VISÉ, ancienne ville et commune du canton de Dalhem ; bornée au N. par Monland , N.E. par Berncau, E. par Bombaye, S.E. par Dalhem, S. par Richelle, S.O. par Hermalle, O. par Haccourt, N.O. par Lixhe.
A 1/2 l. de Mouland, Berneau, Hermalle, Harcourt, Lixhe, 2/3 de Richelle, 3/4 de Bombaye et Dalhem, et 3 N.N.E. de Liège.
La surface de son territoire est assez inégale, surtout à l'E. et au S., où l'on remarque quelques collines escarpées. La ville est située dans la vallée de la rive droite de la Meuse. Cette rivière arrose la partie occidentale de la commune et y roule des flots majestueux dans un lit spacieux et découvert ; elle reçoit par sa rive gauche le ruisseau de Grand-Aaz. La Berwinne longe son territoire au N. Le terrain est argilo-sablonneux, quelquefois mélé de gravier. La couche végétale a 25 à 5O centim. de profondeur. On trouve dans cette localité : la chaux carbonatée primitive, équiaxe, contrastante, laminaire; le quartz hyalin prismé, enfumé, et agathe calcédoine mamelonné ; le cuivre pyriteux cubo-tétraèdre, concrétionné, massif ; le cuivre carbonaté bleu aciculaire, vert aciculaire et radie ; le zinc sulfuré octaèdre ; l'anthracite compacte, etc.
La commune comprend 377 maisons, réparties comme suit : Visé, 260 ; Porte-de-Mouland, 1 ; Portede-Lorette, 9 ; Lorette, 2 ; le Temple, 1 ; Souvré, 48 ; Devant-le-Pont, rive gauche de la Meuse, 56. Elles sont bâties en pierres et briques, et la plupart couvertes en ardoises, plusieurs en tuiles et en paille. La ville est composée de deux rues larges et parallèles à la rivière, avec cinq traverses qui en font la communication. Son intérieur est pavé. On y remarque quelques belles maisons. La Maison-de-Ville, bâtie en 1612, se fait aisément reconnaître pour un édifice public ; son entrée, accompagnée d'une galerie en portiques, est majestueuse sans ornernens, et sa couverture se termine par un dôme qui renferme une horloge et un carillon. — 1 église primaire, dédiée À St.-Martin ; fondée par Berthe, fille de Charlemagne. Elle était ci-devant collégiale, possédant 20 prébendes, qui étaient à différentes collations et 6 bénéfices simples. Visé possède en outre l'église du couvent des sépulcrines, supprimé par le gouvernement français ; celle de l'ancien couvent des carmes déchaussés, située à la rive gauche de la Meuse, et une chapelle de la Ste.-Vierge à Lorette, bâtie en 1684, et réparée en 1830. Il y avait aussi, avant le gouvernement français, un couvent des récollets, situé au bord de la Meuse, et un collège des oratoriens où l'on a établi une savonnerie. — Il y a 1 école moyenne, établie dans le ci-devant couvent des sépulcrines, et tenue par 4 régens agrées par le gouvernement et salariés par les revenus des fondations attachées au dit local ; 1 pensionnat de demoiselles, établi dans l'ancien couvent des carmes devant le pont.
Les productions agricoles consistent en froment, seigle, avoine, orge, trèfles, vesces, féveroles, quelques lègumes et fruits. La ville fait un petit commerce de merceries et épiceries. On y fabrique des bas, des bonnets et des tricots en laine. Il y a 1 moulin à farine mu par eau, situé à la rive gauche de la Meuse; 2 brasseries, 1 distillerie, 1 filature de laine, 1 savonnerie, 2 tanneries, plusieurs fabriques de sirop de betteraves, 1 four-à-chaux, 1 chantier de construction de bateaux. — Foires à Lorette : les 25 mars et 15 août. Un marché aux grains tous les mardis qui n'est pas suivi. — L'ancienne grande route de postes de Liège à Aix-la-Chapelle, et le grand chemin de Liége à Maestricht, traverse la ville.
Population : 1835 habitans.
Superficie : 621 h. 51 a. 47 c.
Ci-devant : pays de Liége. Le bourgmestre régent était membre du corps de l'état tiers du pays.
Histoire : Des anciens manuscrit assurent que Visé, en latin Visatum, Visotium ou Visetum, en flamand Weset, est la Taxandrie des anciens, et qu'elle fut fondée par Sedroch, 4e roi de Tongres : mais comme l'existence de ces rois est elle-même un point contesté, on pourrait regarder cette autorité comme suspecte. Suivant les traditions populaires, il est peu de villes dans le pays de Liège, à qui l'on puisse attribuer une origine plus ancienne qu'à celle de Visé. Quoiqu'il en puisse être, l'histoire n'en fait pas de mention qui précède l'époque à laquelle le pape Léon III y consacra une église, bâtie à l'honneur de St.-Martin, par la princesse Berthe, fille de Charlemagne, qui procura en même temps à ce lieu l'établissement d'une foire ou d'un marché public. Les sentimens des historiens du pays sont partagés sur l'époque de la consécration de cette èglise : Fisen prétend qu'elle fut faite en 799, lorsque le pape vint trouver Charlemagne à Paderborn ; cependant Bouille parle d'une église bâtie à Visé par la princesse Berthe en 805, ce qui peut encore être cru, le pape étant venu cette même année à Reims.
On ne peut douter que le marché de Visé n'ait été un des plus considérables du pays, si l'on fait attention au rapport de l'historien Anselme, qui dit qu'Etienne, élu abbé de St.-Laurent en 1026, ayant besoin de vêtemens pour ses religieux, en envoya à Visé pour les acheter, et il semble même par les termes, frater quem ad forum Viseti mittitis, que ce fût l'ordinaire d'envoyer à ce marché.
La ville de Visé dut sans doute son accroissement à l'avantage de ce marché, qui fut tel, que l'on y construisit un pont sur la Meuse, dont le nom subsiste encore, quoiqu'on n'en trouve pas le moindre vestige. Fisen fait mention de ce pont, qui fut renversé par les glaces en 1408. Bouille dit qu'on tient que les anciennes ruines de la ville de Visé, furent réparées sur la fin du 9e siècle, et que ses vieux fondemens témoignent qu'elle a été beaucoup plus ample qu'on ne la voit, et qu'on montre encore au-dessus de la ville, une tombe où les Francs Germains avaient, dit-on, été ensevelis, et aux environs quelques vestiges des forts bâtis du temps des Romains.
Visé n'est nommé dans le partage de 870 que comme une limite de l'ancien pays de Liège. Il appartenait aux évêques de Liège depuis l'an 983, que l'empereur Otton III, par un diplôme de cette année, accorda à l'évêque Notger tous les droits que les empereurs y percevaient à leur profit ; il fut entouré de murs, de palissades et d'un fossé en 1334, par l'évêque Adolphe de La Marck.
Les chanoines de Celles avaient eu de si vives et si fréquentes altercations avec les seigneurs du lieu, qu'ils avaient ajouté à leurs litanies : De la tyrannie des barons de Celles, délivrez-nous, Seigneur! Ces chanoines pour s'y soustraire, prirent le parti d'abandonner Celles, et ils se transportèrent à Liège avec le corps de Saint-Hadelin. L'évêque Adolphe de La Marck, en ayant conféré avec son chapitre, résolut d'envoyer les 12 chanoines avec le corps de leur saint à Visé, où leur chapitre fut établi. L'époque de cette transmigration et de la translation du saint est rapportée par Chapeauville, Haraeus, Molanus et Miraeus, à l'an 1337; mais Hoesem assure qu'elle ne doit être rapportée qu'à l'an 1338, le 11 octobre. Toutes les anciennes vies de St.-Hadelin sont également conformes sur la date de cet événement. Cependant une circonstance particulière, dit M. Dewez, dans son Dictionnaire, parait démontrer qu'on doit la supposer plus ancienne, puisqu'il existe dans l'église de Celles des pierres sépulcrales des anciens vicaires portant la date de l'an 1300. Or, les vicaires n'ont existé à Celles qu'après l'émigration des chanoines, qu'ils ont remplacés. L'évêque Adolphe de la Marck augmenta le chapitre de 8 prébendes, qui, de douze montaient pour lors à 20.
La châsse de St.-Hadelin fut visitée à Liège, par l'évêque Adolphe, qui trouva le corps du saint en entier, à l'exception d'un bras qui avait été transporté à l'abbaye de Stavelot. Le 26 octobre 1413, on en fit encore l'ouverture, et on en tira la tête du saint pour l'enchâsser dans un buste séparé : celui d'urgent tel qu'on le voit aujourd'hui, est un présent que fit en 1654 , Jean Bloequerie, chanoine de Visé. C'est alors qu'on trouva dans ce coffre un mémoire très-ancien en latin, très-difficile à lire, dont copie se trouve dans les registres de la prévôté, selon la tenure suivante translatée : « Les os du très-bien heureux Hadelin, confesseur de l'église de Celles, ont été mis dans ce coffre et clos dans ce lieu l'an de l'incarnation de N. S. 704, le 15 des calendes de juin de l'indiction 4me. Les noms de ceux qui furent présens : Waton, évêque ; Veron, abbé ; Jean, prévôt ; Amand, coste; Lanfreid, doyen de Stavelot, avec le chapitre de Celles. » Cette châsse fut réfugiée le 26 novembre 1467 dans la forteresse d'Argenteau, et puis déposée dans l'église des Dominicains à Liège, où l'on en fit l'ouverture. Elle fut encore ouverte en 1696 et 1788.
La ville de Visé fut pillée et mise à feu le 31 janvier 1396 par les Gueldrois qui escaladèrent ses murailles à l'heure de minuit, et se retirèrent ensuite emmenant plusieurs bourgeois qu'ils avaient saisis sur leurs lits. Elle ne fut pas longtemps à se relever de cette perte, et l'évêque Jean de Heinsberg lui accorda de très-amples privilèges en date du 9 avril 1429, et la rendit à peu-près égale à cet égard aux autres villes du pays, savoir, de se donner des bourgmestres, un conseil, des jurés, etc. A l'égard des marchandises, dettes et contrats, les bourgeois devaient se conformer à la paix de Tongres, et à la modération qui en avait été faite : il leur fut aussi permis d'avoir des prisons, de réparer les ouvrages extérieurs de la ville, et d'en faire de nouveaux, de mettre impôt sur les denrées pour pouvoir fournir aux dépenses de la communauté, d'appliquer les deniers aux réparations de la ville, etc. Louis XIV, roi de France, y avait établi son quartier l'an 1673, lorsqu'il faisait le siège de Maestricht, et la ville fut démantelée aux frais des habitans, sur la fin du mois de janvier 1675, par 3000 Français de la garnison de Maestricht. La porte de Mouland a encore existé jusqu'en 1828, et celles de Lorette et de Souvré jusqu'en 1833. La démolition de ces trois anciennes portes avec leurs tours, qui faisaient l'embellissement de Visé, en a fait une petite ville ouverte, qui n'est pas devenue pour cela plus belle : les antiquités n'y sont pas respectées.
Visé est la patrie de René-François Walter, baron de Sluse, habile mathématicien et l'un des plus savans hommes des Pays-Bas. Il devint abbé d'Amay, chanoine, conseiller et chancelier de Liège, où il mourut le 19 mars 1685, à 63 ans. On a de lui un ouvrage encore très-estimé, intitulé : Mesolabum et problemata solida, Liège, 1668, in-4e. C'est aussi la patrie du cardinal Jean-Gualtier de Sluse, l'un des plus grands hommes de son siècle, frère du précédent, y né en 1626, et mort le 7 juillet 1687. Il avait une bibliothèque immense, dont on a imprimé le catalogue en 5 vol. in-4e.
Dictionnaire géographique et statistique de la province de Liège (Henri Joseph Barthélemi Del Vaux) - 1835