Assurée de se savoir inconditionnellement aimée par la Mère-nature, légitimée par la Vie elle-même, la différence du Fils en quête de sa langue à soi, se souciera, comme d'une guigne, de la caution, de la bénédiction et du pardon de Dieu le Père. Désormais inutile, Dieu mourra de sa belle mort. Refermée, la parenthèse patriarcale où l'humain s'initie à la connaissance du lien transfini qu'il incarne entre le fini et l'infini, s'enfouira dans sa mémoire, à la juste place qui lui revient. Déplacement catastrophique de Dieu dans la mentalité. De Créateur de la nature, il est devenu sa créature. Fin devenue le grand moyen. Au lieu d'être l'Impensable penseur du commencement et de la fin des temps, l'UN transcendantal se retrouve Objet d'expérience intérieure, Objet de connaissance, Objet pensé dans sa duplicité: à la fois bénéfique et maléfique, lieu commun du bien et du mal; advenu en ce lieu précis de la mémoire où s'ouvre la faille entre l'orient et l'occident, à l'instant même de notre chute dans la béance historique. Dieu très exactement cerné, repéré par la pensée à la charnière sanglante de la nature et de la culture, sur les lieux du meurtre de la Mère et de l'Enfant solaires, meurtre qui fonde en même temps la civilisation du Livre et la fatalité de la guerre. Localisé dans l'espace et dans le temps, Dieu perd le mystère qui perpétuait son règne et celui de l'Histoire. Par sa destitution, l'utopique communauté des enfants du soleil devient imaginable et réalisable.
Claire Lejeune, Des mots pour franchir l'abîme entre dire et sentir source : Balises, Archives & Musée de la littérature asbl
Aux salaires infimes, à l'insalubrité de la profession, viennent s'ajouter d'autres facteurs de misère. Le chômage, l'intrusion des ouvriers étrangers (Belges), une domination patronale qui s'exerce même en dehors de l'usine et qui aboutit à l'asservissement religieux le plus tyrannique. [...] Une discipline de fer règne sous l'égide de Notre-Dame de l'Usine. A Tourcoing, dans nombre d'établissements, ouvriers et ouvrières, avant de commencer leur travail, font la prière, par ordre. L'un d'eux récite à haute voix et tous murmurent les litanies. Des surveillantes qui sont des « soeurs laïcisées » passent, et malheur à l'ouvrier dont les lèvres restent immobiles durant le pieux exercice. Il sera d'abord averti, puis impitoyablement congédié. La fréquentation régulière de l'église est obligatoire, le dimanche. Certains industriels accordent même à leurs ouvrières l'autorisation hebdomadaire d'aller au confessionnal durant les heures de travail. [...] Dans d'autres usines, les ouvriers sont tenus d'acheter les journaux catholiques qui sont portés à l'usine et placés à côté de chaque métier. La main mise patronale est complète et l'on peut dire sans exagération que les droits du patron sur l'ouvrier du Nord sont plus lourds que ne l'étaient au Moyen Age ceux du seigneur féodal sur le manant.
M. & L. Bonneff - Vie tragique des travailleurs - L'Enfer des Tisseurs (1908), p.27-29 source : gallica
Élevée très pieusement par des parents d'une croyance sincère mais portée dès mon enfance à me raisonnée les choses, je ne pouvais croire à un enfer, c'est-à-dire à une expiation dont Dieu Lui-même eût été le créateur. [...] Pour Le mieux prier, je m'isolais dans la campagne ou dans la forêt ; là, le front découvert en signe de respect, j'admirais la beauté du ciel, le calme de la nature, le chant des oiseaux et surtout le soleil qui versait ses flots de vie sur tout la végétation qui m'environnait. Et cet immense concert me semblait la prière universelle de toute la création montant comme un encens vers son Créateur. Pour moi, c'était là le vrai temple de Dieu ; j'y oubliais mes peines et m'y sentais meilleure ; aussi, avant de quitter cette nature qui me donnait tant de joies, si pures et si grandes dans leur simplicité, je m'agenouillais et regardant les cieux, je me disait : "Mon Dieu, je vois ce qui m'assure ton existence, ici, tout raisonne de Toi". [...] Je m'étais tellement attachée à votre Enseignement, j'y avais reconnu tant de logique et de raison qu'il m'eût alors impossible de m'en éloigner. [...] Je compris que j'aimais Dieu en égoïste puisque je L'isolais de mon prochain. Comment alors aimer celui-ci ? Je reconnus que dans le bonheur que j'éprouvais autrefois mon intelligence et mes sens seuls étaient satisfaits et que ma conscience y restait étrangère. [...] Je Vous remercie encore du bonheur que j'éprouve en me disant votre adepte en toute sincérité. Unitif n°4, p.13
Le respect de toutes les croyances dont le Père nous a donné l'exemple a été pour moi le point de départ de ma confiance en sa révélation et le commencement d'un bonheur goûté dans l'union familiale, bonheur qui n'a fait que grandir, malgré les différences de nos opinions religieuses. Unitif n°10, p.8 Elle raconte la dévotion de sa mère et sa soeur, et le côté pratique de son père. L'évolution de sa relation avec sa soeur.
Une Léona interviendra encore dans l'Unitif n°7 (p.10-11) sur les fluides et leurs effets. Est-ce la même Léona qui intervient dans ces trois numéros de l'Unitif ? Rien ne peut nous le faire affirmer.
La petite Blandine présentait dès rage le plus tendre un composé étrange d'exaltation et d'intelligence, de sentiment et de raison. Elle avait été élevée dans la religion catholique, mais, dès le catéchisme, elle répugnait à la lettre étroite pour ne s'en tenir qu'à l'esprit qui vivifie tout. A mesure qu'elle avança en âge, elle confondit !'idée de Dieu avec la conscience. C'est assez dire qu'aussi longtemps qu'elle se crut la foi, sa religion n'eut rien de celle des bigotes et des cafards, mais fut une religion généreuse et chevaleresque. Les dispositions poétiques, la fantaisie, se conciliaient chez Blandine avec un large et probe sens de la vie.
Le ciel était sans dieux, la terre sans autels. Nul réveil ne suivait les existences brèves. L'homme ne connaissait, déchu des anciens rêves. Que la Peur et l'Ennui qui fussent immortels.
Le seul chacal hantait le sépulcre de pierre. Où, mains jointes, dormit longtemps l'aïeul sculpté ; Et, le marbre des bras s'étant émietté, Le tombeau même avait désappris la prière.
Qui donc se souvenait qu'une âme eût dit : Je crois ! L'antique oubli couvrait les divines légendes. Dans les marchés publics on suspendait les viandes A des poteaux sanglants faits en forme de croix.
Le vieux soleil errant dans l'espace incolore Était las d'éclairer d'insipides destins... Un homme qui venait de pays très lointains, Me dit : « Dans ma patrie il est un temple encore.
« Antique survivant des siècles révolus, « Il s'écroule parmi le roc, le lierre et l'herbe, « Et garde, encor sacré dans sa chute superbe, « Le souvenir d'un Dieu de qui le nom n'est plus. »
Alors j'abandonnai les villes sans église Et les cœurs sans élan d'espérance ou d'amour En qui le doute même était mort sans retour Et que tranquillisait la certitude acquise.
Les jours après les jours s'écoulèrent. J'allais. Près de fleuves taris dormaient des cités mortes ; Le vent seul visitait, engouffré sous les portes, La Solitude assise au fond des vieux palais.
Ma jeunesse, au départ, marchait d'un pied robuste. Mais j'achevai la route avec des pas tremblants ; Ma tempe desséchée avait des cheveux blancs Quand j'atteignis le seuil de la ruine auguste.
Déchiré, haletant, accablé, radieux, Je dressai vers l'autel mon front que l'âge écrase, Et mon âme exhalée en un grand cri d'extase Monta, dernier encens, vers le dernier des dieux !
Cette croyance que l'homme est un âne de Buridan, un être tiraillé entre deux puissances d'égale force, qui demeurent, à tour de rôle, victorieuses de son âme et vaincues; cette conviction que la vie humaine n'est plus qu'un incertain combat livré entre l'enfer et le ciel; cette foi en deux entités contraires, Satan et le Christ, devaient fatalement engendrer ces discordes intérieures où l'âme, exaltée par une incessante lutte, échauffée en quelque sorte par les promesses et les menaces, finit par s'abandonner et se prostitue à celui des deux partis dont la poursuite a été la plus tenace.
Joris-Karl Huysmans, À rebours, chapitre XII (p.182) - 1884 source : gallica (édition de 1924)
Celui qui s'émerveille des performances technologiques est déjà un homme perdu pour les vraies connaissances, vertigineuses, celles auxquelles nous invite le mystère humain, charnel, spirituel, ces abîmes dont l'exploration fut à peine commencée et resta en l'état, par excès de raison, d'humanisme, par haine de la folie.
Marcel Moreau, Monstre (1986), p.15 - Les Abîmes Luneau Ascot Editeurs, Paris
Dieu, c’est le pouvoir. Mais actuellement, le pouvoir, pour autant qu’il vous concerne, n’est pour vous qu’un mot. Il est temps que vous ayez une idée de ce que signifie ce mot pouvoir. Vous devez premièrement réaliser que le pouvoir est collectif. L’individu n’a de pouvoir qu’autant qu’il cesse d’être un individu. Vous connaissez le slogan du Parti : « La liberté, c’est l’esclavage. » Vous êtes-vous jamais rendu compte qu’il était réversible ? « L’esclavage, c’est la liberté. » Seul, libre, l’être humain est toujours vaincu. Il doit en être ainsi, puisque le destin de tout être humain est de mourir, ce qui est le plus grand de tous les échecs. Mais s’il peut se soumettre complètement et entièrement, s’il peut échapper à son identité, s’il peut plonger dans le parti jusqu’à être le Parti, il est alors tout-puissant et immortel.