précisément été l'objet de cette conversion morale pour la plupart, c'est la maladie qui en a été la cause primordiale, car ils n'avaient pas trouvé auprès des hommes de l'art le soulagement qu'ils escomptaient ; Dor, avec sa doctrine, leur a révélé la valeur mystique de la souffrance qui constitue un avertissement, pour adopter une ligne le conduite meilleure, car on ne peut se libérer de la souffrance qu'en se dématérialisant.
    Les convictions des doristes sont donc à la fois d'ordre moral et d'ordre religieux. C'est une secte bien caractérisée comme on en rencontre beaucoup en Angleterre où tout le monde peut devenir un innovateur et réunir autant d'adeptes qu'on le peut.
    Me Lebeau, très habilement, invoque la jurisprudence belge basée sur la liberté des cultes. Il définit exactement la nature du procès engagé qui vise plus haut que le simple délit d'escroquerie et même de l'art de guérir et se fait un argument puissant des protestations exubérantes de la reconnaissance et de la vénération des adeptes du Père Dor, que ceux-ci considèrent comme un être suprême et non à l'égal d'un simple rebouteur guérissant avec ou sans diplôme, auquel on doit de la reconnaissance, et rien de plus, Dor est plus que tout cela, c'est le fondateur de leur religion. L'éloquent et persuasif défenseur insiste sur cette constatation qui doit, selon lui, emporter l'acquittement du prévenu. L'action du Ministère public doit fatalement se briser dès lors contre un obstacle d'ordre constitutionnel, contre l'art. 14 de la constitution belge : La liberté des cultes. Le tribunal peut-il, en conscience, décider que la doctrine Doriste n'est qu'un amas d'insanités, qu'elle constitue un artifice pour l'exploitation des crédules ! Si une condamnation devait intervenir, c'est admettre que les 1,500 ou 2,000 adeptes de Dor se sont trompés du même coup.
    Le tribunal ne le peut ; la constitution belge d'abord s'y oppose et ensuite le tribunal ne peut s'ériger en concile charge de juger une hérésie. En frappant Dor, on atteint l'unique dépositaire de la doctrine Doriste, mais Dor n'a commis aucun délit de droit commun ; on veut atteindre surtout la religion qu'il a fondée. Tout sentiment religieux, quel qu'il soit, doit être respecté. Au cas d'une condamnation du fondateur de la religion doriste, deux hypothèses se présenteraient : Ou bien Dor s'inclinerait devant la sentence et alors ce serait l'effondrement suivi du découragement de milliers de doristes revenus à la pratique d'une meilleure vie par suite d'un puissant effort sur eux-mêmes et l'impossibilité pour eux de s'attacher à d'autres croyances ; ou bien encore que Dor et les doristes ne s'inclineront pas devant le jugement ; sachant que Dor n'est pas un imposteur, il lui décerneront la palme du martyr et le vénéreront comme tel, et le résultat sera dès lors contraire à celui auquel on voulait arriver...
    L'honorable avocat disserte longuement sur la religion bouddhiste, qui présente une grande analogie avec la religion doriste ; il établit des comparaisons très habiles que nous nous dispenserons, bien à regret, de publier pour la documentation de nos lecteurs, mais qui démontrent que la religion doriste, à peu de chose près, est issue des doctrines du Bouddha, sans que Dor en ait jamais eu l'intuition bien définie. Me Lebeau en arrive à examiner si Dor est réellement sincère.
    Le tribunal aura certainement retenu une impression favorable de l'interrogatoire du prévenu, qu'il considèrera peut-être comme un ascète, un rêveur, un contemplateur, mais non pas comme un vil escroc. Tout concorde à établir que Dor vivait pauvrement, qu'il se cloitrait, lisant, écrivant, recevant tous les jours 5 à 600 personnes, se livrant en un mot à une besogne obsédante, déprimante. On re peut affirmer qu'il avait l'amour de l'argent puisqu'il vivait misérablement, ne se livrait à aucune dépense, donnant seulement à ses deux fils une instruction rudimentaire : l'un est apprenti ouvrier, l'autre plus jeune, suit des cours à l'Ecole de St. Gilles.
    On critique aussi ses ouvrages ; on y relève beaucoup d'inexactitudes, on a débité beaucoup de plaisanteries ; mais plaisanter n'est pas raisonner ; Dor n'a aucune prétention : ce n'est pas un lettré ni un érudit, et néanmoins il y a dans ses livres de belles pages (il lit plusieurs pages que l'auditoire, amusé, écoute), et on conclut que les ouvrages de Dor peuvent être lus sérieusement, car ils ont été consciencieusement pensés et écrits. Pas de talent, certes, mais des convictions ardentes, remarquables, personnelles, ce qui est étrange. On a prétendu que ce livre avait été corrigé, écrit par une autre personne, mais on n'a jamais pu le prouver ni désigner un autre auteur que Dor !
    A ce moment, une femme s'évanouit : vif moi passager ; un policier la transporte dans une salle contiguë où on lui prodigue des soins.
    Me Lebeau verse au dossier de nombreux cahiers renfermant les brouillons des théories du Père publiées dans les brochures incriminées. (Remarque de Me Bonnehill, les dites pièces n'ayant pas été enregistrées.)
    Me Lebeau veut démontrer d'une manière lumineuse la sincérité de son client. Dor prêche le désintéressement et montre l'exemple. En effet, il est parvenu à réunir des preuves écrites de son désintéressement : il a derrière lui tout un passé d'honnêteté et de probité. A la suite d'un accident de travail dont il fut victime, il abandonna sa profession d'ajusteur et s'établit dans le commerce, il devint successivement épicier, puis restaurateur à la Porte du Temple d'Antoine, son oncle, où il gagnait beaucoup d'argent (les témoignages abondent dans ce sens). Il est de bonne conduite et de mœurs honorables, une attestation du commissaire de police de Jemeppe en fait foi ; ce n'est ni un escroc ni un imposteur, son casier judiciaire est vierge et il jouit de l'estime et de la considération de ses concitoyens. Attiré par les belles maximes d'Antoine, son oncle, il devint un de ses adeptes, mais se détacha bientôt de lui, c'est alors qu'il connut un industriel de Liége, nomme V..., qu'il guérit d'une grave maladie. Cet industriel lui avait voué une gratitude illimitée, il l'amena en Russie où il fut l'objet des sollicitations de la médecine et des agents de la police et revint en Belgique où il vint s'installer à Roux ; afin d'aider à ses premiers besoins, l'industriel V... fut sollicité pour un prêt de 5,500 francs, qu'il consentit avec empressement et sans espoir de remboursement (une lettre émanant de cet industriel en fait foi). Avec cet argent, Dor acheta un terrain, mais, pris de remords, il renvoya une première fois 2.000 francs à V..., qui en parut fort étonné, puisqu'il avait consenti la donation à fonds perdus, et plus tard Dor remboursa le solde de ce qu'il considérait comme un prêt à terme par l'abandon d'une créance de 3.558 fr. (15 février 1911). Tout ceci est prouvé par des documents authentiques que l'éminent avocat communique à l'appréciation du tribunal. Ce beau geste de désintéressement doit être apprécié d'autant mieux que cet acte a toujours été tenu secret même vis-à-vis des adeptes. Il y a encore un deuxième fait, une preuve plus décisive encore, souligne Me Lebeau. C'est l'affaire de la margarine.
    En 1912, M. Dor, après avoir reconnu la valeur de la margarine végétale, se mit en rapport avec la firme Vanderdherghe qui fabriquait la margarine Era, afin de faire vendre ce produit à Roux, où les adeptes du Père, sur la recommandation de celui-ci, viendraient se pourvoir. La firme susdite accepta avec empressement, et Romain Jules fut commis pour la vente. Or, selon l'aveu même de ce Monsieur qui devint plus tard un ennemi acharné de M. Dor, celui-ci n'a jamais été intéressé d'un seul centime et malgré que quelque temps après il fit confectionner des emballages à son nom « Margarine Père Dor » sans jamais réclamer le moindre avantage pécunier, ni du fabricant, ni de l'intermédiaire ; mieux, il refusa la proposition de M. Servaes succédant à M. Romain dans la vente de la margarine et cependant les bénéfices réalisés par le vendeur du produit, aux témoignages même de celui-ci, étaient fort appréciables. (M.Servaes, qui habite actuellement Bruxelles, et qui ne fut jamais un adepte du Père Dor, est venu témoigner qu'il avait réalisé un bénéfice de fr. 0.30 à 0.40 au kilo et que la vente avait monté une année à 9,078 kilos. Ces faits sont décisifs parce qu'une participation dans les bénéfices aurait parfaitement pu être tenue secrète.
    Me Lebeau résume : Première considération : Le Père Dor n'a pas fait le geste inconsidéré qui fait tendre les mains vers l'argent ; deuxième considération : non seulement, Dor est un désintéressé, mais il est aussi un naïf, précisément parce que la margarine à sa marque ne rapportait pas un sou et qu'il laissait dire à tout le monde qu'il intervenait dans les bénéfices de la vente ; en effet, c'est contraire à notre logique mercantile que nous prêtions assistance à une opération commerciale sans récupérer la moindre parcelle du profit. N'est-ce pas exactement le contraire de ce que fait l'escroc, Considérer Dor comme un illuminé, un apôtre, cela explique amplement toute l'affaire…
    Il est 5 h. ½ ; le tribunal décide de reporter au mercredi 22, à 9 heures, la cotinuation de la plaidoirie de Me Lebau et d'entendre ce même jour à l'audience de l'après-midi la défense de la troisième prévention qui incombe à Me Morichar. Ensuite, selon toute vraisemblance, l'affaire sera remise en délibéré.

            Plaidoirie de Me Bonnehill

    Me Bonnehill prenant la parole, rappelle la rare maîtrise avec laquelle M. le Président a procédé à l'interrogatoire du faux Christ et, d'une part, la claire et fluide logique du magistrat, sa profonde connaissance ; d'autre part, la piteuse et lamentable mentalité du prévenu qui est sorti de l'audience couvert de ridicule après avoir passé sous une volée de verges administrées par l'honorable organe de la loi, après aussi que Me Gérard, dans sa puissante plaidoirie, l'eut cloué au pilori de l'opinion publique. Il rappelle que le Ministère public a démontré l'interprétation que les commentateurs donnent à l'art. 496 : les délits d'escroquerie existent lorsque la remise a été déterminée par l'usage de faux nom et de fausse qualité ou bien lorsque la remise des sommes a été provoquée par des manœuvres frauduleuses. Or, ces faits de la prévention ont été suffisamment établis.
    Il expose ensuite la demande de la partie civile Delysée, M. le Procureur du Roi a portraituré (que d'honneur !) le Père Dor : il a dépeint sa course vertigineuse à la fortune. Mme Delysée fut amenée à connaître Dor par un des rabatteurs de ce dernier : il discerna aussitôt tout le Profit qu'il pourrait tirer d'une telle adepte car il découvrit qu'elle était très âgée (66 ans), ancienne théosophe, spirite, qu'elle était riche et n'avait aucun héritier direct ; après l'avoir fascinée, éblouie, il en fit sa commensale, la séquestra et, par la menace des pires douleurs physiques et de châtiments éternels pour ses défunts, il lui soutira de grosses sommes. La lecture de certaines lettres du Père soulève l'hilarité de l'auditoire par l'énoncé des fautes triviales de syntaxe qui y figurent, mais démontrent la sollicitude toute particulière du « charmeur » à l'égard de « sa chère enfant ». Il cite aussi de nombreux passages tendancieux du livre précieux dont la pauvre femme avait fait son livre d'heures et dont elle imprégnait son esprit des inepties y contenues. Or, il appert que le livre en question n'était autre chose qu'une vulgaire reproduction de livres de morale, de psychologie et autres traités parus à une date antérieure à celle où « Christ parle à nouveau « fut imprimé. Pendant qu'il lit les livres du plagiaire, le tribunal suit attentivement les passages incriminés.
    Mme Delysée pouvait-elle résister à tant d'artifices ! Comme elle l'a affirmé, elle n'était plus qu'une misérable loque entre les mains du « charmeur ». D'autres hommes sont venus affirmer qu'il était bien le Messie, le Christ réincarné d'il y a 2.000 ans. Ce sont les pantins dont il tire la ficelle. La proie, en l'occurence Mme Delysée, est suffisamment préparés. En 1913, le Père persuade à la pauvre femme que les appartements qu'il occupe sont insalubres, qu'il manque d'air et de clarté, et lui soutire 1,800 francs pour le parquet et la vérandah, on ne demande pas de reçu à Jésus, mais lorsqu'il paie ses fournisseurs, il prend soin de se faire délivrer des reçus en due forme. En 1914, 4.000 francs sont encore versés pour l'installation du chauffage central, puis, afin de contribuer à la diffusion de l'œuvre, des brochures sont achetées au prix de la vente au numéro, pour une somme de 5,400 francs.
    En 1905, il convient que Mme Delysée signala sa présence par de nouvelles libéralités, et le rusé coquin se souvient qu'il dispose d'un terrain improductif entre le temple et la maison voisine. L'Ecole Morale devrait plutôt s'intituler « Jeu de massacre des Innocents ».
    Nous sommes loin des maximes enseignées par le Père sur le désintéressement : Donnez, dépossédez-vous. Quel joli couple d'éperviers, dit-il, en faisant allusion à Dor et à sa femme.
    Après avoir vendu ses maisons de Jemeppe pour 15,700 francs, comme cela résulte d'une attestation du receveur de St-Nicolas, il vint habiter Roux, où il loue une maison d'une valeur locative de 20 fr. Six années après, il fait édifier une Ecole Morale, que Me Bonnehill évalue à 55,000 francs.
    On discute le droit de réponse adressé le 3 mai à « La Région » et établissant les immeubles dont se compose la fortune du Père et l'affirmation de ce dernier assurant qu'il fait don d'une somme à l'Ecole des Estropiés se heurte à incrédulité de l'orateur, car il ne suffit pas de promettre, mais aussi d'exécuter. Donc, en 1909, 15,750 francs. En 1916. 15,000 francs, plus la valeur de la propriété que le Père fit construire à Uccle et évaluée à 30.000 francs. (Protestations de Me Lebeau, qui conteste cette évaluation et affirme que le coût de cette construction a été payé par une tierce personne qu'il désignera.)
    L'affirmation du Père au sujet de ce qu'il a avoué avoir recueilli en dix mois de temps uniquement dans les troncs, doit laisser rêveur ! Me Bonnehill ajoute qu'en admettant le geste du Père de verser une somme au profit de l'Ecole des Estropiés, il est hors de doute que Me Pastur, qui a les mains blanches comme l'hermine de sa robe, tandis que celles de Dor sont noires, refuserait l'offrande, car il sait que chaque brique de l'Ecole Morale représente l'apport d'un malheureux spolié, mais il ajoute qu'il ne croit pas à une pareille tentative sérieuse de Dor.

Le Messager de Bruxelles, 20 novembre 1916 (source : Belgicapress)

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