Si Antoine s'accommoda de la situation créée par le jugement, si le parquet se déclara satisfait du changement de méthode, il n'en alla pas de même du public. Le populaire aime à donner aux pouvoirs invisibles une expression concrète, matérielle; il avait si bien pris l'habitude de recourir aux vertus curatives de l'eau qu'il continua de lui faire confiance, même après que le Guérisseur eut cessé d'insuffler son fluide dans cet élément. Lorsqu'Antoine fit placer un robinet pour permettre aux visiteurs de se désaltérer, ceux-ci s'empressèrent d'emporter l'eau du temple, à laquelle ils attribuaient des qualités que le thaumaturge ne voulait plus lui accorder. Ce robinet a toute une histoire qui nous est contée par l'Unitif (L'Unitif III, 3, p.9-10 (Article reproduit ci-dessous). Cfr L'Unitif I, II, 8)
Pierre Debouxhtay, Antoine le Guérisseur et l'Antoinisme, p.102
La Fontaine du Temple de Jemeppe
Lorsque le Père fit placer une fontaine dans le Temple nous ne vîmes que l'effet, son intention charitable de désaltérer ses chers malades, mais nous nous dîmes aussi que cette fontaine avait sa place marquée dans le porche, plutôt que dans le Temple. Le Père n'agissait pas sans motif, cette fontaine est encore de l'Enseignement. L'installation de robinets d'eau alimentaire munis de tasses à peine achevée, qu'arriva-t-il? peu à peu bien des malades ses détournèrent de l'opération du Père et mirent leur foi dans l'eau de la fontaine, qu'ils burent non pas pour se désaltérer mais pour se guérir, ils en emportèrent, finalement ils obstruèrent le fond du Temple car ils venaient avec des bouteilles et des bidons de toutes espèces. Les adeptes prévinrent ces visiteurs de leur erreur, leur disant que cette eau ce possédait aucune vertu curative, qu'elle était l'eau alimentaire de la commune. Rien n'y fit, c'était une forme. Arrêter cette idée préconçue d'eau miraculeuse, rendue telle parce que le Père opérait dans ce lieu, était chose difficile. On fit part au Père de ce qui arrivé. Il laissa faire. Bientôt on annonça de toutes parts des guérisons extraordinaires attribuées à l'application de cette eau en compresses ou à son absorption. Ces personnes étaient convaincues que l'eau du Temple était miraculeuse et qu'elles guérissaient non par l'opération du Père, mais par ce qu'elles imaginaient être un remède, c'était à l'effet il est vrai. Le but était atteint, la foi matérielle dûment constatée et démontrée. Alors seulement le Père intervint. Il laissa la fontaine dans le Temple, signe de la crédulité humaine, et fit inscrire par le comité cet avis : "Cette fontaine n'a d'autre destination que de désaltérer ceux qui viennent dans le Temple. En faire un autre usage est un manque de foi qui porterait plutôt obstacle à la guérison. Votre foi en l'opération du Père seule vous guérira". Cette fontaine a sa place et sa raison d'être, tout dans ce Temple sacré démontre la rénovation, la foi réelle opposée à la foi apparente.