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leon tolstoi

Le Père Dor en correctionnelle - Les aléas de la divinité (La Région de Charleroi, 19 novembre 1916)(Belgicapress)

Publié le par antoiniste

Le Père Dor en correctionnelle - Les aléas de la divinité (La Région de Charleroi, 19 novembre 1916)(Belgicapress)

 Chronique des Tribunaux
Tribunal correctionnel de Charleroi
Audience du 17 novembre
Le Père Dor en Correctionnelle
LES ALÉAS DE LA DIVINITÉ

Audience de l'après-midi

    L'audience du matin terminée, la foule stationne longtemps sur le boulevard Audent, attendant la sortie du Messie du XX° siècle qui en avait pris quelque peu pour... son rhume pendant trois heures qui ont dû lui paraître interminables.
    La curiosité du populo fut déçue car Pierre Dor ne parut pas et festoya, à la végétarienne, sans doute, dans une salle attenant à celle des débats.
    Il aura été fort peu désireux d'être à nouveau l'objet des manifestations de sympathie... à rebours organisées en son honneur les journées précédentes et il a cru bon de respirer quelques heures de plus l'atmosphère plus clémente du temple de Dame Thémis.
    Stoïquement, du reste, nombre de curieux, j'allais écrire passionnés, firent comme le Père Dor et restèrent au Palais pour « retenir » leur place !
    Peu avant l'ouverture des débats, le petit père s'avança vers ses adeptes et leur dit : « Mes enfants, je n'irai pas à Roux lundi, mais seulement la semaine suivante. »
    Ouf ! voilà une semaine de fluide... au diable.

*
*   *

    L'audience est reprise à 3 heures 15 et la parole as donnée à Me Lucien Lebeau, premier défenseur du prévenu.
    Me Lebeau dit, qu'il s'en voudrait, au début de sa plaidoirie, de ne pas rendre hommage à Messieurs les membres du siège, pour l'impartialité dont ils ont fait preuve depuis l'ouverture des débats.
    Le Parquet a poursuivi sur la plainte des Chartier et de Mme Delisée. Le prévenu s'en félicite. On escomptait un scandale et finalement on a abouti à l'accouchement d'une souris ; à l'Ecole Morale, tout s'est passé correctement.
    L'honorable avocat rend hommage enfin aux belles plaidoiries de ses deux adversaires.
    Celle de Me Bonehill a été particulièrement brillante.
    J'ai cru, dit Me Lebeau, distinguer dans cette manière de tuer le Christ et l'Antechrist l'idée de provoquer la passion religieuse dans le cœur des magistrats.
    Ces moyens n'ont pas abouti et vous rendrez, messieurs, votre jugement dans le calme de votre conscience.
    Le Dorisme est un phénomène d'ordre religieux.
    J'entends que le Dorisme est une manifestation de l'instinct religieux. Ce culte pousse l'homme à rechercher son origine. Au domaine religieux appartient ce phénomène de la conversion.
    Voici comment la conversion se réalise : un homme vise à gagner beaucoup d'argent et croit que c'est là le bonheur ; à un certain moment, à la suite de la mort d'un enfant, cet homme est ébranlé dans sa conviction d'avoir voulu atteindre un bonheur illusoire.
    Alors ses désirs du second plan passe au premier plan.
    Ce problème est admirablement résolu par l'éminent historien Tolstoï dans son livre intitulé « Résurrection ».
    Les adeptes Doristes sont des gens qui ont soufferts moralement ; ils se sont adressés à M. Dor qui leur dit qu'ils s'étaient trompés de route en courant après un bonheur illusoire.
    On se guérit de la souffrance en se dématérialisant. Il faut tuer ses passions et lorsqu'on a tué ces dernières : on éprouve une grande satisfaction. Les conversions des doristes sont à la fois d'ordre moral et religieux.
    Leur conversion morale a été suscitée par leur croyance. Cette foi leur donne la sensation qu'ils ont trouvé le bonheur.
    Ces gens se sentent délivrés d'une vie antérieure, comme le prisonnier de guerre qui rentre dans sa patrie.
    La Doctrine Doriste est une petite religion nouvelle, créée par M. Dor.
    Si le fait s'était passé en Angleterre, M. Dor n'aurait pas eu besoin de s'expliquer.
    En Angleterre, à tout instant, un illuminé crée une religion.
    Si au lieu de juger M. Dor vous auriez eu à juger un rebouteux, verriez-vous des gens qui s'émouvraient jusqu'au délire ? Non, vous verriez quelques témoins qui déposeraient avec calme et sans enthousiasme exagéré.
    Or, ce n'est pas cela ; c'est autre chose ; la reconnaissance des adeptes du Père Dor revêt un caractère de reconnaissance exaltée.
    M. Dor les a initiés à une doctrine qui pour eux, est la lumière. Physiquement, ils sont guéris.
    Me Bonehill. – Ils sont morts.
    Me Lebeau. – Ils sont morts de leur ancienne vie.
    A leurs yeux, M. Dor est le professeur de la doctrine qui provoque l'extase. L'action du ministère public se brise contre l'article 14 de la Constitution lequel vise la liberté du culte.
    Pouvez-vous décider que le culte Doriste leurre un amas d'imbéciles ?
    Les adeptes considèrent le culte Doriste come la religion véritable et non comme des billevesées.
    Bien plus, en frappant M. Dor, en l'emprisonnant vous trapperiez cette petite église dans la personne de son chef.
    Des gens sains consultent journellement M. Dor et on vous demande de condamner ce dernier, parce qu'il a fondé cette église.
    La corps judiciaire n'a pas le droit de dire cela et doit s'incliner devant lui comme devant un fait.
    Supposez que dans un avenir éloigné on traduise devant les tribunaux tous les prêtres et qu'on les condamne comme imposteurs, mais ce serait atteindre le culte lui-même.
    Avoir fait un tel effort pour s'élever et retomber alors à plat, ce serait pour les adeptes la désillusion la plus complète.
    Si cette croyance était nuisible à l'ordre public, on admettrait mais les théories morales du Père Dor sont louables.
    Il faut laisser en paix les Doristes, qui sont de braves gens qui ont trouvé le bonheur dans la pratique des doctrines du Dorisme.
    Supposez que vous condamniez M. Dor et que les adeptes ne s'inclinent pas, ce sera alors M. Dor que grandira et ses adeptes le considèreront comme un martyr et l'en vénéreront davantage.
    Ce serait de la persécution religieuse et nous savons par l'histoire que la persécution n'a jamais servi qu'à faire grandir l'enthousiasme des adeptes.
    Le tribunal hésite et se demande si M. Dor n'est pas un imposteur. M. Dor a-t-il l'obligation de prouver qu'il est sincère ? Non. C'est un problème moral et non juridique, il est insoluble.
     Quand direz-vous qu'un homme est sincère ou non ?
    Vous ne le pouvez et jusqu'à preuve du contraire, M. Dor doit être considéré comme sincère.
    Quand quelqu'un ouvre une église et crée un culte, il n'a de compte à rendre à personne. Il est commode de dire que M. Dor dit des extravagances, mais la foi ne se démontre pas et les affirmations de M. Dor ne sont pas une preuve contre lui. Mahomet a dit un jour qu'il avait vu l'ange Gabriel.
    On lui a d'abord ri au nez, mais Mahomet a néanmoins fondé une grande religion. Cette doctrine est-elle si obscure qu'on veuille bien le croire ? Non.
    Ses disciples affirment qu'il est le Christ réincarné, M. Dor croit à la réincarnation des âmes et il est certain qu'il est profondément imbu des doctrines du Christ.
    Vous avez affaire à un homme qui est passionné. La croyance sincère de M. Dor, qu'il est le Christ réincarné, ne doit donc pas faire sourire.
    Me Lebeau parle du bouddhisme qui est né à une époque à laquelle il y avait un affaissement moral.
    L'honorable avocat donne lecture des quatre vérités du culte de Bouddha.
    Les passions rendent malheureux. Pour être heureux il faut donc renoncer aux passions, cause des souffrances.
    Le bouddhisme ressemble au dorisme.
    Le régime végétarien est également imposé et ce uniquement pour éviter qu'on ne mange un de ses frères. (Rires.)
    M. le Procureur a raillé le passage du livre « Le Christ parle à nouveau » qui dit qu'il faut toujours s'avouer coupable, mais cela est vrai car le mal est en vous.
    Me Bonehill. – Si vous nous parlier du désintéressement du bouddhisme.
    Me Lebeau. – Le bouddhisme est désintéressé.
    Me Bonehill. – Il est inconciliable alors avec le dorisme.
    Me Lebeau. – Cette doctrine a produit de bons résultats, les adeptes du Dorisme sont des gens qui se sont corrigés de leurs défauts.
    C'est aux fruits qu'on doit juger l'arbre.
    Vous pouvez souhaiter qu'il ait embrassé une autre doctrine, mais vous ne pouvez leur contester le droit d'être doristes ; ce serait contraire à l'esprit de la constitution.
    M. Dor donne l'impression d'un rêveur ou d'un contemplatif.
    Vous avez entendu Zoé Fermeuse, l'ancienne femme de charge de M. Dor ; cette femme a affirmé que M. Dor suivait le même régime que celui qu'il impose à ses adeptes.
    Ce n'est que depuis quelques temps, que M. Dor prend des œufs et ce à cause des circonstances présentes.
    M. Dor vivait cloîtré à la manière d'un ermite, il est arrivé à puiser une grande force morale.
    A ce moment de la plaidoirie de Me Lebeau, Pierre Dor est très abattu, il soupire longuement quand son défenseur parle de ses enfants, dont l'ainé fréquente les cours de l'Université du Travail et se destine à l'électricité.
    Dor n'a donc pas une fortune permettant d'entrevoir pour ses enfants des positions brillantes.
    M. Dor est d'origine ouvrière et il met ses principes en concordance avec ses actes.
    Me Lebeau donne lecture de différents passages du livre : « Christ parle à nouveau », et se demande où on voit là-dedans un style empirique.
    N'est-ce pas une manière familière de dire les choses. Est-il extraordinaire qu'un artisan ait écrit cela ?
    Non, ce sont là des paroles qui ne sont pas banales.
    Dire que la vie telle que la comprennent beaucoup de personnes ne sont que des illusions qui cachent bien des peines n'est pas une pensée banale c'est toute la théorie de Platon.
    Me Lebeau s'arrête là et affirme que l'ouvrage du Père Dor est consciencieusement pensé et écrit.
    Il tire la conclusion que bien que l'auteur n'ait pas le talent d'écrire, arrive à dire des choses vraies et pense ce qu'il dit ; c'est ainsi qu'on peut voir des orateurs élégants laisser leur auditoire indifférent, tandis que des plébéiens, prononçant des discours dans un langage frustre, soulevaient littéralement leur auditoire.
    Un incident se produit, une dame tombe en syncope. On réclame un docteur. On sourit et on semble désigner le père Dor, capable de ranimer cette femme qui peut-être est une de ses adeptes.
    On a dit que le Père Dor n'était pas l'auteur de ses livres et de ses brochures, je verse aux débats les brouillons livrés par le Père Dor.
    Me Bonehill. – Sont-ils enregistrés ? (Rires.)
    Me Lebeau. – Vous n'avez pas fait la preuve que M. Dor était un plagiaire.
    Me Bonehill. – La voilà...
    Me Morichar. – Oui, dix pages sur trois cents.
    Me Lebeau. – Il y a bien quelques passages plagiés, mais le Père Dor le signale et l'encadre.
    Du reste, M. Dor veut toujours perfectionner son œuvre et c'est ainsi qu'il a écrit plus d'un livre.
    S'il avait voulu exploiter la crédulité humaine, il se serait uniquement attaché à vendre un seul livre.
    Me Lebeau invoque l'exemple de Molière.
    M. le Président. – Molière était un génie.
    Me Lebeau. – Et malgré cela il a plagié. Victor Hugo a aussi été accusé de plagiat. Donc pour se résumer à cet égard, ces livres sont de lui et prouve sa sincérité. M. Dor prêche le désintéressement. Est-il désintéressé ? Oui et il est parvenu à avoir des preuves écrites de son désintéressement.
    Vous connaissez son passé, il a commencé par être ouvrier et comme tel possède des certificats d'honnêteté et de moralité. Il gagnait bien sa vie. Qu'est-ce qui l'a incité à quitter l'usine ? C'est un accident.
    A l'âge de 33 ans il s'est installé épicier et un peu plus tard restaurateur à Jemeppe-sur-Meuse, où il gagnait largement sa vie. Il abandonna ce commerce lucratif, vendit ses maisons pour une somme de 18,000 francs.
    Dans son compte de banque arrêté au 30 juin 1906, on remarque qu'il versait régulièrement, fin de chaque mois des sommes relativement importantes provenant de bénéfices réalisés dans son commerce. C'est alors qu'il a été l'objet d'une cause morale et il s'est aperçu à ce moment la cause de ses maux.
    Il alla chez le Père Antoine avec qui il tomba en désaccord. Il rencontra un industriel liégeois qui le décida de l'accompagner en Russie. Il y fit des guérisons et c'est ainsi que la police et les docteurs eux-mêmes firent des propositions à M. Dor de travailler sous leur responsabilité, ce à quoi il refusa.
    Comme conséquence de son refus, il dut quitter la Russie et c'est ainsi qu'en 1909 il vint à Roux, où il fonda le culte Doriste.
    Un Liégeois en reconnaissance des services lui rendus par le Père Dor, offrit à celui-ci des fonds en vue de la création de l'Ecole Morale.
    Le Père Dor remboursa cette somme deux ans après, alors que le Liégeois de le demandait pas.
    Ceci est décisif, dit Me Lebeau, le désintéressement complet de M. Pierre Dor.
    Le solde, soit 3.00 fr., fut remboursé par une cession de créance. L'acte fut passé devant notaire.
    Si cet industriel n'a pas été cité comme témoin, c'est parce qu'il est actuellement en Russie où il a ses intérêts.
    J'ai démontré qu'il posait un acte qui ne peut s'expliquer que par un désintéressement complet.
    Un autre fait : M. Dor se mit en rapport avec la célèbre fabrique de margarine Vanderbergh's Limited.
    M. Romain se mit à vendre la margarine « Bra » avec d'importants bénéfices.
    Comme M. Dor juger cette margarine excellente, il conseilla à la firme de la dénommer « margarine du Père Dor ».
    On crut alors que c'était une affaire d'or et que Pierre Dor en retirait gros bénéfices.
    Le dépositaire se brouilla avec le Père Dor et fut remplacé par M. Servaes.
    Il y eut procès dans lequel intervint personnellement M. Dor qui favorisa de sa déposition l'adversaire de son protégé.
    Le Père Dor n'a touché aucun bénéfice de la société ; mais l'opinion publique colportait le bruit que le Père Dor touchait des bénéfices du dépositaire.
    Or, dans une correspondance échangée entre Monsieur Romain et M. Dor, le premier proposa de laisser tout le bénéfice au profit de l'Ecole morale, qu'il se contenterait, lui, de son bénéfice de restaurateur.
    Dor refusa catégoriquement : nouvelle preuve de son désintéressement.
    Il est 6 h. 30 ; Me Lebeau interrompt sa plaidoirie qu'il continuera à l'audience de mercredi prochain.
    Armons-nous de patience, car l'honorable défenseur annonce qu'il en a encore pour 3 heures.
    Me Morichar prendra ensuite la parole ; puis viendront les répliques. Il y a dès lors lieu de supposer que cette affaire ne sera terminée que mercredi soir pour autant que le tribunal siège l'après-midi.
    La semaine... Doriste est terminée. Pierre Dor s'est acheminé vers la Ville-Basse.
    Une foule énorme lui a fait escorte en lançant à son adresse quantité de quolibets wallons, tous au plus plaisants.
    Pour l'instant, on ne parle plus de la guerre ni des chômeurs, c'est l'affaire du Père Dor qui fait l'objet de toutes les conversations. On discute les chances d'acquittement ou les dangers d'une condamnation. On joue même au jurisconsulte et certains veulent ouvrir des paris ! L'argent est rare, aussi parie-t-on deux demis contre un.
    Dans le but d'orienter certains parieurs... de demis, nous donnerons dans notre numéro de demain, différentes opinions sur cette cause qui passionne tant l'opinion publique.                                                RASAM.

La Région de Charleroi, 19 novembre 1916 (source : Belgicapress)

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Le Nouveau Messie, Antoine-le-Guérisseur (Le Monde illustré, 7 janvier 1911)

Publié le par antoiniste

Le Nouveau Messie, Antoine-le-Guérisseur (Le Monde illustré, 7 janvier 1911)

PAGES D’AUJOURD’HUI
LE NOUVEAU MESSIE
Antoine-le-Guérisseur
Par R. CANUDO

    Pendant que les quelques centaines de millions de Chrétiens fêtaient le souvenir de la naissance du Rédempteur, trois cent mille âmes ont fêté l'avènement réel du nouveau Messie. Et ceci n'est pas un conte de Noël. Car le Messie existe, il vit au milieu de ses disciples, dans la campagne liégeoise, à Jemeppe.
    Il n'est pas, toutefois, le premier Messie des temps modernes.
    Il y a quelques années, un des plus remarquables penseurs italiens contemporains, M. Giacomo Barzellotti, de la Faculté de Rome, consacrait un important ouvrage au dernier prophète paru en Italie : David Lazzaretti. Celui-ci est mort dans la campagne siennoise, non loin de cette incomparable Ombrie, où dans la pâleur des couleurs, dans la plus exquise nuance des teintes et des lignes, au milieu des rosiers en fleurs, le divin saint François prêcha au moyen âge l'amour et la pauvreté, au nom du Christ et non plus au nom des Papes.
    On connaît l'histoire merveilleuse des disciples de saint François. On sait comment le « Poverello », le saint Très-Pauvre, put exercer autour de lui, et après lui, une si grande influence, que ses suivants devinrent bientôt phalange, et que cette phalange, d'où sortit même un Pape, poussa son évangélisation jusqu'à Paris, en Ecosse, en Orient, en Afrique. David Lazzaretti, revenant de France, prêchait aussi à ses compatriotes l'amour de la simplicité et la noblesse de la pauvreté, au nom du Christ. Des foules nombreuses venaient le voir, le consulter et l'adorer, de tous les pays voisins.
    Et ces foules étaient aussi les mêmes qui entouraient jadis le Poverello, qui remuaient, candides et menaçantes, évangéliques et farouches, tout L'Occident. Ce sont les foules des mécontents, des pauvres, des exclus, de tous ceux auxquels la société puissante refuse, sans le savoir, toutes les joies de la vie, pour ne leur laisser que le bonheur de mal vivre, d'aimer et de haïr. Elles furent si nombreuses, autour de David Lazzaretti, que le gouvernement italien y vit une menace sérieuse et immédiate de l'ordre établi.
    Hélas, l'histoire de David Lazzaretti est d'hier ! La société humaine a changé. L'esprit religieux a été miné. Et tandis que saint François eut affaire au Souverain Pontife, auquel il put répondre crânement : « Vous avez tort de me chasser, c'est le Christ qui parle par ma bouche et que vous chassez ainsi », le prophète moderne, le malheureux David Lazzaretti, n'eut affaire qu'à des savants, se heurtant à un pouvoir inébranlable d'aliénistes et de geôliers... C'est de l'histoire d'hier, de la pure et simple histoire contemporaine.
    L'histoire du Belge Antoine-le-Guérisseur est d'aujourd'hui. Elle n'est pas achevée. Mais la page la plus étonnante sans doute vient d'être écrite ! Car 160.000 Belges viennent de présenter à la Chambre des Représentants et au roi Albert, une pétition dont nous eussions cru incapable notre époque âpre, calculatrice et égoïste. Cent soixante mille « âmes » demandent à leur roi et à ses représentants de reconnaître comme officiel le culte nouveau institué par leur prophète et leur Messie, par leur idole nouvelle : Antoine-le-Guérisseur.
    Le jour où cette pétition a été déposée sur le bureau de la Chambre belge, dans ce pluvieux et triste mois de décembre, une date a été marquée tout de même dans les annales religieuses du monde.

*
*      *

    On a comparé la nature et la mission d'Antoine-le-Guérisseur à celle de Tolstoï. L'analogie est frappante, avec, toutefois, des différences essentielles. Tous les deux se sont éloignés des tentations, des bonheurs et des malheurs « du siècle », en jetant aux autres leurs biens, pour se consacrer à l'apostolat moral qui les attirait. Tous les deux, poussés par l'instinct évangélique chrétien, qui animait saintement le Poverello d'Assise, ont voulu opposer à l'énorme complexité de la vie sociale, trop souvent cruelle et implacable, la divine simplicité de l'humilité, en prêchant l'amour des hommes et de Dieu. Mais ce procédé d'extrême, d'intégrale simplification, est malgré tout loin de résoudre les grands problèmes créés par les souffrances du monde. C'est, à tout prendre, un calmant, et le bien qu'il peut faire n'est que très limité et assez éphémère.
    Tolstoï, qui était arrivé à « l'état de moujik » en venant des splendeurs de la vie militaire et de la richesse, s'est enfui, en se sentant mourir, hors du cercle de douloureuse hostilité dans lequel, au sein de sa famille, il se sentait enfermé. Et Antoine-le-Guérisseur, qui vient de la mine et des dures difficultés de la vie d'un ouvrier mineur authentique, ne sort pas du cercle de ses fervents disciples, où l'adoration le retient et l'exalte. Le bien qu'il fait est là, autour de lui, tassé autour de sa maigre et haute personne, comme l'ombre réfrigérante est tassée autour du palmier dans le désert.
    Le bonheur répandu par ces prophètes ne s'étend pas très loin, hélas ! Il les entoure, et c'est tout. Car leur prédication est surtout morale, immédiate, et ni dans la pensée de Tolstoï, ni dans la volonté de David Lazzaretti, ni dans l'action d'Antoine-le-Guérisseur, les esprits qui traînent leur inquiétude mystique par le monde ne retrouvent la vision vaste et harmonieuse de l'univers, qui serait à la base d'une véritable religion nouvelle.
    Au surplus, on peut objecter que toutes les religions sont nées après, longtemps après ceux qui en répandirent les germes. Et c'est vrai. Le Messie apporte son enseignement, simplement et humainement, et ce sont les disciples et les descendants des disciples qui élèvent sur ces enseignements les grands échafaudages d'où sortent les temples et les cathédrales.
    Ne parle-t-on pas, en effet, déjà, d'une religion nietzschéenne ? Ne prétend-on pas que Nietzsche simula la folie pour voir l'effet de ses idées dans le monde avant sa mort, et que c'est lui le Messie des temps nouveaux ? C'est ainsi que des admirateurs et des détracteurs, aussi fervents les uns que les autres, en arrivent à méconnaître et à rendre cahotique la superbe pensée du grand philosophe-poète mort il y a dix ans...

    Antoine-le-Guérisseur vit à Jemeppe-sur-Meuse.
    Sa popularité dans tous les environs est déjà si grande, que si l'on songeait à ennuyer de quelque manière que ce fut le Guérisseur, la guerre civile éclaterait dans ce département bienheureux de la laborieuse Belgique.
    Après être descendu, enfant, dans la mine, après avoir vécu une dizaine d'années entre l'Allemagne et la Pologne, cet ouvrier prédestiné a changé totalement l'ordre de sa vie, touché par sa vocation.
    Des savants l'étudieront, le discuteront. Il n'en est pas moins certain qu'Antoine opère de véritables miracles, et l'on sait que c'est par le miracle – où s'exaltent à la fois l'instinct humain du merveilleux et le sentiment non moins humain de l'utilité pratique – que les prophètes attirent à eux les foules. Antoine dispose de très grandes forces subtiles – occultes – qu'il serait vain de nier. On doit les constater. Elles ont jusqu'ici une puissance qui emprunte ses caractères au spiritisme et au magnétisme. Et Antoine est arrivé au miracle en développant admirablement ses forces psychiques réelles, pendant les séances de spiritisme où il fut le médium de plus en plus merveilleux.
    C'est en effet par l'imposition des mains sur le patient – et par la concentration et la soumission absolue de la volonté d'autrui, qu'il obtient par ces mots imposés au fidèle : « Pensez à Antoine ! » – qu'Antoine réalise ses guérisons.
    Le procédé est magnétique – ce qui ne dit rien ; et il témoigne d'une puissance intérieure, d'une maîtrise de soi-même et d'une énergie de volonté extraordinaires, ce qui dit beaucoup. L'ensemble des forces d'Antoine-le-Guérisseur est donc la manifestation d'un esprit si puissamment doué, qu'il peut rayonner de la force, et en faire bénéficier tous ceux qui l'entourent. C'est la force subtile, indéfinissable et immense, en un mot : divine, de tous les grands prophètes.
    Et ses disciples sont fort nombreux. Dans la pétition présentée à la Chambre belge, ils ne demandent rien, hors la reconnaissance légale de leur culte, du culte « antoiniste ». Ils s'expriment ainsi :
    « Si Antoine-le-Guérisseur et ses adeptes demandent la reconnaissance légale de leur culte, ce n'est pas pour obtenir des subsides, ou la rémunération des ministres de leur culte. La religion antoiniste est fondée sur le désintéressement le plus complet, et Antoine-le-Guérisseur et les membres de son culte ne peuvent recevoir ni subside ni rémunération, mais ils veulent assurer l'existence de leurs temples.
    « Le temple de Jemeppe-sur-Meuse a coûté 100.000 francs ; d'autres temples vont être érigés aux frais des adeptes.
    « La reconnaissance du culte aurait pour effet de transférer la propriété des temples aux fabriques ou consistoires, qui en auraient la gestion matérielle. Leur existence légale serait ainsi assurée. »
    Dans le village minier de Jemeppe-sur-Meuse, où vivent dix mille habitants au milieu d'un des plus actifs départements industriels, Louis Antoine, âgé maintenant de soixante-quatre ans, opère ses guérisons qu'aident sa force et la foi des adeptes. Mais à part cette action directe, physique et morale, ses enseignements ne présentent pas vraiment l'intérêt que les « assoifés de religion » en pouvaient attendre. Son langage est naïf et plein de confiance en Dieu, qui crée d'ailleurs la confiance en l'aide extérieure, prédispose les âmes et assouplit les corps.
    « L'enseignement d'Antoine-le-Guérisseur – écrivent dans une brochure ses disciples – a pour base l'amour, il révèle la loi morale, la conscience de l'humanité ; il rappelle à l'homme les devoirs qu'il a à remplir envers ses semblables ; fût-il arriéré même jusqu'à ne pouvoir le comprendre, il pourra, au contact de ceux qui le répandent, se pénétrer de l'amour qui en découle ; celui-ci lui inspirera de meilleures intentions et fera germer en lui des sentiments plus nobles.
    « La vraie religion, dit le Guérisseur, est l'expression de l'amour pur puisé au sein de Dieu, qui nous fait aimer tout le monde indistinctement.
    « Il est plutôt médecin de l'âme que du corps. Non, non, nous ne voulons pas faire d'Antoine-le-Guérisseur un grand seigneur, nous faisons de Lui notre Sauveur. Il est plutôt notre Dieu, parce qu'Il ne veut être que notre serviteur. »
    Le lyrisme d'Antoine est inspiré à ces principes. Voici de ses vers, publiés par un écrivain belge qui a vu le prophète, M. Louis Piérard.
    C'est Dieu qui parle :

Ne croyez pas en celui qui vous parle de moi,
Dont l'intention serait de nous convertir.
Si vous respectez toute croyance
Et celui qui n'en a pas,
Vous savez, malgré votre ignorance,
 Plus qu'il ne pourrait vous dire.

    Et ceci :

Vous ne pouvez faire de la morale à personne,
Ce serait prouver
Que vous ne faites pas bien
Parce qu'elle ne s'enseigne pas par la parole
Mais par l'exemple,
Et à ne voir le mal en rien.

    La force de ce nouveau Messie, que certains de ses fidèles ne craignent donc pas de considérer comme Dieu lui-même, est dans la profonde pureté de son apostolat.
    Et sans doute Antoine-le-Guérisseur fait du bien, donne à des êtres chancelants, désorientés et malheureux, cette consistance de la volonté qui est la santé de l'esprit.
    Mais sa puissance n'est qu'avec lui et en lui. Le culte « antoiniste », comme tous les autres similaires, n'a pas malheureusement une doctrine, à répandre comme un grand baume spirituel sur les souffrances du monde.

                                                                                                       R. CANUDO.

Le Monde illustré, 7 janvier 1911

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Antoinisme (La Gazette de Liège, 28 juin 1914)

Publié le par antoiniste

Antoinisme (La Gazette de Liège, 28 juin 1914)-couv

Sectes de l'occultisme

    Sous la signature Amiens et le titre : « Antoinisme », la Gazette de Liège publie, en tête de son numéro du 28 juin 1914, un remarquable article que nous croyons devoir reproduire intégralement :

    La preuve la plus palpable que le ridicule ne tue plus, c'est que l'Antoinisme vit encore. La secte, fondée par « Père », continuée par « Mère », exploitée par « Fils », ramasse les laissés pour compte de la médecine, et forme une sorte de Cour des miracles où s'étalent des éclopés de toutes sortes, surtout les éclopés de l'intelligence. On me dit qu'à Paris, capitale de la badauderie universelle, où pullulent toutes les théurgies les plus cocasses, les Antoinistes se recrutent à un échelon supérieur parmi les détraqués qui ont avalé sans succès toutes les cures d'eaux et, en désespoir de cause, échouent au temple antoiniste, pour se reposer dans le nirvâna du gâtisme le plus complet.
    Comme spécimen de déliquescence cérébrale, on nous a inondés ces jours-ci d'une petite feuille intitulée : « Culte Antoiniste », avec un billet jaune d'invitation aux fêtes des 25 et 28 juin, anniversaires de la désincarnation du Père et de sa réincarnation dans je ne sais qui, peut-être Demblon, si ce n'est Lambrichts. Mère, que j'ai baptisée « la Matriarche », il y a un an, fera « au nom du Père plusieurs opérations générales pour la foule des malades et des affligés qui ont foi en Lui (avec majuscule ). »
    Il serait bien intéressant, à cette occasion, d'instituer un bureau des constatations, à l'instar de celui de Lourdes, qui permit d'évaluer exactement le nombre des guérisons obtenues, fut-ce de la plus vulgaire colique, et surtout le chiffre des morts, particulièrement d'enfants, immolés en hécatombes aux mânes du Grand Charlatan.
    La feuille qui accompagne l'invitation est brève de phrases, mais drue d'extravagances béates. C'est toujours la vieille rengaine de l'« amour », qui est toute la religion, toute la croyance. Misérable plagiat de la doctrine catholique stupidement déformée, cet amour, qui hennit sans cesse dans toutes les élucubrations antoinistes, est fait de la plus baroque indifférence, jusqu'à professer « les mêmes égards pour toutes les religions et même pour l'incroyance ». Ces gens sont si débordants d'amour, qu'ils jugent leur religion également honorée par celui qui y voit un bréviaire d'idiotie, et par celui qui y reconnait le code de la plus haute sagesse !
    L'inspiré qui lance ces propos charentonesques dit tantôt que la foi naît de l'amour, et tantôt que l'amour naît de la foi, et il termine son oraison par cette perle : « Nous ne posséderons la vérité que lorsque nous ne prétendrons pas l'avoir ».
    D'ailleurs, tout ce charabia, intraduisible en langue nette, a un sens caché, ésotérique, mais aisément pénétré par les initiés et même par les profanes : « Croyez tout ce que vous voulez, mais aimez, aimez, aimez la boutique de Mère ! »
    Et l'escarcelle de Mère se gonfle des versements des gogos, croyants ou incroyants, chrétiens désaffectés ou libres penseurs en mal de religion.
    L'Antoimisme, mixture du scientisme de M" Eddy, de spiritisme, de mesmérisme et de théosophie, le tout à l'usage des imbéciles, est une poussée de l'instinct religieux, incoercible, mais dévié. C'est là qu'il aboutit en s'affranchissant de la raison. Déshéritées des croyances positives, livrées néanmoins à l'inquiétude religieuse. Saisies du tourment du divin, des âmes simplistes obéissent à une suggestion aveugle, se laissent gagner par la contagion, suivent la foule que la vogue appelle et en arrivent ainsi à une certaine foi irraisonnée qui ne se distingue pas du sentimentalisme religieux.
    Comprenez-vous, lecteurs, le danger qu'il y a, devant ces aberrations, à prôner la foi comme une affaire de sentiment et de suggestion et à décliner en cette matière le contrôle de l'intelligence ? Avec pareille théorie, il faut légitimer toutes les folies de la religiosité et faire la révérence à tous ces dévoyés qui se proclament le plus sincèrement du monde des « inspirés ».
    Les adeptes convaincus de l'Antoinisme sont des bergsoniens sans le savoir. Bergson frappe de discrédit l'intelligence et donne la primauté à l'instinct. C'est dans les nuages de l'intuition instinctive que les Antoinistes peuvent découper à leur gré toutes les silhouettes fantastiques qu'il leur plait de rêver.
    Voilà pourquoi l'Eglise ne permettra jamais qu'on s'attaque à la puissance de la raison ; elle sait trop bien qu'en la démolissant, on supprimerait le sujet auquel la foi s'adresse, et sans la libre adhésion duquel l'acte de foi ne peut exister. Dieu réclame de nous un hommage intelligent. Il a muni ses ambassadeurs auprès de nous de lettres de créance, et nous avons le devoir de les vérifier avant d'accueillir le message de la Révélation.
    La triste aventure du pseudo-converti Paul Lœwengard, retourné au judaïsme après avoir chanté dans un livre fastueux et boursouflé, qui ne nous a jamais plu, « Les Magnificences de l'Eglise », fournit une preuve de plus que le sentiment ne peut fonder les inébranlables convictions de la foi. Le malheureux l'abjure, dit-il, parce qu'il a découvert que saint Paul est antisémite et que l'Eglise s'est séparée du judaïsme sous Constantin ! Pareille défaite trahit le profond égarement d'une pensée qui s'est laissé emporter au gré de l'imagination et que ressaisit facilement l'obscure domination de l'atavisme.
    Il y a aussi beaucoup de braves gens par le monde qui escomptent et prédisent la conversion de M. Barrès, comme l'étape dernière et logique de son itinéraire intellectuel. Ah ! quelle erreur totale ! Et comme « la Grande Pitié des églises de France » devrait les décevoir ! M. Barrès, qui mène en faveur des églises une brillante campagne, ignore, ne soupçonne même pas ce qu'est la foi. Pour lui, croire ou sentir, c'est la même chose, et il en fait la déclaration formelle : « Notre religion, c'est le langage de notre sensibilité ». Pas de dogmes précis, pas de solutions fermes aux problèmes de la destinée ; mais des rêveries, des symboles et des émotions. Avec tout cela, faute de pouvoir étancher sa soif du divin, comme l'observe judicieusement Louis de Mondadon, il vient la tromper dans nos temples.
    N'entendant pas, d'ailleurs, réserver aux églises catholiques un hommage exclusif, il voudrait opérer dans un syncrétisme sans limite la fusion de toutes les charmantes pensées religieuses de tous les temps. Et Barrès se berce de ces mots magiques : sens du divin, enthousiasme, amour, unité, prenant partout un plaisir délicat d'imagination, laissant sa pensée se jouer autour de tous les symboles de la vie religieuse, mais ne se souciant pas du tout de vérité absolue.
    Au fond, et c'est une constatation navrante, Maurice Barrès, en dépit de sa vaste culture, en dépit de son merveilleux talent d'écrivain, ne dépasse pas, sur la question essentielle, la question religieuse, le cerveau d'un vulgaire antoiniste. Lui aussi vide la foi de son facteur intellectuel ; lui non plus ne réclame pas de motifs de crédibilité valables au tribunal de la raison ; lui aussi ne voit dans la religion que sensibilité, et s'il exécute sur l'amour des variations artistiques, il ne possède pas sur son clavier religieux une touche de plus.
    Et tous les pontifes des religions laïques en sont là, les Paul Desjardins, les Paul Sabatier, les deux Reinach et les Tolstoï, et les brûlants adorateurs de Tolstoï : sur la question religieuse, ils donnent congé à la raison, lui refusent audience, et n'accordent voix au chapitre qu'au sentiment, à l'instinct, à l'amour. C'est l'invasion de ces théories parmi les catholiques eux-mêmes qui a produit le modernisme, et c'est le devoir élémentaire des catholiques de dénoncer cette erreur partout où elle apparaît et de lui faire bonne guerre.


in Revue Internationale des Sociétés secrètes
Organe de la Ligue Franc-Catholique
Contre les Sociétés secrètes Maçonniques ou Occultistes et leur Filiales
Tome VIII, N°2 - 5 août 1914 (index occultistes)

source : http://iapsop.com/archive/materials/revue_internationale_des_societes_secretes/revue_internationale_des_societes_secretes_v8_n2_aug_5_1914____partie_judeo-occultiste.pdf

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Paul Richard - The Eternal Wisdom (1922)

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Paul Richard - The Eternal Wisdom Vol. I (1922)

Auteur : Paul Richard (Marsillargues, 17 juin 1874 - New-York, juin 1967) cf. https://www.wikitree.com/wiki/Richard-5377
Titre : The Eternal Wisdom, Vol. I
Éditions : Ganesh & Co., Madras, 1922Paul Richard - The Eternal Wisdom (1922)

    Après avoir été membre de l'Église réformée de France à Lille, il se tourne vers la théosophie et sera le second époux de Mirra Alfassa (appelée Douce Mère ou la Mère, connue pour son parcours spirituel avec Sri Aurobindo, ses écrits, et pour être à l'origine de la cité d'Auroville en Inde).
    Pasteur à Lille, il fut avocat à la cour d'appel de Paris / homme politique (Parti républicain, radical et radical-socialiste) / journaliste (Le Siècle, puis l'Aurore) / conférencier / écrivain. Il est l'auteur de To the Nations, The Lord of the Nations, The Scourge of Christ, The Dawn Over Asia, The Challenge of the Future, To India: The Messages of the Himalayas, New Asia, Messages from the Future, The Eternal Wisdom et The Seven Steps to the New Age.
    On ne trouve pas de trace du Volume II. Le volume I regroupe des citations d'auteurs divers et variés (des textes sacrés hindous et chinois à la Bible, en passant par les philosophes grecs, Tolstoï, Eckhart ou Leibnitz), dont parmi les Modern Authors "Antoine the Healer", Antoine le Guérisseur. À lire en ligne sur https://archive.org/details/in.ernet.dli.2015.237715/page/n5/mode/2up

    Voici in extenso les citations d'Antoine the Healer (entre parenthèses les chapitres) dans ce volume I :
- The Catholic is our brother but the materialist not less. We owe him deference as to the greatest of believers. (WISDOM AND THE RELIGIONS)
- The physical world is only a reflection of the spiritual. (THE GOD OF ALL ; THE GOD WHO IS IN ALL - I - THE SOLE ESSENCE)
- Love which overflows on every side, which is found in the centre of the stars, which is in the depths of the Ocean — Love whose perfume declares itself everywhere, which nourishes all the kingdoms of Nature and which maintains equilibrium and harmony in the whole universe. (THE DIVINE ESSENCE)
- God is not where we believe Him to be ; He is in ourselves. (GOD IN ALL)
- One must be God in order to understand God. (TO BECOME GOD IN ORDER TO KNOW HIM)
- There is nothing greater than the practice of the precept which says, “Know thyself”. (KNOW THYSELF)
- To know is not to be well informed ; it is our own effort that must reveal all to us and we can owe nothing to other than ourselves. / We must distinguish between the knowledge which is due to the study and analysis of Matter and that which results from contact with life and a benevolent activity in the midst of humanity. (THE TRUE SCIENCE)
- All the knowledge one can require emanates from this love. (THE WAY OF LOVE)
- Often man is preoccupied with human rules and forgets the inner law. (MORAL INDEPENDENCE)
- So long as we are attached to the form, we shall be unable to appreciate the substance, we shall have no notion of the causes the knowledge of which is the true knowing. (TO RENOUNCE THE ILLUSION OF THE WORLD)
- When a thought rises in us, let us see whether it is not in touch with the inferior worlds. (THE MASTERY OF THE MIND)

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Anton der Heiler (Psychische Studien-Heft 8-August 1912)

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Anton der Heiler (Psychische Studien-Heft 8-August 1912)

d) Anton, „der Heiler“, mit dessen Wunderkuren und neuer Religion die „Psych. Stud.“ sich wiederholt – am ausführlichsten in dem Bericht unseres ärztlichen Mitarbeiters, Dr. Med. Freudenberg, im Maiheft 1911, S. 304 ff.: „Etwas vom Antoinismus“ – beschäftigt haben, ist, wie aus Brüssel gemeldet wird, kürzlich am Ort seiner ausgedehnten Wirksamkeit zu Jemeppe an der Maas, im Alter von 66 Jahren gestorben. Louis Antoine arbeitete in jüngeren Jahren in Rußland und kehrte von dort anfangs der neunziger Jahre nach Belgien zurück, wo er eine förmliche Kolonie seiner ca. 100 000 Anhänger gründete und, offenbar unter den Einfluß der Lehren des Grafen Tolstoi, einen vereinfachten Katholizismus verkündigte. Er hatte sogar Anhänger in Deutschland und den Vereinigten Staaten von Nordamerika, die alljährlich zu ihm pilgerten. Eine Petition der „Antoinisten“ um staatliche Anerkennung ihrer „Religion“ wurde von der belgischen Kammer abgewiesen. Auch mit dem Strafrichter kam der ehrwürdige und uneigennützige Prophet wiederholt wegen Kurpfuscherei in Konflikt, wurde aber nur einmal zu einer geringfügigen Geldstrafe verurteilt. Als Magnetiseur heilte er in seiner Heimat unentgeltlich, dagegen hatte er sich schon in Rußland ein Vermögen erworben, das nun seiner Witwe zufällt, die er auf dem Totenbett als Priesterin seiner Religion an die Spitze seiner gläubigen Gemeinde stellte. Viele Tausende von überallher wohnten seiner Beerdigung bei.

Psychische Studien (Heft 8), August 1912

 

Traduction :

d) Antoine, "le guérisseur", dont les guérisons miraculeuses et la nouvelle religion ont été maintes fois traitées par les "Études psychologiques" – de façon très détaillée dans le rapport de notre employé médical, le Dr. Med. Freudenberg, dans le volume de mai 1911, p. 304 et suivantes. Louis Antoine a travaillé en Russie dans sa jeunesse et est revenu de là en Belgique au début des années 1890, où il a fondé une colonie officielle de 100 000 fidèles et a, apparemment sous l'influence des enseignements du comte Tolstoï, proclamé un catholicisme simplifié. Il avait même des disciples en Allemagne et aux États-Unis d'Amérique du Nord qui faisaient le pèlerinage chaque année. Une pétition des "antoinistes" pour la reconnaissance de leur "religion" par l'Etat a été rejetée par la Chambre belge. Le vénérable et désintéressé prophète est également entré en conflit avec le juge pénal à plusieurs reprises pour charlatanisme, mais n'a été condamné qu'une seule fois à une amende mineure. En tant que magnétiseur, il guérissait gratuitement dans sa patrie, mais il avait déjà acquis une fortune en Russie, qui revient maintenant à sa veuve, qu'il plaça sur son lit de mort à la tête de sa fidèle congrégation en tant que prêtresse de sa religion. Plusieurs milliers de personnes du monde entier ont assisté à ses funérailles.

Études psychologiques (Volume 8), août 1912

 

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Lettre de Belgique (L'Essor, Lausanne, 11 février 1911)

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Lettre de Belgique (L'Essor, Lausanne, 11 février 1911)

Lettre de Belgique.

ANTOINE LE GUÉRISSEUR

DIEU PARLE

Premier principe.
Si vous m'aimez,
Vous ne l'enseignerez à personne.
Puisque vous savez que je ne réside
Q'au sein de l'homme,
Vous ne pouvez témoigner qu'il existe
Une suprême bonté,
Alors que du prochain vous m'isolez.

Deuxième principe.
Ne croyez pas en celui qui vous parle de moi
Dans l'intention de vous convertir.
Si vous respectez toute croyance et celui qui
                                                       [n'en a pas,
Vous savez, malgré votre ignorance,
Plus qu'il ne pourrait vous dire.

... et ainsi de suite ; il y a, pour le moment, dix principes, qui sont la dernière expression de la doctrine d'Antoine le Généreux (ou le Guérisseur). Et tout ce qu'on recueille pieusement de sa bouche est écrit de la même manière. On comprend bien les mots ; on saisit même parfois des phrases, mais impossible de savoir en somme ce qu'il veut dire. En lisant sa revue, l'Auréole de la conscience, on croit errer dans certains pâturages de nos Alpes, où il y a mille chemins qui ne conduisent nulle part. On les suit un instant ; et puis, ils se perdent, et vous perdent. C'est une espèce de bavardage, où les mots de foi, d'amour, reviennent à chaque instant, sans qu'on puisse toujours dire ce qu'ils signifient. De telle sorte qu'il est impossible de résumer cette doctrine du « Nouveau spiritualisme » : mixture à base de christianisme, où entrent du spiritisme, du scientisme, de la théosophie et du panthéisme. Tenez, voici encore, comme échantillon, les deux propositions qui sont en tête de sa dernière circulaire : « La croyance en Dieu est opposée à la foi. » « L'intelligence est seule l'imperfection de l'être. » ! !
    Il faut dire à la décharge de l'auteur qu'il est à peu près illettré. Né en 1846 dans la province de Liège, onzième et dernier venu d'une famille pauvre, il descendait à douze ans dans la mine. Puis il travailla comme ouvrier métallurgiste en Allemagne et en Pologne russe, d'où il rapporta une petite fortune, bientôt dépensée à faire du bien. Il se fixa alors à Jemeppe sur Meuse, près de Liège, avec sa femme et un fils qui leur fut enlevé à vingt ans. Catholique jusqu'à quarante-deux ans, puis spirite, il découvre enfin en 1906 le « Nouveau spiritualisme » et devient un Révélateur.
    Et voilà l'homme qui attire des foules. Certains jours, les trains qui arrivent à Jemeppe, de Liège et de Namur, sont bondés. On a compté jusqu'à un millier de visiteurs, et, le jour de l'Ascension, il y en avait 25 000. Des gens de toutes conditions viennent le consulter. Je me suis faufilé un jour dans le joli temple qui sert de salle d'attente pendant les consultations. Il était neuf heures et quart, et c'était la cent-quarantième personne qui passait. — Tous les dimanches, il y a un culte. Dans mainte localité belge, comme à Jemeppe, on lit des passages de la « Révélation d'Antoine » avant et après, on pense à Lui pendant un moment de silence ; et l'on s'en va. A Jemeppe, il apparaît lui-même un instant, monte en chaire, bénit l'assemblée, et se retire. Cela suffit à ses adeptes, qui lui prodiguent les épithètes que nous ne donnons qu'à Jésus-Christ. « Nous faisons de Lui notre Sauveur ; disons qu'il est notre Dieu ». C'est un disciple autorisé.
    Antoine le Guérisseur, très connu en Belgique, est devenu célèbre depuis la pétition de 160 000 signatures qui parvint peu avant le Nouvel An à la Chambre belge 1. Dès lors, tous les journaux ont parlé de lui. Le Matin, de Paris, a dépêché un envoyé spécial à Bruxelles. L'Excelsior, le nouveau quotidien français, a reproduit les traits d'Antoine (il ressemble à Tolstoï, en moins bien), et des reporters connus ont pris le train pour Jemeppe. Il ne faut pas se tromper à propos de 160 000 signataires. Un très grand nombre d'entre eux ne savent pas ce qu'ils ont signé. On a fait passer des listes partout dans les usines et les ateliers, et l'on a été de porte en porte. Mais il reste que ses adeptes se comptent par centaines.
    On peut expliquer dans une certaine mesure l'influence du dieu de Jemeppe. D'abord, il se pose en guérisseur ; et, en faisant le décompte des exagérations, il semble bien qu'il ait accompli quelques cures remarquables, par des procédés analogues à ceux des scientistes. Les 8/10 des gens qui vont le voir sont entourés par des maladies physiques ou morales. Dans ce pays, les « meiges » de plus ou moins grande envergure sont très estimés. On les préfère souvent aux médecins. La crédulité, en maint endroit, est sans bornes.
    Et puis Antoine doit avoir une puissance personnelle assez grande et dégager ce qu'il appelle des fluides bienfaisants. Il y a chez lui une spiritualité incontestable, par laquelle il s'impose. C'est d'ailleurs un très honnête homme, qui paraît vraiment pénétré du désir de faire du bien.
    Enfin, il ne demande rien à ceux qui viennent le voir. Ses guérisons sont gratuites. Si elles ne l'étaient pas, il serait poursuivi. Mais naturellement, il n'est pas défendu de mettre quelque chose dans le tronc du temple. Comment aurait-on pu bâtir cette maison, qui a coûté 100 000 fr. ? De plus, les « Antoinistes » ne sont soumis, que je sache, à aucun renoncement spécial dans leur vie de tous les jours.
    La grande vogue du Guérisseur n'en est pas moins extraordinaire ; elle déconcerte ceux qui prêchent l'Evangile en Belgique depuis tant d'années, non certes sans succès, mais au milieu de tant d'obstacles qui ralentissent la marche en avant. Car franchement, quand on compare l'Evangile, si simple, aux élucubrations mystiques de « l'Auréole de la conscience », quand on mesure la distance qui sépare Jemeppes de Golgotha, on sent monter de l'amertume, et presque de l'indignation.    E. F.

 1 On voudrait obtenir la personnalité civile pour assurer la propriété des temples aux fabriques ou consistoires de la nouvelle secte.

L'Essor, Lausanne, 11 février 1911

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Léon Tolstoï, bienveillant à l'égard des écrits de Louis Antoine

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Léon Tolstoï et Valentin Boulgakov en 1910

Léon Tolstoï et Valentin Boulgakov en 1910

    On sait que Léon Tolstoï avait pris connaissance de la Révélation du Père Antoine par le biais de son journal intime ainsi que des écrits de son secrétaire Valentin Boulgakov. Voici ce qu’il déclara à propos de la philosophie de l’antoinisme, vers 1910 :

 

    Extraits du journal de Tolstoï :

[28 сентября 1910]. Жив. Но нездоров, слаб. Приезжала Саша. Я ровно ничего не делал и не брался за дело, кроме писем, и тех мало. Ездил к М[арье] А[лександровне]. Там Николаев. Возвращаясь, на выезде из деревни, встретил Ч[ерткова] с Ростовце[вы]м. Поговорили и разъехались. Он явно б[ылъ] оч[ень] рад. И я также. Веч[ером] читал. Одна книга писателя из народа, соревнователя Горького, а интересная книга: Antoine Guerisseur. Верное религиоз[ное] мировоззрение, только нехорошо выраженное.

[28 septembre 1910]. Vivant. Mais santé mauvaise, faible. Sasha est arrivée. Je n'ai absolument rien fait et je n'ai rien entrepris de mon travail, sauf des lettres, et seulement très peu. Je suis allé chez Maria Alexandrovna [impératrice consort de Russie]. Là, il y avait Nikolaïev. En revenant du village, a rencontré Chertkov [éditeur de Tolstoï] avec Rostovtsev. Nous avons parlé et nous nous sommes séparés. Il était visiblement très content. Et moi aussi. Dans la soirée, j'ai lu. Un livre d'un écrivain du peuple, concurrent de Gorki, mais un livre intéressant : "Antoine le Guérisseur". Véritable vision religieuse du monde, mais mal exprimée.

 

[…]

1 Окт. […] Черткова статья о душе и Боге, боюсь, что слишком ум за разум. Радостно, что одно и тоже у всех истинно самобытных религиозных людей. У Antoinle Guerisseur тоже.

1er oct. […] L'article de Chertkov à propos de l'âme et de Dieu, j'ai peur qu’il a tout à fait raison. Il est bien que la même chose soit pour tous les religieux véritablement originaux. Pour Antoine le Guérisseur aussi.

 

Source : http://az.lib.ru/t/tolstoj_lew_nikolaewich/text_1050.shtml

 

    Une édition annotée (Дневник 1910 г. Примечания) indique, plus précisément :

Antoine le Guérisseur. Верное религиозноe, мировоззрение, только нехорошо выраженное. — Толстой получил 12 сентября 1910 г. книгу: «Culte Antoiniste. Révélation d’Antoine le Guérisseur (dédicacé L. T. 12 sept.)» [«Культ Антуанистов. Откровение Антуана целителя - с посвящением Л. Т-му (франц.). »].

Д. П. Маковицкий приводит слова Толстого об этой книге. «Прекрасная книга. У него религиозно-нравственное учение совершенно сходное с моими взглядами, и, читая книгу, я встречаю свои мысли, что мир — иллюзия, что в душе бог. Он учит, что только любя врагов, узнаешь бога».

Далее Маковицкий пишет в записи от 29 сентября: «А вечером за столом Лев Николаевич прочел из этой книги, составленной двумя последователями Antoine’а (один из них — женщина, стенографировавшая его речи) биографию необразованного Antoinea, родившегося в 1846 г. близ Льежа [Бельгия], в семье углекопа; сам он рабочий на металлургической фабрике. Он вегетарианец, жена согласна с ним; они воспитывают двух сирот. Он был католиком, потом увлекался спиритуализмом — не экспериментальной стороной его, а нравственной. Он объясняет по-своему непонятные места Библии. Многие обращаются к нему, и он исцеляет их от болезней. Лев Николаевич советовал Булгакову прочесть эту книгу». См. также дневник Булгакова, стр. 324 и 327.

Antoine le guérisseur. Vrai vision religieuse du monde, seulement mal exprimée. Tolstoï a reçu un livre le 12 septembre 1910 : « Culte antoiniste. Révélation d'Antoine le guérisseur (dédicacé L. T. 12 sept.) : ».

 

 

 

D.[ushan] P.[etrovitch] Makovitsky rapporte les paroles de Tolstoï à propos de ce livre. « Beau livre. Il a un enseignement religieux et moral qui est tout à fait semblable à mon point de vue, et quand j'ai lu le livre, je retrouve mes pensées comme quoi le monde est une illusion, que Dieu est dans l'âme. Il enseigne que ce n’est qu’en aimant ses ennemis que l’on connaît Dieu. »

Plus loin, Makovitsky écrit dans ses écrits du 29 septembre : « Dans la soirée, à table, Lev Nikolaïevitch lu dans ce livre, composé par deux disciples d’Antoine (l'un d'eux est une femme qui sténographie son discours), la biographie d’Antoine, sans éducation, né en 1846, près de Liège [Belgique], dans une famille de mineur ; il travaillait lui-même à l'usine métallurgique. C'est un végétarien, sa femme le suit en tout ; ils recueillent deux orphelins. Il était catholique, puis il s’initia au spiritisme – non pas le côté expérimental de celui-ci, mais la morale. Il explique à sa manière les endroits inintelligibles de la Bible. Beaucoup de gens se tournent vers lui, et il les guérit de diverses maladies. Lev Nikolaïevitch conseilla à Boulgakov de lire ce livre. »

 

 

Voir aussi le journal de Boulgakov, p. 324 et 327, à une remarque de Sofia Andreevna :

В. Ф. Булгаков в своем Дневнике (стр. 327) рассказывает, что 29 сентября во время чтения книги Culte Antoiniste, Лев Николаевич, между прочим, прочел одно место о любви к врагам. — «Это притворство! — заметила присутствовавшая тут же Софья Андреевна. — Я этого не понимаю!» — «Непонимание предмета еще не опровергает его, — сказал в ответ на это замечание Лев Николаевич».

V.F. Boulgakov dans son journal (p. 327) dit que, le 29 septembre, en lisant le livre du Culte Antoiniste, Lev Nikolaïevich, entre autres, a lu un passage sur l'amour de ses ennemis. « C'est de la comédie ! – a remarqué immédiatement Sofia Andreïevna. Je ne peux pas comprendre cela ! » – « Ne pas comprendre un sujet ne le réfute pas encore », a déclaré Léon Nikolaïevitch [Tolstoï] en réponse à cette remarque. » 

Source : http://tolstoy-lit.ru/tolstoy/dnevniki/1910/dnevnik-1910-prim-8.htm

 

Boulgakov raconte que Léon Tolstoï évoquera encore ce livre le 1er octobre, le 5 octobre, et le 6 octobre où il précise le propos de l’écrivain et penseur russe :

Очень хороша; как может рабочий писать таким немного напыщенным тоном? Но сущность очень глубока, одна, вечна. Разумеется, это такая книжка — никто на нее внимания не обратил.

Très bien ; comment un travailleur peut-il écrire d’un ton si légèrement pompeux ? Mais l'essence est très profonde, unique, éternelle. Bien sûr, c'est un tel petit livre – personne n'y a prêté attention.

Source : http://feb-web.ru/feb/tolstoy/critics/ma4/ma4-147-.htm?cmd=p

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De gereformeerde kerk, jrg XXIV, 1911-1912, no 1208, 30-11-1911

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De gereformeerde kerk, jrg XXIV, 1911-1912, no 1208, 30-11-1911

    België. Te Jemeppe, midden in het kolengebied, is een geestelijke beweging gaande van weer geheel anderen aard. Ze concentreert zich in den persoon van een zekeren Antonius, bijgenaamd den Genezer, die een wonderdadige kracht heet uit te oefenen. Deze Antonius, thans 65 jaar oud, moet, blijkens een onpartijdig ingesteld onderzoek, een gansch ongeletterd man zijn. Vroeger mijnwerker, uit een arm gezin, heeft hij veel gezworven, tot in Polen toe. Allerlei ambachten heeft hij uitgeoefend. Op 36 jarigen leeftijd vestigde hij zich met zijn vrouw te Jemeppe. Zes jaar daarna verliet hij de Roomsche kerk en werd spiritist, om later een soort eigengemaakten godsdienst te stichten, onder den naam van „nieuw spiritualisme.” Sinds vijf jaren predikt hij dien. Daarbij laat hij zichzelf noemen „Antonius den Grootmoedige.” Van toen af voerde voerde hij een streng vegetarische leefwijze, waarbij hij zooveel mogelijk zich van de wereld afzondert.
    Deze „nieuw spiritualisten” houden er ook een eenvoudig kerkgebouw op na. Hun geloofsbelijdenis, genoemd „openbaring van den stralenkrans van het geweten” is aan een der muren geschreven. Zij luidt: „Slechts één geneesmiddel kan de menschheid genezen: het geloof; uit het geloof wordt de liefde geboren, de liefde, die ons in onze vijanden Godzelf toont; zijn vijanden niet beminnen is God niet beminnen, want het is de liefde, die wij voor onze vijanden hebben, welke ons waardig maakt Hem te dienen; het is de eenige liefde, die ons waarachtig doet liefhebben, aangezien zij rein en waar is.”
    In dezen tempel geneest Antonius de zieken, vroeger geschiedde dit één voor één, tegenwoordig gezamenlijk. Eerst verschijnt hij op ‘t gestoelte, dan bidt hij afzonderlijk en strekt vervolgens de handen over de kranken uit ter genezing.
    Propaganda maakt het Antonisme niet. Het leert: Wij ontvangen de menschen gaarne, maar wij hebben het recht niet tot hen te gaan. Het orgaan der aanhangers is het maandblad L’ Unitif, mede gelezen door de voorstanders, die ook elders al een kerk vormen :] acht in België en onderscheiden in Frankrijk. Sommige trekken van het Antonisme doen, ook ondanks alle verschil, in de verte denken aan de leer van Tolstoï en aan de „christian science.” Vijandsliefde is het groote beginsel. Volgens Antonius is „God liefde. Hij kan het kwaad niet geschapen hebben. Indien het kwaad bestond, zou het een werk Gods zijn, aangezien Hij de Schepper van alles is; maar op het oogenblik, dat Hij het kwaad schept, houdt hij op God te zijn, omdat Hij ophoudt goed te zijn.” „Wanneer wij het kwaad niet meer zien zullen, zullen wij met God zijn, maar al zien wij het nog maar zoo weinig, dan zijn wij niet met Hem.” „Het beste gebed is de arbeid.” Uit zulke voorstellingen blijkt al genoeg dat men hier heeft te doen met een abnormaal onschriftuurlijk verschijnsel, dat onmiskenbaar gevaar meebrengt. Ook kenmerkt het zich door lichtschuwheid. Voor al wat naar wetenschap en boeken zweemt, is het Antonisme op zijn hoede. Men komt daarvoor openlijk uit. Moge dit onbijbelsch, den mensch verheerlijkend verschijnsel spoedig tot het verleden behooren! Het nog veelszins zoo donkere België heeft behoefte aan ander licht dan het dwaallicht in het Antonisme opgegaan.

De gereformeerde kerk, jrg XXIV, 1911-1912, no 1208, 30-11-1911

 

Traduction :

    Belgique. A Jemeppe, au milieu du bassin minier, il y a un mouvement spirituel d'une nature complètement différente. Elle se concentre sur la personne d'un certain Antoine, surnommé le Guérisseur, qui exerce un pouvoir miraculeux. Cet Antoine, aujourd'hui âgé de 65 ans, doit, selon une enquête impartiale, être un homme complètement illettré. Ancien mineur, issu d'une famille pauvre, il a souvent déménagé, jusqu’en Pologne. Il a pratiqué toutes sortes d'artisanat. A 36 ans, il s'installe avec sa femme à Jemeppe. Six ans plus tard, il quitta l'église romaine et devint spirite, pour fonder plus tard une sorte de religion autodidacte, sous le nom de "nouveau spiritisme". Depuis cinq ans, il prêche. Il se laisse depuis appeler "Antoine le Généreux". Dès lors, il mène une vie strictement végétarienne, s'isolant le plus possible du monde.
    Ces "nouveaux spiritualistes" possèdent également une simple église. Leur credo, appelé "révélation de l'auréole de la conscience" est écrit sur l'un des murs. On peut y lire : "Un seul remède peut guérir l’humanité : la foi ; C'est de la foi naît l’amour, l'amour qui nous montre dans nos ennemis Dieu Lui-même ; ne pas aimer ses ennemis, ce n'est pas aimer Dieu, car c'est l'amour que nous avons pour nos ennemis qui nous rend dignes de Le servir ; c'est le seul amour qui nous fait vraiment aimer, parce qu'il est pur et de vérité."
    Dans ce temple, Antoine guérit les malades, auparavant cela avait lieu l’un après l’autre, de nos jours ensemble. Il apparaît d'abord sur la tribune, puis il prie séparément et étend ensuite ses mains sur les malades pour la guérison.
    L'Antoinisme ne fait pas de propagande. Il enseigne : "Nous aimons recevoir les hommes, mais nous n'avons pas le droit d'aller vers eux. L'organe des sympathisants est le mensuel L'Unitif, lu ensemble par les sympathisants, qui forment également une église ailleurs :] huit en Belgique et plusieurs en France. Certains traits de l'Antoinisme, malgré toutes les différences, rappellent de loin en loin la doctrine de Tolstoï et de la "science chrétienne". L'amour de l'ennemi est le grand principe. Selon Antoine, "Dieu est amour. Il ne peut pas avoir créé le mal. Si le mal existait, ce serait une œuvre de Dieu, puisqu'Il est le Créateur de toutes choses ; mais au moment où Il crée le mal, Il cesse d'être Dieu, car Il cesse d'être bon." "Quand nous ne verrons plus le mal, nous serons avec Dieu, mais si nous le voyons si peu, nous ne sommes pas avec Lui." "La meilleure prière est le travail." Il ressort clairement de cette présentation qu'il s'agit d'un phénomène anormalement contraire aux Écritures, qui est indéniablement dangereux. Elle se caractérise aussi par une légère timidité. L'Antoinisme se méfie de tout ce qui est la science et les livres. Ils admettent ouvertement que c'est le cas. Que ce phénomène glorifiant, non biblique et viril, appartienne bientôt au passé ! La Belgique, qui est encore plus sombre, a besoin d'une lumière différente de celle de l'erreur qui s'est abattue sur l'Antoinisme.

De gereformeerde kerk, jrg XXIV, 1911-1912, no 1208, 30-11-1911

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Antoine le Guérisseur (La Petite Gironde, 13 décembre 1910)

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Antoine le Guérisseur (La Petite Gironde 13 déc 1910)

               ANTOINE LE GUÉRISSEUR

    Une pétition couverte de 160,000 signatures demande au Parlement belge de reconnaître le culte « antoiniste », c’est-à-dire le culte d’Antoine, dit « le Guérisseur ». Quand la foi s’en va, les petites religions arrivent.
    L’« antoinisme » aurait poussé aux Etats-Unis, où l’on voit un monsieur monter sur une chaire, haranguer les passants et fonder une secte, il n’y aurait pas lieu d’être surpris. Mais les 160,000 Belges demandant un nouveau culte ne laissent pas de nous étonner. On ne les croyait pas si mystique depuis Hans Memling et Ruysbroeck l’Admirable...
    Antoine le Guérisseur n’est point un charlatan banal. D’abord ouvrier mineur, puis métallurgiste, il voyagea en Pologne et en Allemagne avant de s’établir avec femme aux environs de Liège. Il n’habite pas avec sa femme, mais ils vivent en parfaite intelligence, et elle le seconde dans l’exercice de sa mission providentielle.
    Le correspondant de la « Liberté » à Bruxelles donner le prophète les curieux détails suivants : « Antoine le Guérisseur vit très simplement et très sobrement. Il est végétarien dans toute l’acception du terme : non seulement il s’abstient de viande, mais aussi d’œufs, de beurre et de lait... Dès son jeune âge, Antoine se montra d’une piété peu commune. Non seulement il priait souvent, mais il aimait à se recueillir. Il professe le catholicisme jusqu’à l’âge de quarante-deux ans ; puis il pratique le spiritisme jusqu’en 1906, date à laquelle il fonda le « nouveau spiritualisme ». »
    La doctrine d’Antoine se résume à peu près dans les principes chers à l’auteur d’« Anna Karenine ». C’est le Tolstoï des pauvres d’esprit. « Un seul remède, dit-il, peut guérir l’humanité : la foi ; c’est de la foi que nait l’amour, l’amour qui nous montre dans nos ennemis Dieu lui-même ; ne pas aimer ses ennemis, c’est ne pas aimer Dieu ; car c’est l’amour que nous avons pour nos ennemis qui nous rend dignes de le servir ; c’est le seul amour qui nous fait vraiment aimer, parce qu’il est pur et de vérité. »
    Le prophète se double d’un faiseur de miracles. Il guérit par l’imposition des mains, comme les rois de France, mais ceux-ci ne guérissaient que les écrouelles. Antoine guérit tout. Il est vrai qu’il ne touche pas le membre ou la partie malades ; il n’est même pas nécessaire que le malade soit présent : un représentant suffit, Antoine entre dans le temple où sont réunis les fidèles, étend la main, et c’est tout. On vient de tous les pays du monde chez Antoine et on assure que le temple où il opère a été édifié avec un don de 20,000 francs fait par un riche propriétaire du Midi de la France, guéri miraculeusement. Ajoutons, le détail a son importance, qu’Antoine le Guérisseur travaille gratuitement.
    Il ne faut pas sourire de l’ingénuité des fidèles ou des malades. Tous les marchands de bonheur ont leur petit succès, même s’ils n’arrivent pas à imposer leur marque. La crédulité, la suggestion, l’illusion demeurent de grandes forces d’action, même chez ceux qui croient le mieux échapper à leur emprise. Comment expliquer l’engouement de braves gens, parfois très avisés, pour de vulgaires fripouilles ou des imbéciles notoires, sinon par le mot si profond du philosophe :
    « Ce que la raison n’a pas contribué à former, le raisonnement ne saurait le détruire... »

                                                                                      P. B.

La Petite Gironde, 13 décembre 1910

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Daniel-Rops - Pour la Chronique du Populisme (L'Européen, 2 avril 1930)

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Daniel-Rops - Pour la Chronique du Populisme (L'Européen, 2 avril 1930)

 

POUR LA CHRONIQUE DU POPULISME
par DANIEL-ROPS 

    Il n’y a pas encore un an qu’est né le Populisme, puisque c’est le 27 août dernier que l’Œuvre publia le manifeste de MM. Lemonnier et Thérive. Est-ce là un recul suffisant pour décider si le mot et l’école ont atteint la gloire ? Evidemment non ; il faut attendre que se produise une décantation, après le bouillonnement de l’expérience. Mais qu’il y ait déjà une réussite, cela me paraît certain. Le père du populisme, M. Lemonnier, le constatait récemment dans les Nouvelles Littéraires. « Le mot populiste a fait fortune. Il appartient maintenant au langage de la critique... Son sens s’enrichit et se précise à mesure que les œuvres viennent renforcer le mouvement. Le mot est même en train de s’étendre aux autres arts, et on commence à parler de peinture populiste. Mieux encore, il est presque d’usage courant et s’applique à la vie même ; j’ai entendu parler de scènes populistes. » Voilà qui est parfait ; à ce compte, l’école est lancée. D’ailleurs des discussions qui ne laissent point d’être passionnées ne se sont-elles pas engagées à son sujet ? N’a-t-on pas suspecté le populisme de noirs desseins politiques ? Bon signe de gloire. Toute école littéraire en vedette suscite volontiers, parmi les historiens des lettres, des commentaires : tâche modeste, qui sera la mienne aujourd’hui.

    D’abord une contribution aux sources. En exposant, dans l’Europe centrale, les origines et le programme de la nouvelle école, M. André Thérive a écrit ceci : « Nul ne peut se vanter d’avoir découvert un terme à la fois vierge et frappant. Celui de populisme a été, si je ne me trompe, déniché par Léon Lemonnier dans le vocabulaire politique... ». Ces mots font allusion, sans doute, au parti allemand dit populiste, et dans cette acception le mot est assez récent. Mais l’histoire littéraire pourra découvrir d’autres sources, et plus curieuses. Je ne veux pas dire que M. Lemonnier ait eu connaissance des textes que je vais citer ; quand un mot ou une doctrine réussissent, il se produit un phénomène tout semblable à celui que les géographes appellent « érosion régressive ». Par le mot ou par la doctrine, on interprète des œuvres antérieures, et qui se trouvent éclaircies ainsi d’un jour nouveau. On l’a bien vu quand le Freudisme se répandit dans nos lettres !
    Le hasard, donc, m’a fait retrouver un texte fort ignoré dans lequel le mot populisme figure en toutes lettres et à peu près utilisé dans le sens même que lui accordent nos populistes d’aujourd’hui. Et ce texte date de 1897, époque où MM. Lemonnier et Thérive étaient encore sur les bancs du collège. Il s’agit d’une brochure de M. Paul Crouzet (qui était alors jeune professeur au lycée de Toulouse) intitulée Littérature et conférences populaires (Armand Colin, éditeur). Après avoir exposé comment et pourquoi l’on devait faire des conférences populaires, M. Crouzet envisageait les conséquences que pouvait avoir un vaste mouvement des intellectuels vers le peuple. 1897, Michelet, Tolstoï... Voici comment M. Crouzet définit cette littérature qui, selon lui, exprimerait le génie du Populisme (1) :
    « Pas plus qu’il ne se ravalera aux basses œuvres littéraires, à l’excitation des grossiers instincts ou à la recherche des gros effets l’artiste populaire ne peut prétendre rivaliser avec les virtuosités et les raffinements des dilettanti. Son esprit aussi juste que simple fera bonne et prompte justice des subtiles complexités ou des fictions trop savantes qui sont d’ailleurs les signes d’un art en décadence. L’art populaire, au contraire, vivra en pleine vigueur, guéri des névroses et des neurasthénies, des morbidesses et des « rosseries ». Le peuple n’aura pas le « trop d’esprit qui gâte », mais il en aura assez pour que l’art, confiant en lui, ne soit plus réduit à cette alternative : se galvauder ou se cloîtrer... Son principal souci sera d’être homme et de parler à des hommes. »
    Je ne sais si les populistes d’aujourd’hui contresigneraient volontiers ces déclarations populistes d’hier ; elles portent la marque de leur temps. Au moins dans leurs grandes lignes, ces déclarations coïncident avec celles de M. Lemonnier, mais en mettant l’accent beaucoup plus sur le côté social que sur le côté psychologique de l’expérience ainsi proposée. Si je comprends bien, M. Crouzet incitait à aller au peuple pour en relever la culture, pour l’intégrer au public cultivé ; M. Lemonnier a un dessein beaucoup plus esthétique et cherche surtout à utiliser le peuple comme modèle, comme donnée artistique. Lorsqu’il écrit, par exemple, qu’on doit tenir pour populiste : « toute œuvre traitant du peuple, dans quelque esprit que ce soit, et d’autre part tout livre qui paraît, à certains égards, continuer la tradition réaliste », il limite, socialement parlant, la portée de sa doctrine. Et c’est d’ailleurs un des problèmes essentiels qui se posent à propos de cette nouvelle école que celui de ses rapports avec le peuple.

    Comment peut-on envisager les relations du romancier populiste avec le peuple ? On peut d’abord les nier, en déclarant que le peuple, cela n’existe pas. Soit. Mais que devient le populisme ? Au surplus, il serait vraiment trop simple de tenir Caliban pour un mythe. Le peuple existe, si peu tranchées que soient ses limites. Admettons qu’il y a des échelles, des nuances, mais la notion n’en est pas moins très nette.
    Sera-ce seulement un modèle ? M. Jean Guéhenno, dans Europe, a protesté assez âprement contre cette curiosité qui tend à considérer Caliban comme le monstre, qu’on observe, qu’on dépeint. Les Concourt le disaient nettement : « Le peuple, la canaille, si vous voulez, a pour moi l’attrait de populations inconnues... quelque chose de l’exotique.... » Je crois qu’il y a un peu de cela dans je populisme, non exprimé avec ce cynisme, mais à l’état larvé, et mêlé à une très réelle générosité. Car je ne crois pas du tout, comme on l’a insinué, que les populistes cherchent à donner à leurs livres le piquant de l’exotisme ; je sais que leur but est plus haut et que, dégoûtés des cénacles, ils cherchent surtout à renouveler la matière littéraire en puisant largement dans l’humain, dans ce que l’homme a de plus spontané. Et là M. Jean Guéhenno se trompe quand il imagine là protestation du peuple : « N’aurez-vous pas bientôt fini de me traiter comme un monstre ? » Non, il ne s’agit pas de cela. Mais je crois que déjà la mésentente est établie et que le peuple risque de se méfier du populisme.
    Reste, un autre aspect de la question. La littérature populiste s’adresse-t-elle au peuple ? Autrement dit, modèle des livres populistes, le peuple en sera-t-il le client ? M. Paul Crouzet, dans sa brochure, rapporte une, étonnante page de Faguet où le critiqué annonçait que, vers 1950, il y aurait « comme un divorce entre le petit groupe des intellectuels et la foule. Quelques livres très pensés, très scientifiques et très littéraires, très peu achetés... que la foule ignorera... très loin au-dessous, le journal populaire ». Eh bien ! ce fossé dont s’effrayait Michelet, le populisme pourra-t-il le combler ? J’aimerais qu’un des chefs du populisme nous donnât son avis sur ce point. Pour ma part je suis assez pessimiste. Je ne crois pas que ce fossé puisse être comblé par la volonté des littérateurs. Les expériences faites jusqu’à aujourd’hui sont peu concluantes. Je crois plutôt que ce fossé se trouvera comblé de lui-même le jour où la diminution du travail (conséquence du développement du machinisme, lequel pourra être un remède après avoir été un fléau) permettra à chacun de lire, de réfléchir. Si toutefois le cinéma, parlant ou non, n’a pas d’ici là définitivement gâté les meilleurs cerveaux.
    Un point qui m’intéresse particulièrement dans le populisme tel qu’il se présente aujourd’hui à nos yeux, est le rôle que le mysticisme y joue. M. Lemonnier a dit nettement que les populistes, en cela, auraient à s’écarter des nationalistes. Les romans de M. Thérive : Sans âme, Le Charbon ardent, prouvent assez qu’on peut tirer de beaux livres du mysticisme chez le peuple. Mais je suis très préoccupé de savoir si les cas qui nous sont présentés sont autre chose que des exceptions. Jusqu’ici, aucun populiste ne nous a montré de mysticisme religieux normal : nul n’a traité, par exemple, la situation du catholicisme dans le peuple. Si les populistes procèdent de Huysmans (beaucoup plus que de Zola) c’est surtout à Là-Bas qu’ils se réfèrent, et non aux livres catholiques. Un Jean Soreau — ou des Antoinistes — ce n’est pas la généralité. Que valent alors ces témoignages pour l’ensemble ? J’aimerais qu’un homme ayant l’expérience directe du peuple, un Robert Garric, par exemple, nous en pariât. M. Jean Guéhenno lui, est formel. Tout en louant hautement M. Thérive d’avoir montré l’existence du « secret » dans un cœur populaire, il conclut : « L’esprit du peuple ne rôde plus autour des églises. Sa flamme la plus vive jaillit ailleurs. Les grands drames populaires ne sont pas des drames huysmansiens. Si M. Thérive est vraiment curieux, de l’âme populaire, le sujet qu’il ne pourra manquer de rencontrer, c’est celui même de la Révolution ». Et avec ce mot nous nous heurtons à un autre problème.
    Au fond, si j’estime le populisme et si j’aime cette tentative pour donner de l’air à notre littérature, je ne crois pas du tout que le peuple ait à y gagner. Caliban est muet ; que l’observateur sorte de sa masse ou qu’il vienne du dehors, j’ai toujours la crainte que, par !e seul fait qu’il exprime, il fausse la règle du jeu et déforme le réel, l’inexprimable. 

                                                   DANIEL-ROPS.

(1) M. Crouzet ajoute en note : « Nous ne sommes pas, en France, habitués à ce mot, très employé en Amérique ; il me paraît avoir l’avantage d’être très expressif et de n’inféoder la littérature populaire à aucun des partis déjà classés en France ». Voilà qui réjouira MM. Thérive et Lemonnier. 

L'Européen : hebdomadaire économique, artistique et littéraire, 2 avril 1930

 

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