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louis jolly

André de Lor - Révélation d'Outre-tombe (1911)

Publié le par antoiniste

André de Lorde (1869-1942), écrivain, dramaturge et scénariste     Un article de La Revue hebdomadaire (Quand les Antoinistes fêtent leur saint patron, 26 juin 1932) nous informe que l'"auteur dramatique fameux" André de Lorde serait antoiniste. L'auteur bienveillant de cet article cite également le pharmacien Louis Jolly ("un savant chimiste"), dont on est sûr de son appartenance au culte, donc pourquoi douter de ce fait. Cependant, il est impossible de trouver d'autres informations sur l'adhésion de l'écrivain à l'antoinisme. Ou s'agirait-il simplement d'un bon mot de l'auteur de l'article car ses pièces étaient notamment jouées au Théâtre Antoine ?
    André de Lorde est un écrivain, dramaturge et scénariste français, né le 11 juillet 1869 à Toulouse et mort le 6 septembre 1942 à Antibes (Alpes-Maritimes). Surnommé « le prince de la terreur », il est surtout connu grâce aux pièces qu'il a écrites pour le théâtre du Grand-Guignol. Fils d'un médecin, André de Latour, comte de Lorde, issu d'une famille d'aristocrates désargentés, devient l'auteur emblématique des pièces de Grand Guignol du début du XXe siècle. Ses pièces traitaient de la folie et de la médecine.

 

André de Lorde (par Charles Gir)
(source : wikipedia)

 

 

    On lit par ailleurs dans la Revue spirite d'octobre 1911 un article concernant le livre Révélation d'Outre-tombe par André de Lor. S'agit-il d'une confusion entre ces deux auteurs dont le nom est proche. André de Lor a participé régulièrement depuis l'année 1925 par quelques articles au Fraterniste. À droite, un article du Fraterniste du 1er mai 1924. Il signe également André de LOR-GOURSKA.

André de Lor - Révélation d'Outre-tombe (1911) 

RÉVÉLATION D’OUTRE-TOMBE (1)

Par ANDRÉ DE LOR

    L’intérêt grandissant des sciences psychiques, l’attrait qu’elles exercent, de plus en plus, non seulement sur ceux qui sont portés vers elles par le mouvement naturel de leur esprit et les inspirations qui leur ont été dictées, mais encore sur les personnes à qui, auparavant, les résultats des sciences exactes suffisaient, donnent une importance particulière aux ouvrages destinés actuellement à en assurer le développement et à en corroborer les découvertes.
    Mais, en même temps, le crédit dont jouissent, chaque année davantage, les études concernant le mécanisme et l’avenir spirituels de l’humanité, impose à ceux qui s’en font les propagateurs, des devoirs nouveaux.
    Autrefois — et il en fut ainsi à l’origine de toutes les sciences — on était tenté et on avait le droit d’accueillir toutes les manifestations de la révélation psychique, si confuses qu’elles pussent être, si mélangés qu’en fussent les éléments. Il importait, en effet, avant tout, de réunir le plus grand nombre de témoignages possible autour des principes d’une science séculaire, que le temps avait ensevelie, et à qui manquaient des preuves immédiates. Autrement dit, si, sur la foi des livres légués par les anciens peuples, et vérifiés par l’exégèse, il n'était pas permis de douter que la haute science eût existé, rien, par contre, ne nous autorisait à croire qu’elle eût encore autour de nous, des racines et fût appelée à revivre.
    C’est pourquoi, en vue d’affirmer une renaissance ardemment désirée, aucun indice ne pouvait être négligé. On chercha l’étincelle de vérité au milieu des plus troubles nuées. On accepta le torrent des folies, afin de découvrir, au fond, une parcelle de la pierre merveilleuse. Les déments et les simulateurs ne manquèrent pas. On feignit de les accueillir.
    Avant de se faire l’interprète d’une pensée que lui transmit, par la voie de l’inspiration, un être disparu, l’auteur de Révélation d'Outre-tombe ne s’était jamais adonné à de périlleuses tentatives de communications avec le monde supérieur. Il ne s’y croyait point prédisposé ; il n’avait cédé à aucune de ces fausses pratiques auxquelles succombent tant de natures faibles, sensibles aux appâts de l’illusion. Ainsi cet ouvrage est la manifestation spontanée, imprévue, soudaine, de l’au-delà, auprès d’un esprit qui n’y était nullement enclin. Cela est si vrai que M. André de Lor douta longtemps de
l’importance et de la qualité de l’apparition qu’il eut, et des paroles qu’il entendit.
    Il n’était pas, non plus, littérateur : il ne risquait donc pas d’être dupe d’un mirage que lui offrît le cours de son invention.
    Étonné, lui-même, du message qu’il recevait, dépourvu des habitudes et des habiletés à l’aide desquelles les professionnels de l’inspiration déforment ce qu’on leur communique, dénué de toute ruse littéraire, M. André de Lor, une fois qu’il la posséda, conserva sa révélation avec une piété, un respect, une docilité anxieuses. Il n’y voulut rien modifier, rien ajouter ; il eut craint de la dénaturer ; il lui garda sa précipitation parfois un peu fiévreuse, et son enthousiasme parfois un peu désordonné. Il se contenta d’en redresser les phrases qui restaient souvent en suspend, ou que l’exaltation enchevêtrait.
    A ce titre et par ces traits, l’ouvrage qui s’offre aujourd’hui au public est une transcription exacte des rapports échangés, au gré d’une volonté mystérieuse, entre une âme d’en haut et une âme d’en bas, entre un esprit de la grande Terre, et un de la petite.
    C’est là un témoignage auquel personne ne saurait refuser la sincérité, la clarté et l’éloquence.

                                                                                                                                             H. H.
(1) En vente à la Librairie des Sciences Psychiques, 1 vol, in-18. Prix : 3 fr. 50.

 


NEUF DESSINS
de Mme Marie EGOROFF (1)
(Illustrations de la Révélation d'Outre-Tombe.)

    Mme Egoroff a consacré au livre de M. André de Lor neuf planches qui forment un album séparé. Ces planches retracent les épisodes principaux de l’ouvrage. Leur langage ne suppose, pour être compris, aucune initiation préalable L’inspiration de Mme Egoroff, en effet, ne s’évade jamais hors
des spectacles auxquels est accoutumée notre vue ; c’est à eux qu’elle s’alimente. Elle ne recourt pas à des gradations difficiles de symboles qu’il faille déchiffrer, dont il faille connaître la clé avant de pouvoir y retrouver la personne humaine dans nos étapes de la naissance à la mort, de la vie matérielle à la vie spirituelle, du monde terrestre au monde supra-terrestre. Non : l’art de Mme Egoroff s’en tient aux éléments que lui offre la réalité. Le visage humain y garde l’importance qu’il a pour les peintres ; il ne subit aucune déformation hasardeuse ; il n’est assujetti à aucun remaniement dû à un effort d’abstraction. C’est sa valeur la plus naturelle interprétée d'une certaine façon qui l’oriente vers le but surnaturel qu’à travers lui, M me Egoroff veut nous faire atteindre.
    Nous avons dit à quel point l’ouvrage de M. André de Lor comporte de simplicité et de clarté. Les planches de Mme Egoroff le complètent admirablement. Le livre, illuminé par l’album, rendra facile le chemin de la compréhension à ceux qui voudront, sans parti-pris, s’y engager. Guidé par un récit, averti par des figures si humaines, pourra-t-on prêter à cette révélation un tour chimérique susceptible de faire douter de sa vérité et d’affaiblir, au détriment de la science psychique tout entière, la valeur du document exact qu’il a et sur laquelle nous tenons à insister ?
    L’art de Mme Egoroff a donc pour centre la figure humaine. Elle n’est point, ainsi qu’il arrive dans beaucoup d’œuvres de cet ordre, traitée par masses, par agglomérations, chaque face étant réduite à ses ligues fondamentales, et n’ayant de prix que pour une espèce de soumission à l’expression commune et monotone des faces voisines.
    Chez Mme Egoroff, la figure humaine conserve toute sa force particulière, tout son sens personnel. Elle s’impose, sans encombrement, en quelques types choisis dont chacun a sa physionomie propre, sa vie à lui, son indépendance. L’individualité des figures et leur intensité isolée sont les moyens par lesquels Mme Egoroff sait évoquer la multitude et l’universel, à l’encontre des habitudes de l’art sparte qui opère surtout par entassement, par effacements réciproques, par confusion. En regardant les neuf plans de la Révélation, on croirait voir des portraits, tant le détail des visages a de soin, de variété, de précision.
    Ainsi, loin de participer des divers systèmes que l’on retrouve à travers les innombrables dessins d’inspirés, et qui mettant entre eux la parenté d’une vision toujours schématique, fluide et arbitraire, l’art de Mme Egoroff détruit les qualités de composition et de consistance plastique habituelles à l’art. Cela donne à Mme Egoroff une place particulière. Son œuvre n’est pas une de ces œuvres curieuses issues d’une exaltation spéciale de l’intuition, mais qui sont situées en dehors des conditions coutumières de l’art. Elle est, au contraire, pénétrée de discipline et de tradition et garde avec la matière des choses, un lien constant.
    Pourtant, ces neuf planches auxquelles s’ajoute la couverture, inspirée d’un hématique symbole, ne pourraient être rangées, non plus, parmi les œuvres positives. Si leurs éléments sont fidèlement empruntés à ce monde, elles nous transportent, cependant, dans un autre monde, dont nous ressentons, en les contemplant, le choc, l’étonnement, la fatalité.
    A quoi cela tient-il ? Comment Mme Egoroff s’y prend-elle pour obtenir, avec des procédés réalistes, des évocations aussi irréelles ?
    Ici intervient un sentiment de la disposition des personnages, de l’éclairage de leurs figures, et du décor qui les entoure, où Mme Egoroff témoigne d’une originalité subtile et savante.
    Le corps des personnages ou n’existe pas ou se perd dans d’amples draperies, de sorte que les têtes qui seules, résistent et seules subsistent, semblent flotter en suspend, dans l’éther. Elles sont baignées, en outre, d’une lueur pâle d’auréole, d’une lueur froide et immuable qui les transforme en apparitions merveilleuses et tragiques. Le plan sur lequel elles apparaissent est un plan factice introduit dans l’échelle des plans de l’ensemble de la gravure ; il en rompt l’équilibre, y provoque des contrastes violents et éveille ainsi le trouble de l’extraordinaire et du miraculeux.
    Enfin, le décor, tout en étant construit, massif, bien réel, plonge en des zones ténébreuses. Ce ne sont que passages souterrains, cryptes secrètes, escaliers aux volutes tourmentées. C’est le domaine où la nuit couve ses fantômes. Et soudain le vol de ces grandes bêtes humaines y jaillit, imprégné de lumière ! Des accessoires aux formes inusitées, ceux mêmes dont il est question dans le livre, ajoutent à ce séjour une étrangeté qui, sans rompre avec la vie réelle, procure l’impression qu’en ces lieux on s’en échappe, on la devance, ou la domine.
    Tels sont les traits généraux de l’œuvre de Mme Egoroff.
    Le livre de M. André de Lor lui devra une confirmation puissante. Pour qu'en effet, il ait pu inspirer un ensemble de dessins aussi harmonieux et aussi déterminés, il faut que l’émotion et la démonstration qu’il renferme dépassent la conscience de son auteur, et possèdent une portée et un rayonnement général. Les dessins de Mme Egoroff ne pourront que rendre encore cette portée plus nette, et ce rayonnement plus convaincant.

1. En vente à la Librairie des Sciences Psychiques, 1 album in-4 raisin comprenant neuf planches tirées en prototype et encartées dans une couverture illustrée, le tout enfermé dans une pochette, prix : 7 fr.

Revue spirite, 1er octobre 1911, p.625 (gallica)

 

    Reproduction des planches sur le site : laporteouverte.me

André de Lor - Révélation d'Outre-Tombe (1911)

    Le même André de Lor est l'auteur d'un autre livre étonnant : Toutou chien écrivain (1920) qui raconte comment en l’An de Grâce 9999 une niche de l’An 1920 est mise à jour et son occupant en hibernation est ramené chez les vivants. Toutou Chien nous raconte alors l’histoire de l’humanité jusqu’en l’An 9999 où le règne animal-végétal-minéral domine la Terre.

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Quand les Antoinistes fêtent leur saint patron (La Revue hebdomadaire, 26 juin 1932)

Publié le par antoiniste

Quand les Antoinistes fêtent leur saint patron (La Revue hebdomadaire, 26 juin 1932)Quand les antoinistes
fêtent leur saint patron...

     Jamais peut-être les messies n'ont été moins rares qu'en notre siècle de peu de foi. Comme si le besoin s'en faisait sentir, on invente chaque jour des religions nouvelles. Parmi celles qui ont percé définitivement, une des plus connues est sans doute l'antoinisme, qu'on prétend fertile en miracles...
    L'antoinisme groupe en France et en Belgique des milliers d'adeptes, parmi lesquels on peut citer un auteur dramatique fameux, M. André de Lorde [sic], et un savant chimiste, M. Jolly.
    Les antoinistes de Paris, auxquels s'étaient joints plusieurs de leurs coreligionnaires de province, célébraient hier la fête du « Père » Antoine, à l'occasion de l'anniversaire de sa « désincarnation », survenue le 25 juin 1912.
    Rue Vergniaud, dans un temple au fin clocheton, qui évoque une chapelle gallicane, se serrait un public modeste. Beaucoup de vieilles personnes, mais aussi quelques mamans, portant leur bébé dans leurs bras. Cependant, à la porte, quelques étincelantes limousines attestaient que l'antoinisme n'a pas converti que des pauvres.
    Ce sanctuaire, que d'humbles vitraux baignent d'une clarté verte, est vraiment minuscule. Au fond, devant une chaire toute nue, se dressait une sorte de bannière figurant un arbre dont la racine plonge dans un cartouche où se lit l'inscription : « Arbre de la Science de la vue du Mal ». A côté, un portrait du père Antoine et de son épouse, le Père avec de longues moustaches, une longue barbe, de longs cheveux...
    Au-dessus de la chaire, de saintes inscriptions blanches sur fond bleu :
    « L'auréole de la conscience... Un seul remède peut guérir l'humanité : la foi... Ne pas aimer ses ennemis, c'est ne pas aimer Dieu... »
    En avant, priaient des fidèles en costume : les « sœurs », tout de noir vêtues, avec, sur leur chevelure bien tirée, une coiffe agrémentée d'un ruché ; les « frères », gainés d'une hermétique redingote noire, et chapeautés d'un petit tromblon qui faisait songer au sombre Javert...
    L'assistance, mains croisées, était sage et recueillie. Des pancartes, d'ailleurs, lui adressaient cette injonction superflue : « On ne doit pas parler dans le temple. »
    Les offices antoinistes sont toujours fort simples. En ce jour anniversaire même, on ne dérogea pas aux usages. Un frère fit, d'une voix dépouillée, la lecture de l'un des textes sacrés laissés par le père, puis, après un instant de méditation, tout le monde se leva.
    Alors s'organisa une procession bizarre. « Frères » et « sœurs » en costume prirent la tête, portant l'arbre de Science et l'effigie du Père et de la Mère Antoine. Suivis des autres fidèles, ils sortirent en silence sur le parvis étroit. Après un lent défilé de quelques mètres dans la rue Vergniaud, la procession rentra dans le petit temple par une porte latérale chargée de verdure nouvelle.
    Ainsi fut célébrée la fête d'un homme de bien qui se plut à prêcher l'amour, la bonté, le désintéressement. En cette ère où le scepticisme mine non seulement la foi religieuse, mais encore la foi tout court, je n'ai pas trouvé cela si ridicule. – Romain Roussel.

La Revue hebdomadaire, 26 juin 1932

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Simon Arbellot - Conciliabules chez les Huymansiens (1957)

Publié le par antoiniste

Simon Arbellot - Conciliabules chez les Huymansiens (1957)Auteur : Simon Arbellot
Titre : Conciliabules chez les Huymansiens
Édition : Revue des Deux Mondes (1er MAI 1957), pp. 139-143

 

    Évoque le destin de la chapelle antoiniste de la rue Christine. En 1948, les Huysmansiens ont investi la salle de lecture du Culte Antoiniste, tenue un temps par Frère Jolly depuis au moins 1925. Elle a été remplacée en 1955 par le Temple des Ternes, au Passage Roux (17e arrdt). On y parle aussi d’André Thérive, membre de la première heure du club des Huysmansiens.

 

CONCILIABULES
CHEZ LES HUYSMANSIENS

    Rue Jacob... une petite boutique de libraire à l'enseigne « Chez Durtal » ... des reliures aux ors passés... des photos, des lettres, des manuscrits... le masque mortuaire de Pascal... je ne me trompe pas, c'est bien là le sanctuaire de Joris Karl Huysmans. J'aperçois le grand prêtre du culte huysmansien, M. Pierre Lambert, au visage ascétique, assis à sa table au milieu de ses livres et qui semble écouter la confession d'un jeune homme.
    – Conseillez-moi, dit celui-ci, c'est l'époque de la conversion et de Ligugé qui, seule, m'intéresse. Est-il bien utile de me lancer dans l'œuvre entière ?
    – Lisez la préface d'A Rebours, écrite vingt-cinq ans après la première édition, vous aurez là l'essentiel de la pensée de Huysmans.
    Je suis entré sur la pointe des pieds dans la librairie et comme j'esquisse un pas en arrière, M. Pierre Lambert me fait signe de rester.
    – Vous n'êtes pas de trop, nous commençons, me dit-il.
    Et cet homme d'études qu'on dérange tout le temps ajoute en riant :
    – Vous n'osiez pas entrer... je finirai par faire poser une plaque de sonnette sur ma porte comme on en voit sur celles des presbytères, mais au lieu de « Ici, pour les sacrements », je mettrai « Ici, pour Huysmans ».
    Je regarde autour de moi. Je reconnais tout de suite un Saint Mamert en bois sculpté qui retient d'une main ses entrailles, non loin de lui un Rabelais à la tête laurée, des livres rares et, partout, des photos représentant un vieux monsieur à la barbiche blanche, une sorte de M. Folantin, fonctionnaire, « bourgeois modeste et frileux », c'est Joris Karl Huysmans. Une odeur de sacristie, un silence de bibliothèque. Je pense, malgré moi, à Jean de Bonnefon recevant, il y a trente ans, dans son rez-de-chaussée de la rue de Vaugirard, l'un après l'autre, ses pénitents. Au milieu des Christs et des statues dédorées, de candélabres et de livres d'heures, le maître, assis dans une cathèdre, donnait audience. Il portait une veste d'intérieur violette. Il était bagué d'améthyste comme un archevêque et monoclé comme M. Paul Bourget. Mais chez ce chroniqueur de la belle époque, les dieux étaient assoiffés, ici, rue Jacob, on est sérieux. Le culte de Joris Karl, comme disent ses disciples, est celui de la fidélité et après un demi-siècle nous comprenons mieux la portée de l'exemple qu'a suscité dans le monde l'illustre converti.
    M. Pierre Lambert m'a laissé un instant à mes réflexions et à mes émerveillements.
    – Tenez, me dit-il, en me désignant un fauteuil de cuir, c'est là que votre ami Léo Larguier venait s'asseoir, en fin de journée, pour me parler de la tour Saint-Sulpice et du sonneur de cloches Carhaix. En voilà un qui connaissait Huysmans et qui l'aimait ! Il en savait des pages par cœur et me les récitait de sa belle voix romantique. S'étant enquis de mes dernières découvertes, de la lettre inédite, du texte inconnu, des cotes récentes des manuscrits à l'hôtel Drouot, de la vie de la société, il reprenait son bâton, coiffait son haut feutre en ayant bien soin de laisser échapper quelques mèches rebelles et disparaissait au coin de la rue de Furstemberg à la recherche de son rêve.
    – Je sais, moi, où il allait en vous quittant : chez Henri Martineau parler de la Sansévérina, ou chez Marcel Bouteron, à l'Institut, prendre des nouvelles de Mme de Nucingen ou encore chez son ami Martine, aux Beaux-Arts, pour verser, de concert, quelques larmes posthumes sur Emma Bovary. Ses seules amours.
    Que Léo Larguier, ce huguenot des Cévennes, ait pu être trouble par Huysmans ne saurait nous surprendre. J'ai trouvé dans le bulletin de la société quelques lignes de lui qui montrent à quel point l'avait frappé la description de la vie dans la fameuse tour de Saint-Sulpice.
    « ... il y a des soirs naufragés d'hiver, écrivait-il, où je me dis souvent qu'il ferait bon, dans un logis coi de la provinciale rue Férou, à deux pas de Saint-Sulpice, d'être, défrayé de tout ce qui encombre la vie, un monsieur prêtre, plus amateur de littérature que de théologie, dorloté par une gouvernante tyrannique, érudit, gastronome, bibliophile et lisant au coin du feu Barbey d'Aurevilly et Huysmans dans leurs bonnes éditions... »

    Mais je ne suis pas venu « chez Durtal » pour rêver, sinon pour prendre, moi aussi, des nouvelles de la a Société Joris Karl Huysmans qui se prépare à fêter le cinquantième anniversaire de l'auteur de La Cathédrale. Je sais, bien sûr, qu'elle date de 1927 mais que, dès 1919, il existait un « Huysmans-Club assez mystérieux et plutôt initiatique. Je connais les noms de ces huysmansiens des débuts, Lucien Descaves, Paul Bourget, l'abbé Bremond, Forain, le chanoine Mugnier, André Thérive, Valette, et d'autres qui surent attirer à eux tant et tant de personnalités diverses, unies dans la même pensée.
    – Aujourd'hui, me dit M. Pierre Lambert, nous comptons trois cent cinquante membres, nous avons publié trente-trois bulletins et nous restons en contact permanent. Venez jeudi prochain à notre réunion mensuelle rue Christine, un quartier que Huysmans a peu quitté. Nous nous réunissons dans une salle de la « Reine Christine », sur l'emplacement d'une ancienne chapelle antoiniste.
    Le jeune homme nous a quittés depuis un instant, mais nous n'allons pas rester longtemps seuls. Voici une visite. C'est un « fidèle » à la recherche d'un livre rare, mais on sent qu'il a, aussi, quelque chose d'important à dire.
    – Un ami belge, murmure-t-il d'une voix émue, m'assure que le Chapitre de Bruges va se décider à parler.
    – N'y comptez pas trop, lui répond M. Pierre Lambert.
    La glace est rompue. Ainsi j'apprends que le chanoine Docre a vraiment existé sous le nom du chanoine van Haecke, prêtre satanique sur lequel un dossier accablant existe dans la ville des Memling et du Saint Sang. Les chanoines de Bruges, eux, connaissent la vérité. Il parait qu'ils vont enfin parler.
    Plein d'illusions, le fidèle est parti. Nous voici seuls. Pierre Lambert me parle de sa collection d'autographes qui se monte à plus de quatre cents lettres, des éditions rares qu'il possède. Il avait dix-huit ans quand il a découvert Là-Bas. Depuis il a vécu sans cesse avec Huysmans par la pensée. Mais comment s'est-il procuré ce titre de bachelier de Joris Karl, sa blague à tabac japonaise, celle même qu'on voit dans les mains de des Hermies ? Le dieu seul de la brocante le sait.
    Dans l'arrière-boutique, sur un rayon profond, au milieu des livres, M. Pierre Lambert me conduit devant un large coffret carré, habillé de drap rouge avec une porte ornée de cours en bois sculpté : c'est le tabernacle de Julie Thibault, la servante de Huysmans, et qui se trouvait dans sa chambre de bonne de la rue de Sèvres.
    Initiée du rituel des sacrifices du Carmel Eliaque, cette Julie Thibault se disait voyante et Huysmans s'en méfiait. Il savait fort bien que, là-haut, elle célébrait un culte et consacrait sous les trois espèces du pain, du vin rouge et de la lumière. Il laissait faire.
    M. Pierre Lambert, doucement, a ouvert la porte du tabernacle ; j'aperçois, suspendus au fond, hors de portée de la main, quelques médaillons de verre contenant des hosties. Je recule instinctivement, un peu gêné.
    – Rassurez-vous, me dit M. Pierre Lambert, elles ne sont pas consacrées, c'est l'avis des prêtres qui sont venus ici.
    Je voudrais être ailleurs. J'apprends alors que Julie Thibault n'est autre que la Céleste Bavoil de l'Oblat et de la Cathédrale. Je respire mieux, la littérature l'emporte...
    – A jeudi !
    – A jeudi, Durtal, pardon ! Monsieur Lambert.

*
*   *

    Maître Maurice Garçon, l'avocat du diable, a chaussé ses larges lunettes. Cet homme jeune encore que l'on a accoutumé de voir plutôt sourire dans la vie, occupe, avec le sérieux d'un chanoine capitulaire, la présidence des amis de J. K. Huysmans dans ce qui fut la chapelle antoiniste. Nous sommes rue Christine, à l'enseigne de la « Reine Christine », où la maîtresse de céans, la bonne Mme Deudon, la cuisinière au grand cœur chantée par Léon Daudet, donne chaque mois asile aux huysmansiens plus avides de nourritures spirituelles que des siennes. Peu importe puisqu'en ces lieux le parfum des sauces l'emporte tout de même sur celui de l'encens.
    C'est donc Maitre Maurice Garçon qui a succédé à Lucien Descaves et apporte à la vie de la Société J. K. Huysmans ce dynamisme qui a marqué sa carrière d'avocat. Faut-il, lui aussi, qu'il l'aime ce Joris Karl Huysmans pour lui consacrer un temps précieux ! Il y a là, dans la salle de la « Reine Christine », autour des petites tables du restaurant, une soixantaine de personnes de tous âges et de toutes conditions. Les grands ténors, ceux dont les noms sont inséparables de toute idée de comité de patronage, ne sont pas là. A part les membres du bureau, je ne mets aucun nom sur ces visages. Il y a des femmes, des hommes, des jeunes gens qui viennent entendre parler et parler eux-mêmes de celui qu'ils appellent familièrement Joris Karl tout en buvant une orangeade. Le secrétaire lit le compte rendu de la dernière séance et la parole, ce jour-là, est donnée à un jeune étudiant pour une communication. Je tombe bien, le sujet est amusant et imprévu pour moi : les relations entre Huysmans et Jean Lorrain. On apprend tous les jours quelque chose de nouveau. On apprend surtout que l'auteur frivole de Monsieur de Phocas, si oublié ! n'était peut-être point si fol qu'il le paraissait au café Napolitain, et que sous des dehors criants il cachait une âme inquiète. Ses lettres à Huysmans, dont on nous lit des extraits, sont empreintes de sincérité et l'amitié que l'auteur de l'Oblat lui rendait ne saurait être suspecte de complaisance.

Oui, on en apprend des choses, rue Christine ! Figurez-vous que pendant l'occupation (c'est un « sociétaire » qui parle), un bibliophile niçois est perquisitionné par la Gestapo, qui découvre toute l'ouvre de J. K. Huysmans à la place d'honneur. Huysmans ! Le policier fait la grimace, voilà un nom qui ne sent pas son pur aryen. Soudain, sur un rayon voisin, son attention est attiré par une belle reliure sur laquelle il lit La Jérusalem délivrée. Plus de doute cette fois : la bibliothèque entière est confisquée.
    Revenons aux choses sérieuses. On parle maintenant de M. Folantin, l'un des nombreux hypostases, au dire de M. F.-E. Fabre, de Joris Karl « romancier de soi-même »...
    Sait-on combien Là-Bas, paru en feuilleton à l'Echo de Paris, fut payé à Huysmans ? Cinquante centimes la ligne, avait dit M. Gérard Bauer, quarante rectifie M. Pierre Lambert... C'est Jules Destrée qui avait fait connaître à Huysmans les Chants de Maldoror. Il les avait aimés, mais il ne put s'empêcher d'écrire : « Que diable pouvait faire dans la vie l'homme qui a écrit d'aussi terribles rêves ? »... On parle aussi d'Edmond de Goncourt pour lequel Huysmans professait une grande admiration. On a retrouvé de belles lettres à ce sujet. Histoire, petite histoire, tout est bon aux fidèles d'Huysmans qui veulent toujours en savoir davantage sur leur idole. Et cette chasse à l'anecdote, au document se trouve résumée dans les trente-trois bulletins que j'ai parcourus « Chez Durtal » et qui nous conduisent de la rue de Sèvres à la rue Saint-Placide en passant par Ligugé, du naturalisme à la mystique catholique, de la critique d'art au symbolisme archéologique jusqu'à l'occultisme...
    Je suis frappé du côté sérieux de ces huysmansiens réunis à « La Reine Christine ». Là, La Cathédrale l'emporte nettement sur la messe noire et chacun de ces fidèles se préoccupe plus de la prochaine cérémonie anniversaire que des excentricités de Julie Thibault. Ici on ne connait que Céleste Bavoil. C'est à peine si j'ai entendu prononcer le nom de Des Esseintes et personne ne m'a proposé d'aller au « Britannia » diner d'une tranche de roastbeef et d'une pinte de stout. Mais chacun s'est quitté en se donnant rendez-vous à la messe en cette chère église Saint-Séverin, où, comme disait Huysmans, « l'âme des voûtes existe ».

                                                                          SIMON ARBELLOT.

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le pharmacien Louis Jolly, et la salle de lecture de la rue Christine

Publié le par antoiniste

le pharmacien Louis Jolly, et la salle de lecture de la rue Christine

    On apprend l'existence d'un pharmacien du nom Louis Henri Jolly qui était antoiniste. Son père Léon Jolly, également pharmacien, dans le village natale Sézanne (dans la Marne). Il se maria en 1902 à Paris avec une dénommée Gabrielle Corbran. Il habite alors rue Monttessuy, dans le 7e arrondissement.

le pharmacien Louis Jolly, et la salle de lecture de la rue Christine

    Sa boutique fait faillite en 1904 comme nous l'indique des encarts de journaux. C'est alors qu'on le retrouve par le recensement de 1926 habitant au numéro 1, rue Christine, avec son épouse Gabrielle (née Corbran) et leur fille, Lucienne, née en 1912. On les y retrouvent encore dans le recensement de 1936.

le pharmacien Louis Jolly, et la salle de lecture de la rue Christine

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Jolly, rue du Pré Saint-Gervais (Bulletin municipal officiel de la Ville de Paris 20 oct 1931)

Publié le par antoiniste

Jolly, rue du Pré Saint-Gervais (Bulletin municipal officiel de la Ville de Paris 20 oct 1931)

                 Le Préfet de la Seine,

    Vu la loi du 22 juillet 1912 relative à l'assainissement des voies privées ;
    Vu les lois des 15 février 1902 et 7 avril 1903 sur la protection de la santé publique ;
    Vu les arrêtés des 26 septembre 1929 et 29 avril 1931 enjoignant aux propriétaires riverains de la petite rue des Lilas, actuellement rue Janssen, et notamment à M. Jolly, représentant l'association cultuelle Antoiniste, et à M. Passot, de se constituer en syndicat et de désigner un syndic à l'effet de faire exécuter dans cette voie privée divers travaux d'assainissement ;
    Vu les lettres de MM. Jolly et Passot faisant connaître que les immeubles ne sont pas riverains de la rue Janssen, le terrain bordant ces immeubles ayant été acquis par la Ville de Paris ;
    Vu le plan cadastral de la petite rue des Lilas, actuellement rue Janssen ;
    Sur la proposition du Directeur de l'Hygiène, du Travail et de la Prévoyance sociale,

                Arrête :

    Article premier. – L'association cultuelle Antoiniste représentée par M. Jolly, d'une part, et M. Passot, d'autre part, ne sont pas tenus de se conformer aux prescriptions des arrêtés des 26 septembre 1929 et 29 avril 1931 dont l'art. 1er est modifié en ce qui les concerne par le présent arrêté.
    Art. 2. – Copie du présent arrêté sera adressée à :

    1° M. le Directeur général des Travaux ;
    2° M. le Receveur municipal ;
    3° M. le Directeur du Contrôle central et des Contributions ;
    4° M. Dudillieux, syndic ;
    5° MM. Jolly et Passot.

    Fait à Paris, le 24 septembre 1931.

                Pour le Préfet et par délégation :

                     Le Directeur de l'Hygiène,
              du Travail et de la Prévoyance sociale,

                            J. FRANCESCHINI.

Bulletin municipal officiel de la Ville de Paris, 20 octobre 1931

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Salle de Lecture rue Christine/rue des Grands-Augustins (Paris)

Publié le par antoiniste

    On apprend par des informations indirectes qu'une salle de lecture à Paris 6e a existé dans la rue Christine.
   En effet, bans le bulletin Municipal officiel du samedi 19 octobre 1929, M. Jolly représentait la Cultuelle antoiniste fait un don.
   Enfin, Gabriel-Ursin Langé consacre un article sur "Les Antoinistes rue Christine",  dans le Bulletin de la Société J.‑K. Huysmans (n° 27, 1954, p. 111-112,).
    On sait par Maurice Colinon qu'en 1953 (Faux prophètes et sectes d'aujourd'hui, Plon, Paris), une salle de lecture se trouvait également dans la rue des Grands-Augustins, perpendiculaire à la rue Christine. Est-ce la même donnant sur les deux rues ?

    Dans tous les cas, le 27 mars 1955 on ouvre le 3e Temple parisien du Passage Roux (dans le 17e), donc loin de cette salle de lecture.
  

Salle de Lecture rue Christine/rue des Grands-Augustins (Paris)

 

Paris - angle rues Christine et des Grands-Augustins, Eugène Atget, 1911 (parismuseescollections.paris.fr)

Salle de Lecture rue Christine/rue des Grands-Augustins (Paris)

Paris - angle rues Christine et des Grands-Augustins, 2000 (google-maps)

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