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rue des grands-augustins

Culte antoiniste, rue des Grands-Augustins (Paris-adresses, 1er janvier 1931)

Publié le par antoiniste

Culte antoiniste, rue des Grands-Augustins (Paris-adresses, 1er janvier 1931))

Adresse de la salle de lecture, remplacée par le Temple du passage Roux construit en 1955,
dans le Paris-adresses du 1er janvier 1931.

Bizarrement le 2e Temple de la rue du Pré-Saint-Garvais, construit en 1928, n'est pas indiqué à côté du 1er Temple de la rue Vergniaud.

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André Billy - Le culte huysmansien dans une ancienne chapelle antoiniste

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André Billy - Le culte huysmansien dans une ancienne chapelle antoiniste (in Le Figaro Littéraire, 21 mai 1955)

FRENCH Vll BIBLIOGRAPHY, 8,
For the Study of Contemporary French Litetarure, MIT Press
source : GoogleBooks

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Guillaume Apollinaire - Lundi, rue Christine (1918)

Publié le par antoiniste

     « Lundi rue Christine », de Guillaume Apollinaire, inclut des bribes de conversation entendues dans les cafés, notamment, donc celui, à côté de la salle de lecture antoiniste, au coin avec la rue des Grands-Augustins.



La mère de la concierge et la concierge laisseront tout passer
Si tu es un homme tu m’accompagneras ce soir
Il suffirait qu’un type maintînt la porte cochère
Pendant que l’autre monterait

Trois becs de gaz allumés
La patronne est poitrinaire
Quand tu auras fini nous jouerons une partie de jacquet
Un chef d’orchestre qui a mal à la gorge
Quand tu viendras à Tunis je te ferai fumer du kief

Ça a l’air de rimer

Des piles de soucoupes des fleurs un calendrier
Pim pam pim
Je dois fiche près de 300 francs à ma probloque
Je préférerais me couper le parfaitement que de les lui donner

Je partirai à 20 h. 27
Six glaces s’y dévisagent toujours
Je crois que nous allons nous embrouiller encore davantage

Cher monsieur
Vous êtes un mec à la mie de pain
Cette dame a le nez comme un ver solitaire
Louise a oublié sa fourrure
Moi je n’ai pas de fourrure et je n’ai pas froid
Le danois fume sa cigarette en consultant l’horaire
Le chat noir traverse la brasserie

Ces crêpes étaient exquises
La fontaine coule
Robe noire comme ses ongles
C’est complètement impossible
Voici monsieur
La bague en malachite
Le sol est semé de sciure
Alors c’est vrai
La serveuse rousse a été enlevée par un libraire

Un journaliste que je connais d’ailleurs très vaguement

Écoute Jacques c’est très sérieux ce que je vais te dire

Compagnie de navigation mixte

Il me dit monsieur voulez-vous voir ce que je peux faire d’eaux-fortes et de tableaux
Je n’ai qu’une petite bonne

Après déjeuner café du Luxembourg

Une fois là il me présente un gros bonhomme
Qui me dit
Écoutez c’est charmant
À Smyrne à Naples en Tunisie
Mais nom de Dieu où est-ce
La dernière fois que j’ai été en Chine
C’est il y a huit ou neuf ans
L’Honneur tient souvent à l’heure que marque la pendule
La quinte major


Guillaume Apollinaire, Ondes, in Calligrammes (1918)

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Simon Arbellot - Conciliabules chez les Huymansiens (1957)

Publié le par antoiniste

Simon Arbellot - Conciliabules chez les Huymansiens (1957)Auteur : Simon Arbellot
Titre : Conciliabules chez les Huymansiens
Édition : Revue des Deux Mondes (1er MAI 1957), pp. 139-143

 

    Évoque le destin de la chapelle antoiniste de la rue Christine. En 1948, les Huysmansiens ont investi la salle de lecture du Culte Antoiniste, tenue un temps par Frère Jolly depuis au moins 1925. Elle a été remplacée en 1955 par le Temple des Ternes, au Passage Roux (17e arrdt). On y parle aussi d’André Thérive, membre de la première heure du club des Huysmansiens.

 

CONCILIABULES
CHEZ LES HUYSMANSIENS

    Rue Jacob... une petite boutique de libraire à l'enseigne « Chez Durtal » ... des reliures aux ors passés... des photos, des lettres, des manuscrits... le masque mortuaire de Pascal... je ne me trompe pas, c'est bien là le sanctuaire de Joris Karl Huysmans. J'aperçois le grand prêtre du culte huysmansien, M. Pierre Lambert, au visage ascétique, assis à sa table au milieu de ses livres et qui semble écouter la confession d'un jeune homme.
    – Conseillez-moi, dit celui-ci, c'est l'époque de la conversion et de Ligugé qui, seule, m'intéresse. Est-il bien utile de me lancer dans l'œuvre entière ?
    – Lisez la préface d'A Rebours, écrite vingt-cinq ans après la première édition, vous aurez là l'essentiel de la pensée de Huysmans.
    Je suis entré sur la pointe des pieds dans la librairie et comme j'esquisse un pas en arrière, M. Pierre Lambert me fait signe de rester.
    – Vous n'êtes pas de trop, nous commençons, me dit-il.
    Et cet homme d'études qu'on dérange tout le temps ajoute en riant :
    – Vous n'osiez pas entrer... je finirai par faire poser une plaque de sonnette sur ma porte comme on en voit sur celles des presbytères, mais au lieu de « Ici, pour les sacrements », je mettrai « Ici, pour Huysmans ».
    Je regarde autour de moi. Je reconnais tout de suite un Saint Mamert en bois sculpté qui retient d'une main ses entrailles, non loin de lui un Rabelais à la tête laurée, des livres rares et, partout, des photos représentant un vieux monsieur à la barbiche blanche, une sorte de M. Folantin, fonctionnaire, « bourgeois modeste et frileux », c'est Joris Karl Huysmans. Une odeur de sacristie, un silence de bibliothèque. Je pense, malgré moi, à Jean de Bonnefon recevant, il y a trente ans, dans son rez-de-chaussée de la rue de Vaugirard, l'un après l'autre, ses pénitents. Au milieu des Christs et des statues dédorées, de candélabres et de livres d'heures, le maître, assis dans une cathèdre, donnait audience. Il portait une veste d'intérieur violette. Il était bagué d'améthyste comme un archevêque et monoclé comme M. Paul Bourget. Mais chez ce chroniqueur de la belle époque, les dieux étaient assoiffés, ici, rue Jacob, on est sérieux. Le culte de Joris Karl, comme disent ses disciples, est celui de la fidélité et après un demi-siècle nous comprenons mieux la portée de l'exemple qu'a suscité dans le monde l'illustre converti.
    M. Pierre Lambert m'a laissé un instant à mes réflexions et à mes émerveillements.
    – Tenez, me dit-il, en me désignant un fauteuil de cuir, c'est là que votre ami Léo Larguier venait s'asseoir, en fin de journée, pour me parler de la tour Saint-Sulpice et du sonneur de cloches Carhaix. En voilà un qui connaissait Huysmans et qui l'aimait ! Il en savait des pages par cœur et me les récitait de sa belle voix romantique. S'étant enquis de mes dernières découvertes, de la lettre inédite, du texte inconnu, des cotes récentes des manuscrits à l'hôtel Drouot, de la vie de la société, il reprenait son bâton, coiffait son haut feutre en ayant bien soin de laisser échapper quelques mèches rebelles et disparaissait au coin de la rue de Furstemberg à la recherche de son rêve.
    – Je sais, moi, où il allait en vous quittant : chez Henri Martineau parler de la Sansévérina, ou chez Marcel Bouteron, à l'Institut, prendre des nouvelles de Mme de Nucingen ou encore chez son ami Martine, aux Beaux-Arts, pour verser, de concert, quelques larmes posthumes sur Emma Bovary. Ses seules amours.
    Que Léo Larguier, ce huguenot des Cévennes, ait pu être trouble par Huysmans ne saurait nous surprendre. J'ai trouvé dans le bulletin de la société quelques lignes de lui qui montrent à quel point l'avait frappé la description de la vie dans la fameuse tour de Saint-Sulpice.
    « ... il y a des soirs naufragés d'hiver, écrivait-il, où je me dis souvent qu'il ferait bon, dans un logis coi de la provinciale rue Férou, à deux pas de Saint-Sulpice, d'être, défrayé de tout ce qui encombre la vie, un monsieur prêtre, plus amateur de littérature que de théologie, dorloté par une gouvernante tyrannique, érudit, gastronome, bibliophile et lisant au coin du feu Barbey d'Aurevilly et Huysmans dans leurs bonnes éditions... »

    Mais je ne suis pas venu « chez Durtal » pour rêver, sinon pour prendre, moi aussi, des nouvelles de la a Société Joris Karl Huysmans qui se prépare à fêter le cinquantième anniversaire de l'auteur de La Cathédrale. Je sais, bien sûr, qu'elle date de 1927 mais que, dès 1919, il existait un « Huysmans-Club assez mystérieux et plutôt initiatique. Je connais les noms de ces huysmansiens des débuts, Lucien Descaves, Paul Bourget, l'abbé Bremond, Forain, le chanoine Mugnier, André Thérive, Valette, et d'autres qui surent attirer à eux tant et tant de personnalités diverses, unies dans la même pensée.
    – Aujourd'hui, me dit M. Pierre Lambert, nous comptons trois cent cinquante membres, nous avons publié trente-trois bulletins et nous restons en contact permanent. Venez jeudi prochain à notre réunion mensuelle rue Christine, un quartier que Huysmans a peu quitté. Nous nous réunissons dans une salle de la « Reine Christine », sur l'emplacement d'une ancienne chapelle antoiniste.
    Le jeune homme nous a quittés depuis un instant, mais nous n'allons pas rester longtemps seuls. Voici une visite. C'est un « fidèle » à la recherche d'un livre rare, mais on sent qu'il a, aussi, quelque chose d'important à dire.
    – Un ami belge, murmure-t-il d'une voix émue, m'assure que le Chapitre de Bruges va se décider à parler.
    – N'y comptez pas trop, lui répond M. Pierre Lambert.
    La glace est rompue. Ainsi j'apprends que le chanoine Docre a vraiment existé sous le nom du chanoine van Haecke, prêtre satanique sur lequel un dossier accablant existe dans la ville des Memling et du Saint Sang. Les chanoines de Bruges, eux, connaissent la vérité. Il parait qu'ils vont enfin parler.
    Plein d'illusions, le fidèle est parti. Nous voici seuls. Pierre Lambert me parle de sa collection d'autographes qui se monte à plus de quatre cents lettres, des éditions rares qu'il possède. Il avait dix-huit ans quand il a découvert Là-Bas. Depuis il a vécu sans cesse avec Huysmans par la pensée. Mais comment s'est-il procuré ce titre de bachelier de Joris Karl, sa blague à tabac japonaise, celle même qu'on voit dans les mains de des Hermies ? Le dieu seul de la brocante le sait.
    Dans l'arrière-boutique, sur un rayon profond, au milieu des livres, M. Pierre Lambert me conduit devant un large coffret carré, habillé de drap rouge avec une porte ornée de cours en bois sculpté : c'est le tabernacle de Julie Thibault, la servante de Huysmans, et qui se trouvait dans sa chambre de bonne de la rue de Sèvres.
    Initiée du rituel des sacrifices du Carmel Eliaque, cette Julie Thibault se disait voyante et Huysmans s'en méfiait. Il savait fort bien que, là-haut, elle célébrait un culte et consacrait sous les trois espèces du pain, du vin rouge et de la lumière. Il laissait faire.
    M. Pierre Lambert, doucement, a ouvert la porte du tabernacle ; j'aperçois, suspendus au fond, hors de portée de la main, quelques médaillons de verre contenant des hosties. Je recule instinctivement, un peu gêné.
    – Rassurez-vous, me dit M. Pierre Lambert, elles ne sont pas consacrées, c'est l'avis des prêtres qui sont venus ici.
    Je voudrais être ailleurs. J'apprends alors que Julie Thibault n'est autre que la Céleste Bavoil de l'Oblat et de la Cathédrale. Je respire mieux, la littérature l'emporte...
    – A jeudi !
    – A jeudi, Durtal, pardon ! Monsieur Lambert.

*
*   *

    Maître Maurice Garçon, l'avocat du diable, a chaussé ses larges lunettes. Cet homme jeune encore que l'on a accoutumé de voir plutôt sourire dans la vie, occupe, avec le sérieux d'un chanoine capitulaire, la présidence des amis de J. K. Huysmans dans ce qui fut la chapelle antoiniste. Nous sommes rue Christine, à l'enseigne de la « Reine Christine », où la maîtresse de céans, la bonne Mme Deudon, la cuisinière au grand cœur chantée par Léon Daudet, donne chaque mois asile aux huysmansiens plus avides de nourritures spirituelles que des siennes. Peu importe puisqu'en ces lieux le parfum des sauces l'emporte tout de même sur celui de l'encens.
    C'est donc Maitre Maurice Garçon qui a succédé à Lucien Descaves et apporte à la vie de la Société J. K. Huysmans ce dynamisme qui a marqué sa carrière d'avocat. Faut-il, lui aussi, qu'il l'aime ce Joris Karl Huysmans pour lui consacrer un temps précieux ! Il y a là, dans la salle de la « Reine Christine », autour des petites tables du restaurant, une soixantaine de personnes de tous âges et de toutes conditions. Les grands ténors, ceux dont les noms sont inséparables de toute idée de comité de patronage, ne sont pas là. A part les membres du bureau, je ne mets aucun nom sur ces visages. Il y a des femmes, des hommes, des jeunes gens qui viennent entendre parler et parler eux-mêmes de celui qu'ils appellent familièrement Joris Karl tout en buvant une orangeade. Le secrétaire lit le compte rendu de la dernière séance et la parole, ce jour-là, est donnée à un jeune étudiant pour une communication. Je tombe bien, le sujet est amusant et imprévu pour moi : les relations entre Huysmans et Jean Lorrain. On apprend tous les jours quelque chose de nouveau. On apprend surtout que l'auteur frivole de Monsieur de Phocas, si oublié ! n'était peut-être point si fol qu'il le paraissait au café Napolitain, et que sous des dehors criants il cachait une âme inquiète. Ses lettres à Huysmans, dont on nous lit des extraits, sont empreintes de sincérité et l'amitié que l'auteur de l'Oblat lui rendait ne saurait être suspecte de complaisance.

Oui, on en apprend des choses, rue Christine ! Figurez-vous que pendant l'occupation (c'est un « sociétaire » qui parle), un bibliophile niçois est perquisitionné par la Gestapo, qui découvre toute l'ouvre de J. K. Huysmans à la place d'honneur. Huysmans ! Le policier fait la grimace, voilà un nom qui ne sent pas son pur aryen. Soudain, sur un rayon voisin, son attention est attiré par une belle reliure sur laquelle il lit La Jérusalem délivrée. Plus de doute cette fois : la bibliothèque entière est confisquée.
    Revenons aux choses sérieuses. On parle maintenant de M. Folantin, l'un des nombreux hypostases, au dire de M. F.-E. Fabre, de Joris Karl « romancier de soi-même »...
    Sait-on combien Là-Bas, paru en feuilleton à l'Echo de Paris, fut payé à Huysmans ? Cinquante centimes la ligne, avait dit M. Gérard Bauer, quarante rectifie M. Pierre Lambert... C'est Jules Destrée qui avait fait connaître à Huysmans les Chants de Maldoror. Il les avait aimés, mais il ne put s'empêcher d'écrire : « Que diable pouvait faire dans la vie l'homme qui a écrit d'aussi terribles rêves ? »... On parle aussi d'Edmond de Goncourt pour lequel Huysmans professait une grande admiration. On a retrouvé de belles lettres à ce sujet. Histoire, petite histoire, tout est bon aux fidèles d'Huysmans qui veulent toujours en savoir davantage sur leur idole. Et cette chasse à l'anecdote, au document se trouve résumée dans les trente-trois bulletins que j'ai parcourus « Chez Durtal » et qui nous conduisent de la rue de Sèvres à la rue Saint-Placide en passant par Ligugé, du naturalisme à la mystique catholique, de la critique d'art au symbolisme archéologique jusqu'à l'occultisme...
    Je suis frappé du côté sérieux de ces huysmansiens réunis à « La Reine Christine ». Là, La Cathédrale l'emporte nettement sur la messe noire et chacun de ces fidèles se préoccupe plus de la prochaine cérémonie anniversaire que des excentricités de Julie Thibault. Ici on ne connait que Céleste Bavoil. C'est à peine si j'ai entendu prononcer le nom de Des Esseintes et personne ne m'a proposé d'aller au « Britannia » diner d'une tranche de roastbeef et d'une pinte de stout. Mais chacun s'est quitté en se donnant rendez-vous à la messe en cette chère église Saint-Séverin, où, comme disait Huysmans, « l'âme des voûtes existe ».

                                                                          SIMON ARBELLOT.

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La lecture ''antoiniste'' (La Liberté, 29 juillet 1934)

Publié le par antoiniste

La lecture ''antoiniste'' (La Liberté, 29 juillet 1934)

« TOI QUI VAS TES GUETRES TRAINANT »

La lecture "antoiniste"

    C'est à l'angle des rues des Grands-Augustins et Christine.
    Une pancarte, modeste, apprend aux passants qu'ils peuvent assister, tous les jeudis, à 19 h. 30, gratuitement, à une lecture de l'Enseignement du Père. Tout le monde y est admis. On entre par la rue des Grands-Augustins ; pour les renseignements concernant le culte « antoiniste », c'est à la porte de la rue Christine qu'il faut frapper – porte qui est celle du laboratoire d'un fabricant de produits chimiques.
    La chapelle antoiniste est connue dans le quartier ; tous les gardiens de la paix de l'arrondissement vous l'indiqueront.

*
**

    Vous entrez, presque de plain-pied, dans une salle rectangulaire propre ce comme une salle d'opération, aux murs gris jusqu'à mi-hauteur et blancs dans leur partie supérieure, meublée de quatre bancs et d'une chaire, pareille à celle des instituteurs, recouverte d'un sombre tapis vert. Aux murs, un œil de bœuf et quelques inscriptions encadrées, dont une sur fond bleu : « Le Père, le grand guérisseur de l'humanité pour celui qui a la foi. » Autres inscriptions : « On ne doit pas parler dans la salle », « Pour comprendre l'enseignement du Père, il faut pratiquer les lectures », « Tout adepte qui fait payer sa prière n'est plus d'accord avec la loi divine », « L'enseignement du Père est basé sur l'amour, la foi et le désintéressement. Nous ne sommes divises que par l'intérêt » ; au-dessus de la chaire : « L'arbre de la science de la vue du mal » et, sur un tableau noir, d'autres principes de l'enseignement du Père.
     – Mais, me demandez-vous, de quel Père s'agit-il ? Je vous réponds : « Patience. »
    Cinq personnes attendent, dans la pénombre et le silence, l'heure de la lecture : quatre femmes qui, pour attendre, ne trouvent pas d'autre attitude que celle que l'on a dans les églises avant la messe ; un homme à longue barbe et longue chevelure – c'est, apprendrons-nous, un musulman de grande culture, qui fréquente régulièrement cette salle dont l'atmosphère lui est agréable.
    Les bruits du soir emplissent la rue. A l'intérieur, le silence.
    Sept heures et demie. Le « servant » gagne la chaire. Il a passé, par-dessus son costume de ville, une façon de redingote noire boutonnée jusque sous le menton, qui lui arrive au-dessus du genou et lui donne l'air d'un quaker. Sa femme garde la porte, dans son costume de « servante » : longue robe noire et sur la tête, un de ces petits chapeaux comme en portent encore les vieilles femmes du Nord et que l'on appelle, je crois, des « capelines ».

*
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    Debout, le menton posé sur ses mains refermées, l'une recouvrant l'autre, le servant se recueille, prie.
    Il lit maintenant, dans la pénombre toujours, et nous notons, mal, au passage, quelques phrases de la lecture du jour : « Je dis que la solidarité est le principe de la création... Nous ne pouvons nous améliorer que par l'épreuve, sans laquelle il n'est pas d'avancement et, pour ce, le contact de nos semblables est indispensable : voilà la solidarité...
    La lecture terminée – elle dure un quart d'heure – tout le monde se retire.

*
**

    – Mais qui est le Père ?...
    C'est le « père Antoine », qui naquit à Mons-Crotteux dans la province de Liége, en 1846, de parents pauvres. Cadet de onze enfants, il accompagne tout jeune son père à la mine. Devenu ouvrier métallurgiste, il voyage en Allemagne et en Pologne... Il professe avec ferveur jusqu'en sa quarante-deuxième année, la religion catholique, s'applique à la pratique du spiritisme, puis, ayant enfin trouvé sa voie, crée en 1906 le Nouveau Spiritualisme. Il guérit ; aussi, ses adeptes l'appellent-ils « le guérisseur ». Il meurt en 1912, laissant une religion nouvelle que l'on enseigne, aujourd'hui, dans des temples. Le culte antoiniste compte trente-deux temples en Belgique, quatorze en France, dont deux à Paris : 34, rue Vergniaud et 49, rue du Pré-Saint-Gervais, – on en construit un à Saint-Etienne.
    L'enseignement du Père Antoine est contenu en deux volumes que l'on ne peut vendre qu'aux personnes éloignées des centres de lecture. Il se résume en dix principes, dont ces quelques phrases vous donneront une idée : « Vous ne pouvez faire la morale à personne. Ce serait prouver que vous ne faites pas bien. Parce qu'elle ne s'enseigne pas par la parole, mais par l'exemple », « Ne dites jamais que vous faites la charité à quelqu'un qui vous semble dans la misère. Ce serait faire entendre que je suis un mauvais père. Si vous agissez envers votre semblable comme un véritable frère, vous ne faites la charité qu'à vous-mêmes », « Tâchez de vous pénétrer que la moindre souffrance est due à votre intelligence, qui veut toujours plus posséder ».
    Ajoutons, avant de quitter la rue des Grands-Augustins, où je m'excuse de vous avoir retenu si longtemps, que le père Antoine a admis et développé la doctrine consolante, autant que chimérique, des incarnations successives.

                                                                     Marius RICHARD.

La Liberté, 29 juillet 1934

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Salle de la rue des Grands-Augustins (Paris Soir, 18 septembre 1931)

Publié le par antoiniste

Paris Soir 18 septembre 1931

LES SENTIERS DU PARADIS

grand reportage par Fernand POUEY

V - Les amis d’Antoine

    La rue des Grands-Augustins, à quelques mètres des quais, est joyeuse et animée. Boutique de fruitiers et crèmeries projettent sur les trottoirs étroits leurs étalages diversement parfumés. Raisins, poires, pommes, prunes, melons, beurre et fromage se succèdent comme les matins d’une gamme perpétuellement jouée par les ménagères. Peu d’entre elles, cependant, s’arrêtent à une devanture où, de prime abord, apparaît à peu près pareille aux autres. Derrière, on soupçonnerait facilement sans trop d’imagination, un marchand plus méticuleux et plus méfiant que ses collègues, protégeant avec plus d’âpreté sa marchandise contre les mille tentations de la rue. Ayant caché, dirait-on, ses primeurs et ses œufs, attendant la clientèle. Après un seconde d’hésitation, j’ai doucement poussé la porte de cette curieuse boutique… A l’intérieur, c’était tout noir.
    J’étais dans une chapelle antoiniste.
    Royaume de la nuit. Encore ces mots ont-ils plus de résonance qu’il n’en faut pour désigner cette pièce et cette pénombre… Par une fenêtre, au fond, le jour pénètre difficilement dans une petite salle. Il est si fatigué, d’ailleurs, qu’il n’a pas la force d’en éclairer les coins, ainsi abandonnés à la plus franche obscurité. Pour le reste, on distingue, sur le parquet propre et net, quelques bancs bien alignés, bien cirés, bien frottés. Sous la fenêtre, un pupitre, surélevé comme une chaire de professeur, s’enorgueillit d’un peu de lumière. On songe irrésistiblement à une salle d’école pour un cours du soir, dans une municipalité pauvre.
    Or, – l’après-midi que j’y fus – il y avait là trois femmes.
    Derrière le pupitre, une femme noire.
    Sur un banc, une autre femme, noire aussi.
    A un autre banc, une autre femme, noire encore.
    La première lisait : on ne voyait pas son visage, placé à contre-jour. On ne pouvait non plus distinguer la figure des autres, placées à des endroits que la lumière n’atteignait point. Toutes trois, vêtues d’ombre, baissaient la tête... autant du moins qu’il me le parut.
    Elles s’étaient réunies là pour le service du soir. Une sorte de pudeur me conseillait de repartir. Avais-je vraiment le droit moral d’assister à un culte aussi confidentiel. Non, sans doute. Mais la femme qui lisait continuait sa lecture – celles qui écoutaient ne levaient pas les yeux... Alors, je suis resté.
    Bras croisés, j’ai penché le visage dans l’attitude classique de la méditation, Et J’ai essayé sincèrement de suivre le fil de la lecture, Hélas ! mon désir de s’instruire sombra dans ce seul effort. Il me semble que, rajeuni, je me trouvais au catéchisme de persévérance et je fis à nouveau, naïvement, les gestes de mon enfance. Tout fut perdu. Je m’amusai à jouer avec le bois lisse du banc, à rechercher du bout des doigts les rares éraflures susceptibles de déchirer les pantalons des jeunes garçons impatients. De la main gauche, j’attaquai à plusieurs reprises les premières mesures de la « Marseillaise », puis de « l’Internationale ».
    Je comptais aussi, mentalement, les secondes... Quand j’arrivais à soixante : « Voilà une minute, murmurais-je avec satisfaction, qui me rapproche de la fin ».
    Du temps passa...
    Lorsque, enfin, je repris conscience de la situation, j’entendis que la femme continuait à lire d’une voix monotone et basse, son évangile qui me demeurait étranger. Ses compagnes, immobiles, n’avaient pas bougé.
    Aux murs étaient inscrits des mots que je ne pus lire. Sur une tablette, une sorte de réveille-matin marquait l’heure. Je considérai avec un soupir la marche lente de l’aiguille.
    Cela dura environ une demi-heure encore. Après quoi, soudain, l’ombre, qui lisait ferma son livre. Les ombres qui écoutaient se glissèrent vers la porte. Et je me retrouvai moi-même dans la rue. Il pleuvait. Au sortir de cette grisaille, je tendis avec plaisir mon front à la caresse d’une vraie pluie. Le nez en l’air, je savourai avec délices l’air frais et réconfortant. Un jeune livreur, qui déballait des œufs, manqua d’en faire une omelette, car je le heurtai, perdu dans mes nuages.
    D’un mot, d’un seul, il évoqua l’ombre de Cambronne. Sans doute ambitionnait-il de froisser à jamais ma dignité. Mais :
   – Comme il est vivant, celui-là ! pensais-je.
    Et je souris de contentement, tel un explorateur saluant après un long voyage, des habitudes plus chères à son cœur que les plus dangereuses découvertes. Un ami mystique, à qui je contai le fait, le commenta dans un sens différent :
    – Il vous a suffi, me dit-il, d’un moment de méditation à la chapelle antoiniste pour devenir meilleur et pratiquer l’oubli des injures.
    Désireux de ne rien négliger pour mon salut, je décidai, dans ces conditions, de poursuivre l’épreuve.
    Au fond du XIIIe arrondissement, derrière la Glacière, les Antoinistes, qui ont des chapelles à travers Paris, ont aussi leur cathédrale où est révélée la vérité due à l’ouvrier Antoine. Un jardin sans gaité et sans fleurs précède l’église, qui ne porte pas de croix. Il y a là, derrière, un bâtiment bas avec une porte basse : le presbytère. Le tout est austère, honnête, sans élégance.
    J’ai attendu l’heure de l’office. L’église antoiniste ne diffère guère de ses chapelles. Mêmes bancs ; même chaire de professeur. Cette fois, un homme l’occupait ; un homme vêtu de noir qui lisait, lui aussi, d’une voix assez désagréable, des phrases dont je parvins à saisir celles-ci :
    – Si nous disons que Dieu est notre père, ajoutons que le Démon est notre mère qui nous nourrit de son sein et nous est utile. L’enfant n’appartient-il pas pour les trois quarts à sa mère ? Nous sommes donc plutôt enfants du Démon ! S’il faut l’épreuve pour guérir le mal, ne devrions-nous pas adorer le démon dont l’amour nous fournit le moyen d’abréger nos souffrances ?
    Ils étaient une vingtaine qui l’écoutaient, muets eu recueillis ; ouvriers aux vêtements bien brossés, femme en cheveux. Comme le décor, comme le jardin, comme l’église, ils semblaient, eux aussi, honnêtes sans gaité.
    Le jour permettait ici de lire les inscriptions murales. On pouvait en effet déchiffrer : « Culte antoiniste. L’auréole de la conscience. Un seul remède pour guérir l’humanité : la Foi. C’est de la Foi que nait l’amour. L’enseignement du père Antoine, c’est l’enseignement du Christ révélé à cette époque par la Foi. »
    On entendit :
    – Mes frères, au nom du Père, merci.
    La cérémonie était terminée. Les fidèles s’écoulèrent dans le petit jardin et l’homme qui avait lu se coiffa de son chapeau haut de forme. Car les Antoinistes ont conservé le culte du gibus, ce qui leur vaut régulièrement un succès considérable auprès des gamins de la rue. Les victimes ne se soucient pas outre mesure de ces enfantines manifestations. Les projectiles qui, parfois, font sauter les gibus hors de leurs crânes leur apparaissent probablement comme l’amicale chiquenaude du Démon.

                          ~~~~

    A la sortie, j’ai interviewé l’homme au gibus. Le timbre de sa voix prenait, dans la conversation, des accents doux qu’il ignorait dans la lecture.
    Pourrais-je, lui dis-je, m’entretenir quelques instants avec vous des choses qui vous intéressent ?
    Il eut un pâle sourire.
    – Je vous écoute, répondit-il. Ici, nous sommes tranquilles.
    Au même moment, je rassemblais tout ce que je pouvais avoir de dignité pour faire front aux rires puérils qui nous encerclaient. Un gosse – haut comme une botte – chantait à tue-tête, sur un air que je croyais oublié, une chanson rengaine qui s’arrêtait pour lui à ce premier et seul « vers » :
    Il s’appelle Antoi-a-a-a-ne
    Ses copains choisissaient sur la place de menues pierres, pas trop lourde à leurs jeunes bras, mais suffisamment pointues pour causer « au chapeau » des préjudices appréciables.
    Le digne pasteur, grand, sec, blond, ouvrait sur eux des yeux d’un impeccable bleu lavé, qui semblaient voir en dedans. Il me dit :
    Nous sommes plus de deux cent mille.
    Ainsi, je n’avais pas le droit de le tenir pour un phénomène. Mon respect s’en accrut.
    – Nous sommes pauvres, continua-t-il. Sauf rares exceptions, nos fidèles ne sont pas riches d’argent. Riches, ils le sont cependant de biens à venir, placés dans l’éternité. Et notre loi est une loi d’amour !
    Le mot fut ponctué d’un coup sur le gibus. Un gamin plus adroit que les autres, ou mieux servi par le hasard, avait enfin atteint l’objectif d’une pierre coupante. Des clameurs enthousiastes accompagnèrent l’exploit.
    Mon interlocuteur leva le bras, ainsi que pour saluer. Ayant doucement soulevé son chapeau, il le ramena à hauteur des yeux, considéra les dégâts (en vérité assez minces) et brossa la peluche avec son coude, à petits gestes précautionneux.
    Il sourit encore !
    – Aimons-nous les uns les autres, fit-il.
    Puis, il ajouta :
    – Ah ! jeunesse ! avec un soupir.
    Un gosse, qu’il regardait amicalement, s’approcha, plein de gentillesse apparente. Mais sa main, derrière le dos, dissimulait un caillou.
    – Ange et démon, murmura le bon Antoiniste, je t’aime doublement, mon enfant.

                                        Fernand POUEY.

                                        FIN

Paris Soir, 18 septembre 1931 (illustration : Le temple Antoiniste de la rue Daviel)

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Les Antoinistes rue Christine

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    Les Antoinistes rue Christine. - La rue Christine ne manque pas de titres de gloire. On sait que, tracée depuis le XVIIème siècle sur une partie de l'emplacement de l'Hôtel et des jardins du Collège de Saint-Denys, elle porte le nom d'une fille de Henri IV. C'est bien au souvenir de cette fille royale qu'allusionne bien sûr, la somptueuse enseigne de fer forgé au coin de la rue, du côté de la rue des Grands-Augustins. Encore que surgisse dans l'esprit, à l'appel de ce nom, la mémoire d'une autre Christine, cette étonnnante Christine de Stommeln, à laquelle J.-K. consacre de nombreuses lignes du chapitre XIV de "la Cathédrale". Dans ce même coin (soit la grande salle actuelle) à un temple Antoiniste, lequel à son tour avant la deuxième guerre, fut remplacé par le restaurant actuel. Depuis 1948, les fidèles de Huymans y célèbrent, chaque 1er jeudi du mois, leur auteur de dilection. Le jeudi 7 janvier dernier, notre éminent ami André Thérive a fait un petit historique fort savoureux sur ce coin de la rue Christine, un lieu où, rappelait-il, a « soufflé l'esprit ». Et où il souffle toujours, car, c'est dans cette même salle, où s'assemblaient les fidèles Antoinistes pour écouter les prêches du Père, et recevoir le fluide envoyé de Jemmeppes-sur-Meuse, que les huysmansiens tiennent leurs réunions. Ce Culte Antoiniste est une sorte de néo-gnosticisme, précisa André Thérive et a toujours de nombreuses chapelles. Paris en comptait trois : rues Vergniaud, du Château, du Pré-Saint-Gervais. Seul le temple rue Vergniaud subsiste. Il en existe en province : Nice, Chambéry, Lyon, Valenciennes, Reims, Tours, Vichy, Monaco, et la Belgique compte vingt-sept temples.
    André Thérive fit lecture de nombreuses pages de son roman "Sans Ame", consacré à cette petite religion. Ce roman qui parut en 1927 à la Revue de Paris, et fut édité en 1928, chez Grasset, puis en 1933 chez Ferenczi, pourrait être placé sur un rayon déjà chargé, non loin des "Petites Religions de Paris" de Jules Bois.
    Notre ami remporta le plus grand succès.
                                      G.-U.-L.

Bulletin de la Société J.-K. Huysmans
n° 27 (27e année) - 1954, p.111

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Salle de Lecture rue Christine/rue des Grands-Augustins (Paris)

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    On apprend par des informations indirectes qu'une salle de lecture à Paris 6e a existé dans la rue Christine.
   En effet, bans le bulletin Municipal officiel du samedi 19 octobre 1929, M. Jolly représentait la Cultuelle antoiniste fait un don.
   Enfin, Gabriel-Ursin Langé consacre un article sur "Les Antoinistes rue Christine",  dans le Bulletin de la Société J.‑K. Huysmans (n° 27, 1954, p. 111-112,).
    On sait par Maurice Colinon qu'en 1953 (Faux prophètes et sectes d'aujourd'hui, Plon, Paris), une salle de lecture se trouvait également dans la rue des Grands-Augustins, perpendiculaire à la rue Christine. Est-ce la même donnant sur les deux rues ?

    Dans tous les cas, le 27 mars 1955 on ouvre le 3e Temple parisien du Passage Roux (dans le 17e), donc loin de cette salle de lecture.
  

Salle de Lecture rue Christine/rue des Grands-Augustins (Paris)

 

Paris - angle rues Christine et des Grands-Augustins, Eugène Atget, 1911 (parismuseescollections.paris.fr)

Salle de Lecture rue Christine/rue des Grands-Augustins (Paris)

Paris - angle rues Christine et des Grands-Augustins, 2000 (google-maps)

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