Les séances de Madame Béziat
Le Petit Parisien, 3 et 4 mars 1925
André de Lor - Révélation d'Outre-tombe (1911)
Un article de La Revue hebdomadaire (Quand les Antoinistes fêtent leur saint patron, 26 juin 1932) nous informe que l'"auteur dramatique fameux" André de Lorde serait antoiniste. L'auteur bienveillant de cet article cite également le pharmacien Louis Jolly ("un savant chimiste"), dont on est sûr de son appartenance au culte, donc pourquoi douter de ce fait. Cependant, il est impossible de trouver d'autres informations sur l'adhésion de l'écrivain à l'antoinisme. Ou s'agirait-il simplement d'un bon mot de l'auteur de l'article car ses pièces étaient notamment jouées au Théâtre Antoine ?
André de Lorde est un écrivain, dramaturge et scénariste français, né le 11 juillet 1869 à Toulouse et mort le 6 septembre 1942 à Antibes (Alpes-Maritimes). Surnommé « le prince de la terreur », il est surtout connu grâce aux pièces qu'il a écrites pour le théâtre du Grand-Guignol. Fils d'un médecin, André de Latour, comte de Lorde, issu d'une famille d'aristocrates désargentés, devient l'auteur emblématique des pièces de Grand Guignol du début du XXe siècle. Ses pièces traitaient de la folie et de la médecine.
André de Lorde (par Charles Gir)
(source : wikipedia)
On lit par ailleurs dans la Revue spirite d'octobre 1911 un article concernant le livre Révélation d'Outre-tombe par André de Lor. S'agit-il d'une confusion entre ces deux auteurs dont le nom est proche. André de Lor a participé régulièrement depuis l'année 1925 par quelques articles au Fraterniste. À droite, un article du Fraterniste du 1er mai 1924. Il signe également André de LOR-GOURSKA.
RÉVÉLATION D’OUTRE-TOMBE (1)
Par ANDRÉ DE LOR
L’intérêt grandissant des sciences psychiques, l’attrait qu’elles exercent, de plus en plus, non seulement sur ceux qui sont portés vers elles par le mouvement naturel de leur esprit et les inspirations qui leur ont été dictées, mais encore sur les personnes à qui, auparavant, les résultats des sciences exactes suffisaient, donnent une importance particulière aux ouvrages destinés actuellement à en assurer le développement et à en corroborer les découvertes.
Mais, en même temps, le crédit dont jouissent, chaque année davantage, les études concernant le mécanisme et l’avenir spirituels de l’humanité, impose à ceux qui s’en font les propagateurs, des devoirs nouveaux.
Autrefois — et il en fut ainsi à l’origine de toutes les sciences — on était tenté et on avait le droit d’accueillir toutes les manifestations de la révélation psychique, si confuses qu’elles pussent être, si mélangés qu’en fussent les éléments. Il importait, en effet, avant tout, de réunir le plus grand nombre de témoignages possible autour des principes d’une science séculaire, que le temps avait ensevelie, et à qui manquaient des preuves immédiates. Autrement dit, si, sur la foi des livres légués par les anciens peuples, et vérifiés par l’exégèse, il n'était pas permis de douter que la haute science eût existé, rien, par contre, ne nous autorisait à croire qu’elle eût encore autour de nous, des racines et fût appelée à revivre.
C’est pourquoi, en vue d’affirmer une renaissance ardemment désirée, aucun indice ne pouvait être négligé. On chercha l’étincelle de vérité au milieu des plus troubles nuées. On accepta le torrent des folies, afin de découvrir, au fond, une parcelle de la pierre merveilleuse. Les déments et les simulateurs ne manquèrent pas. On feignit de les accueillir.
Avant de se faire l’interprète d’une pensée que lui transmit, par la voie de l’inspiration, un être disparu, l’auteur de Révélation d'Outre-tombe ne s’était jamais adonné à de périlleuses tentatives de communications avec le monde supérieur. Il ne s’y croyait point prédisposé ; il n’avait cédé à aucune de ces fausses pratiques auxquelles succombent tant de natures faibles, sensibles aux appâts de l’illusion. Ainsi cet ouvrage est la manifestation spontanée, imprévue, soudaine, de l’au-delà, auprès d’un esprit qui n’y était nullement enclin. Cela est si vrai que M. André de Lor douta longtemps de
l’importance et de la qualité de l’apparition qu’il eut, et des paroles qu’il entendit.
Il n’était pas, non plus, littérateur : il ne risquait donc pas d’être dupe d’un mirage que lui offrît le cours de son invention.
Étonné, lui-même, du message qu’il recevait, dépourvu des habitudes et des habiletés à l’aide desquelles les professionnels de l’inspiration déforment ce qu’on leur communique, dénué de toute ruse littéraire, M. André de Lor, une fois qu’il la posséda, conserva sa révélation avec une piété, un respect, une docilité anxieuses. Il n’y voulut rien modifier, rien ajouter ; il eut craint de la dénaturer ; il lui garda sa précipitation parfois un peu fiévreuse, et son enthousiasme parfois un peu désordonné. Il se contenta d’en redresser les phrases qui restaient souvent en suspend, ou que l’exaltation enchevêtrait.
A ce titre et par ces traits, l’ouvrage qui s’offre aujourd’hui au public est une transcription exacte des rapports échangés, au gré d’une volonté mystérieuse, entre une âme d’en haut et une âme d’en bas, entre un esprit de la grande Terre, et un de la petite.
C’est là un témoignage auquel personne ne saurait refuser la sincérité, la clarté et l’éloquence.
H. H.
(1) En vente à la Librairie des Sciences Psychiques, 1 vol, in-18. Prix : 3 fr. 50.
NEUF DESSINS
de Mme Marie EGOROFF (1)
(Illustrations de la Révélation d'Outre-Tombe.)
Mme Egoroff a consacré au livre de M. André de Lor neuf planches qui forment un album séparé. Ces planches retracent les épisodes principaux de l’ouvrage. Leur langage ne suppose, pour être compris, aucune initiation préalable L’inspiration de Mme Egoroff, en effet, ne s’évade jamais hors
des spectacles auxquels est accoutumée notre vue ; c’est à eux qu’elle s’alimente. Elle ne recourt pas à des gradations difficiles de symboles qu’il faille déchiffrer, dont il faille connaître la clé avant de pouvoir y retrouver la personne humaine dans nos étapes de la naissance à la mort, de la vie matérielle à la vie spirituelle, du monde terrestre au monde supra-terrestre. Non : l’art de Mme Egoroff s’en tient aux éléments que lui offre la réalité. Le visage humain y garde l’importance qu’il a pour les peintres ; il ne subit aucune déformation hasardeuse ; il n’est assujetti à aucun remaniement dû à un effort d’abstraction. C’est sa valeur la plus naturelle interprétée d'une certaine façon qui l’oriente vers le but surnaturel qu’à travers lui, M me Egoroff veut nous faire atteindre.
Nous avons dit à quel point l’ouvrage de M. André de Lor comporte de simplicité et de clarté. Les planches de Mme Egoroff le complètent admirablement. Le livre, illuminé par l’album, rendra facile le chemin de la compréhension à ceux qui voudront, sans parti-pris, s’y engager. Guidé par un récit, averti par des figures si humaines, pourra-t-on prêter à cette révélation un tour chimérique susceptible de faire douter de sa vérité et d’affaiblir, au détriment de la science psychique tout entière, la valeur du document exact qu’il a et sur laquelle nous tenons à insister ?
L’art de Mme Egoroff a donc pour centre la figure humaine. Elle n’est point, ainsi qu’il arrive dans beaucoup d’œuvres de cet ordre, traitée par masses, par agglomérations, chaque face étant réduite à ses ligues fondamentales, et n’ayant de prix que pour une espèce de soumission à l’expression commune et monotone des faces voisines.
Chez Mme Egoroff, la figure humaine conserve toute sa force particulière, tout son sens personnel. Elle s’impose, sans encombrement, en quelques types choisis dont chacun a sa physionomie propre, sa vie à lui, son indépendance. L’individualité des figures et leur intensité isolée sont les moyens par lesquels Mme Egoroff sait évoquer la multitude et l’universel, à l’encontre des habitudes de l’art sparte qui opère surtout par entassement, par effacements réciproques, par confusion. En regardant les neuf plans de la Révélation, on croirait voir des portraits, tant le détail des visages a de soin, de variété, de précision.
Ainsi, loin de participer des divers systèmes que l’on retrouve à travers les innombrables dessins d’inspirés, et qui mettant entre eux la parenté d’une vision toujours schématique, fluide et arbitraire, l’art de Mme Egoroff détruit les qualités de composition et de consistance plastique habituelles à l’art. Cela donne à Mme Egoroff une place particulière. Son œuvre n’est pas une de ces œuvres curieuses issues d’une exaltation spéciale de l’intuition, mais qui sont situées en dehors des conditions coutumières de l’art. Elle est, au contraire, pénétrée de discipline et de tradition et garde avec la matière des choses, un lien constant.
Pourtant, ces neuf planches auxquelles s’ajoute la couverture, inspirée d’un hématique symbole, ne pourraient être rangées, non plus, parmi les œuvres positives. Si leurs éléments sont fidèlement empruntés à ce monde, elles nous transportent, cependant, dans un autre monde, dont nous ressentons, en les contemplant, le choc, l’étonnement, la fatalité.
A quoi cela tient-il ? Comment Mme Egoroff s’y prend-elle pour obtenir, avec des procédés réalistes, des évocations aussi irréelles ?
Ici intervient un sentiment de la disposition des personnages, de l’éclairage de leurs figures, et du décor qui les entoure, où Mme Egoroff témoigne d’une originalité subtile et savante.
Le corps des personnages ou n’existe pas ou se perd dans d’amples draperies, de sorte que les têtes qui seules, résistent et seules subsistent, semblent flotter en suspend, dans l’éther. Elles sont baignées, en outre, d’une lueur pâle d’auréole, d’une lueur froide et immuable qui les transforme en apparitions merveilleuses et tragiques. Le plan sur lequel elles apparaissent est un plan factice introduit dans l’échelle des plans de l’ensemble de la gravure ; il en rompt l’équilibre, y provoque des contrastes violents et éveille ainsi le trouble de l’extraordinaire et du miraculeux.
Enfin, le décor, tout en étant construit, massif, bien réel, plonge en des zones ténébreuses. Ce ne sont que passages souterrains, cryptes secrètes, escaliers aux volutes tourmentées. C’est le domaine où la nuit couve ses fantômes. Et soudain le vol de ces grandes bêtes humaines y jaillit, imprégné de lumière ! Des accessoires aux formes inusitées, ceux mêmes dont il est question dans le livre, ajoutent à ce séjour une étrangeté qui, sans rompre avec la vie réelle, procure l’impression qu’en ces lieux on s’en échappe, on la devance, ou la domine.
Tels sont les traits généraux de l’œuvre de Mme Egoroff.
Le livre de M. André de Lor lui devra une confirmation puissante. Pour qu'en effet, il ait pu inspirer un ensemble de dessins aussi harmonieux et aussi déterminés, il faut que l’émotion et la démonstration qu’il renferme dépassent la conscience de son auteur, et possèdent une portée et un rayonnement général. Les dessins de Mme Egoroff ne pourront que rendre encore cette portée plus nette, et ce rayonnement plus convaincant.
1. En vente à la Librairie des Sciences Psychiques, 1 album in-4 raisin comprenant neuf planches tirées en prototype et encartées dans une couverture illustrée, le tout enfermé dans une pochette, prix : 7 fr.
Revue spirite, 1er octobre 1911, p.625 (gallica)
Reproduction des planches sur le site : laporteouverte.me
Le même André de Lor est l'auteur d'un autre livre étonnant : Toutou chien écrivain (1920) qui raconte comment en l’An de Grâce 9999 une niche de l’An 1920 est mise à jour et son occupant en hibernation est ramené chez les vivants. Toutou Chien nous raconte alors l’histoire de l’humanité jusqu’en l’An 9999 où le règne animal-végétal-minéral domine la Terre.
Quand les Antoinistes fêtent leur saint patron (La Revue hebdomadaire, 26 juin 1932)
Quand les antoinistes
fêtent leur saint patron...
Jamais peut-être les messies n'ont été moins rares qu'en notre siècle de peu de foi. Comme si le besoin s'en faisait sentir, on invente chaque jour des religions nouvelles. Parmi celles qui ont percé définitivement, une des plus connues est sans doute l'antoinisme, qu'on prétend fertile en miracles...
L'antoinisme groupe en France et en Belgique des milliers d'adeptes, parmi lesquels on peut citer un auteur dramatique fameux, M. André de Lorde [sic], et un savant chimiste, M. Jolly.
Les antoinistes de Paris, auxquels s'étaient joints plusieurs de leurs coreligionnaires de province, célébraient hier la fête du « Père » Antoine, à l'occasion de l'anniversaire de sa « désincarnation », survenue le 25 juin 1912.
Rue Vergniaud, dans un temple au fin clocheton, qui évoque une chapelle gallicane, se serrait un public modeste. Beaucoup de vieilles personnes, mais aussi quelques mamans, portant leur bébé dans leurs bras. Cependant, à la porte, quelques étincelantes limousines attestaient que l'antoinisme n'a pas converti que des pauvres.
Ce sanctuaire, que d'humbles vitraux baignent d'une clarté verte, est vraiment minuscule. Au fond, devant une chaire toute nue, se dressait une sorte de bannière figurant un arbre dont la racine plonge dans un cartouche où se lit l'inscription : « Arbre de la Science de la vue du Mal ». A côté, un portrait du père Antoine et de son épouse, le Père avec de longues moustaches, une longue barbe, de longs cheveux...
Au-dessus de la chaire, de saintes inscriptions blanches sur fond bleu :
« L'auréole de la conscience... Un seul remède peut guérir l'humanité : la foi... Ne pas aimer ses ennemis, c'est ne pas aimer Dieu... »
En avant, priaient des fidèles en costume : les « sœurs », tout de noir vêtues, avec, sur leur chevelure bien tirée, une coiffe agrémentée d'un ruché ; les « frères », gainés d'une hermétique redingote noire, et chapeautés d'un petit tromblon qui faisait songer au sombre Javert...
L'assistance, mains croisées, était sage et recueillie. Des pancartes, d'ailleurs, lui adressaient cette injonction superflue : « On ne doit pas parler dans le temple. »
Les offices antoinistes sont toujours fort simples. En ce jour anniversaire même, on ne dérogea pas aux usages. Un frère fit, d'une voix dépouillée, la lecture de l'un des textes sacrés laissés par le père, puis, après un instant de méditation, tout le monde se leva.
Alors s'organisa une procession bizarre. « Frères » et « sœurs » en costume prirent la tête, portant l'arbre de Science et l'effigie du Père et de la Mère Antoine. Suivis des autres fidèles, ils sortirent en silence sur le parvis étroit. Après un lent défilé de quelques mètres dans la rue Vergniaud, la procession rentra dans le petit temple par une porte latérale chargée de verdure nouvelle.
Ainsi fut célébrée la fête d'un homme de bien qui se plut à prêcher l'amour, la bonté, le désintéressement. En cette ère où le scepticisme mine non seulement la foi religieuse, mais encore la foi tout court, je n'ai pas trouvé cela si ridicule. – Romain Roussel.
La Revue hebdomadaire, 26 juin 1932
L'École de Douai (Le Fraterniste, 20 mars 1914)
A. J. Pierre - Le mal n'existe pas (Le Biéniste, 1er mai 1922)
J'ai étudié le magnétisme, l'hypnotisme, la suggestion, l'auto-suggestion, la télépathie, la sympathie, l'antipathie : Mes méditations, mes longues et patientes recherches et expériences m'ont convaincu de la Télépensée.
La science nous démontre que tout ce qui existe dans l'Univers est relié et conduit par une force déterminante tout ce qui est matériel à nos yeux est utile à la bonne marche de la vie.
Si j'aborde le côté spirituel, on remarque souvent dans les réunions que si quelqu'un émet une idée ; il arrive aussi très souvent que si l'on parle d'une personne absente on la voit arriver peu après ; c'est que cette personne par ses pensées, avait à son insu influencé l'assemblée.
Par des expériences on est parvenu à photographier la pensée. Certains de nos confrères ont baptisé le mot pensée par mot Psychose = Psychose de l'esprit ; Psychose de l'espace ; Psychose des désincarnés surtout.
Là, je crois qu'il y a erreur, c'est surtout la Psychose des vivants en chair et en os, qui nous influencent le plus souvent. Une preuve entre mille = les guérisons à distance.
Le mal n'existe pas = c'est notre imperfection qui le produit : jusqu'à ce jour l'humanité a été trop faible pour surmonter et lutter contre le vice.
A cause de notre imperfection, la première enveloppe fluidique entourant la terre est toujours rouge car les péchés capitaux règnent en maître.
Un penseur a dit : Que l'homme était une borne pour recevoir et capter les influences de l'espace, je dis que l'esprit de l'homme est semblable à une tour pour recevoir et transmettre à son insu, toutes les idées émises par toute la terre. Voilà comment nous sommes déterminés et déterminateurs... J'ai longtemps cru à la liberté au libre arbitre ; je suis pécheur... demain je serai sage... après demain je serai Saint, je suis armé du désir d'être bon de gagner la perfection.
Mais comme l'enfant que l'on a habillé de neuf qui est bien propre et sortant de chez lui va tomber dans la boue. Après demain, je ne serai pas Saint, je ne serai pas sage, mais encore pécheur, ainsi le veut mon Déterminisme, je suis ce que Dieu veut.
Un grand philosophe a prêché la non résistance au mal = action passive.
A présent l'Amour et la Bonté, doivent terrasser le mal = réaction active.
Puisse le Grand Déterminateur des forces bonnes inspirer aux penseurs, philosophes, religieux et spiritualistes de tous les pays d'émettre un grand désir pour que le monde devienne meilleur d'émettre des pensées d'altruisme, d'amour et surtout de Bonté. Alors certainement surgira des foules, des esprits purs qui viendront nous dicter la nouvelle loi, la véritable loi. Le Mal n'existe pas !
A. J. PIERRE.
« Stella-Blanca ».
Le Biéniste, 1er mai 1922
Donato Manduzio, le guérisseur et sa pratique
Il est intéressant de retrouver ici le motif cher à la Christian Science et aux pentecôtistes, qu'il faut s'abstenir de prendre des médicaments, la prière suffisant à délivrer le malade de son mal.
Mais, dans la pensée de Manduzio, il s'agit de quelque chose d'un peu différent : en réalité, il craint que si le malade absorbe des médicaments, on attribue à ceux-ci plutôt qu'à Dieu le mérite de la guérison. En lui, ce qui domine, c'est ce soucis que l'expérience dont le malade est l'objet se déroule dans des conditions telles que rien ne puisse mettre en doute le succès, ou hypothèse invraisemblable, l'échec de son intervention. Car, pour Manduzio, ce qui compte dans cette action religieuse, ce n'est pas tant la guérison du malade que le témoignage qu'elle porte de la vérité de Dieu. En ce sens, Donato se rattache étroitement et, pourrait-on dire, presque d'instinct, à la pensée religieuse de l'Ancien Testament, où maints exemples — il nous suffira de citer l'épisode du bûcher d'Élie (I Rois, 21-40) — illustrent un état d'esprit que l'on pourrait qualifier d'ordalique. L'ancien magicien-guérisseur est devenu l'intercesseur de Dieu, et son souci dominant est d'en prouver la grandeur.
Pour les adeptes de la Science Chrétienne, l'homme doit s'en remettre à Dieu seul pour obtenir la guérison ; toute médication est inutile car c'est seulement par l'esprit que la guérison peut intervenir.
Pour les pentecôtistes, la maladie est une possession devant laquelle la médecine est inefficace.
Pour Donato, le mal est la conséquence d'une attitude qui déplaît à Dieu, d'un comportement qui n'est pas conforme à la Loi ; la maladie est, en quelque sorte, une émanation directe de la divinité. Il s'agit donc de rétablir l'intégrité du malade par un repentir sincère et surtout par la promesse de ne plus transgresser la Loi à l'avenir.
Elena Cassin, San Nicandro, Histoire d'une conversion, p.69-70
Quai Voltaire, Paris, 1993 (cf. Recension de la première édition de 1957)
Cette posture de Donato Manduzio se rapproche également de ce que l'on peut déduire du Livre de Job.
Le temps est une illusion (Le Fraterniste, 12 septembre 1912)
Fraternelle N° 4 de Denain
M. Geiter, censeur de la Fraternelle numéro 4 de Denain (Nord), nous transmet les réflexions suivantes qui ont donné lieu à une discussion philosophique intéressante entre les différents membres de la Fraternelle.
LE TEMPS EST UNE ILLUSION
Il est impossible à tout homme de s'imaginer ce qu'est l'Infini. Je crois que personne ne peut, nier cela. Si, par exemple, pour le temps, l'on compare l'homme avec un animal minuscule comme la fourmi, une journée, c'est-à-dire vingt-quatre heures pour nous, sera, pour la fourmi, un certain nombre de fois plus longue, la valeur de cette journée serait au contraire plus courte pour un être de la taille de quelques milliers d'hommes. Voici quelques exemples qui faciliteront, la compréhension.
Comme, dans la nature, tout va relativement et en proportion, logiquement, l'être minuscule doit sentir les battements de son cœur comme nous sentons les nôtres. Si, sur la Terre, l'unité de temps conventionnelle est la seconde, en supposant qu'il y ait une seconde entre deux battements du cœur humain et un centième de seconde entre les battements d'un cœur de fourmi il ne faudrait pas croire que ce centième de seconde paraisse réellement un centième de seconde à la fourmi. Il lui semblera tout aussi long que nous semble long, à nous, le temps d'une seconde. La fourmi constatera entre chaque battement un intervalle qui aura pour elle la valeur de notre seconde, alors qu'il sera pour nous infiniment plus court.
Il résulte qu'une journée pour nous sera infiniment plus longue pour la fourmi. Je pense donc que le temps est une illusion.
A. GEITER,
78 bis, cité Cail, Denain.
Evidemment que le temps est une illusion, cher correspondant...
Lisez plutôt le passage ci-dessous de notre distingué collaborateur Léon Combes :
Les heures passent, le temps s'écoule, rapide, sans mesure appréciable pour les penseurs, les hommes habitués à la méditation.
Leur contemplation leur semble à peine commencée lorsque des heures se sont pourtant écoulées...
Par contre, l'inactif, l'homme au cerveau vide croit vivre une éternité dans chaque instant et cette éternité est réelle, car qu'est-ce, en somme, que le temps ?
L'expression d'une illusion humaine, mesure arbitraire d'une révolution plus ou moins longue des astres habités. Or, supprimez ces astres, supposez l'espace sans sphère, vide et vous supprimez du même coup tout mouvement visible, la succession du mouvement et la mesure de cette succession : le temps.
Notre système métrique est, comme toute la science physique, établi sur des hypothèses, sur des apparences : l'apparence matérielle ; sur une base enfin qui n'est pas réelle en soi et que nous admettons tous pour y échafauder nos calculs de pygmées, résoudre nos problèmes de nains.... illusions d'une illusion radicale, de Maya, la nature-protée, voile de l'Incognoscible. Dans le domaine des forces invisibles, le seul réel, le temps ni l'espace n'ont aucune valeur, puisque l'éternité et l'infini seuls existent.
COMBES LÉON.
M. Geiter et ses amis s'exercent à la méditation. Voilà qui est très bien, C'est en tous cas beaucoup plus sain et infiniment plus intéressant que d'aller boire des chopes de cabaret en cabaret, comme le font la plupart des jeunes gens de leur âge.
C'est, pour le moment, ce que nous voulons surtout retenir.
LA REDACTION.
Le Fraterniste, 12 septembre 1912
Le Guérisseur psychosique (Le Grand écho du Nord de la France, 20 novembre 1931)
Mystiques charlatans et malades
LE GUÉRISSEUR PSYCHOSIQUE
Avec celui-ci, j'ai voulu varier, et je me suis présenté chez lui sous ma véritable identité. Je m'étais dit qu'après tout, un tête à tête de ce genre ne devait pas manquer de charme. D'un côté, un journaliste sceptique par nature et curieux par profession. De l'autre, un « guérisseur ».
La situation était bien nette. En fait, deux adversaires s'affrontaient. J'avais depuis quelque temps pris mes renseignements. Je savais que ce guérisseur procédait par prières, invocations et incantations. Jamais, à moins d'être fou, il ne pourrait croire que j'admettais ses pratiques. Je venais chez lui pour connaitre la vanité de son argumentation, la disséquer et la réduire à néant.
Je m'étais figuré qu'il ne me recevrait pas. Je fus trompé, L'homme, très crâne, accepta l'entrevue.
Chez le guérisseur
C'est après la seconde visite que la femme du guérisseur, compatissante, se décide à me faire entrer :
– Il est en tournée, me dit-elle, et ne tardera pas. D'ailleurs, c'est le jour de consultation aujourd'hui. A 14 h. 30, il sera là...
J'entre. On me fait passer dans une salle d'attente pleine de bancs rangés comme à l'école enfantine, et prêts, semble-t-il, à recevoir les fidèles venus écouter la voix du Maître.
Mais, visiteur de marque, on m'introduit directement dans la salle de consultation. Et, bien installé dans un fauteuil d'osier, j'examine à loisir cet intérieur aisé où la note moderne est apportée par un appareil de T. S. F. Mes yeux se portent vers les nombreux ornements religieux suspendus aux murs. Un cadre, notamment attire - mon attention. Il représente le Christ guérissant les malades...
Dans la pièce du fond – la cuisine – deux femmes et un vieillard voisin discutent en un langage qui est loin d'être inspiré...
15 heures. Empruntant une entrée particulière, le guérisseur arrive dans la cuisine. Il vient de faire une longue route à bicyclette, sous le soleil. Sa peau, déjà bise, ruisselle de sueur. Il n'a pas de col. Sa tenue est celle d'un bon ouvrier qui, pour faire une course après sa « journée », s'est « rapproprié ». Je me suis levé. Une femme lui a dit :
– Il y a quelqu'un qui t'attend tout de suite.
Il vient vers moi, la main tendue. Je me présente à nouveau. Il sait, et je vois à son sourire qu'il est « fin prêt » comme disent les sportifs.
Alors, pendant que me parvient le bruit des consultants entrant dans la salle d'attente, j'ouvre le débat :
– Voilà, dis-je. Je fais une enquête sur les guérisseurs. J'ai déjà vu quelques-uns de vos confrères. Ils m'ont chacun indiqué leur façon de guérir, certains volontairement, d'autres parce que je me suis présenté chez eux comme malade...
Mon interlocuteur me fixe. Et ses yeux, qu'il a petits, semblent vouloir pénétrer, en vrille, dans les miens. Je sens qu'il appelle tout son art pour prendre le sérieux de la fonction et m'impressionner. Mais ses yeux ne me font pas peur. Et je plante les miens dedans, au risque de me retrouver tout à l'heure hypnotisé...
Amand MAHIEU.
(La suite en deuxième page)
LE GUÉRISSEUR PSYCHOSIQUE
(Suite de la première page)
Je continue :
– J'ai voulu savoir comment vous vous y preniez. J'ai lu sur le mur de votre maison une inscription : Institut psychosique. Qu'est-ce qu'un guérisseur psychosique ?
La vocation
– Le guérisseur psychosique, me répond-il, est un disciple de Paul Pillaut, de Sin-le-Noble, lequel avait, avant-guerre, fondé douze instituts comme celui-ci...
– Et il en reste ?
– Un seul, le mien ! Chaque institut comportait deux guérisseurs…
– Vous avez donc un collègue ici ?
– Non, je suis seul...
– Comment vous vint la vocation ?
– Voilà. En 1910, je souffrais d'une terrible maladie d'estomac. Les médecins n'avaient pu me guérir. J'entendis parler de Paul Pillaut, qui est aujourd'hui « désincarné » (il ne dit pas : mort). J'allai le trouver et il me purifia l'âme. Je restai en communion avec lui tous les matins par la prière. Et je fus guéri.
» Un peu plus tard, je me trouvais chez une de mes tantes dont le fils souffrait d'un abcès froid dans le cou. Précisément, la maman s'apprêtait à mettre des cataplasmes sur la partie malade. J'eus une inspiration.
» – Arrêtez, dis-je. Et, sans me soucier de l'ébahissement des personnes présentes, j'imposai les mains sur le cou. Le lendemain, il avait complètement disparu.
– Ah ! dis-je, vous « imposez » les mains ?
– Oui, comme le Christ.
– Pas moins ? Vous ne guérissez qu'à cette condition ?
– Non. Je puis guérir à distance, sans même connaître le malade.
Il ouvre alors un tiroir et me montre, comme le « gros malin » tout un lot de lettres bien classées...
– Voici des témoignages de guérison de personnes habitant le Centre et le Midi de la France, et que je n'ai jamais vues. Vous voyez que l'imposition des mains n'est pas nécessaire. D'ailleurs, au cours d'un Congrès récent de guérisseurs, plusieurs de mes collègues proposaient de la supprimer, pour éviter qu'on nous confondît avec certains escrocs... J'ai refusé en indiquant que nous devions être assez forts pour braver la critique...
Très curieux, ce Congrès de guérisseurs qui présente des vœux, vote des motions et réglemente de façon très humaine ce don de guérir qui leur viendrait de Dieu...
A distance
– Comment faites-vous pour guérir vos malades à distance ?
– Je leur fais parvenir ceci, m'indique-t-il en me remettant un prospectus imprimé sur lequel il est indiqué au malade de demander, tous les soirs, entre 8 et 9 heures, à Dieu – le père, est-il spécifié, – sa guérison sur le nom de Paul Pillaut, désincarné.
Tous ces malades, priant à la même heure, attirent sur eux l'attention du Créateur, par la « loi des infinités » !
Voilà le premier grand mot lâché. Ce ne sera pas le dernier : Pris par son sujet, mon guérisseur s'emballe. Il me sort des lieux communs, hérissés de liaisons défectueuses et d'aspirations déplacées. J'ai la nette conviction de me trouver en face d'un homme sans grande culture, sur qui les grands mots ont produit une forte impression, qui les a retenus et les sert à tout propos. Je comprends combien il peut éblouir certains esprits assez simples. Puis, la question délicate :
– Et, touchez-vous quelque chose pour vos soins ?
– Oui, je reçois l'argent des riches. Là-dessus, je donne à ma femme de quoi entretenir très simplement son ménage, la même somme que je gagnerais si j'étais encore mineur, et le reste je le remets aux pauvres.
Encore une fois, il prend dans un autre tiroir tout un monceau de lettres de remerciements, assure-t-il. Je n'ai pas le mauvais goût de demander à les voir.
Et je m'en vais après que le guérisseur m'eut assuré que ce n'était pas du « beuffle » ! (sans doute voulait-il dire du « bluff » ?)
A. M.
Le Grand écho du Nord de la France, 20 novembre 1931