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nicolas wagner

Luxembourg (salle de lecture)

Publié le par antoiniste

    On sait peu de chose sur l'activité des Antoinistes au Luxembourg.
    Cependant, le desservant Nicolas Wagner a eu maille à partir avec la justice, ce qui a été relaté par la presse luxembourgeoise, lorraine, mais aussi parisienne. Il sera défendu en Belgique par Jules Destrée.
    Le frère Robert Pierrefeu confirme qu'au Grand-Duché du Luxembourg, le Culte existe pratiquement depuis l'origine et il y est reconnu officiellement. La salle de lecture est rattachée à la France et est située au 15, An der Retsch - 6980 Niederanven (Rameldange). 
    C'est par la presse luxembourgeoise, parfois en allemand, qu'on apprend seulement quelques détails principalement en 1924, et notamment la volonté de construire un temple, projet qui ne vit cependant encore pas le jour.

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Antoinismus (Luxemburger Wort, 6. April 1927)(eluxemburgensia.lu)

Publié le par antoiniste

Antoinismus (Luxemburger Wort, 6. April 1927)(eluxemburgensia.lu)

    Esch a. d. Alz., 6. April. Hr. N. Wagner bittet uns um Aufnahne folgender Zeilen: 1. Es ist nicht wahr, daß die Heiler des Antoinismus durch Suggestion heilen. 2. Wagner führt weder Heilmittel bei sich, noch verordnet er solche. 3. Die Operationen sind voll und ganz gratis. Die Mitglieder des Antoinistischen Vereins bezahlen einen Mitgliedsbeitrag von zwanzig Franken pro Jahr. –

Luxemburger Wort, 6. April 1927 (source : eluxemburgensia.lu)

 

Traduction :

    Esch-sur-Alzette, le 6 avril. M. N. Wagner nous prie d'enregistrer les lignes suivantes : 1. il n'est pas vrai que les guérisseurs de l'antoinisme guérissent par suggestion. 2. Wagner ne porte pas de médicaments sur lui et n'en prescrit pas. 3. Les opérations sont entièrement gratuites. Les membres de l'association antoiniste paient une cotisation de vingt francs par an. –

Luxemburger Wort, 6 avril 1927 (source : eluxemburgensia.lu)

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Nicolas Wagner (La Libre Belgique, 5 avril 1927)(Belgicapress)

Publié le par antoiniste

Nicolas Wagner (La Libre Belgique, 5 avril 1927)(Belgicapress)

    – On arrête en Lorraine un guérisseur « antoiniste ». – Metz, 4 :
    Un cabaretier d'Esch-sur-Alzette, nommé Nicolas Wagner, faisait, dans la région de Nilvange, de fréquentes visites qui attirèrent l'attention des autorités françaises. Il vient d'être arrêté à Nilvange dans une cuisine où il donnait ses consultations ; il a été trouvé porteur d'un carnet sur lequel étaient inscrits 450 noms de personnes de la région.
    Wagner appartient à la secte « antoiniste ». Il prétendait guérir ses malades par la suggestion et par des remèdes bizarres : ses clients lui versaient 20 francs par consultation.

La Libre Belgique, 5 avril 1927 (source : Belgicapress)

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Le nouveau thaumaturge (L'Indépendance luxembourgeoise, 23 octobre 1924)(eluxemburgensia.lu)

Publié le par antoiniste

Le nouveau thaumaturge (L'Indépendance luxembourgeoise, 23 octobre 1924)(eluxemburgensia.lu)

Le nouveau thaumaturge

    Le Luxembourg, décidément, semble appelé à de hautes destinées. Déjà nous avons notre thaumaturge, et le bruit de ses miracles, après s'être répandu dans le Grand-Duché, a passé la frontière et attire une foule de pèlerins animés d'un souffle insoupçonné de foi et d'espérance.
    Tout est étonnant dans ce phénomène extraordinaire. S'il y a une ville dont les préoccupations matérialistes soient peu propices à l'éveil de la folie mystique, c'est à coup sûr l'industrieuse métropole de notre bassin minier. Et pourtant c'est à Esch-sur-Alzette que le thaumaturge a élu son domicile et qu'il a réuni sa chapelle de fidèles. Son nom, dépouillé de tout prestige exotique, ne prête guère non plus à la transfiguration. Comment se faire passer pour un Messie, quand on s'appelle, comme le commun des mortels Nicolas Wagner, et quand, après avoir rempli les fonctions de chef de gare – voyez-vous un chef de gare fondateur d'une religion nouvelle ! – on en est réduit, par suite de l'inclémence des temps, à exercer le métier de mastroquet ? M. Nicolas Wagner est, en effet, cabaretier de profession.
    Poussé par la curiosité j'ai voulu assister à un des offices qui se tient tous les matins selon le rite antoiniste, dans une sorte d'arrière-boutique attenant au cabaret du guérisseur. Le débit de boissons que je traversais était bondé de clients et surtout de clientes qui attendaient impatiemment l'heure de l'office. Trois charmantes jeunes filles, les enfants du thaumaturge, servaient les boissons les plus variées. Une grande pancarte annonçait que ce jour-là il y avait des « poissons frits à toutes les heures ». Je pus à grand peine m'installer avec deux de mes amis au coin d'une table, et à cause de l'heure matinale je me fis servir une demi-bouteille d'eau minérale. Pendant que j'examinais les figures qui m'entouraient, des figures pâlottes, malingres et souffreteuses, et que j'écoutais les conversations où il n'était question que de guérisons miraculeuses, un murmure soudain annonça l'entrée du thaumaturge.
    Comment les imagiers – et les hagiographes de l'avenir s'y prendront-ils pour faire à ce cabaretier, qui a bien la figure de son emploi, une tête d'apôtre ? Comment la ceindront-ils d'une auréole ? Autant rimer hallebarde et miséricorde ! C'est un bonhomme trapu et balourd, taillé à grands coups de serpe. On me présenta à lui. Ah, Monsieur, me dit-il, que n'êtes-vous venu la semaine dernière ? Vous auriez vu des miracles extraordinaires. Vous auriez vu une vieille dame d'Audun-le-Tiche qui était entrée toute percluse et paralytique, se trainant sur ses béquilles, et qui sortit d'ici, sans appui, toute droite, pleine de vigueur et de santé. L'ineffable candeur qui s'exprimait dans ces paroles et qui écartait tout soupçon de charlatanisme, se décelait dans tous ses gestes et dans tout son être.
    Mais voici que les portes du fond s'ouvrent. A l'instant la salle se vide et tout ce monde d'hallucinés se précipite dans le sanctuaire et se dispute les rangées de chaises qui entourent la chaire rudimentaire, ornée de dessins symboliques. Le thaumaturge y apparait à présent, sanglé jusqu'au menton dans une redingote sombre qui rehausse singulièrement son prestige. A voir alors ces têtes dolentes se tourner vers le guérisseur, dont ils attendaient leur salut dans un invincible élan de confiance, à sentir l'exaltation s'accroître sous l'influence des invocations de l'officiant qui, esquissant des gestes d'hypnotiseur, étendant sa main à droite et à gauche, et marmonnant en un français aussi amphigourique que rudimentaire, les principes de « l'unitif » du Père Antoine, maîtrisait impérieusement ces âmes simples d'hypocondres et d'infirmes, je n'ai pu me défendre, en dépit de mes préventions d'incurable sceptique, d'une certaine émotion. Et quand j'ai entendu après cette séance impressionnante de suggestion des masses l'apôtre préféré du thaumaturge, un robuste boulanger en bras de chemises, me vanter les bienfaits de cette religion nouvelle et m'affirmer que bientôt on fêterait dans le temple antoiniste que son « comité » propose d'ériger à Esch, le plus grand de tous les miracles, la guérison tant attendue de la propre femme du thaumaturge, laquelle est atteinte de cécité complète depuis vingt ans, je me suis demandé si le récent arrêt de notre Cour d'appel, qui condamna M. Wagner pour exercice illégal de la médecine, sera capable d'arrêter à la frontière cette nouvelle vague de mysticisme.

                                                                                     PANGLOSS.

L'Indépendance luxembourgeoise, 23 octobre 1924 (source : eluxemburgensia.lu)

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Le nouveau thaumaturge (L'Indépendance luxembourgeoise, 23 octobre 1924)(eluxemburgensia.lu)

Publié le par antoiniste

Le nouveau thaumaturge (L'Indépendance luxembourgeoise, 23 octobre 1924)(eluxemburgensia.lu)

Le nouveau thaumaturge

    Le Luxembourg, décidément, semble appelé à de hautes destinées. Déjà nous avons notre thaumaturge, et le bruit de ses miracles, après s'être répandu dans le Grand-Duché, a passé la frontière et attire une foule de pèlerins animés d'un souffle insoupçonné de foi et d'espérance.
    Tout est étonnant dans ce phénomène extraordinaire. S'il y a une ville dont les préoccupations matérialistes soient peu propices à l'éveil de la folie mystique, c'est à coup sûr l'industrieuse métropole de notre bassin minier. Et pourtant c'est à Esch-sur-Alzette que le thaumaturge a élu son domicile et qu'il a réuni sa chapelle de fidèles. Son nom, dépouillé de tout prestige exotique, ne prête guère non plus à la transfiguration. Comment se faire passer pour un Messie, quand on s'appelle, comme le commun des mortels Nicolas Wagner, et quand, après avoir rempli les fonctions de chef de gare – voyez-vous un chef de gare fondateur d'une religion nouvelle ! – on en est réduit, par suite de l'inclémence des temps, à exercer le métier de mastroquet ? M. Nicolas Wagner est, en effet, cabaretier de profession.
    Poussé par la curiosité j'ai voulu assister à un des offices qui se tient tous les matins selon le rite antoiniste, dans une sorte d'arrière-boutique attenant au cabaret du guérisseur. Le débit de boissons que je traversais était bondé de clients et surtout de clientes qui attendaient impatiemment l'heure de l'office. Trois charmantes jeunes filles, les enfants du thaumaturge, servaient les boissons les plus variées. Une grande pancarte annonçait que ce jour-là il y avait des « poissons frits à toutes les heures ». Je pus à grand peine m'installer avec deux de mes amis au coin d'une table, et à cause de l'heure matinale je me fis servir une demi-bouteille d'eau minérale. Pendant que j'examinais les figures qui m'entouraient, des figures pâlottes, malingres et souffreteuses, et que j'écoutais les conversations où il n'était question que de guérisons miraculeuses, un murmure soudain annonça l'entrée du thaumaturge.
    Comment les imagiers – et les hagiographes de l'avenir s'y prendront-ils pour faire à ce cabaretier, qui a bien la figure de son emploi, une tête d'apôtre ? Comment la ceindront-ils d'une auréole ? Autant rimer hallebarde et miséricorde ! C'est un bonhomme trapu et balourd, taillé à grands coups de serpe. On me présenta à lui. Ah, Monsieur, me dit-il, que n'êtes-vous venu la semaine dernière ? Vous auriez vu des miracles extraordinaires. Vous auriez vu une vieille dame d'Audun-le-Tiche qui était entrée toute percluse et paralytique, se trainant sur ses béquilles, et qui sortit d'ici, sans appui, toute droite, pleine de vigueur et de santé. L'ineffable candeur qui s'exprimait dans ces paroles et qui écartait tout soupçon de charlatanisme, se décelait dans tous ses gestes et dans tout son être.
    Mais voici que les portes du fond s'ouvrent. A l'instant la salle se vide et tout ce monde d'hallucinés se précipite dans le sanctuaire et se dispute les rangées de chaises qui entourent la chaire rudimentaire, ornée de dessins symboliques. Le thaumaturge y apparait à présent, sanglé jusqu'au menton dans une redingote sombre qui rehausse singulièrement son prestige. A voir alors ces têtes dolentes se tourner vers le guérisseur, dont ils attendaient leur salut dans un invincible élan de confiance, à sentir l'exaltation s'accroître sous l'influence des invocations de l'officiant qui, esquissant des gestes d'hypnotiseur, étendant sa main à droite et à gauche, et marmonnant en un français aussi amphigourique que rudimentaire, les principes de « l'unitif » du Père Antoine, maîtrisait impérieusement ces âmes simples d'hypocondres et d'infirmes, je n'ai pu me défendre, en dépit de mes préventions d'incurable sceptique, d'une certaine émotion. Et quand j'ai entendu après cette séance impressionnante de suggestion des masses l'apôtre préféré du thaumaturge, un robuste boulanger en bras de chemises, me vanter les bienfaits de cette religion nouvelle et m'affirmer que bientôt on fêterait dans le temple antoiniste que son « comité » propose d'ériger à Esch, le plus grand de tous les miracles, la guérison tant attendue de la propre femme du thaumaturge, laquelle est atteinte de cécité complète depuis vingt ans, je me suis demandé si le récent arrêt de notre Cour d'appel, qui condamna M. Wagner pour exercice illégal de la médecine, sera capable d'arrêter à la frontière cette nouvelle vague de mysticisme.

                                                                                     PANGLOSS.

L'Indépendance luxembourgeoise, 23 octobre 1924 (source : eluxemburgensia.lu)

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Le thaumaturge d'Esch et le culte antoiniste (L'Indépendance luxembourgeoise, 24 juillet 1924)(eluxemburgensia.lu)

Publié le par antoiniste

Le thaumaturge d'Esch et le culte antoiniste (L'Indépendance luxembourgeoise, 24 juillet 1924)(eluxemburgensia.lu)

Le thaumaturge d'Esch-sur-Alzette et le culte antoiniste

    Par un récent jugement de la Cour d'appel, celui qu'on nomme le thaumaturge d'Esch-sur-Alzette, M. Nic. Wagner, autrefois chef de gare à Weilerbach, actuellement cafetier à Esch-sur-Alzette, a été condamné pour exercice illégal de l'art de guérir. L'amende de 200 francs à laquelle il avait été condamné en première instance a été portée à mille francs.
    Dans ses considérants la Cour d'appel rappelle que la loi du 10 juillet 1901 considère comme exerçant illégalement l'art de guérir toute personne non munie des diplômes luxembourgeois autorisant à la pratique de la médecine qui traite des malades ou prend part à ce traitement, sauf le cas d'urgence avérée. Beaucoup de personnes s'imaginent qu'un profane qui exerce l'art de guérir ne devient passible d'une peine que s'il se fait rétribuer pour les services qu'il rend à l'humanité souffrante et s'il administre à ses malades des médicaments et de prétendues panacées. Un de nos confrères avait même accusé le guérisseur d'Esch-sur-Alzette de s'enrichir aux dépens de ses clients. M. Nic. Wagner avait protesté énergiquement, on s'en souvient, contre cette accusation, et, de fait, l'instruction n'a pu retenir aucun fait probant qui ait pu confirmer ce soupçon. Une de ses clientes qui se disait miraculeusement guérie d'une sorte de lupus que les médecins auraient désespéré de guérir, a bien déclaré que dans sa gratitude elle était prête à céder à son sauveur toute sa fortune. Mais on ne saurait guère y voir qu'une de ces hyperboles qui échappent à un cœur débordant de joie et de reconnaissance.
    Aussi la Cour d'appel, pour venir au-devant de l'opinion erronée selon laquelle il n'y a délit pour un guérisseur que s'il y a eu rémunération, rappelle-t-elle expressément dans son jugement que la loi ne « subordonne l'existence de l'infraction qu'elle réprime ni au mode de traitement employé ni à l'administration d'un médicament même à titre gratuit. » Ce qui suffit au juge, c'est de constater que le but des pratiques auxquelles se livrait M. Wagner, était de guérir les malades ; c'est de fournir la preuve irrécusable que cet illuminé avait pris au pied de la lettre l'enseignement du catéchisme qui fait précisément de cette pratique charitable la vertu chrétienne par excellence.
    En quoi consistaient les pratiques du guérisseur ? « Pour faire impression sur les malades, dit un des considérants du jugement, il les introduit dans une chambre et les plaçant devant le portrait du père Antoine de Jemeppe dont il est un adepte fervent, il leur impose les mains pour faire passer dans leur corps le fluide guérisseur qu'il prétend posséder. Il leur recommande d'avoir une foi inébranlable en lui et en leur guérison, de prier avec ferveur pendant qu'il récite quelques principes de « l'unitif », code des Antoinistes dont il endosse parfois le costume.
    Qu'est-ce que le père Antoine et les Antoinistes dont M. Wagner semble avoir pris à tâche, d'après l'énoncé de ce jugement, de répandre le culte dans le Grand-Duché ? Nos lecteurs en ont entendu parler plus d'une fois. Tous les journaux de Paris, le mois dernier, ont parlé de la commémoration solennelle à Paris de la « désincarnation », c'est-à-dire de la mort du Père Antoine. Ce fut pour les Parisiens un spectacle inaccoutumé. Car si depuis le 25 juin 1913, date de la mort du Père Antoine, les anniversaires de la « désincarnation » ont toujours été célébrés à Jemeppe-sur-Meuse (Belgique) par des foules comparables à celle – 30.000 à 40.000 personnes – qui avait suivi le cercueil du Père, c'est pourtant pour la première fois que cette commémoration eut lieu à Paris. On la célébra dans le temple antoiniste, nouvellement construit, qui s'élève rue Vergniaud, temple minuscule précédé d'un jardin et dont le porche porte cette légende : « Le Père Antoine, le grand guérisseur de l'humanité pour celui qui a la foi. » A l'intérieur du temple, où se déroulait la cérémonie devant une foule compacte de frères et de sœurs en robe « révélée » et débordant jusque sur les deux trottoirs de la rue, un large carton affiche, écrite en grosse ronde, la copie du décret d'utilité publique obtenu du Gouvernement belge en 1910 et signé, à gauche : Masson, Ministre de la Justice, à droite, Albert, Roi.
    Mais si l'immense popularité dont jouissait le Père Antoine en Belgique aux environs de 1910 – époque où le guérisseur de Jemeppes recevait par jour 500 à 1200 malades et où des milliers de personnes déclaraient avoir été guéries par lui – valut aux adeptes des Antoinistes un décret d'utilité publique, ils furent énergiquement combattus par l'Eglise qui s'inquiétait d'autant plus des progrès de cette religion nouvelle que les zélateurs du culte nouveau opposaient triomphalement le nombre de leurs guérisons aux miracles de Lourdes. Il faut ajouter d'ailleurs que les incrédules furent aussi étonnés que les catholiques du succès obtenu par les prédications du guérisseur qui semblait avoir pris pour devise le mot du Christ : « C'est la foi seule qui sauve », devise qui est devenue d'ailleurs en Amérique celle des adeptes de la « Christian Science ». Eh quoi, entendait-on dire, est-ce donc un siècle de scepticisme que celui où l'on voit surgir aussi inopinément une foi nouvelle ?
    Quel est donc l'homme extraordinaire qui a pu produire un pareil miracle ? Louis Antoine, né à Mons, était simple ouvrier mineur, promu aux fonctions de chef-marteleur et plus tard – après un séjour de cinq ans en Pologne – d'encaisseur aux Forges et Cokeries Liégeoises. Par son travail et son économie, il avait gagné une petite fortune et il rêvait de grandes destinées pour son fils unique. La mort de celui-ci le décida à consacrer sa vie et sa fortune au soulagement de toutes les misères physiques et morales. Il quitta son travail et resta chez lui à la disposition des malades et de tous ceux qui étaient dans la peine. Le bruit de ses guérisons attirait chez lui des foules toujours grossissantes.
    Antoine était d'un désintéressement absolu et n'acceptait rien de ses malades. Il y avait jadis dans le temple qu'un adepte reconnaissant lui avait fait construire à Jemeppe, un tronc dans lequel les malades pouvaient déposer leur obole et dont le produit était intégralement distribué aux pauvres de Jemeppe. Ce tronc fut supprimé dans la suite, Antoine recommandant à ceux qui lui offraient de l'argent de choisir eux-mêmes les pauvres auxquels ils voulaient faire la charité. Lui-même avait donné en aumônes tout ce qu'il possédait. A peine lui restait-il de quoi vivre. Il vivait d'ailleurs comme un ascète. En végétarien convaincu il ne prenait ni viande ni œufs ni beurre ni lait. Il ne sortait jamais de la petite maison qu'il habitait à côté du temple de Jemeppe avec son admirable femme – la « Mère » qui continuait son œuvre après sa mort – et 2 orphelines qu'il avait recueillies, que pour se promener avec ses malades dans le jardin et pour monter en chaire. Deux fois aussi il en sortit pour comparaître devant le tribunal correctionnel et la cour d'appel du chef d'infraction à la loi sur l'art de guérir. Il fut d'ailleurs acquitté, et ses deux comparutions avaient donné lieu à de grandes manifestations populaires. C'était un Saint, et ainsi s'explique la prodigieuse influence morale qu'il exerçait sur tous ceux l'approchaient et suivaient ses enseignements.
    Quelles étaient, demandera-t-on, les croyances et les doctrines philosophiques d'Antoine ? Longtemps il avait été catholique fervent, et il a toujours eu un penchant au mysticisme. Etant enfant il quittait ses camarades de jeux pour entrer à l'Eglise. Dans la suite il s'est affranchi de toute croyance dogmatique pour s'attacher à une vague et mystique théosophie. Il croyait à la réincarnation. Chacun de nous porte, selon lui, la peine et la récompense de sa vie antérieure, doit travailler à son avancement moral, à son amélioration, doit se détacher de plus en plus de la matière pour mériter de devenir un pur esprit et se rapprocher de plus en plus de Dieu. Mais Antoine s'expliquait peu sur ses idées philosophiques, dit le journal la Meuse, auquel j'emprunte plusieurs de ces renseignements ; son enseignement était plutôt moral. Il prêchait le désintéressement, la résignation devant l'épreuve nécessaire, la charité, l'amour même de ses ennemis. Comme guérisseur il était persuadé que les maux du corps proviennent d'une imperfection de l'âme : c'est l'âme qu'il faut soigner et guérir de ses maux. Il ne demandait pas même aux malades le mal dont ils souffraient. En cela, notre thaumaturge luxembourgeois semble se conformer à son exemple.
    Avec une rapidité qui tient du prodige l'Antoinisme a, depuis la mort de son fondateur, étendu son influence spirituelle. La « Mère Antoine », sans compter les temples consacrés au culte du Père en Belgique, a inauguré en France plus de six temples antoinistes : à Vervins, à Tours, à Lyon, à Caudry, à Monaco, à Paris. Cette année deux autres doivent s'ouvrir, l'un à Aix-les-Bains, le second à Orange. Le nombre des fidèles, en Belgique et en France, s'élève à 700.000 selon les uns, à un million, selon les autres. Le nombre s'augmentera-t-il d'une phalange luxembourgeoise ou l'arrêt de notre Cour d'appel arrêtera-t-il à frontière cette nouvelle vague de mysticisme ?

                                                                                   LE CURIEUX.

L'Indépendance luxembourgeoise, 24 juillet 1924 (source : eluxemburgensia.lu)

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Le cas de Vagner (L'Est Républicain, 5 avril 1927)

Publié le par antoiniste

Le cas de Vagner

     LE CAS DE VAGNER
   aubergiste et guérisseur

    Metz, 4 avril. – M. Nicolas Vagner est un homme d’une cinquantaine d’années, exerçant, à Esch-sur-Alzette (Luxembourg), la démocratique profession d’aubergiste et jouissant dans le Grand-Duché d’une véritable célébrité. A la vérité, cette célébrité n’a rien de commun avec la vente des spiritueux à laquelle se livre Vagner depuis de nombreuses années. Elle lui vient du fait qu’il est guérisseur et il est devenu guérisseur parce qu’il est antoiniste.
    L’antoinisme, vous le savez, est une petite religion nouvelle, née en Belgique croyons-nous, assez répandue dans le nord de la France et ayant conquis des adeptes dans les régions industrielles et minières du Luxembourg. De ces adeptes, le débitant Vagner fut un des premiers. Il est un des plus zélés et ces deux qualités lui ont fait attribuer le titre de président de l’association antoiniste d’Est, ce qui, d’après lui, est quelque chose comme archiprêtre ou évêque.
    L’antoinisme est une religion pour personnes pratiques, puisqu’elle prétend guérir les corps de leurs maux en même temps qu’elle expurge les âmes de leurs péchés et débarrasse les hommes, et aussi les femmes, de leurs vices.
    Le père Vagner, comme on l’appelle familièrement à Esch, digne émule du père Antoine, fondateur de la secte, a soif de dévouement et s’attache à faire des prosélytes. Il y mit tant d’ardeur que les autorités judiciaires luxembourgeoises lui cherchèrent querelle a un moment donné et le trainèrent devant le tribunal qui lui infligea une amende pour exercice illégal de la médecine sous prétexte que pour guérir les corps il prescrivait à ses fidèles l’usage de remèdes bénins.
    Mais depuis longtemps les autorités luxembourgeoises se sont rendues compte que le pontife guérisseur n’est pas bien dangereux pour les malades et elles se désintéressent de lui.
    Cependant, le père Vagner pensa que les Lorrains étaient, autant que les Luxembourgeois, dignes de ses soins spirituels et matériels et il vint dans la région de Thionville prêcher la religion nouvelle. Ce n’est pas un missionnaire comme les autres que l’aubergiste antoiniste. Il commença par donner des soins à quelques malades qui, sans doute, ne s’en trouvèrent pas mal puisque sa réputation de science s’étendit vite sur Hayange, Knutange, Algrange, Nilvange et environs.
    Le père Vagner établit son cabinet da consultations et son confessionnal chez un nommé Trost, 103, rue de Casatelnau, à Nilvange, et les visites affluèrent. Elles affluèrent si bien que la gendarmerie voulut connaitre le nouveau médecin et eut l’indiscrétion de lui demander des diplômes qu’il ne put montrer pour l’excellente raison qu’il n’a jamais usé ses pantalons sur les bancs d’une quelconque école de médecine.
    Sans se soucier des protestations des clients de l’apôtre, sans craindre la colère du Dieu dont se réclame le père Vagner, les gendarmes l’arrêtèrent et l’amenèrent à Metz, où il fut confié aux bons soins de M. le juge d’instruction Pagniez.
    En même temps que le guérisseur, les représentants de la loi amenaient ses registres, car l’aubergiste antoiniste guérisseur a de l’ordre et tient une comptabilité que pourraient lui envier bon nombre de commerçants. Sur son livre-journal figurent les noms et adresses de 450 personnes ayant reçu une carte d’antoiniste, moyennant 20 francs, et des soins médicaux par dessus le marché.
    Car M. Nicolas Vagner affirme qu’il ne se fait pas payer pour soigner les corps. Lorsqu’une personne, attirée par sa réelle réputation de guérisseur, vient solliciter ses services, il lui fait d’abord une petite causerie sur l’antoinisme. Si la grâce opère en elle, elle reçoit, en échange de 20 francs, une belle carte bleue lui donnant la qualité d’antoiniste et le droit de recourir aux bons offices du guérisseur pendant un an. Etant ainsi en règle, le visiteur expose son cas, fait connaitre le siège des douleurs dont il se plaint. Comme remèdes, le père Vagner prescrit la foi et l’amour de Dieu. Il prescrit aussi, car il faut bien, comme il le dit, frapper l’imagination, quelques médicaments inoffensifs rentrant dans la catégorie des remèdes de bonne femme, dont au surplus, personne n’eut jamais à se plaindre. Quant à ceux qui ne veulent pas entrer dans le giron de la nouvelle Eglise, le guérisseur les renvoie tout bonnement aux médecins ordinaires, à ceux qui ont fait des études.
    Mais les 20 francs, qu’en fait-il ? allez-vous demander, car vous êtes curieux comme des juges d’instruction. Ce faisant, vous ne gênerez pas du tout l’aubergiste pontife qui vous répondra : une partie des sommes ainsi recueillies sert à l’entretien de notre chapelle (qui se trouve, je crois bien, dans son arrière-boutique) et à l’exercice de notre culte. Le reste est, par nous, employé en bonnes œuvres. Et cette déclaration vous sera confirmée par les antoinistes d’Esch, si la fantaisie vous prend d’aller leur demander ce qu’ils pensent de leur président, dont l’arrestation a provoqué une vive émotion dans la cité industrielle luxembourgeoise.
    Cette émotion est telle que lundi matin une délégation d’antoinistes, composée du trésorier et de quatre membres du groupe d’Esch est arrivée à Metz en automobile, dans le seul but de demander Ia mise en liberté provisoire de Nicolas Vagner, dont l’absence prolongée causerait, disent-ils, les plus grands malheurs, plusieurs dizaines de malades, privés des soins du guérisseur, se trouvant en danger de mort.
    Ces considérations, appuyées par un fort cautionnement et l’argumentation Serrée de Me Joseph, défenseur de Vagner, décideront sans doute M. Pagniez à rendre le guérisseur-pontife bistro à ses malades, à ses clients, et à ses fidèles, ce qui n’empêchera pas de le renvoyer devant le tribunal correctionnel, s’il y a lieu.
    En tout cas, il y a gros à parier que les antoinistes d’Hayange et environs seront dorénavant contraints d’aller à Esch pour remplir leurs obligations spirituelles car Vagner paraît bien décidé à ne pas revenir dans un pays aussi peu hospitalier aux prêtres des religions nouvelles et aux guérisseurs amateurs.                    H. D.

L'Est Républicain, 5 avril 1927

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Nicolas Wagner (L'Est Républicain, 24 octobre 1924)

Publié le par antoiniste

Nicolas Wagner

       LETTRE DE LUXEMBOURG

 Le thaumaturge d’Esch-sur-Alzette

Une nouvelle vague de mysticisme :
            le culte antoiniste ?
 

                   Luxembourg, le 21 octobre.
    Le Luxembourg semble appelé à de hautes destinées. Déjà il lui est né un thaumaturge. Le bruit du ses miracles prend un retentissement toujours grandissant et fait rentrer dans l’ombre toutes les autres questions d’actualité dont, en chroniqueur consciencieux, je devrais entretenir mes lecteurs : les résultats de nos élections communales et les modifications d’ailleurs peu sensibles qu’ils ont pu apporter dans la constellation politique du pays; la question – enfin résolue – de la nationalisation de nos chemins de fer avec le consentement assez inexplicable du gouvernement français, détachera pour la première fois et pour toujours le réseau luxembourgeois du réseau d’Alsace-Lorraine et fera passer l’administration de nos voies ferrées entre les mains de la Société belgo-luxembourgeoise du « Prince-Henri » ; la question, enfin, des traités commerciaux à conclure avec l’Allemagne ainsi que du nouveau traité à conclure avec la France.
    Il est vrai que les guérisons miraculeuses accomplies par notre thaumaturge n’auraient pas absorbé ce point l’attention publique, si les tribunaux ne s’étaient pas avisés de le ceindre de la couronne du martyr. Les gendarmes n’admettent plus qu’on opère des miracles de nos jours, surtout lorsque, comme le commun des mortels, on s’appelle Nicolas Wagner et que dans la moins mystique de nos villes – car la métropole de notre bassin manier : Esch-sur-Alzette jamais rien eu d’une sainte Mecque – exerce la profession de cabaretier. A l’hostilité des gendarmes est venue se joindre celle des gens d’Eglise qui soupçonnent le cabaretier thaumaturge de vouloir fonder dans le pays une nouvelle communauté religieuse.
    Condamné en première instance, pour exercice illégal de l’art de guérir, à une amande de deux cents francs, l’aubergiste Nicolas Wagner, autrefois chef de gare sur la ligne du « Prince-Henri », a vu porter son amende à mille francs par la cour d’appel. Les considérants du jugement rappellent que la loi considère comme exerçant illégalement l’art de guérir « toute personne non munie du diplôme luxembourgeois et traitant des malades en prenant part à ce traitement, sauf le cas d’urgence avérée ». Beaucoup de personnes s’imaginent qu’un profane qui exerce l’art de guérir ne devient passible d’une peine que s’il se fait rétribuer pour les services qu’il rend à l’humanité souffrante et s’il administre à ses maladies des médicamente et de prétendues panacées. Or, l’instruction n’a pu retenir aucun fait probant qui puisse confirmer une accusation de ce genre. Une des clientes, qui se disait miraculeusement guérie d’une sorte de lupus que les médecins auraient désespéré de guérir, a bien déclaré que dans sa gratitude elle était prête à céder à son sauveur toute sa fortune. Mais on ne guère y voir qu’une de ces hyperboles qui échappent à un cœur débordant de joie et de reconnaissance.
    Aussi la cour d’appel, pour venir au devant de l’opinion erronée selon laquelle il n’y a délit pour un guérisseur que s’il y a rémunération, rappelle-t-elle expressément dans son jugement que la loi ne « subordonne l’existence de l’infraction qu’elle réprime ni au mode de traitement employé ni à l’administration d’un médicament même à titre gratuit ». Ce qui suffit au juge, c’est de constater que le but des pratiques auxquelles se livrait M. Vagner était de guérir les malades ; c’est de fournir la prouve irrécusable que cet illuminé avait pris au pied de la lettre l’enseignement du catéchisme qui fait précisément de cette pratique charitable la vertu chrétienne par excellence.
    En quoi consistait la pratique du guérisseur ? « Pour faire impression sur les malades, dit un des considérants du jugement, il les introduit dans une chambre et, les plaçant devant le portrait du père Antoine de Jemeppe dont il est un adepte fervent, il leur impose les mains pour faire passer dans leur corps le fluide guérisseur qu’il prétend posséder. Il leur recommande avoir une foi inébranlable en lui et en leur guérison, de prier avec ferveur pendant qu’il récite quelques principes de l’unitif, code des Antoinistes, dont il endosse parfois le costume.
    C’est en effet, le culte du père Antoine que M. Wagner semble avoir pris à tâche de répandre dans le grand-duché. On sait l’immense popularité dont jouissait le père Antoine en Belgique aux environs de 1910, époque où cet ancien ouvrier mineur, qui se croyait appelé par le ciel à soulager les misères physiques et morales de ses semblables recevait par jour 500 à 1.200 malades et où des milliers de personnes déclaraient avoir été guéries par lui. Mais si cette popularité valut aux adeptes du nouveau culte un décret d’utilité publique en Belgique, ils furent énergiquement combattus par l’Eglise qui s’inquiétait d’autant plus des progrès de cette religion nouvelle que les zélateurs de l’Antoinisme opposaient triomphalement le nombre de leurs guérisons aux miracles de Lourdes. Il faut ajouter d’ailleurs que les incrédules furent aussi étonnés que les catholiques du succès obtenu par les prédications du guérisseur, qui semblait avoir pris pour devise le mot du Christ : « C’est la foi seule qui sauve », devise qui est devenue en Amérique celle des initiés de la « Christian Science ». Eh quoi, entendait-on dire, est-ce donc un siècle de scepticisme que celui où l’on voit surgir aussi inopinément une foi nouvelle ?
    Avec une rapidité qui tient du prodige l’Antoinisme a, depuis la mort de son fondateur étendu son influence spirituelle. La mère Antoine, comme les fidèles appellent la veuve de celui qu’ils vénèrent comme un saint, sans compter les temples consacrés au culte du « Père » en Belgique, a inauguré en France plus de six temples antoinistes : à Vervins, à Tours, à Lyon, à Caudry, à Monaco, à Aix-les-Bains, à Paris. Tous les journaux de Paris ont parlé, l’an dernier, de la commémoration solennelle à Paris de la « désincarnation », c’est-à-dire de la mort de Père Antoine. La cérémonie, qui fut pour les Parisiens un spectacle inaccoutumé, se déroula, dans le temple antoiniste de la rue Vergniaud, devant une foule compacte de frères et sœurs en robe révélé et débordant jusque sur les deux trottoirs de la rue.
    Poussé par la curiosité, j’ai voulu assister à un des offices que le cabaretier thaumaturge organise tous les matins à dix heures dans une arrière-boutique attenant à son débit de boissons et transformée en une sorte de sanctuaire. Avais-je mal choisi ma journée ! Je ne sais. Mais aucune guérison ne s’est accomplie ce jour-là. Le guérisseur lui-même en était navré. « Que n’êtes-vous venu la semaine dernière ? me dit-il. Vous auriez vu des miracles stupéfiants ». L’ineffable candeur qui s’exprimait dans ces paroles se retrouvait dans tous ses gestes et dans toute sa physionomie. Comment cet homme lourd et trapu, taillé à grands coups de serpe, peut-il exercer une si étonnante fascination sur la foule recueillie qui se presse au pied de la chaire ornée de dessins symboliques et écoute avec avidité la lecture des enseignements – libellés en français à la fois fruste et amphigourique – du Père Antoine ? Ce qui en impose au nombre sans cesse accru de ses clients et surtout de ses clientes – il y avait parmi elles ce jour-là beaucoup de Lorraines venues des villages voisins de la frontière – c’est sa sincérité absolue et la naïveté de sa foi d’illuminé, de cette foi qui transporte des montagnes et qui lui fait espérer l’accomplissement du plus urgent des miracles : la guérison de sa propre femme, atteinte depuis près de vingt ans de cécité complète.
    « Ce miracle, nous l’attendons avec une ferme confiance, me disait un des apôtres les plus actifs et les plus remuants du thaumaturge, un robuste boulanger, avec lequel je vidais une chope servie gracieusement par une des trois filles du cabaretier. Et ce miracle, nous le fêterons dans le temple antoiniste qui s’élèvera bientôt dans notre ville ». Je crains bien, décidément que l’arrêt de la cour d’appel ne soit impuissant à arrêter à notre frontière cette nouvelle vague de mysticisme.

                                         Jean de CRECY.

L'Est Républicain, 24 octobre 1924

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L'antoinisme, enfant perdu du spiritisme (Le Petit Journal, 22 mai 1927)

Publié le par antoiniste

L'« ANTOINISME »
enfant perdu du spiritisme
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Comment, des révélations d'une table tournante, naquit une véritable religion
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    Un dépêche du Petit Journal, relatait il y a quelque temps l'arrestation à Nivange (1), en Lorraine, d'un aubergiste Antoiniste-Guérisseur luxembourgeois, du nom de Nicolas Wagner, accusé d'exercice illégal de la médecine. Notre information ajoutait qu'une délégation d'Antoinistes du groupe d'Esch, était arrivée le lendemain même en automobile à Metz, pour demander instamment à M. Pagniez, juge d'instruction, la mise en liberté immédiate du guérisseur. « L'absence prolongée de Nicolas Wagner, dit le trésorier du groupe, risque de causer les plus grands malheurs. Plusieurs dizaines de malades, privés de ses soins, sont actuellement en danger de mort. » (2)
    Quel est donc cet Antoinisme qui, si ses vertus médicales se trouvent fort bousculées par les pouvoirs publics, inspire par contre une telle ferveur à ses adeptes ?
    C'est un véritable culte religieux, issu, par voie de ricochet, du spiritisme, et nourri d'un certain nombre de principe philosophique, assez singulièrement digérés. Il fut fondé, en 1906 (3), à Jemeppe-sur-Meuse, par un ancien ouvrier mineur, le « Père » Antoine. Depuis lors, des temples ont été ouverts à Paris et à Monaco. L'an dernier enfin, Mme Antoine, héritière de la toute puissance de son défunt époux, inaugurait en tête de quatre cents adeptes, le temple antoiniste d'Orange, en Provence.
    Antoine, vous ai-je dit, était ouvrier mineur à Jemeppe-sur-Meuse. La révélation lui vint un jour, à cinquante ans (4), à la suite de la mort de son fils, âgé de vingt ans. Une séance de spiritisme marqua cette date.
    - Ton fils est réincarné ! Il est établi pharmacien ! dit péremptoirement un pied de guéridon inspiré.
    En foi de quoi, fiers de cette élévation bourgeoise (5), le père et la mère Antoine fondèrent sans plus tarder une manière de bureau surnaturel des renseignements, véritable central téléphonique de l'au-delà, où les héritiers affligés venaient entendre la voix de leurs chers morts. Et l'affaire prospéra...
    Elle prospéra si bien que le Père Antoine résolut bientôt d'annexer au bureau de renseignements un cabinet « pour le soulagement de toutes les maladies, afflictions morales et physiques. »
    Une liqueur baptisée « Courre », qu'il vendait 5 francs le flacon (6), lui ayant valu condamnation pour exercice illégal de la médecine, Antoine remplaça sans hésiter par de l'eau (H 2 O :) qu'il couvrait de passes magnétiques. Puis, souvieux - c'est là, si l'on y réfléchit la marque des esprits supérieux - d'une simplification plus grande encore, il eut un trait de génie, il remplaça son eau par du papier... La santé, le bonheur, la vertu, la sagesse, dispensés comme de vulgaires timbres-poste, par retour du courrier, quel beau rêve !
    Naturellement, depuis belle lurette, le « Père » Antoine avait envoyé promener les tables tournantes et les évocations du spiritisme. Il traitait désormais avec une confiante familiarité de l'inconnaissable. Il standardisait l'au delà.
    Entre le guérisseur inspiré et l'apôtre, il n'y a guère plus de différence qu'un régiment, entre l'adjudant et d'adjudant-chef. En quelques mois, dans l'esprit de ses disciples, Antoine était promu ! Je n'essaierai pas, dans ce court article, de résumer sa doctrine. D'autant qu'elle est fort sibylline. Aux questions qui l'embarassaient, le bonhomme répondait, par exemple, sans hésiter : « Vous ne voyez que l'effet, cherchez la cause ! »
    Evidemment, avec des arguments de cette force-là...
    Toujours est-il que quand il mourut, le culte nouveau était magnifiquement prospère. Avec un bel esprit de famille, Mme Antoine, la « Bonne Mère », reprit le flambeau de ses mains. Et l'Antoinisme continue aujourd'hui, paraît-il, de faire « merveille »...
    En notre époque de machinisme et de science exacte, ne trouvez-vous pas cela tout à fait curieux ?   -   J. Lefebvre.

Le Petit Journal N°23502 du 22 mai 1927
source : Gallica

Notes :
(1) Il doit s'agir de Nilvange, petite commune française près de Thionville, à quelques kilomètres de Esch-sur-Alzette au Luxembourg.
(2) Mère n'a eut de cesse d'essayer que la guérison ne soit pas le fait du guérisseur par la foi au Père. Cependant, elle a eu beaucoup de mal à arriver à faire respecter cela des adeptes. De plus, si ce Nicolas Wagner a eu maille à partir avec la justice c'est qu'il devait utiliser des remèdes, ce que le Père avait abandonné lui-même. Cela aussi fut courant dans l'histoire de l'antoinisme du début.
(3) La source de cette article semble être Lucien Roure. Il dit "à partir de 1906, l'enseignement moral l'emporte de plus en plus". Mais le culte même a été fondé en 1910.
(4) Louis Antoine a 47 ans à la mort de son fils.
(5) Louis Antoine était déjà considéré comme bourgeois en rentrant de Varsovie, ayant pu construire plusieurs maisons ouvrières.
(6) Il s'agit de la liqueur Koene. On ne sait d'où les journalistes savent le prix que demandait Louis Antoine. Chez Debouxhtay, on lit : "dont le flacon de 125 gr. coûte dix francs" "et souvent Antoine lui-même en paie le montant pour les malades qui sont trop pauvres" (p.81).

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