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Consécration d'un Temple Antoiniste à Schaerbeek (Journal de Bruxelles & Le Vingtième Siècle, 3 août 1925)(Belgicapress)

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Consécration d'un Temple Antoiniste à Schaerbeek (Journal de Bruxelles & Le Vingtième Siècle, 3 août 1925)(Belgicapress)             Consécration d'un Temple
                               Antoiniste à Schaerbeek

    Le Culte Antoiniste, reconnu par l'Etat depuis août 1924 et qui possède une vingtaine de temples en Belgique et une dizaine en France, a près de deux millions d'adeptes à l'heure actuelle ; les bases de la morale et de l'enseignement des Antoinistes semblent être : la Foi, le Désintéressement et l'Amour. Ce sont gens très simples, trop simplistes, pourrait-on dire, qui portent lévite noire et chapeau rond ; les femmes sont habillées à peu près comme les Auxiliatrices. Ils se considèrent entre eux comme Frères et Sœurs ; il n'y a pas de « ministres » du culte, l'égalité parfaite devant régner entre les membres de cette secte qui a refusé les subsides de l'Etat. Dons reçus, dons remis, soins, consolations, tout y est anonyme. Les renseignements que j'ai pu recueillir au cours de la Consécration du Temple de Schaerbeek semblent démontrer que ces très braves gens « planent » un peu. Leur phraséologie relativement confuse pour un profane tend à simplifier tellement les sentiments, la morale, l'application de leurs enseignements à la vie quotidienne, que cela en devient, pour finir, très compliqué.
    La « Mère » de Rognancourt, remplaçant la « Mère » Antoine – qui est âgée de près de 80 ans et se déplace difficilement – après avoir officié à l'intérieur du Temple, vint au seuil. A sa droite un emblème argenté porte ces mots : « L'Arbre de la Science et de la Vue du mal »(?). Derrière elle le « Frère » Musin prie. La « Mère » prend une attitude concentrée, les yeux fixes, les mains jointes. Le Fr. Musin regarde alors fixement les quelque quinze cents personnes qui sont là, chapeaux bas sous la pluie qui commence et dit : « La Mère Antoine vient de consacrer ce Temple au nom du Père Antoine. Nous allons nous recueillir et vous faire don de sa grâce : chacun en recevra selon sa Foi et ses mérites », puis il fait l'imposition des mains : un profond silence ; une atmosphère d'attaque de nerfs semble grandir. Ça ne rate pas, d'ailleurs, et voilà une femme qui s'évanouit. Heureusement que la pluie augmente et rafraîchit un peu les cerveaux légèrement échauffés. Les yeux fixes du Frère qui tend les bras vers la foule, paumes en avant, font le tour de l'auditoire puis le Frère Janin, ancien commandant de la marine française et officiant du Temple nouveau, lit les « Dix Préceptes du Père », base de la « Révélation ». Cette révélation, d'après les adeptes du Culte Antoiniste, doit remplacer celle de N. S. Jésus-Christ, périmée à leurs yeux. La « révélation » du Père Antoine est moderne et plus logique, disent-ils.
    Le Temple est nu. C'est une grande salle aux murs blancs sans images. Des inscriptions et une chaire. En en faisant le tour, j'ai éprouvé de nouveau cette atmosphère « d'attaque de nerfs » déjà notée. Il y avait près de deux mille personnes à cette Consécration et toute une rangée d'autos attendait dans l'avenue Jacques Rayé. –       Sterpigny.

Journal de Bruxelles & Le Vingtième Siècle, 3 août 1925 (source : Belgicapress)

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Un nouveau prophète au Pays Noir (Le Soir, 8 janvier 1913)(Belgicapress)

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Un nouveau prophète au Pays Noir (Le Soir, 8 janvier 1913)(Belgicapress)Un nouveau Prophète
au Pays Noir
Le Père Dor stimulateur des vertus. – L'Ecole morale. – Une opération générale du thaumaturge.
(De notre envoyé spécial.)

    Antoine le Guérisseur est mort ! Vive Antoine ! Vive du moins un autre Antoine, une nouvelle incarnation du thaumaturge, du révélateur de religion nouvelle qui prétend guérir les maux physiques comme les peines morales par la seule vertu de sa parole. Chose curieuse, ce personnage opère surtout au pays noir, dans ces grandes régions industrielles de la Wallonie qui offrent une si puissante image de notre civilisation moderne. Il correspond au rebouteux, au berger magicien de la campagne, qui est légion...
    Toujours, en Wallonie, se sont développées, en marge des religions ancestrales, en marge du catholicisme et du protestantisme, de curieuses croyances qui se traduisent par de manifestations impressionnantes ou... baroques. Ce n'est ni le lieu, ni le moment de parler ici des associations spirites du pays de Charleroi, des darbistes du Borinage, ou de cette explosion de foi farouche qui précipite aux calvaires du pays de Mons, dans la nuit du Réveillon, des centaines de pauvres gens à des cérémonies au cours desquelles on « étrenne » le bon Dieu et d'où les prêtres sont rigouresement bannis. (La même coutume se retrouve sur le littoral). Mais l'étude qu'a faite magistralement Georges Eekhoud, pour la Flandre du passé, dans ses « Libertins d'Anvers », que l'on a faite aussi pour les stévenistes de l'ouest brabançon, mériterait d'être tentée à propos de certaines croyances et superstitions du pays noir.
    Qu'il nous suffise aujourd'hui de rappeler brièvement le règne éphémère de Jules Buisseret, dit Baguette, le bon Dieu de Ressaix, dont la divinité se compromit lamentablement dans les aventures amoureuses et les ennuis de la correctionnelle ; Antoine le Guérisseur, le Père Antoine, de Jemeppe-sur-Meuse, créateur d'une religion, d'un culte organisés, et dont la presse a parlé dans la monde entier. L'antoinisme n'est pas mort avec son créateur : l'influence de celui-ci persiste, sa réelle autorité morale, son incontestable puissance de suggestion agissent encore. Mais son enseignement que professent encore la mère Antoine et quelques lieutenants fidèles est fortement concurrencé par celui du père Dor, qui opère à Roux, et dont Piccolo parlait philosophiquement dans sa dernière « Semaine ».

* * *

    Nous avons voulu voir, de nos propres yeux, voir, l'opération générale suivie d'instruction à laquelle se livre chaque dimanche ce nouveau thaumaturge du pays de Charleroi.
    Auparavant, nous avons lu avec beaucoup d'intérêt son journal mensuel : « Le Messager de l'Amour-Dieu », « directeur de la fraternité universelle », dont neuf numéros ont paru déjà.
    A parier franc, il y a Ià-dedans un peu beaucoup de charabia, des expressions fort divertissantes qu'expliquent une pensée confuse et une méconnaissance remarquable de la langue française. Mais avec un peu de bonne volonté, on parvient à formuler la doctrine – pour autant qu'on puisse employer ce grand mot – du père Dor.
    C'est un mélange de tolstoïsme et de spiritisme, la croyance à la loi d'amour total, la charité chrétienne poussée au suprême degré et aux fluides.
    Les idées actuelles du nouveau prophète de Roux ont mis du temps à se préciser. Au début, dans les premiers numéros du « Messager », il est souvent question de l'enseignement du Christ, on cite des passages de l’Evangile. Aujourd'hui, il n'est plus question de cela. On trouve même dans les instructions du Père des opinions qui témoignent de l'influence qu'a exercée la propagande rationaliste au pays de Charleroi. Le Père Dor ne croit pas à un Dieu créateur. Dieu, pour lui, c'est un mot, une entité morale : « J'ai déjà dit et je répète que Dieu n'est qu'un mot. Je ne veux pas par là détruire la loi qui conduit à Lui. Mais au lieu de dire Dieu je dis : Amour, Charité, Désintéressement ».
    Et ailleurs : « De tout ceci tâchez de vous convaincre que Dieu n'est qu'un mot et non le créateur de toutes choses. Ce problème est à résoudre, mais la solution ne se trouve que dans son amélioration. S'il ne dépendait que de Dieu pour notre bonheur, nous aurions le droit de le traiter de cruel, de laisser ainsi ses rejetons dans la souffrance malgré le grand désir qu'ils ont de ne plus souffrir.Un nouveau prophète au Pays Noir (Le Soir, 8 janvier 1913)(Belgicapress)
    « On ne comprend pas le pourquoi de cette vie, parce qu'on ignore qu'une seule chose est nécessaire pour être sauvé : l'Amour du Bien, sentiment de Justice et de Progrès de l'être pensant ».
    Le Père Dor croit aux « fluides », bons et mauvais. Il fait agir les bons pour guérir les maux et les peines morales. Dans son esprit, fluide est parfois synonyme « d'âme ». Et il croit non pas à l'immortalité, mais, comme les colinsiens, à l'éternité de l'âme. « J'ai déjà pu dire que l'homme existe depuis toujours et qu'il existera toujours. Quand je dis homme, comprenez-moi bien, je veux dire âme ou plutôt fluide-homme ».
    Cela c'est ce qu'on lit dans les instructions du Père Dor, reproduites dans le « Messager », et l'on avouera qu'il a a là-dedans une certains élévation de pensée.
    Mais il y a ce qu'on voit, ce que j'ai vu à Roux dimanche après-midi. Et cela est moins reluisant...
    (La fin à demain.)                                                      FRAM.

Le Soir, 8 janvier 1913 (source : Belgicapress)

 

 

 

et Journal de Charleroi, 9 janvier 1913 (Belgicapress)

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Un nouveau prophète au Pays Noir (Le Soir, 9 janvier 1913)(Belgicapress)

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Un nouveau prophète au Pays Noir (Le Soir, 9 janvier 1913)(Belgicapress)Un nouveau Prophète
au Pays Noir
(De notre envoyé spécial.)
Le Père Dor stimulateur des vertus. – L'Ecole morale. – Une opération générale du thaumaturge.
(Suite et fin.)

    C'est à Roux, au seuil du pays noir... Du moins c'est là que le voyageur venant de Bruxelles, après avoir vu l'une des verreries de Courcelles, aperçut les premiers terrils de charbonnage. L'un d'eux, ou une haute « belle-fleur » semble plantée, est au sommet d'une colline qui commande tout le village. Celui-ci est noir et triste : de petites maisons enfumées, bordant des rues tortueuses composent l'agglomération où vivent un peu plus de 10,000 personnes...
    On connaît Roux comme le siège d'une des plus anciennes associations spirites de notre pays. C'est là aussi que se déroula l'un de plus douloureux épisodes de 1886.
    Le temple actuel au Père Dor, inauguré le 1er novembre dernier, se trouve rue du Calvaire à côté de la gendarmerie. C'est une vaste construction en briques neuves, de 30 mètres de long sur près de 20 de large, couverte d'un toit rose, au milieu duquel s'ouvre un large lanterneau et que domine une inscription en hautes lettres émaillé blanc : « L'Ecole morale ».
    A distance on croit que ces lettres annoncent une usine. Pas d'ouverture, ni porte, ni fenêtre, au flanc de ce bâtiment. Sans doute, dont se sert le Père Dor, de s'échapper. Mais ce souci a contrecarré les règles hygiéniques les plus élémentaires...
    Attenant au nouveau temple se trouve un café, le Café des Pèlerins du Père Dor où l'on se livre à un commerce fort important de boissons et de victuailles, de souvenirs et de cartes postales illustrées.
    Derrière le bâtiment se trouvent l'ancien temple, de dimensions assez restreintes, et la maison du Père.
    Toute la semaine, du dimanche au vendredi, les fidèles affluent vers l'école morale, vers le temple du « stimulateur des vertus », du « docteur sans médicament » : pauvres paysans de l'Entre-Sambre et Meuse et même du Nord de la France, vieux ouvriers du Centre et du pays de Charleroi rongés par la tuberculose, femmes de mineurs atteintes de maladies nerveuses. Tous viennent voir le Père dans l'espoir de trouver la guérison que n'ont pu leur donner les médecins.
    Le Père Dor a beau dire « qu'il est bien plus le médecin de l'âme que du corps ». Ah ouiche ! les bonnes femmes se soucient bien moins de leur paix morale que de leur dérangement d'estomac.
    D'ailleurs, le Père Dor dit lui-même dans son « Catéchisme de la Restauration de l'âme » :
    « Certains viennent se prosterner devant moi me demandant grâce pour que je guérisse soit leur femme, leur mari, leur enfant, leurs parents. Voyant leur foi, leur désir de voir revivre leur malade qui, d'après la science, n’avait plus qu’un instant ou quelques jours à vivre, je leur dis, après avoir opéré : « Allez, cela ira bien ». Seulement ce bien que je sens, on ne le comprend pas toujours, mais pour moi qui ne vise que le côté moral j'entrevois un bien. Par mon intervention, ce moribond qui n'avait plus que quelques jours ou quelques heures à vivre, par son grand désir de vouloir rester parmi les siens : mari, femme, enfant, etc. reprend vigueur, se relève, reprend des forces et se sent renaître à une vie nouvelle. Alors, tous sont dans la joie, on crie au miracle et le « Père Dor est proclamé Dieu ». On doit savoir qu'à tous ceux qui me consultent j'ai pour devoir de leur dire, s'ils veulent que mon fluide les guérisse, qu'ils ont un devoir à remplir. Ce devoir consiste à pardonner du fond du cœur, ne s'exalter pour rien que ce soit, et sur tout à n'accepter aucun conseil d'une personne qui serait hostile à l'Amour du bien. »
    Tous les jours, de 7 à 1 heure, sauf le samedi, le Père Dor reçoit les malades et les « opère ». Le dimanche, à 2h. 30, a lieu le grand office au début duquel le Père procède à une opération générale, fait agir le fluide, puis à une consultation, au cours de laquelle il répond à toutes les questions qu'on lui pose.
    Les malheureux malades qui viennent à lui, suggestionnés, ayant mis en lui leur dernier espoir, peuvent être impressionnés par les longs cheveux bouclés, les yeux baissés, l'air de profond recueillement du Père. Mais pour que la « foi guérisse », une fois de plus, de grâce qu'ils n'écoutent pas, les malheureux, qu'ils bouchent leurs oreilles ! Car rien n'est plus lamentable, plus baroque, plus incohérent que les discours et les réponses du stimulateur des vertus.

* * *

    Une large salle blanchie à la chaux, éclairée par un lanterneau sous lequel on remarque l'armature de fer de la toiture, chauffé à l'excès par deux énormes calorifères. Sur les vastes murs nus quelques inscriptions soulignés de bleu, encadrés de chêne clair, dans ce goût-ci : « Le Père Dor donne à ses enfants du bon, du beau, du soulagement. » Il y a là, assises sur les bancs jaunes plus de 600 personnes. L'atmosphère est étouffante. Il monte de cette foule une odeur de corps malades et en sueur, de vêtements mouillés.
    A un bout de la salle, à trois mètres au-dessus du sol, une vaste caisse peinte en blanc et bordée de noir et que surplombe un abat-son, tient lieu de chaire. Le Père Dor y discourt, le torse cerné dans une veste boutonnée jusqu'au cou et qui rappelle celle du « général » Gustave Hervé. Ses longs cheveux bouclés encadrent un visage au teint de cire où l'on voit des yeux tantôt pleins de recueillement., tantôt pétillant de finesse et comme de malice.
    Au pied de la chaire, un pupitre où une jeune fille, qui disparaît sous un vaste chapeau, sténographie les propos du Père Dor.
    Après que celui-ci a terminé son opération générale, les fidèles lui posent des questions, le plus souvent saugrenues, sur les sujets les inattendus, les plus extraordinaires. Les réponses sont l'avenant. Le Père, qui connaît à peine le français, se recueille longuement après chaque question, baisse les yeux, se frotta la bouche avec un grand mouchoir à carreaux blancs et bleus, puis répond lentement, très lentement. Il a quelques clichés qu'il sort constamment : « Le mal est en nous. Il faut s'améliorer. L'amour total ». Dès qu'il sort de là, ses propos deviennent plutôt incohérents. Quand il a fini sa réponse, un lourd silence plane que trouble parfois le vagissement d'un enfant, triste, triste infiniment.
    Et puis, le silence se brise. Là-bas, au fond de la salle, à côté du calorifère, se lève un jeune homme à mine souffreteuse :
    – Père, quand on a des punaises, faut-il les détruire ?
    Le Père Dor répète, comme toujours, la question : « Ce fils me demande si quand on a des punaises il faut les détruire ? Ce n'est pas un mal chez certaines personnes. Il en est de même des escargots, des limaçons et autres bêtes de jardin... »
    Puis une paysanne – une tête à la Breughel comiquement chevauchée par un chapeau impossible – se lève à son tour et d'une voix mal assurée demande : « N'est-ce pas encore un doute que tenir chez soi des chats, puisque les chats mangent les souris ? »
    Réponse : « Si ! Il en est de même pour les chiens. Ces animaux dégagent trop de mauvais fluide. »
    Ici se place une question tout à fait émouvante. Une pauvre jeune femme, d'une voix tremblante, dit au Père Dor, comme si elle s'adressait à Jéhovah lui-même :
    « Récemment, par pitié, par bon cœur, j'ai recueilli chez moi un petit chat égaré. Ai-je mal fait ? »
    On croit rêver... Quand le « docteur sans médicament » répond, de vieilles femmes, dans l'assistance, secouent la tête de bas en haut, approbativement.
    Près de la chaire, prostrée sur sa chaise, est une pauvre femme en deuil. Quelle détresse ce corps ployé en deux, cette face ravagée traduisent-ils ?
    A un moment donné, un homme qui, visiblement, s'intéresse au spiritisme, pose une question au Père Dor touchant les « désincarnés. La réponse est confuse. « C'est une des choses qu'on ne peut comprendre, qu'il ne faut pas savoir », dit notamment le Père.
    Alors, près de moi une vieille femme se penche à l'oreille de sa voisine et j'entends qu'elle murmure : « C'est tout à fait comme I'curé. »
    Une femme de Chapelle-lez-Herlaimont raconte ensuite que sa sœur étant malade, elle lui a déconseillé d'appeler encore le médecin. La douleur aurait cessé alors. « C'est l'Amour qui a opéré », dit le Père Dor.Un nouveau prophète au Pays Noir (Le Soir, 9 janvier 1913)(Belgicapress)
    Puis une question drôlatique ; c'est la seule que nous voulons rapporter encore : « Pratiquant la loi morale dit un homme, je me demande si je puis encore exercer mon devoir d'électeur ? » Le Père Dor a compris « directeur » au lieu d'électeur (le fluide n'a pas agi sans doute) et il fait une réponse tout à fait à côté.
    Mais l'électeur insiste, veut savoir s'il doit voter. « Cela est contraire à la loi morale, la loi d'amour, dit enfin le Père Dor, parce que donner son suffrage à un candidat c'est désapprouver l'autre. »
    Voilà quelques moments de la consultation à laquelle j'ai assisté. La sortie s'opère lentement. Le Père Dor assiste avec, semble-t-il, un petit air, finaud. A la sortie, sa femme, derrière un grand comptoir, vend des brochures, des journaux, des photographies et le petit commerce, ma foi ! marche très bien.
    J'ai un moment d'entretien dans la rue avec quelques fidèles. Une bonne femme qui comme moi, s'en fut naguère à Jemeppe-sur Meuse, chez Antoine le Guérisseur, me dit combien c'est mieux chez le Père Dor : « vous comprenez, me dit-elle, le fluide est plus gros ici. Mais aujourd'hui cela n'a pas bien marché. Mauvaise réunion ! Nous, les médiums, nous avons senti combien c'était dur. »
    J'ai sollicité Ie grâce d'être reçu en tête à tête par le prophète. Cela n'est pas très facile à obtenir. Le dimanche il ne reçoit personne en particulier, à moins qu'il ne s'agisse d'un cas très urgent. J'insiste et finalement réussis à voir le Dieu face à face. Il veut bien m'appeler son cher fils. Je le laisse entendre que je ne demande qu'à être initié. Et j'apprends en quelques mots l'histoire du Père Dor, âgé de quelque quarante ans. Il est originaire de Mons-Crotteux, près de Liége, se dit le neveu d'Antoine le guérisseur, a exercé plusieurs métiers, dont celui de terrassiers, a séjourné trois fois en Russie où les guérisseurs de son genre pullulent, a bâti il y a quatre ans, à Roux, avec ses économies, le premier temple puis le vaste temple inauguré à la Toussaint. On vient le voir de partout. Il travaille même par correspondance. Non seulement me dit-il, je guéris les hommes, mais aussi les bêtes : cochons, vaches, chevaux. »
    Nos frères inférieurs, sans avoir la foi, sont touchés par le fluide.
    Dès à présent, il existe des succursales de l'Ecole morale de Roux à Gilly, a Chapelle-lez-Herlaimont, à Marchienne, à Souvret, à Lavaqueresse, dans l'Aine, à Bruxelles et jusqu'à Porto Felice, au Brésil !... Tous les dimanches, en gare de Roux, les trains déversent de nombreux pèlerins.
    Nous fûmes là-bas sans préventions, plutôt bien disposé par la lecture du « Messager de l'Amour-Dieu ». Nous voulions voir.
    Maintenant que nous avons vu nous déclarons en toute sincérité que ce nouvel avatar du mysticisme est une chose navrante, infiniment navrante.
                                                                             FRAM.

Le Soir, 9 janvier 1913 (source : Belgicapress)

 

 

et Journal de Charleroi, 11 janvier 1913 (Belgicapress)

 

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L'école morale devient un cloître (Gazette de Charleroi, 22 septembre 1923)(Belgicapress)

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L'école morale devient un cloître (Gazette de Charleroi, 22 septembre 1923)(Belgicapress)

ROUX
    Avatars d'un temple.
– Le nom du Père Dor est encore dans toutes les mémoires. Le « temple de la Vertu » qu'il fit construire en 1912 est toujours debout. Jusqu'en ces derniers jours, l'inscription « Ecole Morale » tout au faîte du bâtiment, resta visible sous la couche de couleur noire recouvrant les lettres d'émail blanc.
    Construit dans le courant de 1912, le temple fut solennellement inauguré le jour de la Toussaint de la même année. De cette date à novembre 1915, il y eut chaque dimanche une « instruction » suivie d'« opération » générale, l'ensemble des « instructions » réunies dans la suite en volume sous le titre « L'Ere nouvelle » et « Couronnement de l'œuvre ».
    Dans les premiers temps de son installation à Uccle (Fort Jacco), le Père revenait chaque quinzaine procéder à une petite « opération » spirituelle tout en veillant au bon ordre et à l'entretien de ses biens matériels.
    Le temple était cependant en disponibilité. Allait-on le vendre, le démolir ? On voulut en faire cadeau à l'Université du Travail de Charleroi pour l'installation d'un home. Les servitudes attachées au legs firent décliner l'offre.
    De 1916 à 1919 le temple reçut une nouvelle destination. Il devint caserne, hébergeant avec une égale complaisance allemands et anglais.
    Libéré de ses occupants, l'immeuble finalement fut mis en vente, l'acquéreur regrettant bientôt la bonne affaire qu'il avait cru traiter.
    Un locataire se présenta ayant en vue l'installation d'un cinéma. Il en existait déjà un dans le voisinage. Le nouveau venu ne devait guère espérer faire fortune dans ces conditions.
    L'installation faite, un premier bailleur de fonds, après une perte de 10 à 20.000 frs, passa la succession à un second, le cinéma vivotant à grand renfort de calicots.
    Entretemps, l'acquéreur qui avait emprunté les neuf dixièmes du capital nécessaire à son achat se vit dans l'impossibilité de satisfaire aux obligations consenties.
    Une nouvelle mise en vente fit passer la propriété aux mains d'une communauté religieuse, les Dames de Ste-Julienne. Sans se faire prier, le cinéma céda la place, et une nouvelle transformation se dessina.
    Extérieurement le bâtiment conserva momentanément l'aspect qu'on lui connaît, un colossal cube de briques dépourvu d'ouverture autre qu'une porte de sécurité imposée au ciné. L'inscription à la chaux, « Ciné moderne » couvrant le mur de l'allée d'accès subsiste même encore.
    D'importants travaux d'aménagements transformeront la grande salle et la mettront en harmonie avec sa nouvelle destination.
    Le Père Dor avait voulu que la lumière vint d'en haut. Les Dames de Ste-Julienne se satisferont de la lumière de tout le monde et qu'il est d'usage d'introduire latéralement dans les locaux.
    La partie de l'édifice accessible au public est une chapelle qui a été inaugurée mardi par le clergé de Roux qui y a célébré plusieurs services de caractère solennel.
    Cette chapelle est aménagée dans une annexe où le Père Dor procédait à ses « Opérations » d'importance secondaire.
    Voilà donc l'épilogue d'une lutte ouverte par le Dorisme contre l'une des religions nationales. Et visiblement, c'est le Père Dor qui en est le vaincu, ce qu'il pourrait nier d'ailleurs en vertu d'un de ses principes fondamentaux : « les uns peuvent comprendre noir tandis que les autres, blanc. »
    Il se trouvera certainement des gens qui affirmeront que nous voyons tout en « bleu ».

Gazette de Charleroi, 22 septembre 1923 (source : Belgicapress)

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Temple antoiniste de Lille (FaceBook Lille d antan et d aujourd hui)

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Chute mortelle d'un antoiniste de marque (L'Avenir du Luxembourg, 14 novembre 1913)(Belgicapress)

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Chute mortelle d'un antoiniste de marque (L'Avenir du Luxembourg, 14 novembre 1913)(Belgicapress)

CHUTE MORTELLE D'UN ANTOINISTE DE MARQUE.

    Au charbonnage de Bonne-Fortune à Ans un abatteur, M. Emile Elvens (sic), a fait une chute dans un puits et s'est fracassé le crâne. M. Elvens, qui était âgé de 39 ans, était antoiniste fervent. Sa maison, rue des Mâris (sic), à Montegnée, était devenu une sorte de temple, où les adeptes du culte se rendaient en foule. Ils attribuaient à Elvens nombre de guérisons.

L'Avenir du Luxembourg, 14 novembre 1913 (source : Belgicapress)

 

    Il faut lire Emile Elskens, car c’est ainsi qu’on le retrouve dans le Procès verbal de la Fondation d’Établissement d’Utilité Publique. Il fut l'époux de sœur Mathilde Elskens.

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Dr. Pierre Schuind - Guérisseur (La Meuse, 20 mai 1910)(Belgicapress)

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Dr. Pierre Schuind - Guérisseur (La Meuse, 20 mai 1910)(Belgicapress)

GUERISSEUR !

Chronique inédite (1)

    Nous pouvons nous réjouir : des milliers de personnes déclarent avoir été guéries du cancer, de la tuberculose et d'autres maladies graves. Le remède est très simple : il consiste à soigner et guérir l'âme des malades. Sitôt l'âme guérie, le corps se débarrasse de ses maux.
    Nous savions déjà que la suggestion jouait un rôle important dans le traitement de toutes les maladies, qu'elle les guérissait parfois, mais jamais nous n'aurions eu la prétention de guérir, par cette méthode, le cancer ou la tuberculose. Tout au plus parvenions-nous, en l'employant, à diminuer les douleurs ou la dyspnée, à rendre au malade la confiance en l'avenir.
    Les lecteurs connaissent tous un guérisseur mystique dont les adeptes nombreux vont partout, jusque dans la grande presse, chanter la gloire et la puissance. C'est peut-être une personnalité intéressante, comme beaucoup pourraient l'être s'ils avaient la naïveté de croire à leur supériorité.
    C'est, dit-on, un très honnête homme.
    Je le crois volontiers.
    Mais ce que je ne puis admettre, c'est l'heureuse influence de son enseignement sur les maladies terribles contre lesquelles l'humanité se débat depuis des siècles. Une question se présente d'elle-même à l'esprit de tout homme cultivé :
    – Quel contrôle a-t-on établi de ces guérisons miraculeuses ? En existe-t-il un ?
    On demande aux gens qui se prétendent guéris autre chose que leur affirmation. A l'ouvrier qui viendra me dire :
    – Je souffrais de phtisie, le guérisseur m'a sauvé.
    Je répondrai :
    – Où sont vos certificats médicaux ?
    Je les demanderai aussi à celui qui prétendra lui devoir la disparition d'un cancer.
    Le public est naturellement porté à exagérer l'importance de son mal. Quand un malade se relève d'une pneumonie simple quatre-vingt dix-neuf fois sur cent il déclare en racontant les péripéties de sa maladie :
    – J'ai souffert d'une double pneumonie.
     Comme s'il y avait déshonneur à n'avoir qu'un seul poumon atteint !
    L'ulcère de l'estomac devient dans la bouche des gens peu instruits des choses médicales le terrible cancer.
    La désinence est la même, la confusion explique. Le premier se guérit très souvent. Le second est mortel. Le malade désespéré s'en va porteur de son pseudo-cancer consulter l'homme qui guérit. Dans son temple où des centaines de croyants unissent leurs pensées vers un être qu'ils croient tout-puissant, celui-ci apparaît différent des autres, impressionnant dans son calme, incompréhensible dans son discours. Rien que sa vue suggestionne, les cœurs naïfs se sentent dominés et l'on voit alors les paralytiques marcher, les aveugles trouver leur chemin. Ceux qui souffrent éprouvent aussitôt un bien-être parfait. Malheureusement, ces améliorations ne sont que passagères.
    Suggestion que tout cela, ni plus ni moins que l'influence produite par la salle d'attente du dentiste.
    Les paralytiques qui marchent tout à coup, est-ce donc une chose si neuve ? Les aveugles qui retrouvent la vue, les muets qui se mettent à parler, mais c'est vieux comme le monde !
    Ce qui surprendrait vraiment serait de voir allonger la jambe d'un boiteux, disparaître la convexité d'un œil myope, renaître un œil atrophié.
    Les thaumaturges n'en sont pas encore là, c'est pourquoi leurs miracles ne seront jamais admis par les gens instruits.
    On a suffisamment discuté les guérisons de Lourdes. La plupart des médecins admettent l'heureuse influence des grands pèlerinages à la grotte célèbre dans certaine maladie. C'est un moyen thérapeutique souvent recommandé. Produit-il des miracles ? Cela dépend du sens que l'on donne à ce mot. Le croyant répond oui, le sceptique non.
    Toujours est-il que l'on a établi à Lourdes un service médical de vérification. Les cures ne s'y font plus dans l'intimité, mais sous le contrôle des médecins du monde entier, quelles que soient leurs convictions philosophiques. C'est là une façon d'agir très correcte, il faut le reconnaître. Le contrôle médical est une sauvegarde pour le malade.
    Lorsque ce contrôle n'existe pas, l'œuvre des guérisseurs ne peut être prise au sérieux. Comment savoir au juste l'affection dont souffraient les adeptes guéris ? On ne peut admettre comme exact le diagnostic qu'ils posèrent eux-mêmes. Il nous faut plus que les affirmations d'un pauvre ignorant, qui se figure avoir retrouvé la santé, pour crier à la cure merveilleuse.
    La bonne foi des intéressés n'est pas une garantie suffisante. Le vulgaire confond trop aisément des choses toutes différentes, l'ulcère et le cancer, l'anémie et la tuberculose. Je me demande comment il est possible d'accorder la moindre créance à ses affirmations.
    Il est vrai que l'homme simple est attiré par le surnaturel, le merveilleux. Les figures qu'il voit tous les jours ne lui font nul effet, les visages ascétiques l'impressionnent. Les vérités scientifiques le laissent indifférent, les divagations mystiques et dépourvues de tout sens le séduisent. Pour lui, les admirables découvertes des maîtres de la médecine ne sont rien en regard des doctrines d'un mineur ou d'un zouave retiré des affaires.
    Le peuple se méfie des savants, il leur préfère ceux des siens, qui, au mépris des données scientifiques bien établies, veulent tout expliquer et tout rénover. Les âmes simples vont tout de suite à la solution. Elles n'ont pas le temps de parcourir les étapes, comme ceux auxquels la fortune a permis de poursuivre de sérieuses études.
    Autant l'homme de science, malgré son désir de connaître, est méfiant et réservé dans le choix de sa religion, autant l'ouvrier frustre, la femme peu cultivée sont enthousiastes lorsque se présente à leur esprit curieux une explication des mystères de la vie, qui les satisfasse.
    Ils l'admettent sans réserve, ils ne pensent même pas à présenter des objections, en un mot ils ont la foi. L'homme instruit reconnaît qu'il ne sait pas grand'chose, l'ignorant se figure volontiers tout connaître.
    On a vu des médecins peu scrupuleux renoncer à leur titre, transformer leur nom, se livrer ensuite à des pratiques insensées, et devenir aussitôt des guérisseurs renommés. On a vu des domestiques de médecins, illettrés, mais malicieux, faire à leur maître une concurrence désastreuse. La foule ne demande qu'à trouver des dieux à adorer. Elle réserve ses faveurs à ceux qui l'illusionnent.
    Pendant que les savants ignorés travaillent loin d'elle à l'avancement des sciences, arrivant parfois à des découvertes sensationnelles, des illuminés apparaissent prêchant des doctrines incohérentes, que rien n'explique, et recueillent les suffrages de milliers d'individus.
    Il est vrai que l'homme de science prend souvent sa revanche. Lorsque les gens crédules ont en vain confié leur guérison à des empiriques plus ou moins sincères, ils reviennent au médecin.
    Et ce sont aussi des milliers de désillusionnés que nous voyons, malheureusement alors, avec des maladies aggravées.
    Après tout, l'homme est libre de confier son corps à qui lui plaît, comme de se faire vêtir par un charpentier et meubler par un boucher. Ceux-ci refuseront certainement. En médecine, ce n'est pas la même chose : celui qui n'y connaît rien, qui ne sait ni lire ni écrire, se croit autorisé à soigner ses semblables. Son outrecuidance n'a d'égale que la bêtise humaine. Mais combien les médecins ont tort de poursuivre ces gens-là ! Mieux vaut les ignorer.

                                                                          Dr Pierre SCHUIND.

(1) Reproduction interdite sans citer la source et l'auteur.

La Meuse, 20 mai 1910 (source : Belgicapress)

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Antoine le Guérisseur, jugement (La Meuse, 22 octobre 1907)(Belgicapress)

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Antoine le Guérisseur, jugement (La Meuse, 22 octobre 1907)(Belgicapress)

ANTOINE LE GUERISSEUR

    La Cour a rendu son arrêt sur l'appel interjeté contre le jugement correctionnel qui avait acquitté Antoine le guérisseur, de la prévention d'avoir exercé illégalement l'art de guérir.
    La Cour, adoptant les motifs des premiers juges, confirme l'acquittement...
    Il en est de même pour Jeanfils, le disciple d'Antoine.
    Aucun incident ne s'est produit. Pas de cortège, pas de foule, pas de manifestation.

La Meuse, 22 octobre 1907 (source : Belgicapress)

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Dr. Pierre Schuind - Guérisseur (La Meuse, 3 juin 1910)(Belgicapress)

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Dr. Pierre Schuind - Guérisseur (La Meuse, 3 juin 1910)(Belgicapress)

GUERISSEUR

Chronique inédite (1)

    Mon précédent article « Guérisseur » m'a valu des lettres, les unes grossières, les autres correctes, des conversations intéressantes et beaucoup d'encouragements. On m'a cité des faits, les uns en apparence favorables, d'autres défavorables à la méthode exposée par M. J. dans La Meuse.
    Je crois utile de reprendre ce sujet, intéressant pour beaucoup.
    J'ai écrit quelque part que je n'admettais pas pour les médecins le monopole des sciences médicales. Mais si tout le monde s'occupe de médecine, est-ce à dire que le médecin n'est pas celui qui la connaît et la pratique le mieux ? L'ergoteur, le paysan madré ne doit-il pas baisser pavillon devant la science juridique de l'avocat ?
    Les médecins et les hommes de droit sont les gens les plus critiqués, les plus ridiculisés qu'il existe. Leurs sciences sont imparfaites. Mais, tandis que les uns ont des lois qu'ils interprètent de façons différentes, il est vrai, mais d'après des textes bien nets, les autres se trouvent en présence de faits qu'ils connaissent admirablement et d'autres auxquels les cerveaux de millions d'hommes éclairés n'ont pas communiqué la moindre lueur.
    Parmi les phénomènes pathologiques inexplicables, il en est que l'humanité observe depuis toujours. Peu à peu, ils se précisent. Ce sont les névroses, c'est à dire les maladies du système nerveux, où nous ne pouvons dans l'état actuel de nos connaissances trouver les lésions des organes, cause du mal, le cerveau, les nerfs, mais où les affections des muscles, du cœur, des organes des sens, qui en résultent sont très apparentes. Nous ne connaissons pas les troubles survenus dans la constitution intime du système nerveux dans l'épilepsie, la chorée, l'hystérie. Ce que nous savons déjà c'est qu'elles ont toutes trois des origines connues.
    Ce qu'elles sont, un jour nous l'apprendrons.
    J'entends les incrédules me lancer un défi :
     – Quand donc le saura-t-on ?
    Je n'en sais rien. On le saura comme on a su par la découverte du bacille de Nicolaïeff que le tétanos, maladie terrible et longtemps inexpliquée, ne se caractérisant par aucune lésion du système nerveux, classée d'ailleurs parmi les névroses, était tout simplement de nature infectieuse et pouvait être jugulé comme tel.
    Je vous certifie que les guérisseurs eussent été fort marris de guérir le tétanos.
    Leur grand triomphe – mais n'est-il pas aussi celui de bien des médecins ? – est l'hystérie, l'hystérie aux cent formes, cette méduse pathologique dont les serpents aux morsures mystérieuses encore peuvent, chez l'homme, déterminer des contractures, des paralysies, lentes ou subites, de l'aphonie, du gonflement de la peau et des organes internes, de l'insensibilité, de la fièvre, des accidents simulant la méningite, l'entérite, la gangrène, etc., etc.
   Ces lésions, nous pourrions, la plupart, les obtenir par le sommeil hypnotique, et pas n'est besoin, dans ce cas, de recourir aux soins d'un guérisseur pour les faire disparaitre.
    L'illustre Delbœuf n'obtint-il pas un jour de véritables brûlures sur le bras d'un hypnotisée ?
    Nos hystériques ne sont-ils pas des héréditaires, en somme, des hypnotisés de longue date ?
    Ces malades se guérissent souvent par la persuasion, les conseils, l'intimidation, la menace.
    Que fait d'autre ce guérisseur qui monte en chaire et dit au malade : « Vous guérirez ! » que le persuader ?
    Il réussira parfois là où d'autres ont échoué.
    On cite le cas d'un ouvrier agricole du Nord de France (I), atteint depuis plus de dix ans d'une paralysie avec contracture des membres supérieurs. Il avait, sans profit, consulté près de trente médecins, ce qui démontre à l'évidence qu'il n'eut confiance en aucun. Un jour quelqu'un lui conseille de consulter un guérisseur de nos environs. Il arrive, voit celui en qui il place tout son espoir, s'en va certain de guérir et guérit. Est-ce là un miracle ?
    Pour les gens simples, oui, pour le médecin, pour l'homme cultivé, non. C'est la guérison d'un hystérique par la méthode ordinaire, ni plus ni moins. Le guérisseur, avec son cerveau d'homme simple, y voit, comme ses frères peu instruits, un signe de puissance surhumaine. Il s'exagère l'importance de son rôle, de sa puissance et en arrive à se croire capable de guérir tous les maux dont souffre l'humanité.
    On ne peut nier que certains plus que d'autres possèdent le don de la persuasion, de la suggestion. Je connais un avocat, suggestionneur émouvant, auquel les médecins d'une ville voisine ne manquent pas d'avoir recours en faveur de leurs malades névrosés. C'est un homme correct et intelligent qui n'outrepasse pas son rôle de collaborateur du médecin et ne prend pas sur lui de soigner les entérites infantiles, les lésions osseuses, les pneumonies, les cancers, par persuasion directe, épistolaire, ou par intermédiaire.
    Il est trop intelligent pour avoir trouvé le truc de l'épreuve. Notre guérisseur national, lorsque la maladie ne cède pas, déclare : C'est l'épreuve ! Est-ce moins une épreuve quand le médecin ne la guérit pas ?
    Nous serons bien reçus chez nos malades, même adeptes du thaumaturge, lorsque nous viendrons chez eux, qui hurlent de douleur, sans morphine, sans seringue, et que nous leur dirons :
    – C'est l'épreuve !
    On m'a cité un malade qui, après avoir subi l'épreuve durant quelques semaines, a dû se faire amputer des morceaux de membre gangrenés. C'était un ouvrier atteint au pied par une machine. Il écrivit aussitôt après l'accident au guérisseur, que je ne veux pas nommer. Il avait foi entière dans le pouvoir de cet homme extraordinaire. Celui-ci répondit par écrit : « Vous guérirez ! » Les jours passèrent, la guérison ne venait pas. C'était l'épreuve.
    L'épreuve dura si longtemps que le blessé, tout en remerciant sans doute le Très-haut de l'éprouver avec tant de persistance, finit par se souvenir qu'il existait de par le monde de vagues personnalités, qui font métier de soigner les pieds cassés, les plaies infectées avec des médicaments et des pansements. Il s'adressa à ces gens, qui le guérirent, ce qui était d'ailleurs prédit par le guérisseur.
    Mais, au lieu de retrouver la santé après quelques jours, il lui fallut des semaines avant de pouvoir reprendre son travail.
    Et pendant ce temps, si cet homme était marié et père de famille, si son patron refusait de lui payer une indemnité, que devenaient sa femme, ses enfants ? C'était pour eux la misère ! Et si, confiant jusqu'au bout dans la promesse de celui qui lui avait écrit : « Vous guérirez ! » il était mort de septicémie ou de pyohémie, le guérisseur aurait-il réparé son acte – que je ne veux pas qualifier – en entretenant la veuve et les enfants ?
    Mais arrivons à la conclusion. Que les guérisseurs, que les personnes jouissant d'un pouvoir de suggestion incontestable l'exercent pour le plus grand bien des hystériques de toutes sortes, rien n'est plus logique. Je suis le premier à reconnaître que le médecin peut avoir besoin d'eux, au même titre qu'il lui arrive, dans sa clientèle ordinaire, de recourir à l'aide d'une personne qui « a de l'autorité » sur son malade. Mais c'est une aberration pour ces gens de prétendre à l'omniscience, et c'est une aberration de la part des gens instruits qui les connaissent, de les entretenir dans leur erreur manifeste.

                                                                          Dr Pierre SCHUIND.

(1) Reproduction interdite sans citer la source et l'auteur.

La Meuse, 3 juin 1910 (source : Belgicapress)

 

(I) Peut-il s’agir là de frère Florian Deregnaucourt ?

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Construction évangélique [sic] (Le Messager de Bruxelles, 29 août 1917)(Belgicapress)

Publié le par antoiniste

Construction du temple à Herstal (Le Messager de Bruxelles, 29 août 1917)(Belgicapress)

Construction évangélique (sic)

    Un temple antoiniste est en voie d'achèvement rue du Chou.
    C'est le premier édifice de ce genre constaté dans la commune.

Le Messager de Bruxelles, 29 août 1917 (source : Belgicapress)

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