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antoinisme belge

Baisse du nombre d'antoinistes, réponse d'un catholique en 1938

Publié le par antoiniste

La vraie lutte commence là

par

François MAURIAC

27 novembre 1938

 

La menace qui pèse sur les Églises et dont nous avons si peu conscience, nul ne l’a mieux exprimée que M. Denis de Rougemont dans ces quelques lignes cruelles de son Journal d’Allemagne : « Chrétiens, retournez aux Catacombes. Votre « religion » est vaincue, vos cérémonies modestes, vos petites assemblées, vos chants traînants, tout cela sera balayé. Il ne vous restera que la Foi. Mais la vraie lutte commence là. »

Ce n’est pas que nous tenions pour assurée la ruine de cette façade auguste dressée par l’Église au-dessus du monde. Les cultes, les liturgies correspondent à une exigence qu’aucune révolution n’a pu tout à fait réduire : elles ont toujours fini par rouvrir les temples. La messe d’un prêtre réfractaire, dans un grenier ou dans une cave, cette bougie, ce livre éclairé, ces chuchotements, ce petit troupeau qui risque sa vie tandis qu’un homme fait le guet et que les paroles sacrées, se détachant du silence, livrent une fois de plus l’Agneau de Dieu à ceux qui l’aiment, ce drame dépouillé de tout ornement et réduit à quelques mots, à quelques gestes, garde sur les cœurs une séduction moins visible mais autrement puissante que le spectacle machiné qui fait se lever à la fois des milliers de poings fermés ou de mains ouvertes.

On l’a souvent noté : les grandes manifestations collectives conviennent à un âge de la vie, l’adolescence, une certaine adolescence et qui a la passion d’admirer, de servir et de ne penser à rien ensemble. Au delà de vingt-cinq ans, les garçons d’outre-Rhin n’éprouvent-ils quelque lassitude à crier et à acclamer en mesure ? Et, puis l’humanité entière ne tient pas dans sa jeunesse virile. Les peuples de demi-dieux n’existent pas. Dans chaque pays souffre une foule immense de créatures blessées, traquées par la maladie, par la faim, par les exigences féroces de l’État, par la misère secrète de toute vie, par le remords ; et beaucoup d’autres qui ne sont ni blessées ni traquées ont simplement le désir de Dieu et le cherchent : « J’ai faim de Vous, ô joie sans ombre, faim de Dieu... » C’est un vers de notre Jammes.

Il ne faut point s’étonner de ce que l’effort des chefs, en pays totalitaire, qu’ils l’avouent ou non, porte sur ce dernier retrait où la Grâce pénètre seule. La substitution de la Race au Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob exige le don de l’homme intérieur à l’idole ; et le dialogue muet entre la créature et son Créateur devient criminel parce qu’il échappe à la police.

Le dictateur, pour atteindre au secret des cœurs, s’attaque donc d’abord à l’armature visible, aux œuvres sociales, aux groupes de jeunesse, à la hiérarchie. Dans cette première bataille, comment ne serait-il le plus fort ? Lorsque le sort du monde dépend de quelques affranchis, d’une bande qui campe par delà le bien et le mal et qui a partie liée avec des millions de petits hommes jaunes pour lesquels notre foi et notre espérance sont comme si elles n’avaient jamais été, la ruine matérielle des Églises s’insère alors dans un avenir prévisible et une parole que le Christ s’adressait à lui-même, brille soudain d’un éclat tragique – une de ces paroles qu’à ma connaissance, aucun prédicateur ne commente jamais : « Quand le Fils de l’Homme reviendra, trouvera-t-il encore de la foi sur la terre ? »

Qu’est-ce donc que croire ? De quoi parlons-nous quand nous parlons de notre foi ? Rougemont nous aide à poser la question dans le concret : la question de savoir combien d’hommes seraient prêts à mourir pour une vérité abattue, dépouillée de son apparence auguste. Que subsisterait-il de notre fidélité à des rites abolis, de nos habitudes chrétiennes, le jour où leur objet n’apparaîtrait plus ? Et pourtant la vraie lutte commence là, en effet, au pied de trois gibets dressés à la porte d’une ville où trois condamnés de droit commun, trois Juifs agonisent, et lorsque tout est consommé et que tout semble fini de l’aventure chrétienne. La vraie lutte commence à ce néant. Le sort du christianisme est suspendu, peut-être, à la foi de quelques fidèles des diverses Églises qui, dans la ruine de tout ce qui, en les séparant les uns des autres, leur avait été occasion d’hérésie ou de schisme, croiront d’un même cœur, d’un même esprit, à une vérité écrasée et comme effacée du monde visible et, les yeux levés, attendront qu’apparaisse au zénith le signe du Fils de l’Homme.

 

François MAURIAC.

Paru dans Le Figaro du 27 novembre 1938
et recueilli dans Suites françaises
(New York, Brentano’s, 1945)
par Léon Cotnareanu.

source : www.biblisem.net

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A.G. VICENTE - L'évolution des sectes (1967)

Publié le par antoiniste

A.G. VICENTE - L'évolution des sectes (1967)

Auteur :     Alfonso Geraldo VICENTE
Titre :     L'Evolution des sectes, analyse sociologique. Le cas de l'antoinisme en Belgique
Editions :     Louvain, C.R.S.R., 1967, V-219 p. (C.R.S.R. Reprints, n04, varitypé).

    Une certitude préside à cet ouvrage, reflétée dans la dichotomie de la couverture et de la page de garde. Cette dernière porte : L'Évolution des sectes, analyse sociologique, le cas de l'antoinisme en Belgique. Qu'a-t-on voulu nous proposer ? Un travail sur l'évolution de l'antoinisme en Belgique dans le cadre général de la sociologie des sectes, ou une présentation de la diversité des méthodes et des concepts mis en oeuvre par les sociologues qui se sont jusqu'ici occupés des sectes, suivie d'une application pratique sur le cas de l'antoinisme belge ? Nous optons pour cette dernière éventualité, dont la probabilité se trouve corroborée par le nombre de pages consacré aux deux thèmes (131 p. pour le premier, 75 p. pour le second, préface et bibliographie mises à part).
    La première partie rendra quelques services pour une initiation aux diverses théories sociologiques concernant les sectes. Les tableaux synoptiques, nombreux, sont bienvenus. On se méfiera cependant de vérifier l'exactitude des détails. Ainsi l'opinion prêtée au présent recenseur, p.49-50 et p.54, au sujet de Weber et de Troeltsch est inexacte. Sans doute faut-il lire Troeltsch à la place de Weber et se demander ce que Weber a alors dit ou pas dit. On se reportera donc avec plus d'avantage aux textes mêmes de ces classiques.
    La seconde partie est nettement décevante. On y trouve certes d'intéressantes analyses : celle, par exemple, de la divination du fondateur de l'antoinisme. Encore est-elle un peu courte. Tout le reste se révèle, par contre, plutôt aprioristique. On suppose que l'antoinisme est une secte. Peut-être ; encore aurait-il fallu montrer qu'il n'était pas un "cult" ou une religion nouvelle. L'A. aurait dû méditer pour son propre compte sa note de la p.162 : "Nous n'avons été frappé a postériori par le parallèle que M. Colinon dressa entre l'antoinisme et la Science chrétienne... Or selon B.R. Wilson, la Science chrétienne est l'exemple même de la secte gnostique". Une courte réflexion sur ce parallèle aurait permis à A.G.V. de se rendre compte que la Science chrétienne, contrairement à l'opinion de Wilson, ne saurait passer pour une secte, mais qu'elle est une nouvelle religion de type Église. Il manque à cette Évolution des sectes le minimum de connaissance de l'histoire générale des dissidences nécessaire à leur interprétation sociologique.
    Laissons tout cela de côté et revenons au niveau où l'A. s'est placé. Là encore, l'analyse manque de fermeté. Les pages consacrées à démontrer la co-existence de caractères sectaires à côté de caractères de type Église dans l'antoinisme depuis ses débuts sont intéressants. Mais A.G.V. n'a pas su tirer parti de cette constatation quant à la validité du continuum niebuhrien de la secte à l'Église.
    Enfin, il semble douteux que le matériau ayant servi à l'analyse historique comme celui recueilli par interview auprès de quelques dirigeants de groupe soit suffisant. L'A. en a conscience (p.194-95) ; les directeurs de la collection auraient pu en prendre acte. En tout cas ils auraient dû revoir de plus près le texte où les fautes de langue fourmillent.

Jean Séguy, Archives des sciences sociales des religions - année 1968 - numéro 25 - pp.232-233 (persee.fr)

    On lit d'abord une étude des auteurs de sociologie, dont M. Weber, B. Wilson, H.R. Niebuhr... L'auteur signale qu'il existe peu d'études positives de l'évolution des groupements religieux, voilà la raison de la deuxième partie. Dans la première partie, l'auteur de la dichotomie "Secte-Eglise" arrive à préférer la dichotomie "sectarité-ecclésialité", forme plus pratique se portant sur le caractère des groupements religieux pour étudier leur fonctionnement sociologique (p.102)(la Miviludes parle elle maintenant de caractère sectaire d'un groupement religieux). Son hypothèse est qu'un groupe, d'un maximum de sectarité et d'un minimum d'écclésialité, arrivera, s'il se maintien dans le temps, à un maximum d'ecclésialité et un minimum de sectarité. A cela peut s'ajouter, entre autre, une divination du fondateur. L'auteur veut vérifier cette hypothèse par l'étude d'un cas, l'antoinisme. Pour cela, l'auteur étudie l'antoinisme comparativement avec lui-même selon plusieurs périodes (1912 / actuellement)(p.134-135).
    Mais alors que pour l'historique (le meilleur peut-être de tous les historiques de l'antoinisme), l'auteur s'appuie sur Debouxhtay et les Unitifs, pour l'étude des variables du schéma d'analyses, l'auteur se sert de son historique, mais aussi de textes de Colinon (Le Phénomène des sectes) ou de H.Ch. Chéry (L'Offensive des sectes)(p.155) ou encore de témoignages de personnes n'étant pas antoinistes (p.158). Cela devient donc beaucoup moins convainquant. En effet, dresser un tableau sociologique d'un groupe à sa création, il y a plus de 50 ans, était une gageure. Gageure qui a échoué à mon sens, car l'auteur arrive à la conclusion que l'antoinisme, à la mort d'Antoine, était une Secte thaumaturge évoluant ver le type gnostique (p.162).
    De tout état de fait, cela nous amène à des erreurs (par exemple, "Antoine jugeait l'éducation nuisible et sa doctrine s'opposait à l'intelligence, à la science et à la matière même, comme contraire à la conscience, seule source de connaissance véritable et de moralité" (p.178) ; "l'antoinisme, d'après Antoine devait remplacer le Christianisme" (p.154)) ou à des généralités ("on le confond avec le Christ, on tombe à genoux devant lui" ; "au lendemain de sa mort, il semble qu'ils n'étaient pas rares les adeptes qui croyaient à sa prochaine résurrection" (p.163)).
    De plus au cours du développement, l'auteur utilise parfois l'adectif "sectaire", plutôt que "de caractère de sectarité". Et il s'appuie sur plusieurs auteurs pour construire son schéma d'étude, ce qui ne simplifie pas les concepts.
    Donc en conclusion, l'auteur en arrive à la déduction que l'antoinisme de "secte thaumaturgique" (selon WIlson), il devient "secte gnostique" (selon Wilson). Mais ses preuves son minces et en note, il précise encore qu'il a été "frappé a posteriori par le parallèle que M. Colinon dressa entre l'antoinisme et la Science Chrétienne. Or selon Wilson, la Science Chrétienne est l'exemple même de la Secte gnostique" (p.162). Or comme le dit Jean Séguy, selon Wilson, la Science Chrétienne est une Eglise et non une Secte. L'antoinisme dans tout cela, donc ?
    Bref, on reste sur sa fin, et la deuxième partie déçoit beaucoup.

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Un fondateur de relgion (Le Figaro, 26 juin 1912)

Publié le par antoiniste

Figaro en Belgique

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UN FONDATEUR DE RELIGION
                       Bruxelles, 25 juin.

    Louis Antoine, un ancien ouvrier d'usine, devenu guérisseur, est mort à Jemeppe, près de Liège, où il avait édifié un temple, fondé une véritable religion. Le Parlement belge reçut, l'an dernier, une immense pétition demandant la reconnaissance officielle du culte nouveau, qui compte de nombreux adeptes en France.
    Originaire du pays de Liège, Antoine avait soixante-six ans. On dit que sa femme continuera son oeuvre. - HARRY.

Le Figaro - 26-06-1912 (Numéro 178)
source : gallica

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Que sont devenus les mineurs des charbonnages belges - impact sur l'antoinisme

Publié le par antoiniste

    En raison de l'industrialisation induite à partir des charbonnages, le chômage dépasse le monde de la mine. Le chômage en général, le déclin de la population active et le recul du niveau de vie affectent cruellement les bassins de Wallonie dont les instances politiques, syndicales et économiques se livrent à des comparaisons avec le reste du pays. L'impact psychologique et politique de ce phénomène relatif mériterait une étude nouvelle, car la communauté minière s'est défaite dans une atmosphère de grisaille et d'âpres revendications; le mouvement nationaliste wallon devient plus agressif. Il faudrait savoir si la perte de l'industrie houillère n'a pas oblitéré les défauts d'autres secteurs de l'économie.

Que sont devenus les mineurs des charbonnages belges ?
Une première approche : problématique et méthodologie

par M. Bruwier, professeur honoraire à l'Université de l'Etat de Mons (p.15)

    On peut se demander si l'antoinisme n'en a pas également souffert. La plupart des adeptes, sans être tous mineurs, venait d'un milieu modeste. L'ambiance générale, comme le dit ce professeur était à "la grisaille". Quelques lignes plus haut, il cite l'exemple du puits Gosson n°2 à Montegnée : 447 des 1.051 mineurs en chômage appartenaient à un seul des cinq charbonnages fermés en 1966, et représentaient 37% de sa main d'oeuvre alors, pour les autres, le taux de chômage variait entre 6 et 18%.

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Alain Lallemand, Les sectes en Belgique et au Luxembourg - L'Antoinisme (1994)

Publié le par antoiniste

Du spiritisme à l'antoinisme

    " L'an mil huit cent quarante-six,  le huit du mois de juin à midi, par-devant nous, Nicolas-Joseph Jacquemin, Bourgmestre, Officier de l'état civil de la commune de Flémalle-Grande, canton de Hollogne-aux-Pierres, arrondissement et province de Liège, est comparu Martin Antoine, houilleur, âgé de cinquante ans, domicilié dans cette commune, hameau de Mons. " Qu'avait-on ce jour-là de si important à déclarer chez Martin Antoine dit 'Eloi' ? Un fils, bien sûr, et de sexe masculin. Catherine Castille, 49 ans, venait de mettre au monde à quatre heures du matin (le 7 ou le 8, il subsiste un léger doute) un enfant qu'on prénommerait Louis-Joseph, et dont le nom de famille officiel a, un court moment, été 'Eloi' : l'heureux géniteur, dans sa précipitation ou par ignorance, avait décliné le sobriquet dont on l'affublait plutôt que son identité véritable. 'Eloi' venait d'avoir son onzième (?) et dernier fils.
    Baptisé le jour même, Louis-Joseph est élevé rue des Priesses, au lieu-dit 'A la chapelle', et c'est à l'école primaire de Mons (Flémalle) qu'il reçoit sa maigre instruction. A douze ans, il descend à la mine, y exerce pendant deux ans les fonctions de pousseur de bennes, manoeuvre de fond, tailleur de veines. On le dit autodidacte et débrouillard, gentil euphémisme pour une inaptitude scolaire que ses hagiographes s'empressent de contester (1). Mais il est certainement de santé fragile et devient rapidement ouvrier métallurgiste, délaissant le pic. Devenu machiniste, il est inscrit à la milice en 1866, et remplit ses obligations militaires à Bruges, au 3e régiment de ligne. Il combat - et tue (2) - lors d'un rappel sous les drapeaux à l'occasion de la guerre franco-allemande, mais lorsqu'il revient dans la vallée de la Meuse, il n'a plus d'employeur et décide alors de s'expatrier en Prusse rhénane : il y travaille pour les usines Cockerill. C'est l'époque où il aurait découvert le 'phénoménologie' d'Hegel, qui imprégnera le discours antoiniste : conscience et intelligence, apparence contre réalité. Mais, comme le suggère délicatement sa biographe soeur Yvette, il avait "pris un pain sur la fournée". En d'autres termes, il se doit de revenir en Belgique et d'épouser le 15 avril 1873 une dame Jeanne Catherine Collon, qui lui donne une descendance dès le 23 septembre de la même année. L'enfant naît en Prusse et sera baptisé du nom de Louis-
Martin Joseph.
    En août 1876, Louis-Joseph Antoine revient en Belgique, à Jemeppe, et décide de s'installer comme marchand des quatre saisons. Erreur funeste, les affaires de marchent guère. Il repart alors pour la Pologne en février 1879 où il devient chef-marteleur pour les aciéries de Pragua, aux alentours de Varsovie.
    C'est une époque importante car il s'y enrichit de manière considérable : "Sa femme tint une pension qui fit fortune", rapporte sa biographie officielle. Soit. Toujours est-il qu'il rentra en Belgique, comme le veut la formule, "avec du foin dans ses bottes". Il s'installe rue du Bois-du-Mont et... fait bâtir vingt maisons ouvrières mais confortables. Est-ce en 1884, en 1889, voire même quelque temps plus tard que Louis-Joseph Antoine adhéra au spiritisme alors fort prisé dans la région liégeoise ? Difficile à dire. En tout cas, il prêche le catholicisme (3) jusqu'en 1888 et perd son fils unique le 23 avril 1893. Or celui-ci sera enterré selon le rite spirite. Portier-encaisseur à la fabrique de Lexhy, près de la gare de Jemeppe, celui qui allait devenir le 'père Antoine' a désormais une activité professionnelle réduite et se consacre de plus en plus à ce spiritisme. Il crée la société spirite liégeoise 'Les vignerons du seigneur' et, en 1896, édite le Petit catéchisme spirite. Le succès est tel qu'en 1900 il quitte toute activité extérieure et achète un immeuble situé au croisement des rue des Tomballes et du Bois-du-Mont, immeuble susceptible d'abriter ses fidèles.
    Mais le corps médical l'a à l'oeil : c'est que le 'père Antoine' prétend guérir, et que, s'il se refuse à tout salaire, un tronc destiné aux 'oboles' est aménagé dans l'antichambre de son cabinet. Le Parquet, saisi d'une plainte, fait ouvrir à la police de Jemeppe une enquête discrète. En 1901, le père Antoine se retrouve devant les tribunaux pour pratique illégale de la médecine : "Depuis douze ans, dira le guérisseur au juge, je me livre journellement à la guérison des malades, je n'ai aucun diplôme, je guéris toute les maladies ou plutôt je soigne toute espèce de maladie. Chaque malade que je reçois entre dans mon cabinet, je lui pose la main sur la tête et je me recueille, je me livre à la prière et pendant ce temps m'arrive l'inspiration qui me permet de dire la maladie ou l'infirmité dont souffre le patient ; quand celui-ci a foi en moi, je ne me trompe jamais ; j'insiste et je répète que je crois fermement que je ne me trompe jamais sur la cause du mal. Quand le siège du mal est ainsi déterminé, je fais des passes avec la main sur la partie malade et, ce faisant, je me confine dans mon examen du malade... J'ai une recette générale ; elle consiste dans un morceau de papier que j'ai magnétisé par attouchements et par des prières ; en trempant ce papier dans de l'eau, celle-ci acquiert une vertu supérieure qui la rend propre à guérir les personnes qui la boivent : deux papiers sont bons pour magnétiser un litre d'eau... " (Le Soir, 9 juin 1934). Louis-Joseph Antoine est condamné à 60 francs d'amende avec un sursis de deux années.
    Cette condamnation aura pour effet de modifier profondément les activités du guérisseur : plus aucun recours aux prescriptions (Louis-Joseph prescrivait notamment la 'liqueur Koene' à ses adeptes), et une défiance absolue envers l'argent. D'autre part, la fédération des groupes spirites, qui pose problème aux antoiniste dès 1902, et la montée de la théosophie à l'intérieur des cercles spirites, poussent en définitive le 'père' à quitter le spiritisme de manière résolue dès 1906. La rupture est très nette : d'un seul coup, le 'père Antoine' a la révélation que le spiritisme, manifestation matérielle des esprits, est du domaine de la seule science, qu'il est périmé (4), et que lui doit s'occuper désormais de 'spiritualité'. La rupture antoiniste est amorcée, elle a exactement la même genèse que la théosophie : sur une souche spirite, l'éclosion d'un dogmatisme de l'âme (5). Il crée le Nouveau spiritualisme et déclare en 1907 au journal La Meuse : "Je ne suis plus spirite".
    La religion ainsi créée va bénéficier d'un essor considérable le 15 juin 1907, lorsque le fondateur se retrouve une seconde fois devant les tribunaux. Mêmes charges, mais un jugement opposé car le 'père' a retenu la leçon : on acquitte le prévenu le 22 octobre, l'antoinisme a désormais les mains libres. Sur quoi repose le culte ? En fait, le rite est assez simple : le dimanche et les quatre premiers jours de la semaine, à 10 heures précises, le 'desservant' ou ministre du culte procède à l''opération' en répandant sur la foule, de la main droite (6), le 'fluide éthéré du Père', ce même qui était utilisé auparavant par Louis-Joseph pour les guérisons. Puis il rappelle à voix haute les dis principes du Dieu révélés au Père. Enfin, un lecteur transmet une courte pensée du fondateur (7). Au total, le rite complet dure de 15 à 30 minutes. L'adepte quitte ainsi le temps avec un peu du 'fluide vert' (8) du père Antoine, ce fluide qui est 'la foi qui guérit'. Selon les rares chiffres dont on dispose, à partir de cette époque, le 'père Antoine' aurait reçu quotidiennement quelque 400 à 500 visiteurs, et de 500 à 1.200 à partir de 1910. Bien sûr, il n'est plus question d'imposer les mains individuellement : on procède désormais à des guérisons de foules.
    Et en 1910, l'antoinisme vient au Parlement : une pétition signée par 160.000 personnes est déposée le 2 décembre au greffe de l'assemblée et demande la reconnaissance légale du culte. "Jamais même pour le S.U. (suffrage universel) et pour l'instruction obligatoire on n'était parvenu à réunir autant de signataires", remarque le journal Le Soir. Le mouvement dit ne pas souhaiter de subsides, mais la simple reconnaissance du fait cultuel et de son patrimoine : le temple de Jemeppe-sur-Meuse élevé en 1910 rue Alfred Smeets aurait coûté la bagatelle de 100.00 francs de l'époque. La presse nationale commence à s'intéresser à ce 'dieu nouveau' qui est, au physique, "un homme de taille assez haute, mais au dos voûté. Il a les cheveux gris coupés ras. Il porte une redingote fermée jusqu'au cou par une seule rangée de boutons. Il mâche continuellement de la gomme. Son attitude est simple et franche. Pas de pose, pas de bluff. Il est modeste et convaincu" écrit Jean de Bruxelles. La Belgique lui jette ainsi un dernier regard, car... le 25 juin 1912, 'Antoine le Guérisseur' s'éteint. Davantage perçu comme un illuminé qu'un charlatan, il laisse derrière lui plusieurs dizaines de milliers de fidèles organisés tant en France qu'en Belgique, quelques relais en Allemagne, au Brésil, aux Etats-Unis, une imprimerie et plusieurs hebdomadaires dont l'un au moins atteint un tirage de 20.000 exemplaires. Le 25 juin devient ainsi une date clé du calendrier antoinistes (9) : les adeptes pensaient au départ qu'il se réincarnerait dans les trois jours (10). Ne voyant rien venir, ils optèrent pour la seule interprétation possible à leurs yeux : le père Antoine était devenu assez parfait pour ne plus nécessiter de réincarnation, le 25 juin est donc fête de la 'désincarnation".
    Pour mémoire, citons l'autre grande fête antoiniste : le 15 août, anniversaire de la consécration du premier temple, celui de Jemeppe. Mais tous les Liégeois savent que le 15 août est traditionnellement jour de fête mariale, fête qu'un culte de souche mosane se devait de récupérer. (11)
    L'antoinisme, qui prend en 1922 forme d'asbl et devient la même année établissement d'utilité publique sur proposition du ministre de la Justice de l'époque (?)(12), va devenir rapidement schismatique (13) : dès les premiers mois qui suivent le décès du 'père' et alors que la 'mère Antoine', alias Jeanne-Catherine Collon, est contrainte de reprendre tant bien que mal les rênes du mouvement, le propre neveux du fondateur, Pierre Dor, fait scission, et ouvre un temple similaire à Roux, dans le Hainaut. Ses adeptes témoignent qu'il soigne lui aussi par imposition des mains et même à distances, 'par la pensée'. Cela lui vaudra le 24 février 1914 une descente en règle du Parquet de Charleroi, escorté de huit gendarmes. Son public est de moyenne bourgeoisie, il vend effectivement des brochures prônant ce qu'on appelle alors à tort le végétarisme - il s'agit en fait de végétarisme, comme le pratiquait lui-même le 'père Antoine' - mais aucune trace de l'exercice illégal de l'art de guérir. Ce que les pandores ignorent peut-être et que soulignera en juillet 1936 notamment le journal d'extrême-droite Cassandre, c'est que les guérisons, chez les disciples d'Antoine, s'effectuaient en catimini, après les rite, dans un local annexe : chaque 'patient' a son numéro, et on appelle les clients à la criée. La secte Glaube und Hoffnung, de Luxembourg, ne procède pas autrement à l'heure actuelle.
    Autre schisme, survenu après la deuxième guerre cette fois : le desservant du temple situé quai des Ardennes, à Liège, devait ouvrir à Angleur un temple où il se proposait de revenir au 'culte antoiniste primitif' (14). H., non autrement désigné, sera assigné en 1949 devant le tribunal correctionnel, et le dossier ira en appel : les antoinistes auraient voulu qu'il soit condamné à fermer son temple, ce qui fut refusé en instance et en appel. Par contre, la Cour lui fit défense d'apposer l'enseigne 'culte antoiniste', le souhait d'induire une confusion entre les deux cultes étant évident.

  La deuxième mort d'Antoine
    L'association Culte antoiniste de 1922 est sans doute la seule secte dont les comptes annuels figurent au Moniteur. Sa mauvaise santé actuelle n'est donc pas un mystère : les comptes bien sûr en équilibre, mais dénotent une activité minimale. 7,4 millions à 8,5 millions de nos francs selon les exercices... Et pourtant ! En 1912, lorsque le 'père Antoine' est porté en terre, les rues de Jemeppe sont noires de monde, les reportages photographiques sont éloquents. Une étude des implantations antoinistes de l'époque réalisée par sa biographe 'soeur Yvette' montre qu'au 1er septembre 1912 il y avait deux temples en Belgique, et 55 maisons de lecture dans notre pays et en France, sans compter les antennes ouvertes en Egypte et au Brésil ; qu'en août 1914 existaient désormais sept temples en Belgique et soixante et une maison de lecture, toutes situées en Wallonie exception faite de celle d'Ixelles. Août 1930 est en quelque sorte une apogée puisqu'il voit fonctionner 124 maisons de lecture, mais, et c'est le revers de la médaille, les coteries commencent à inquiéter les dirigeants de la secte, une limitation des maisons de culte est décidée. En 1934, on fait état de 27 temples (dont 19 dans la seule province de Liège) et 15 en France. L'antoinisme est désormais présent au Canada, au Congo, aux Etats-Unis. "Cent mille petits-bourgeois, artisans et femmes", tel serait le nombre des adeptes.
    En 1993, le coeur du culte de trouve rue Hors-Château à Liège, un temple qui ne reçoit plus guère que 300 adeptes chaque semaine. Il existe encore 30 temples en Belgique dont 20 en province de Liège et... un en Flandre, à Schoten-Deuzeld. Mais ce dernier, s'il existe, est fermé faute de fidèles. Le sort de celui de Stembert n'est guère plus enviable : il est fermé, faute de moyens pour le restaurer (15). Paradoxalement, les choses vont un peu mieux en France, où subsistent une trentaine de temples, ainsi qu'au Zaïre, au Canada, en Italie et en Allemagne, où il existent des maisons de lectures. Les adeptes ? 500 adeptes 'costumés' - portant lévite noire descendant jusqu'aux mollets pour les hommes, robe noire et bonnet surmonté d'un diadème pour les femmes - pour l'ensemble de la Belgique au grand maximum. Un premier signe d'inquiétude : alors que, statutairement, huit membres doivent siéger au conseil général qui préside le culte, seuls quatre siègent effectivement à l'heure actuelle. Un deuxième signe, plus funeste encore : au début du siècle, le 'père Antoine' recevait et prétendait guérir les personnes atteintes de troubles physiques (16). Les nouveaux adeptes antoinismes, eux, veulent guérir du chômage (17). Il n'est pas certain que le fluide du 'père' y puisse grand-chose.


Alain Lallemand, Les sectes en Belgique et au Luxembourg (p.45-49)
Editions Aden - 1994 - 238 pages
source : Google Books

(1) Cependant, pour un houilleur, devenir machiniste puis chef-marteleur, et émigrer à l'étranger, n'était pas chose commune.
(2) C'est pendant un exercice que Louis Antoine tuera. Ce n'était donc pas un ennemie, mais un camarade. On comprend que cet évènement ai pu le tourenter.
(3) On dirait plutôt qu'il pratiquait le catholicisme. La biographie due au Frère Deregnaucourt et Soeur Desart dit qu'il "professa la religion catholique jusqu'à l'âge de 42 ans", il exposé publiquement son catholicisme.
(4) Il ne prétendait pas que le spiritisme était "périmé", mais qu'il n'était plus de son ressort.
(5) Je ne sais pas si l'on peut parler de dogmatisme, quand on met en avant le libre-arbitre. Le seul dogme que Louis Antoine loue est la réincarnation, dogme qui lui vient du spiritisme.
(6) Il me semble que même en France, le desservant serre les mains à la grande tribune, mais ne tend pas une main.
(7) On confond ici l'Opération et la Lecture de l'Enseignement. En France, L'opération est faite, puis la récitation des dix principes. En Belgique, l'opération seule. Le soir a lieu la lecture de la Révélation.(8) Joli expression qui n'est pas utilisé, me semble-t-il, par les antoinistes. Les temples sont verts, mais le fluide ne connait pas de couleur, il est lourd ou éthéré.
(9) Actuellement, c'est encore vrai du côté français.
(10) Pas tous les adeptes, mais certains adeptes. C'est une précision analysée par Pierre Debouxhtay.
(11) La majeur partie des premiers adeptes étaient déchristianisés comme le rappelle Régis Dericquebourg.
(12) En fait, le ministre de la Justice de l'époque proposait de créer cette association d'utilité publique pour faire face au vide juridique : en effet, la Constitution belge ne reconnait alors que les religions établies lors de sa création. L'antoinisme ne pouvait donc pas être reconnu religion par l'état. Puis le statut d'asbl, à sa création, fut donner au culte.
(13) La scission avait déjà lieu lors de l'incarnation du Père (Pierre Dor s'installe à Roux en 1909), qui déclarait à propos de son neveux "qu'il suivait son chemin".
(14) Il semble que ce soit l'inverse, puisque à la désincarnation de Mère, le 4 novembre 1940, le frère Nihoul et le Conseil d'Administration décide de retirer les photos des temples, donc celui du Quai des Ardennes n'en avait plus. Ainsi H. voulait revenir au temple tel que Mère l'avait laissé, donc avec photos.
(15) Ce temple est actuellement en cours de rénovation, des Solidarités de groupes y ont déjà cours tous les 15 jours.
(16) Le Père voulait guérir l'âme, plutôt que le corps. L'âme guéri, devait permettre la guérison du corps.
(17) Racourci déloyal, car le culte veut guérir, non du chômage, mais des problèmes liés au chômage : manque de confiance en soi, tristesse sociale, désenchantement, etc.

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L'Indépendance Belge - Jeudi 7 mai 1914 - reconnaissance légale

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La paille et la poutre.

    M. le sénateur Magnette avait posé au ministre de la justice une question au sujet de la reconnaissance légale du culte antoiniste.
    Et M. Carton de Wiart a répondu que ce culte « ne se rattache, dans son ensemble, à aucun service public du culte organisé par la loi du 4 mars 1870. La loi seule pourrait lui attribuer là reconnaissance légale ».
    A ce propos, un organe de droite fait remarqué :
    « S'il est fort probable que M. Antoine n'a jamais rendu d'autre service aux rnalades que de relever leur courage par la promesse d'une guérison et la vente d'une bouteille d'eau plus ou moins filtrée, il est certain que les enseignements de l'antoinisme ont pu et peuvent avoir les plus fâcheuses conséquences au point de vue de la santé publique. Pour quelques fanatiques de cette secte, la foi remplace tous les remèdes. »
    Comme à Lourdes alors, où M. Carton de Wiart porte le baldaquin aux processions. Aussi comprenons-nous que le ministre ne veuille faire nulle peine, même légère, à la Vierge dont le petit commerce d'eau filtrée est si rémunérateur pour Notre-Mère la Sainte-Eglise.

L'Indépendance Belge - Jeudi 7 mai 1914 - n°127

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Temps Jadis n°66 (Juin 2000)

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La seule religion belge, l'Antoinisme

R.Gaspard, E. Seffer.

 

Un texte neutre mais les Antoinistes n'y apprendront rien. Les cartes postales sont intéressantes, notamment celle de l'inauguration du temple de Verviers (le 12 juillet 1914) par Mère Antoine, et celle d'une Antoiniste verviétoise en costume.

A se procurer sur le site de Temps Jadis (www.tempsjadis.be)

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Etablissement d'un groupe à Liège

Publié le par antoiniste

NOUS DEVONS TOUJOURS
RESPECTER NOTRE
NATUREL

    Mon Père, je suis un peu contrariée depuis quelque temps, peut-être ne suis-je pas arrivée à saisir le vrai sens de l'Enseignement, je dois le croire puisque en analysant la manière d'agir de certains adeptes, je vois le mal en eux alors que Vous enseignez qu'il n'existe pas ! J'ai même été très étonnée certain dimanche que j'assistais à la lecture, car après la réunion une dame s'est levée et a lu une explication dictée par Vous relativement à une question qui m'avait paru bien grave lorsqu'on m'en avait parlé ; on disait, et avec raison me semblait-il, que certains adeptes agissaient tout à fait contrairement à votre Enseignement et cette dame a lu qu'ils faisait le bien, que ceux-là seuls en souffriraient qui y verraient le mal. Je croyais que cette chose allait se terminer ainsi et j'y applaudissais intérieurement. Mais je me trompais, car ce n'était pas tout et il me semble aujourd'hui qu'au lieu de ramener les brebis au bercail en disant qu'elles ont fait le bien, on les a égarées davantage puisque, depuis dimanche dernier, elles sont établi un groupe à Liège. Jusque là, rien de répréhensible, direz-Vous, mais ce qui démontre qu'elles ne sont pas réunies dans une pensée qui découle de l'Enseignement et en même temps de la Vérité, c'est qu'elles font leur réunion à la même heure qu'ici, c'est-à-dire à dix heures. Père, comment concilier l'Enseignement avec la manière de faire de ces personnes ? Je crois bien difficile de démontrer qu'il y a là un bien vu qu'elles ne font que tenter les adeptes à se diviser et que Vous nous avez révélé l'Unité de l'ensemble.
    Père, je Vous serais bien reconnaissante de m'éclairer et je crois que Vous éclaireriez aussi beaucoup de vis adeptes qui peuvent comme moi s'arrêter à ce point et l'interpréter mal.

    Le Père. - Lorsque nos intentions sont de travailler à notre progrès et que nous faisons effort pour surmonter la vue du mal, ne nous trompons-nous pas encore en ne voulant plus viser en tout que le bien ? Car celui qui a la vue du mal, puisqu'ils sont corrélatifs, l'un ne peut exister sans l'autre. C'est en agissant naturellement, avec la seule intention de nous améliorer, que nous parviendrons à surmonter cette vue ; l'idée de nous désintéresser suffit pour arriver à notre but. J'ai révélé que nous sommes dupés par notre intelligence qui nous montre le bien dans le mal et le mal dans le bien, qu'elle est la vue de notre imperfection. Dans celle-ci tout nous apparaît contrairement à sa réalité, notre intelligence qui n'est sensible qu'à la matière nous fait effectuer nos actes en vue du bien qui la satisfait. Si nou¨s étions plus avancés moralement, nous comprendrions l'erreur que nous commettons souvent en agissant par son intermédiaire ; le temps se charge par notre progrès de nous faire tout apprécier en réalité. Mais le monde est encore loin de comprendre cette réalité, voilà pourquoi nous disons que sans épreuve il n'est point d'avancement. C'est par l'épreuve qu'il doit arriver à surmonter cette fausse vue de l'intelligence. Dans l'incarnation où nous nous sommes plongés, nous ne nous basons que sur nos sens, ignorant que ce sont eux qui nous égarent puisqu'ils ne sont que les attributs de notre intelligence. N'avons-nous pas révélé que celle-ci est opposée à la conscience, qu'elle n'est que le siège de notre imperfection ? Nous nous la sommes développée parce que nous avons cru qu'elle nous maintenait sur le chemin de la vérité, aujourd'hui que nous sommes mieux à même d'apprécier le but de la vie, nous devons nous rendre compte de la réalité de toutes choses. Quiconque cherche à résoudre le problème de l'existence, s'il désire savoir où il va, doit chercher d'où il vient, il doit connaître de quelle façon nous nous sommes incarnés : toute solution est là. Quand nous comprendrons que notre intelligence ne nous sert que pour nous diriger matériellement, autrement dit dans l'imperfection, nous saurons aussi que ce n'est pas elle qui pourrait nous en extraire, que si elle nous y plonge, nous devons arriver à la surmonter pour atteindre au vrai bonheur. Mais aussi longtemps que nous nous ignorerons, nous ne ferons qu'obéir à cette faculté et à l'amour qui en résulte. Voilà où nous faisons erreur, nous confondons l'amour divin avec le nôtre, auquel il est incompatible, c'est pourquoi je répète souvent que nous devons apprendre à nous connaître, et nous ne le pourrions qu'en agissant naturellement.
    Mais si nous faisons le bien tel que notre amour nous le montre nous serons toujours opposés à celui de Dieu. J'ai enseigné que pour réaliser une chose nous devons remonter à sa cause, en procédant ainsi nous saurons si ce bien que nous commande notre amour est réel ou faux. S'il est imparfait, sa vue ne peut l'être moins, car ce n'est qu'elle qui nous fait repousser le véritable. La raison en est bien simple : n'ai-je pas dit que notre imperfection ne sait le supporter?  Elle ne nous permet pas d'y obéir puisqu'elle en est l'opposé.
    Je m'aperçois que je vous entretiens de chose que vous savez car je les ai déjà enseignées et maintes fois répétées. Si pour tout ce qui arrive je vous renvoie à l'Enseignement, c'est que toute explication s'y trouve. Mais on peut se tromper en l'interprétant. Vous ai-je jamais enseigné que vous devez faire le bien ? au contraire, je suis allé jusqu'à vous dire de faire le mal et que vous deviez chercher plutôt à ne plus aimer. Mon Enseignement n'étant pas plus basé sur le bien que sur le mal, puisque l'un n'est pas plus réel que l'autre, je crois qu'on aurait tort de se plaindre à moi et de dire que certains adeptes agissent contrairement à ce qu'il proclame. Ne visons-nous pas ces personnes avec la vue du mal ? Vous oubliez sans doute que j'ai enseigné que nous devons toujours agir naturellement, voilà de quel façon vous devez me comprendre quand je vous dis : faites le mal alors que je démontre qu'il n'existe pas. Si nous interprétons les choses erronément par notre fausse vue, ce mal que nous voyons dans certains adeptes n'est-il pas le bien véritable ? mais si nous nous basons sur celui que nous montre notre amour imparfait, nous verrons tout contrairement. N'ai-je pas révélé que par notre intelligence nous prenons les défauts des autres pour des réalités et leurs qualités pour des défauts ? Tâchons de nous pénétrer de l'Enseignement, nous ne verrons plus le bien quand nous ne verrons plus le mal, parce que sachant que nous devons agir par notre naturel, nous comprendrons qu'un autre doit le faire également, ainsi il ne nous trompera pas et il ne permettra pas davantage que nous le trompions nous-mêmes. Mais si nous exigeons qu'il effectue ses actes de façon à nous satisfaire, par le moi apparent, ne serons-nous pas dupé ? n'est-ce pas là qu'il nous tromperait en voulant montrer ce qu'il n'est pas ? Ne devrions-nous pas être autant réjouis des actes de ces personnes qu'ils ne peuvent nous susciter le moindre doute puisqu'elles se basent sur le naturel ? ne devrions-nous pas craindre plutôt de les voir agir autrement ? Votre question fait supposer que nous ignorez l'Enseignement que vous voulez proclamer, car vous l'interprétez bien contrairement. N'ai-je pas dit dans la lecture que cette dame a faite au temple : n'en souffrira que celui qui y verra le mal ? Mais si vous ne vous en rapportez qu'aux effets, vous méconnaissez leur cause et, je le répète, c'est à celle-ci que nous devons toujours remonter pour nous rentre compte de la réalité.
    Vous me parlez de l'Unité de l'ensemble, disant que ces adeptes en sortent plutôt que de s'y maintenir, puisqu'ils se divisent et tenteraient les autres à le faire également. Mais comment interprétez-vous cette unité ? car c'est là, je crois, que vous vous trompez. Vous entendez par elle que tous les adeptes devraient s'unir et ne faire qu'un groupe, que tous devraient revêtir la robe et qu'ainsi, toute distinction disparaissant, tous seraient dans cette unité. C'est là que vous faites erreur, car si votre vue ne se porte que sur l'effet, vous serez dans celui-ci réunis mais d'autant plus divisés à la cause ; la manière d'agir de ces adeptes doit vous prouver qu'ils sont dans l'unité, car c'est bien au sein de ce que vous envisagez comme telle que gît l'imperfection, puisque tous ceux qui y participeraient en vue de montrer qu'ils font le bien, ne seraient basés que sur l'apparence, ce serait la véritable imperfection tandis que, je le répète, si même vous êtes divisés à l'effet en agissant naturellement, vous ne le serez pas à la cause. Voilà de quelle façon nous arriverons à l'unité de l'ensemble ; celui qui suit son naturel effectue ses actes instinctivement, il ne voit pas le bien parce qu'il ne voit pas le mal. Nous sommes encore loin d'apprécier cette question que nous devons pour être heureux agir naturellement. Arrivés là, on sait que ses semblables procèdent de la même façon et on a d'autant plus de confiance en eux qu'on pourrait en douter s'ils faisaient autrement. Celui qui marchera naturellement ne pourra étonner que ceux qui se basent sur le bien tel que nous le voyons, qui le critiqueront et le blâmeront parce qu'il leur semblera agir contre la raison tandis que ce sera le contraire. Ah ! si nous respectons l'Enseignement, nous devons nous attendre à recevoir parfois de grandes observations de la part de celui qui dit qu'il faut faire le bien car le naturel froissera souvent puisque ce bien n'est saisi qu'en vue de l'intelligence qui ne sait supporter la réalité. Les personnes qui ont établi un nouveau groupe et y font des réunions pour la lecture de l'Enseignement, témoignent qu'elles ont l'intention de la propager ; si elles ne voient pas plus de mal dans les adeptes de groupe de Jemeppe que ceux-ci ne doivent le voir en elles, elles seront toujours ainsi dans la raison, sur laquelle j'ai appuyé cet Enseignement, elles ne font que donner plus d'extension à notre libre arbitre, de cette façon chacun pourra agir à sa guise tandis que s'il n'y avait qu'un seul groupe, on ne serait pas libre puisque pour entendre l'Enseignement, on ne pourrait se dispenser d'en faire partie.
    Voilà, mes enfants, ce que je puis enseigner à ce propos. Si vos intentions sont de respecter ce que je vous ai révélé, agissez comme bon vous semble, sans vous préoccuper de votre semblable, qui fera de même et ainsi vous pourrez dire que vous appartenez à l'Unité de l'ensemble. Les plus élevés qui ne verront en aucune façon le mal en ceux qui sont plus arriérés, leur montreront l'exemple et ceux-ci seront d'autant plus dévoués et courageux pour s'améliorer parce qu'ils ne seront plus entourés de mauvais fluides que l'on se prodigue réciproquement par la vue du mal. C'est ainsi que vous vous entr'aiderez à votre insu, vous apprécierez l'efficacité de l'épreuve, vous comprendrez combien elle nous est indispensable pour atteindre à notre but. L'interprétant en réalité, vous savez qu'on n'en souffre plus, car si actuellement elle vous est encore douloureuse, c'est parce que vous la dénaturez par la vue du mal, celle qui vous montre le bien dans les actes que vous accomplissez et qui vous fait exiger que votre semblable, pour vous satisfaire, agisse de la même façon. Si nos intentions sont de travailler à devenir plus heureux, appuyons-nous sur cet Enseignement, il est la lumière qui nous éclaire sur tous les obstacles qui nous empêchent d'atteindre à l'amour vrai.

L'Unitif, numéro 9 et 10 et témoignage réuni dans
Le Développement de l'Enseignement du Père
, p.160

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les temples antoinistes de Belgique

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Afficher Temple antoiniste belge sur une carte plus grande

En bleu clair, les temples servant à la solidarité de groupe
En violet, les temples en attente de desservant
En rouge, les temples vendus (à partir de 2000)

Autre lien vers une carte Bing.com

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Baisse du nombre d'antoinistes

Publié le par antoiniste

graphique : Proportion de temple par rapport à la superficie du pays.

 

    Selon le sociologue Rodney Stark, la Science chrétienne atteint son apogée en 1936 avec 2 048 adhérents par million d’Américains d’après ses estimations. Ensuite, le nombre d’adeptes de la Science chrétienne ne cesse de baisser aux États-Unis pour atteindre, toujours selon lui, 427 adhérents par million d’Américains en 1990. Pour le sociologue, il faut y voir la conséquence « d’une fertilité inadéquate, d’une socialisation sans effet (...), d’un déclin de l’efficacité relative de son effet placebo [par rapport aux progrès de la médecine moderne] et des opportunités bien plus grandes d’occupation pour les femmes [dans la société d’aujourd’hui] ».

    Ce qui est vrai pour la Science Chrétienne, peut aussi l'être dans l'antoinisme. Je passe sur la "fertilité inadéquate et la socialisation sans effet" qui sont des notions incompréhensibles pour qui n'a pas le livre du sociologue en main. J'en comprends que la population ne peut en général pas comprendre et continuer l’œuvre de Baker-Eddy, et que sa doctrine n'est pas assez puissante pour faire front pour s'intégrer dans le paysage de la société, face aux autres églises. Mais il faudrait lire Rodney Stark pour comprendre plus loin.
    Comme le dit Anne-Cécile Bégot "La science chrétienne et l’antoinisme ont, à leur création, fait de la guérison une pratique centrale de leur culte. Or, en dépit de la place importante accordée à la santé dans les sociétés contemporaines, ces groupes, qui font toujours partie du paysage religieux français, sont actuellement sur le déclin. Leur histoire interne, examinée sous l’angle du prophétisme, et leurs rapport à la société globale constituent les principaux éléments permettant de comprendre ce phénomène." (source : http://www.gilles-arnaud-sphere.com/?p=2070)
    Par contre, le fait que la médecine est plus efficace peut faire penser que beaucoup d'antoinistes voulait d'abords soulager leur douleur, et quand cela réussissait, adhéraient au mouvement. La pratique d'un culte baisse de jours en jours, "la démarche est aujourd’hui davantage personnalisée, basée sur les relations. L’investissement est souvent plus humain qu’à proprement parler religieux" (source : http://www.uclouvain.be/10038.html).
    Quant aux "opportunités bien plus grandes d’occupation pour les femmes", cela peut expliquer aussi la baisse du nombre de personne.

    J'ajouterai également que le fait d'avoir cataloguée l'antoinisme comme secte (ce que l'on retrouve toujours dans une liste copié et recopié sur le web) a fait beaucoup perdre de nouvelle personne qui préfèrent se tourner vers autres choses, et perdre ainsi l'occasion de vivre un "mode de vie autre" comme le disait la desservante de Jemeppe interrogeaient pour la nouvelle édition de Délivrez-nous du Mal, de Robert Vivier. Ce "mode de vie autre" étant en total inadéquation avec la société de consommation que l'on prône à longueur de publicité partout où nous nous trouvons a d'autant plus de mal à se faire une place, que la spiritualité autre que catholique est combattue de façon virulente.

    Le fait que les temples belges soient "vides" comparé à ceux de France est du au nombre de temple par rapport à la superficie du pays.

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