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Félix Dengis et Ferdinande Humblet

Publié le par antoiniste

Félix Dengis et Ferdinande Humblet - Jemeppe. - Quai des Carmes (1905)

Jemeppe. - Quai des Carmes (1905),
où le corps a été repêché

    Pierre Debouxhtay évoque ce triste épisode pour témoigner de Louis Antoine prophète.
    Tout commence par la découverte d'un corps sans vie repêché dans la Meuse, à Jemeppe...

    Chokier et Jemeppe sont deux communes situées sur la Meuse, en région liégeoise. Ce cadre fluvial joue un rôle clé dans l’affaire de Félix Dengis et de son épouse, Ferdinande Humblet.
    Félix Dengis a précipité la noyade de sa femme dans la Meuse, mettant en scène un accident. Après le drame, il a cherché à détourner les soupçons en consultant le Père Antoine, guérisseur et fondateur de l’Antoinisme. Par cette démarche, il souhaitait apparaître comme un mari éploré cherchant réconfort spirituel.
    Le Père Antoine, reconnu pour son enseignement basé sur l’amour et le désintéressement, accueillait toute personne en souffrance. Toutefois, cette consultation s’inscrivait ici dans une tentative de manipulation de l’opinion par Dengis, cherchant à exploiter l’aura du guérisseur pour renforcer son innocence apparente.

 

    Nous rassemblons ici chronologiquement les articles du journal La Meuse qui évoque les faits et le procès qui s'en suivit. Le journaliste Breteuil aura pour nous déroulé toute l'affaire connue comme le drame de Chokier ou l'histoire de la noyée. Louis Antoine, spirite, n'est évoqué qu'une fois. Il faut lire Pierre Debouxhtay pour connaître la déposition d'Antoine, interrogé par le juge d'instruction le 21 décembre 1906.

Félix Dengis et Ferdinande Humblet - Intérieur (Drame de Maurice Maeterlinck)

Intérieur (Drame de Maurice Maeterlinck, 1895)

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Op uw Hoede - Het Antoinisme (Gazet van Antwerpen, 15 octobre 1927)(Belgicapress)

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Op uw Hoede - Het Antoinisme (Gazet van Antwerpen, 15 octobre 1927)(Belgicapress)Op uw Hoede

    Drie soorten vreemde apostelen loopen tegenwoordig, te Antwerpen en in den omtrek, de stijlen van de deur: Methodisten, soldaten van 't Leger des Heils en Antoinisten – en voor dezen dient onze bevolking gewaarschuwd.
    De eersten verkoopen tractaatjes, Evangelien, Bijbels, en... bedelen voor de missie;
    De tweeden spelen trompet en bombardon, zingen een vooisje, preeken wat vragen of ge niet zijt ontroerd en, op uw jawoord, juichen ze: «Alleluia, hij is gewonnen en gered!
» Ze bedelen wat... en gaan voort;
    De derden zijn meestal donker-gesluierde damen, die deur voor deur schriftjes afleveren, vooral tot de lijdende lieden gericht, om hun zoogezegde godsdienstige oefeningen eens te komen bijwonen in de K...straat.
   
Wat voor apostelen zijn dat?

[suit la description des Méthodistes et des soldats de l’Armée du Salut].

Antoinisme

    HET ANTOINISME is de leer van zekeren Antoine, die uit de Walen naar dezen en genen hoek van Vlaanderen komt overgewaaid.
    Père Antoine – geen pater, hoor! – werd geboren te Mont-Crotteux op 8 Juni 1848, daalde eerst in de schachten, werd vervolgens metaalbewerker, vertrok naar Pruisen en Rusland, en kwam ten slotte rentenieren te Jemeppes, bij Luik.
    Een overgevoelig man, maag- en zenuwlijder, die, graatmager, meende da hij geen lichaam had en een soort magnetische vloeistof uit hem op anderen kon doen overgaan.
    Na den dood van zijn eenigen zoon, begon hij te doen aan spiritisme, beweerde de schim te hebben gezien van zijn zoon, die... verhuisd was in de huid van een Parijzer apotheker!
    Hij werd het hoofd der spiritistische vereeniging van Jemeppes, kreeg de faam dat hij in gedurige betrekking stond met de geesten, en wonderen en voorspellingen deed.
    Hij heeft een soort godsdienst aangeleerd, en zijn volgelingen noemen hem: de nieuwe Messias, profeet en... onze god! en bouwen hem tempels.
    Eerst deed hij zijn zoogezeide genezingen met een zekere likeur – een remedie tegen alle ziekten. Maar hij werd veroordeeld. Dan deed hij 't met pompwater, trok zijn magnetische vloeistof op flesschen... en de onnoozele menschen op stoopkens! Later maakte hij eenige grimassen over de zieken, en riep: die gelooven zijn genezen!!
    Een zieke uit Condroz, dien hij volledig herstel beloofde, viel dood voor zijn deur. Antoine maakte alle mogelijke karpersprongen, maar 't mensch bleef liggen.
    In 1917 had zekere Danglis zijn vrouw in de Maas geworpen, en kwam P. Antoine kijks vragen waar zijn wederhelft was. Na drie dagen zal ze u schrijven, zei P. Antoine. 't Lijk werd opgevischt! Danglis vertelde dit voor zijn rechters; ge kunt begrijpen welk misselijk figuur P. Antoine maakte.
    P. Antoine is dood, maar heeft zijn fluidische kracht overgemaakt.. aan zijn vrouw! Deze heeft eenige discipelen voorzien van die kracht en haren opvolger aangeduid!
    De leering van P. Antoine?
    Eenige onsamenhangende zinnen uit den Catechismus, eenige domme gedachten uit de spiritistische schriften van Alban Kardec en anderen.
    Luister maar! hij zegt: «De stof is slecht, de ziekte is de vrucht der stof. Maar de stof bestaat niet! ze is een schim door 't verstand geschapen. En 't verstand moet verdwijnen voor 't geweten. Denk dat de stof niet bestaat, en ge zult den wortel der ziekte dooden! Dat is uit zijn filosofie!
    Luister nog: «De mensch mag handelen naar goedvinden. Goed en kwaad zijn slechts vergelijkstermen, in werkelijkheid bestaat noch 't een, noch 't ander; doet het kwaad, zoo komt ge dichtst bij de waarheid! Dat is uit zijn moraal!
   
Luister nog: «God is één wezen met den mensch. De eindterm van alle ontwikkeling is dat de mensch God worde. We zijn in meerdere mate de kinderen van den duivel dan de kinderen van God. Zonder de duivel zouden we eeuwig in ons ongeluk blijven. Dat is uit zijn geloofsleer!
   
Wie zulke stommiteiten schreef veroordeelde zichzelven.
    En de maan zal wel drie toten krijgen, eer de Vlamingen zich door dien Waalschen profeet laten paloeteren!
    En, goede lezers, nu zijt ge voor die rare apostelen gewaarschuwd.
                                                                                  J. V D. SMEDT.

Gazet van Antwerpen, 15 oktober 1927 (source : Belgicapress)

 

Traduction :

Sur vos gardes

    Trois types d'apôtres étrangers sont actuellement en action à Anvers et dans les environs : les Méthodistes, les soldats de l'Armée du Salut et les Antoinistes – et nos concitoyens doivent en être avertis.
    Les premiers vendent des tracts, des évangiles, des bibles, et... en quémandent pour la mission ;
    Les seconds jouent de la trompette et bombardent, chantent une chanson, prêchent quelques questions et, quand vous dites oui, ils applaudissent : « Alléluia, il est gagné et sauvé ! » Ils mendient un peu... et continuent ;
    La troisième est généralement une dame au voile foncé, qui distribue des prospectus en porte-à-porte, notamment aux personnes souffrantes, pour qu'elles viennent assister à leurs soi-disant exercices religieux dans la rue K....
    Quel genre d'apôtres sont-ils ?

[…]

Antoinisme

    L'ANTOINISME est la doctrine d'un certain Antoine, qui est passé de la Wallonnie à tel ou tel coin de Flandre.
    Père Antoine – pas un prêtre, entendez bien ! – est né à Mont-Crotteux le 8 juin 1848, est d'abord descendu dans les puits, puis est devenu ouvrier métallurgiste, est parti en Prusse et en Russie, et est finalement venu vivre en rente à Jemeppes, près de Liège.
    C'était un homme hypersensible, souffrant de l'estomac et des nerfs. Il était très maigre et pensait qu'il n'avait pas de corps et qu'il pouvait transférer une sorte de liquide magnétique de lui aux autres.
    Après la mort de son fils unique, il a commencé à pratiquer le spiritisme, affirmant avoir vu le fantôme de son fils, qui... s'était déplacé dans la peau d'un pharmacien de Paris !
    Il devient le chef de la société spirite de Jemeppes, acquiert la réputation d'être en contact permanent avec les esprits, et accomplit des miracles et des prédictions.
    Il a enseigné une sorte de religion, et ses adeptes l'appellent : le nouveau Messie, prophète et... notre dieu ! et lui construisent des temples.
    Au début, il effectuait ses soi-disant cures avec une certaine liqueur – un remède pour toutes les maladies. Mais il a été condamné. Puis il l'a fait avec de l'eau d’une pompe, transmet son liquide magnétique dans des flacons... et a berné les ignorants ! Plus tard, il fit quelques grimaces aux malades, et s'écria : ceux qui croient sont guéris !
    Un malade du Condroz, à qui il avait promis une guérison complète, est tombé mort sur le pas de sa porte. Antoine a fait tous les sauts de carpe nécessaires, mais la personne est restée allongée.
    En 1917, un certain Danglis avait jeté sa femme dans la Meuse, et était venu demander au P. Antoine où était sa moitié. Après trois jours, elle vous écrira, dit P. Antoine. Le cadavre a été repêché ! Danglis l'a raconté à ses juges ; on comprend quelle petite mine faisait P. Antoine.
    P. Antoine est mort, mais il a transféré son pouvoir fluidique... à sa femme ! Elle a doté certains de ses disciples de ce pouvoir et a désigné son successeur !
    Les enseignements du P. Antoine ?
    Quelques phrases incohérentes du catéchisme, quelques pensées stupides des écrits spirites d'Alban Kardec et autres.
    Il suffit d'écouter ! il dit : « La matière est mauvaise, la maladie est le fruit de la matière. Mais la matière n'existe pas ; c'est un fantôme créé par la raison. Et la raison doit disparaître devant la conscience. Pensez que la poussière n'existe pas, et vous tuerez la racine de la maladie ! Cela vient de sa philosophie !
    Écoutez à nouveau : « L'homme peut agir selon sa volonté. Le bien et le mal ne sont que des termes de comparaison ; en réalité, il n'y a ni l'un ni l'autre ; si vous faites le mal, vous êtes le plus proche de la vérité ! Cela vient de sa morale !
    Écoutez ceci : « Dieu est un seul être avec l'homme. Le but final de tout développement est que l'homme devienne Dieu. Nous sommes plus les enfants du diable que les enfants de Dieu. Sans le Diable, nous resterions éternellement dans notre malheur. Cela vient de sa doctrine !
    Celui qui a écrit de telles sottises s'est condamné lui-même.
    Et la lune aura trois éperons avant que les Flamands ne se laissent avoir par ce prophète wallon !
    Et, bons lecteurs, vous êtes maintenant mis en garde contre ces étranges apôtres.

                                                                                  J. V D. SMEDT.

Gazet van Antwerpen, 15 octobre 1927 (source : Belgicapress)

    On voit que la presse flamande a toujours la même et unique source, l'article d'André Kervyn de 1911, en y ajoutant cependant des erreurs dans les dates et dans les noms.

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Antoinisme (Gazet van Antwerpen, 13 juillet 1926)(Belgicapress)

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Antoinisme (Gazet van Antwerpen, 13 juillet 1926)(Belgicapress)Antoinisme

    De mensch is een godsdienstig wezen, hij gelooft in een bovennatuurlijke macht, en knielt hij niet voor den waren God, dan snijdt hij zich een afgod.
    En we moeten niet naar de bosschen van Congo om getuigen te zijn van de treurige aberraties der menschelijke rede : ten onzent vindt men lieden die, misleid door allerhande passie, hebben afgebroken met hun geloof. En... liever dan Gods woord, consulteeren ze een waarzegster of een spiritiste, erkennen geen Voorzienigheid, maar stellen hun vertrouwen op het ivoren varken aan den hals, het hoefijzer in huis, de mascotte tegen de auto-ruit, – ze keeren God en zijn Kerk den rug toe en bewierooken... al is 't maar een Père Antoine.

*   *   *

    Wat is nu 't Antoinisme, of de leer van P. Antoine, die uit die Waren in dezen en genen hoek van Vlaanderen komt overgewaaid en wil wortel schieten ?
    Père Antoine zelf – geen pater asjeblief – werd geboren te Mont-Crotteux, den 8 juni 1848, daalde eerst in de schachten, werd dan metaalbewerker, vertrok naar Pruisen en Rusland, en kwam ten slotte rentenieren te Jemeppes bij Luik. Een overgevoelig man, maag en zenuwlijder, die graatmager, meende dat hij geen lichaam had, en een soort magnetische vloeistof uit hem op anderen kon doen overgaan.
    Zijn eenige zoon stierf en, in de spiritische vereeniging van Jemeppe, liet hij den afgestorvene oproepen. Hij meende werkelijk de schim te zien van den doode, die beweerde dat hij verhuisd was in de huid van een apotheker te Parijs !
    Gek, zult ge zeggen ? maar Antoine geloofde 't, bleef doen aan spiritisme, werd het hoofd, der vereeniging, en kreeg de faam dat hij in gedurige betrekking met de geesten stond, dat hij wondere genezingen verrichtte, voorspellingen deed, een nieuwen godsdienst aanleerde.
    Zijn volgelingen noemden hem : de nieuwe Messias, profeet en... onzen god ! en bouwden hem tempels.
    En zieken en gezonden kwamen in massa toegeloopen !

*   *   *

    Hoe hij 't aan boord legde ?
    Eerst was het, maar hij beweerde, de schim van zekeren doctor Carita die hem de recepten dicteerde in koeterwaalsch.
    Maar Antoine stak het zekeren dag in zijn hoofd, dat hij 't zonder dien geest wel kon klaar spinnen, en alle openbaring rechtstreeks uit de andere wereld ontving; en zijn volgelingen noteerden wat hij zeide en leerde, want hijzelf kon niet schrijven.
    Nu, lijk een kind zijn lotske, moeten de meeste zieken een flesch hebben, en Antoine schreef zekere likeur Coune voor, een remedie tegen cholera, kiespijn, bleek zucht en eksteroogen. Maar Antoine werd aangeklaagd en veroordeeld.
    Dan deed hij 't met pompwater, streek er eenige passen of gebaren over, en trok aldus zijn magnetische vloeistof op flesschen, en 't onnoozel volk op stoopkens.
    Maar, flesch na flesch magnetiseeren bleek hem te lastig, en hij liet dan liever zijn fluidische krachten overgaan in stukjes papier, die de patiënten thuis moesten in 't water leggen dat ze dronken.
    Wat later gebruikte hij geen tusschenmiddelen meer, en liet zijn genezende vloeistof overgaan in den zieke zelf, en ten slotte deed hij ’t zoo :
    In zijn tempel te Jemeppe kwam het volk bijeen, liefst op een Zondag, dan bijzonder bezat hij genezende kracht naar hij zeide. Op 't verhoog kwam een zijner discipelen, deed een soort preek, en riep : « onze goede vader gaat komen, verlevendigt uw geloof in hem en ge zult geholpen worden ». Antoine verscheen, bleek mager, een geraamte, deed eenige grimassen, strekte zijn armen uit over de menigte terwijl zijn spelende vingeren 't fluidum over de aanwezigen liet uitstroomen, sloot zijn oogen, en verdween.
    « Die gelooven zijn genezen ! » riep zijn helper, en de menschen konden gaan.
    Voor eenige jaren is Père Antoine gestorven, doch heeft zijn fluidische krachten overgemaakt aan zijn vrouw. Deze heeft al eenige discipelen voorzien van die wonderbare ! kracht, en zal haren opvolger aanduiden.

*   *   *

    Deed Père Antoine wondere genezingen ?
    Neen ! Eenige maaglijders b.v. bevonden zich beter bij zijn raad die luidde : matig zijn in alles ! Maar iederen weet dat overdaad oorzaak is van menige ziekte. Geen doctors, geen zalf, of pillen, of plaasters, zei Père Antoine, geloof in mij, en ge geneest, Merci !
    Een zieke uit Condros kwam bij hem, en hij beloofde volledig herstel. En op de straat viel 't mensch dood voor zijn deur. Men droeg het lijk binnen, Antoine deed alle mogelijke passen en karpersprongen, maar 't mensch bleef dood.

*   *   *

    Hij is een profeet, zeggen zijn bewonderaars. Maar ze komen met geen enkele profetie voor de pinnen. Toch wel, één – en op 't gerechtshof te Luik hebben de advocaten er zich bijna een breuk om gelachen. Denkt eens na : In 1917 had zekere Dangis zijn vrouw in de Maas geworpen en, onnoozel weg, kwam hij Père Antoine vragen waar zijn wederhelft was.
    – Na drie dagen zal ze u schrijven, antwooordde de profeet.
    En 't mensch werd opgevischt.
    Dangis vertelde dit voor zijn rechters, en 't is overbodig te zeggen welk misselijk figuur Père Antoine er maakte.

*   *   *

    Père Antoine is de nieuwe Messias, bazuinen zijn volgelingen, Nou !
    Zijn leering ? Enkele onsamenhangende zinnen uit zijn catechismus, eenige domme gedachten uit de spiritische schriften van Alhan Kardec en uit de Christian Science van Me Baker Eddy, en heel wat uit eigen koker.
    Op wijgeerig gebied brabbelde hij er maar op los. Ik vertaal uit zijn schriften : « De stof is slecht, de ziekte is de vrucht der stof. Maar de stof bestaat niet, ze is een schim door 't verstand geschapen. En 't verstand moet trapsgewijze verdwijnen voor 't geweten. Denk dat de stof niet bestaat, en ge zult den wortel der ziekte dooden ! »
   
Probeer maar, pachter.
    Zijn zedenleer nog iets van 't pak. Ik vertaal uit zijn Relevaties : « 't Is een groote zonde zich te hechten aan het dier, omdat het dier niet waardig is te leven onder de menschen ».
    Dat is waarschijnlijk voor sommige freules en kinderlooze vrouwen.
    Nog wat uit « Couronnement » : « De mensch mag handelen naar goedvinden. Goed en kwaad zijn slechts vergelijkstermen, in werkelijkheid bestaat noch 't een nach ’t ander ; doet het kwaad zoo komt ge dichtst bij de waarheid ! »
    Snapt ge ’t lezers ? ik niet. Zoo heeft nooit een Hottentotter gesproken.
    Over God en Godsdienst houdt hij er nog al een theorietje op na ! Luister liever ; hij zegt o.a. in « Couronnement » : « God is één wezen met den mensch. De eindterm van alle ontwikkeling is dat de mensch God worde. We zijn in meerdere mate de kinderen van den duivel dan de kinderen van God. Zonder den duivel zouden we eeuwig in ons ongluk blijven. Voor we tot de Godheid komen, moeten we door een heele reeks hervleeschwordingen, verhuizen van 't een in 't ander lichaam, van een oude tot een nieuwe ontgoocheling. »
   
't Hangt aaneen als droog zand. Wie zulke stommiteiten schreef veroordeelde zichzelven.

*   *   *

    Conscience in zijn « Gekkenwereld» vertelt dat hij te Gheel eens over straat ging met een meneer, die hem den weg wou wijzen, en heel ernstig bleek te praten. Tot Conscience hem ondervroeg over de gekken, en wou weten of men die makkelijk erkennen kon.
    – Kijk, zei de meneer, daar heb je er een ; hij beweert God de Zoon te zijn, dat kan niet want, meneer, ik ben God de Vader en ken hem niet !
    Conscience liet den sukkelaar in zijn wijsheid, en ging alleen voort.
    Dat kunnen we best met Antoine.
    Maar 't is om te weenen wanneer we zien dat in onze, verlichte eeuw zulke domheden nog kunnen toegang vinden tot den geest van ietwat beschaafde en ontwikkelde lieden.
    't Is waar : elk mensch heeft een hooger houvast van noode, bezit hij geen geloof dan zoekt hij er een, en springt hij, uitzinnig, van 't veilig vaartuig, dan grijpt hij zelfs naar een stroopijl om toch maar kop boven water te houden.
    We houden ons maar liever op het schip van Petrus, dat sedert eeuwen alle klippen voorbijzeilde, en zoovele millioenen gelukkig in goede haven liet landen.
                                                          SILAS.

Gazet van Antwerpen, 13 juli 1926 (source: Belgicapress)

 

    La source de ce journal est l’article d’André Kervyn de 1911.

 

Traduction :

Antoinisme

    L'homme est un être religieux, il croit en une puissance surnaturelle, et s'il ne s'agenouille pas devant le vrai Dieu, il se crée une idole.
    Et il n'est pas nécessaire d'aller dans les forêts du Congo pour être témoin des tristes aberrations de la raison humaine : on y trouve des gens qui, égarés par toutes sortes de passions, ont rompu avec leur foi. Et... plutôt que la parole de Dieu, ils consultent une diseuse de bonne aventure ou un spirite, ils ne reconnaissent pas la Providence, mais mettent leur confiance dans le cochon d'ivoire sur le cou, le fer à cheval dans la maison, la mascotte sur le pare-brise de la voiture, – ils tournent le dos à Dieu et à son Église et adorent... même si ce n'est qu'un Père Antoine.

*   *   *

    Qu'est-ce que l'Antoinisme, ou la doctrine du Père Antoine, qui vient de ces quartiers dans tel ou tel coin de Flandre et veut prendre racine ?
    Le Père Antoine lui-même – pas de Père catholique s'il vous plaît – est né au Mont-Crotteux le 8 juin 1848, est d'abord descendu dans la mine, puis est devenu ouvrier métallurgiste, est parti en Prusse et en Russie, et enfin est venu vivre de ses rentes à Jemeppes près de Liège. Homme hypersensible, souffrant de l'estomac et des nerfs, il pensait ne pas avoir de corps et qu'une sorte de liquide magnétique pouvait passer de lui aux autres.
    Son fils unique est mort et, dans le monde des esprits de Jemeppe, il a fait convoquer le défunt. Il a même cru voir le fantôme du mort, qui prétendait s'être transporté dans la peau d'un pharmacien de Paris !
    Vous pouvez dire que c'est fou, mais Antoine y a cru, a continué à pratiquer le spiritisme, est devenu le chef de la Société, et a acquis la réputation d'être en contact permanent avec les esprits, de faire des guérisons miraculeuses, de prédire des choses, d'enseigner une nouvelle religion.
    Ses partisans l'ont appelé le nouveau Messie, le prophète et... notre dieu ! et ont construit des temples en son honneur.
    Et les malades et les bien portants sont venus en masse !

*   *   *

    Comment en est-il venu là ?
    Au début, il s'agissait, selon lui, du fantôme d'un certain Dr Carita qui lui dictait les recettes en charabia.
    Mais un jour, Antoine s'est mis dans la tête qu'il pouvait le faire sans cet esprit, et a reçu toute la révélation directement de l'autre monde ; et ses disciples ont écrit ce qu'il disait et enseignait, car lui-même ne savait pas écrire.
    Or, comme un enfant avec son biberon, la plupart des malades doivent avoir une bouteille, et Antoine prescrivait une certaine liqueur appelée Coune, remède contre le choléra, le mal de dents, l'anémie et les cors aux pieds. Mais Antoine a été accusé et condamné.
    Puis il le fit avec de l'eau de pompe, la caressa de quelques passe ou gestes, et attira ainsi son liquide magnétique sur des flacons, et les pigeons sur ses prédications.
    Mais magnétiser bouteille après bouteille s'avérait trop difficile pour lui, et il préférait transférer ses pouvoirs fluidiques sur des morceaux de papier, que les patients devaient mettre dans l'eau qu'ils buvaient à la maison.
    Un peu plus tard, il a cessé d'utiliser des intermédiaires et a laissé son fluide de guérison passer dans le patient lui-même, et enfin il a procédé de cette façon :
    Dans son temple de Jemeppe, le peuple se réunissait, de préférence le dimanche, où l'on disait qu'il avait des pouvoirs de guérison. Un de ses disciples est monté sur l'estrade, a fait une sorte de sermon et a crié : « Notre bon père arrive, ravivez votre foi en lui et vous serez aidés ». Antoine apparut, maigre et pâle, un squelette, fit quelques grimaces, tendit les bras sur la foule tandis que ses doigts joueurs laissaient couler le fluide sur les personnes présentes, ferma les yeux et disparut.
    « Ceux qui croient sont guéris ! » cria son aide, et le peuple put partir.
    Depuis quelques années, le Père Antoine est mort, mais il a transmis ses pouvoirs fluidiques à sa femme. Elle a déjà fourni à un certain nombre de disciples ce miraculeux ! pouvoir, et nommera son successeur.

*   *   *

    Le Père Antoine a-t-il effectué des guérisons miraculeuses ?
    Non, il ne l'a pas fait ! Certains maux d'estomac, par exemple, avaient tout intérêt à suivre son conseil : soyez modérés en tout ! Mais chacun sait que l'excès est la cause de nombreuses maladies. Pas de médecins, pas de pommade, pas de pilules, pas de plâtres, dit le Père Antoine, crois en moi et tu seras guéri, merci !
    Un malade de Condroz est venu le voir, et il lui a promis une guérison complète. Et dans la rue, l'homme est tombé mort à sa porte. Le cadavre a été porté à l'intérieur, Antoine a fait toutes les passes et tous les sautillements nécessaires, mais l'homme est resté mort.

*   *   *

    C'est un prophète, disent ses admirateurs. Mais ils ne peuvent prouver aucune prophétie. Mais il y en a un – et au tribunal de Liège, les avocats étaient presque morts de rire. Pensez-y : en 1917, un certain Dangis avait jeté sa femme dans la Meuse et, s'en allant tout ébahi, il était venu demander au Père Antoine où se trouvait sa moitié.
    – Après trois jours, elle vous écrira, a répondu le prophète.
    Et la femme a été repêché.
    Dangis a raconté cela à ses juges, et il est inutile de dire que le Père Antoine avait une drôle de figure.

*   *   *

    Le Père Antoine est le nouveau Messie, claironnent ses partisans, Eh bien !
    Ses enseignements ? Quelques phrases incohérentes de son catéchisme, quelques pensées stupides tirées des écrits spirituels d'Allan Kardec et de la Science chrétienne de Mme Baker Eddy, et beaucoup de sa propre plume.
    Sur le sujet de la philosophie, il a bavardé encore et encore. Je traduis de ses écrits : « La matière est le mal, la maladie est le fruit de la matière. Mais la matière n'existe pas, c'est un fantôme créé par la raison. Et la raison doit progressivement disparaître devant la conscience. Pensez que la poussière n'existe pas, et vous tuerez la racine de la maladie ! »
    Essaie, mon vieux.
    Sa moralité est toujours un peu un mystère. Je traduis de ses Révélations : « C'est un grand péché de s'attacher à l'animal, car l'animal n'est pas digne de vivre parmi les hommes ».
    C'est probablement le cas pour certaines demoiselles et femmes sans enfants.
    Quelques mots encore du « Couronnement » : « L'homme est libre d'agir comme il l'entend. Le bien et le mal ne sont que des termes de comparaison, en réalité il n'y a ni l'un ni l'autre ; si vous faites le mal vous êtes le plus proche de la vérité ! »
    Vous comprenez les lecteurs ? Pas moi. Même un Hottentot ne s'exprime comme ça.
    Sur Dieu et la religion, il a de nombreuses théories ! Ecoutez, il dit dans le « Couronnement » : « Dieu est un avec l'homme. Le but final de tout développement est que l'homme devienne Dieu. Nous sommes plus les enfants du diable que les enfants de Dieu. Sans le diable, nous resterions éternellement dans notre misère. Avant d'atteindre la divinité, nous devons passer par toute une série de transformations, passer d'un corps à l'autre, d'une ancienne à une nouvelle désillusion. »
    C’est comme essayer d'accrocher du sable. Celui qui a écrit de telles stupidités s'est condamné lui-même.

*   *   *

    [Henri] Conscience, dans son "De Gekkenwereld" (Monde fou), raconte qu'il s'est un jour promené dans la rue à Gheel avec un monsieur qui voulait lui montrer le chemin et qui semblait parler très sérieusement. Jusqu'à ce que Conscience l'interroge sur les fous, et veuille savoir si on pouvait les reconnaître facilement.
    – Regardez, dit le monsieur, il y en a un ; il prétend être Dieu le Fils, ce qui est impossible car, monsieur, je suis Dieu le Père et je ne le connais pas !
    Conscience laissa le fou dans sa sagesse, et continua seule.
    C'est ce qu'il y a de mieux à faire avec Antoine.
    Mais il est triste de constater qu'à notre époque éclairée, une telle bêtise peut encore se frayer un chemin dans l'esprit de personnes quelque peu civilisées et éduquées.
    C'est vrai : tout homme a besoin d'une assise plus élevée ; s'il manque de foi, il en cherchera une, et sautera, frénétique, du navire sûr où il se trouve, allant même jusqu'à s'accrocher à une flèche de paille pour garder la tête hors de l'eau.
    Nous préférons nous en tenir au navire de Pierre, qui a navigué pendant des siècles au-delà de tous les rochers et qui a ramené des millions de personnes à bon port.

                                                          SILAS.

Gazet van Antwerpen, 13 juillet 1926 (source: Belgicapress)

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La Meuse, 29 avril 1907, matin (source : Belgicapress)

Publié le par antoiniste

Felix Dengis (La Meuse, 29 avril 1907, matin)(Belgicapress)CHRONIQUE JUDICIAIRE

COUR D'ASSISES
LE DRAME DE CHOKIER
UN MARI QUI JETTE SA FEMME DANS LA MEUSE

L'Audience de samedi après-midi

    La plaidoirie de M. Pety de Thozée terminée, le président interpelle Dengis, qui déclare n'avoir rien à ajouter pour sa défense.
    Les débats sont clos.

LES QUESTIONS

    M. le président donne lecture des questions que le jury a à résoudre.
    Ces questions sont au nombre de deux. Les voici :
    1o Dengis est-il coupable d'avoir, le 20 novembre, à Flémalle, volontairement, et, avec intention de donner la mort, commis un homicide sur la personne de Ferdinande Humblet, son épouse ?
    2o Circonstance aggravante : l'homicide a-t-il été commis avec préméditation ?
    Le jury entre dans la salle des délibérations à 4 h. 1/2.

LE VERDICT

    La délibération a duré 20 minutes.
    A 4 h. 50, le coup de sonnette.
    Le jury rentre en séance.
    Sa réponse est affirmative sur la première question, négative sur la seconde.
    Dengis est en conséquence déclaré coupable d'homicide volontaire, mais sans préméditation.

L'ARRET

    Le MINISTERE PUBLIC réclame l'application de la loi, avec admission de circonstances atténuantes basée sur la responsabilité limitée de l'accusé.
    Me PETY DE THOZEE se joint à cette demande.
    Dengis, à la question du président, répond : « Je demande pardon pour mes pauvres petits enfants. »
    Des sanglots éclatent dans l'auditoire, où se trouvent plusieurs parents de Dengis.
    La Cour se retire pour délibérer. A 5 h. 25 m., elle rentre en audience et rapporte un arrêt qui accorde à Dengis le bénéfice des circonstances atténuantes résultant de l'état de surexcitation dans lequel il se trouvait au moment des faits et qui diminue un peu sa responsabilité.

CONDAMNATION

    Elle le condamne à QUINZE ANS DE TRAVAUX FORCES.
   
C'est le minimum de la peine auquel la Cour pouvait descendre.

La Meuse, 29 avril 1907, matin (source : Belgicapress)

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La Meuse, 26 avril 1907, soir (source : Belgicapress)

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Felix Dengis (La Meuse, 26 avril 1907, soir)(Belgicapress)COUR D'ASSISES

LE DRAME DE CHOKIER

UN MARI QUI JETTE SA FEMME DANS LA MEUSE

    La population de Jemeppe et de Chokier se passionne pour l'épilogue de ce drame sombre, un des plus poignants que nous ayons vu se dérouler devant les assises depuis plusieurs années. Aussi les habitants de ces villages ont-ils envahi dès l'ouverture des portes l'enceinte réservée au public. Il y règne un véritable entassement.
    Ce drame et les scènes tragiques auxquelles il a donné lieu soulève les questions de responsabilité les plus intéressantes.
    Un certain nombre de témoins ne sont cités que pour l'audience de cette après-midi. L'affaire ne sera donc terminée probablement que demain soir.
    Félix Dengis conserve la même attitude lassée, même apparence indifférente que la veille. La tête baissée, il regarde cependant en dessous tous les témoins qui défilent.
    Parfois, il se cache la figure dans son mouchoir.

Les témoins

    On reprend l'audition des témoins. Ce sont les témoins cités à la demande de la défense.
    Plusieurs d'entre eux viennent déposer de faits et de racontars sans intérêt pour le public.
    Certains de ces témoins, avec la prudence campagnarde, ne veulent absolument rien dire. Ils ne connaissent même pas l'accusé, bien qu'il eût habité à côté de leur maison.
    Et ils le déclarent avant même que le président ne leur ait demandé leurs nom et prénoms ! Il n'y a pas moyen de les faire sortir d'une formule plus que vague. Beaucoup ne veulent même pas regarder l'accusé. Il faut que le président insiste pour qu'ils tournent la tête de ce côté !
    Ou bien, pour satisfaire tout le monde, d'autres déclarent : « Le mari était un brave homme, la femme était une brave femme ! »
    Ce sont, en effet, surtout des témoins de moralité que toutes ces personnes.
    Les renseignements fournis sur l'accusé sont favorables. Le ménage paraissait uni.
    M. Léon SCOHIER, porion marqueur de Marcinelle, a eu sous ses ordres Félix Dengis. Un jour, il est entré dans son bureau, la hache à la main. Il a dit : « Il faut qu'un de nous meurt ! » Il a cependant déposé sa hache. Je lui fait son compte et lui ai dit de s'adresser à l'ingénieur.
    Il a ajouté : « Je reviendrai si je ne suis pas payé ! » Il a fait des excuses dans la suite.
    LE PRESIDENT. Oui. Mais cela vous a fait tellement d'impression au moment même que vous avez porté plainte.
    LE TEMOIN. Oui.
    M. LE PRESIDENT. Et il y a eu des poursuites correctionnelles ? Et Dengis a été condamné ?
    LE TEMOIN. Oui
    Me PETY DE THOZEE. Après cela, il a été néanmoins repris par le charbonnage. Et l'accusé n'a plus eu que de bons rapports avec le porion.
    Alfred CHAINIEUX est un neveu de l'accusé. Il a écrit à une autre tante une lettre dans laquelle il annonçait la disparition de sa tante, Ferdinande Humblet, qui devait être partie avec un amant.
    Or, cette lettre a été écrite à la demande et à l'instigation de l'accusé.
    Jean-Baptiste DENGIS est trop jeune pour prêter serment. C'est également un neveu de l'accusé. C'est chez ses parents, à Chokier, que l'accusé, sa femme et ses enfants sont venus s'installer au mois de novembre pendant 15 jours.
    Sa tante Ferdinande Humblet a disparu après sept ou huit jours.
    Le dernier jour, vers midi, elle lui a demandé « une cenne » pour aller acheter du papier. C'est une des fillettes de sa tante qui a été chercher ce papier. C'était lui qui avait indiqué où on en vendait.
    Il n'y est pas allé lui-même parce qu'il avait mal à la jambe. La petite a rapporté une feuille et une enveloppe. La feuille était blanche et l'enveloppe était bleue, et très grande.
    Le Président insiste beaucoup sur ces détails et lui exhibe une petite enveloppe blanche. L'enfant déclare que ce n'est pas celle-là.
    Or, c'est cette petite enveloppe que l'accusé déclare avoir saisi dans le lit, et qui contenait la lettre de sa femme à Van Goethem.
    LE PRESIDENT. Vous entendez, Dengis ?
    L'ACCUSE. L'enfant se trompe ou ne se souvient pas.
    Le juge d'instruction, rappelé, déclare que l'enfant lui a toujours fait exactement la même déposition.
    LE TEMOIN ajoute qu'un peu après on est allé acheter une autre feuille de papier. Son oncle – l'accusé – et sa femme sont allés faire la lettre en haut.
    Son oncle a dit à sa femme : « Eh bien ! va-t-on faire la lettre ? » Et ils sont montés dans leur chambre.
    Le petit déclare qu'il n'a pas vu le papier à lettre acheté en second lieu.
    Emile DENGIS, mineur à Chokier, est le frère de l'accusé. Il est entendu en vertu du pouvoir discrétionnaire du président et sans prêter serment.
    Le ménage de l'accusé est arrivé en novembre – le 16 – venant de Marcinelle. L'accusé disait que son mobilier était expédié pour la Hollande.
    Il disait qu'il quittait Charleroi parce que sa femme avait des amants. Le lundi 19 novembre, Dengis est parti avec son fils aîné. Il avait dit qu'il allait chercher de l'ouvrage et une maison en Hollande. Il n'est rentré que le mardi, vers midi, et est sorti avec sa femme pour aller acheter des robes pour les enfants, annonçant que, le lendemain, ils partaient pour la Hollande.
    Rien d'extraordinaire n'avait été remarqué au moment de leur départ. Félix Dengis est rentré seul vers une heure du matin. La femme du témoin s'est levée pour lui ouvrir. Elle lui a dit en venant le rejoindre : « Ton frère m'a montré une lettre que ma sœur écrivait à un amant. Van Goethem. Voilà ce que c'est de ta sœur. »
    Le lendemain, l'accusé a raconté que sa femme s'était sauvée pendant qu'il était entré dans un magasin de tabac.
    L'accusé n'a pas montré la lettre que sa femme avait écrite, sur son instigation, et donnant rendez-vous à Van Goethem. On a cependant parlé de lettre.
    Les jours suivants, son frère a fait diverses démarches, demandant qu'on recherchât sa femme. Il racontait la fuite de sa femme et s'en plaignait. Des disputes éclataient parfois dans le ménage de mon frère et de sa femme Ferdinande Humblet. Son mari trouvait qu'elle dépensait trop d'argent. Des scènes de violence ont eu lieu à diverses reprises.
    Le témoin croyait absolument à la version donnée par son frère à la disparition de Ferdinande Humblet avec un amant.
    Quand il a appris, le 13 décembre, qu'un cadavre de femme venait d'être repêché à Jemeppe, il s'est rendu au cimetière et a déclaré qu'il croyait bien que c'était sa belle-sœur.
    Son frère – l'accusé – n'est pas venu chez lui ce jour-là.
    La veille – avant de partir pour Charleroi – il était venu chez le témoin apporter sa montre, sa pipe et trente francs.
    Le lendemain 14 décembre soir, Félix Dengis est venu amener sa fille dans le corridor d'une maison voisine. Le 15 il allait se constituer prisonnier.
    La déposition d'Emile Dengis s'éternise, à propos de divers incidents, d'allées et venues de l'accusé. Une appréciation du témoin ayant dit que son frère était capable de tuer sa femme et des motifs de cette appréciation a failli amener un incident. Le Président a refusé de poser une question. Me Pety a déposé des conclusions. Puis tout s'est arrangé.
    Mme EMILE DENGIS est la femme du précédent témoin et en même temps la sœur de la victime.
    Sa sœur, Ferdinande Humblet, était mécontente de quitter Charleroi. Le mardi 20 novembre, le témoin n'était pas à la maison quand l'accusé est rentré vers midi et quart.
    Quand elle est rentrée, elle n'a rien remarqué d'anormal.
    Après avoir dîné, Félix Dengis a dit à sa femme : « Nous irons faire cette lettre là. » Et il a pris sur un meuble une feuille de papier et une enveloppe qu'il avait fait chercher un peu avant le dîner par une de ses fillettes. L'enveloppe était petite et blanche.
    Auparavant, le fils du témoin avait prêté « une cenne » à sa tante Ferdinande pour aller chercher déjà une feuille de papier et une enveloppe.
    Les époux Emile Dengis sont restés 12 ou 15 minutes dans leur chambre. Ils paraissaient tout à fait d'accord. Ils ont ensuite dit qu'ils allaient sortir pour acheter des robes aux enfants.
    Le mari, pendant que sa femme s'habillait, a montré dans sa poche l'extrémité d'une lettre. C'était l'enveloppe blanche. Il y avait une adresse inscrite sur cette enveloppe, mais le témoin n'a pu la lire. Il disait que son fils ainé était resté en Hollande où, affirmait-il faussement il était allé la veille pour louer une maison et décharger son mobilier.
    Félix Dengis est rentré seul vers une heure du matin. Il a dit : « Ferdinande est-elle rentrée ? » Le témoin a demandé : « Où est-elle ? » – Voilà une lettre qu'elle a écrit, répondit-il. Et il montra une enveloppe qui devrait être celle qu'il avait en poche en sortant. Il a raconté alors que sa femme s'était enfuie ; qu'il avait trouvé cette lettre dans un lit ; qu'il ne l'avait pas montrée à 2 heures avant de partir à la demande de sa femme elle-même qui, disait-elle, aurait été honteuse.
    Deux jours après, la sœur demanda : « N'est-ce pas vous qui l'avez fait écrire ? »
    – Non. Celle-là était une lettre de rendez-vous à Van Goethem, où je serais allé, répondit-il. Il n'a pas montré cette lettre.
    LE PRESIDENT. – Dengis, pourquoi ne la montriez-vous pas ?
    L'ACCUSE. – Parce que je l'avais déjà déposée dans un tiroir, et que je n'avais pas besoin de la porter dans ma poche.
    Mme DENGIS. – L'accusé se montrait furieux du départ de sa femme. « Je lui casserai les deux jambes, disait-il, si je la rencontre. »
    La victime se plaignait beaucoup de son mari. Elle raconta à sa sœur que quelques jours avant leur départ de Marcinelle, son mari lui avait posé le revolver sur la poitrine. Cette querelle était basée encore sur des motifs de jalousie.
    Jean-Joseph DENGIS, maçon, Grâce-Berleur, est le père de l'accusé. Celui-ci a eu une méningite à l'âge de 17 ans. A la suite de cette maladie, son caractère s'est complétement modifié. Pour la moindre contrariété, il se mettait en colère. Il fallait avoir beaucoup de patience avec lui.
    Mme Antoinette DONY, épouse Dengis, à Grâce-Berleur, mère de l'accusé, dépose ensuite sur divers incidents.
    Elle dit qu'elle a rangé des papiers se trouvant dans un tiroir. Or, elle y a vu la lettre écrite par Ferdinande Humblet à Van Goethem. Elle ne l'avait pas dit jusqu'ici parce qu'elle ne s'était jamais trouvée dans de semblables circonstances. La lettre commençait ainsi :
    « Mon très cher Ferdinand. Je vous écris quelques mots de lettre pour vous faire venir vendredi à la gare de Flémalle. Je vous aime trop, etc. »
    Quand j'ai eu lu cela, je n'ai pas continué. J'étais bouleversée.
    LE PRESIDENT. Vous n'avez dit cela ni à la police ni au juge d'instruction.
    LE TEMOIN. C'est exact. Je ne l'avais pas dit parce que j'avais brûlé cette lettre.
    Des frères, des belles-sœurs, des neveux de l'accusé continuent à défiler. Plusieurs reviennent sur des incidents, des relations qu'ils soutiennent avoir existé entre Van Goethem et la victime. On a ainsi entendu dix Dengis !
    Tous ces témoins, sauf, pendant quelques secondes, la mère, déposent avec un calme, un impassibilité déconcertants.
    Il reste quelques témoins à entendre.
    Le réquisitoire sera prononcé cette après-midi.

AUDIENCE DE L'APRES-MIDI

    La Cour reprend audience à 3 heures.
    L'audition des neuf derniers témoins ne prend que peu de temps.
    M. CORILLON Constant, garde champêtre à Chokier, a reçu la visite de l'accusé qui lui a dit que sa femme s'était enfuie avec un amant, et qui lui demandait le moyen de la faire revenir.
    M. HERBILLON Alfred, à La Malieue, a connu Ferdinande Humblet avant son mariage.
    Il l'a courtisée pendant quelques mois. Il nie avoir eu des relations avec elle après son mariage. Il a reçu le 17 novembre 1906 une lettre de menaces de Dengis, prétendant qu'il était l'amant de sa femme. Il a porté plainte contre Dengis.
    Mme CHAINEUX, aux Awirs, est la belle-sœur de l'accusé. Ferdinande Humblet lui a raconté que son mari l'avait menacé de la tuer si elle ne le suivait pas en Hollande. Elle lui a dit aussi un autre soir que si ce n'était pas pour ses enfants elle s'en irait si loin qu'on n'entendrait plus parler d'elle.
    Après la disparition de sa femme, elle s'est rendue chez le spirite Antoine, de Jemeppe, demander où était sa sœur. Antoine lui a dit de lui envoyer plutôt le mari de la disparue. Elle a transmis cette demande à l'accusé, qui est allé à son tour chez Antoine.
    Mme LOUIS RALET, à Chokier, a entendu dans la soirée du 13 décembre du bruit dans le corridor de sa maison. Elle est allée voir. C'était la fillette de l'accusé que celui-ci avait amené, et qui s'était éloigné. Mme Ralet a logé l'enfant et a été la conduire le lendemain matin, chez sa tante.
    M. WISEUR, maréchal des logis à Charleroi. Van Goethem lui a dit qu'il était amoureux de l'épouse Dengis ; qu'il l'avait déjà embrassée ; qu'il n'avait pas eu de relations avec elle ; que d'ailleurs s'il en avait eu, il ne le dirait pas, parce que personne ne les avait vu.
    CHAPELIER Alexis gendarme à Flémalle-Grande, a été chargé ce matin de certains devoirs par le président, en vertu de son pouvoir discrétionnaire.
    Il vient en rendre compte. Il s'est rendu chez M. Baudinet, papetier à Chokier, pour demander si on se rappelait avoir vendu du papier, dans le courant de novembre. Mme Baudinet dit avoir vendu à deux reprises au petit garçon de l'accusé du papier à lettres. Elle ne peut affirmer qu'elles étaient les enveloppes.
    Or, c'est ce point des enveloppes qu'il eût été intéressant d'éclairer.

La Meuse, 26 avril 1907, soir (source : Belgicapress)

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La Meuse, 25 avril 1907, matin (source : Belgicapress)

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Felix Dengis (La Meuse, 25 avril 1907, matin)(Belgicapress)COUR D'ASSISES

LE DRAME DE CHOKIER

Un mari qui jette sa femme dans la Meuse

    Ce matin commencent devant la Cour d'assises les débats de l'affaire Dengis Félix, âgé de 35 ans, houilleur, accusé d'assassinat sur la personne de son épouse Ferdinande Humblet.
    Cette fois, ce n'est pas le revolver qui a été appelé à jouer son terrible rôle dans ce drame. Dengis a précipité sa femme dans les flots de la Meuse. La scène tragique s'est déroulée entre Jemeppe et Chokier, dans l'obscurité de la nuit.
    Les époux, bien qu'originaires de La Mallieue et des environs, habitèrent Marcinelle jusqu'au 17 novembre 1906. Ce jour-là, ils arrivèrent, accompagnés de leurs quatre enfants, à Chokier, chez Emile Dengis, frère de l'accusé. Leur séjour, disaient-ils, devait être de très courte durée. Ils allaient s'installer à Maestricht.
    Le 20 novembre, vers 2 h. 1/2 de l'après-midi, Félix Dengis et sa femme quittèrent la maison de leur frère pour se rendre à Jemeppe faire des provisions. Le mari rentra seul vers une heure du matin. Sa belle-sœur lui ayant demandé ou était sa femme, il répondit qu'elle était partie et alla se coucher.
    Le lendemain matin, il partit en disant qu'il retournait à Marcinelle. Il emmena deux de ses enfants, qu'il conduisit chez une autre parente.
    Le 13 décembre, un cadavre de femme était découvert dans la Meuse au quai des Carmes, à Jemeppe. Ce cadavre fut reconnu pour être celui de l'épouse de Félix Dengis.
    L'autopsie, ordonnée par le parquet, fut pratiquée le 14 décembre, à la morgue de Jemeppe, située dans le cimetière. La nuit suivante, on s'introduisit, à l'aide d'effraction, dans ce bâtiment, on ouvrit le cercueil et on découvrit le cadavre de l'épouse Dengis.
    Le lendemain, 15 décembre, dans la matinée, Félix Dengis se constituait prisonnier à la gendarmerie de Tilleur. Il avouait que c'était lui qui avait précipité sa femme dans la Meuse, la nuit du 20 au 21 novembre, en revenant de Jemeppe. C'était au cours d'une dispute que la colère l'avait emporté.
    Cette dispute avait pour cause la jalousie du mari, qui accusait sa femme de se méconduire. La mésintelligence avait surgi depuis assez longtemps déjà à ce propos dans le ménage. Il soutient que le 20 novembre il avait découvert une lettre que sa femme adressait à un amoureux, lettre dans laquelle elle annonçait son retour.
    Dengis ajouta qu'il avait fait écrire par sa femme une autre lettre pour donner rendez-vous à cet amoureux. A ce rendez-vous, ce serait lui, Dengis, qui voulait s'y rendre.
    L'accusé avoua également que c'était lui qui s'était introduit à la morgue de Jemeppe pour revoir le corps de sa victime.
    Dengis sera défendu par Mes Pety de Thozée et Follet.
    Au banc de l'accusation se trouvera M. Bodeur, substitut du procureur général, qui siégera pour la première fois à la Cour d'assises.
    Les débats dureront jusqu'à samedi soir. La question de la responsabilité de Dengis au point de vue mental sera longuement examinée. L'accusé aurait déjà antérieurement donné des preuves de faiblesse intellectuelle. Une septantaine de témoins sont cités.

La Meuse, 25 avril 1907, matin (source : Belgicapress)

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La Meuse, 25 avril 1907, soir (Belgicapress)

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Felix Dengis (La Meuse, 25 avril 1907, soir)(Belgicapress)

COUR D'ASSISES
LE DRAME DE CHOKIER
UN MARI QUI JETTE SA FEMME DANS LA MEUSE

    L'audience est ouverte à 9 h. 1 2. La Cour est composée, comme dans la première affaire, de M. le conseiller Thuriaux, et de MM. Liben et Hamoir, vice-présidents du tribunal.
    M. Bodeux, substitut du procureur général est au banc de l'accusation ; Mes Pety de Thozée et Tollet au banc de la défense. Félix Dengis est âgé de 35 ans. Il est né à La Neuville-sous-Huy et était domicilié en dernier lieu à Marcinelle. Il a le teint pâle des houilleurs, sur lequel tranchent vigoureusement une grosse moustache tombante et une brosse de cheveux très noirs, plantés bas. L'allure d'un ouvrier endimanché, très correctement vêtu. Physionomie d'abord calme, qui s'émeut bientôt. Dengis a pleuré à plusieurs reprises.
    Le chef du jury est M. Delbovier, Armand.

L'INTERROGATOIRE

    L'interrogatoire a été très long. Dengis parle très lentement et très bas. Il est fort difficile de le suivre dans ses explications.
    M. LE PRESIDENT constate que l'accusé a déjà subi plusieurs condamnations devant les tribunaux de Liége pour vol de souliers, pour vol d'un sac de farine, – ce jugement rendu par le tribunal de Béthune, dans le Pas-de-Calais, où Dengis était allé travailler et d'où il s'était enfui, le vol commis.
    En Belgique, incorporé en 1891 comme milicien, il déserta à trois reprises. Il fut condamné par le Conseil de guerre de la province d'Anvers, d'abord à 28 jours d'arrêt, puis il s'enfuit à nouveau. Cette fois, il fut frappé de deux ans de prison et d'un an pour détournement d'effets militaires de grand équipement.
    Il fut grâcié en 1893 après 6 ou 7 mois de prison. Il déserta une troisième fois.
    Il resta absent pendant 2 ans. Il s'en alla en France, revint rôder en Belgique, aux environs de son village. Il rentra enfin chez ses parents qui le livrèrent, en 1895, à la justice militaire.
    Dengis, souvent, aux questions du président, ne répond pas. M. Thuriaux doit insister et, littéralement, lui arracher quelques paroles. Parfois, il dit tout simplement : « Je ne sais pas. Je ne me souviens pas. »
    L'autorité militaire fit transférer Dengis à l'hôpital militaire de Malines. Il connaissait déjà alors Ferdinande Humblet, qui l'avait accompagné en France.
    Ils étaient partis ensemble.
    Les médecins militaires conclurent à la mise à la réforme de Dengis. Il fut renvoyé de l'armée en 1895 et rentra chez ses parents, qui habitaient alors Grâce-Berleur.
    Avant son service militaire, Dengis avait exercé divers métiers, puis celui de mineur.
    Ferdinande Humblet, pendant le séjour de l'accusé à l'hôpital, avait demeuré chez les parents Dengis. Un enfant était né de leurs relations. Ils se sont mariés en 1896.
    Alors, ils entreprend une série de pérégrinations si nombreuses qu'il a été impossible de les déterminer exactement. Ils séjournèrent à Jemeppe, à Grâce-Berleur, à Herstal, à Engis, à St-Nicolas, à Flémalle-Grande, aux Awirs, à Ougrée.
    Trois enfants naquirent après le mariage.
    A un moment donné, le ménage quitta le bassin de Liége pour le bassin de Charleroi. Il venait d'Engis ; le départ a été décidé par Dengis, parce qu'il soupçonnait sa femme de le tromper avec un nommé Alfred.
    Il avait défendu à sa femme d'aller ramasser des escarbilles sur le terris, où l'homme qu'il croyait être l'amant de sa femme était basculeur.
    Cet homme, qui a été interrogé par le juge d'instruction, nie ces relations. C'est, au contraire, Dengis qui lui a enlevé Ferdinande Humblet, dont il était alors l'ami.
    A son arrivée à Charleroi, en 1903, Dengis était seul avec l'aînée de ses enfants. Il aurait raconté à sa logeuse qu'il était veuf.
    Sa femme n'arriva que sept jours plus tard avec deux autres enfants et sur le point de s'accoucher du quatrième.
    Elle était dans un dénuement complet et aurait été très mal reçue par l'accusé, qui la violenta à plusieurs reprises.
    L'accusé nie ces mauvais traitements et ces propos.
    Dans le bassin de Charleroi recommencent les pérégrinations, continuelles.
    En décembre 1905, le ménage est à Marcinelle.
    Là, Dengis tient une maison de logement. En mars 1906, entra chez lui Florent Van Goethem qui était, dit l'instruction, un ivrogne et un débauché.
    « Il buvait bien », estime l'accusé.
    Diverses scènes eurent lieu. Van Goethem déclarait carrément qu'il était l'amant de la femme Dengis. A un moment donné, il quitta la maison. Ce fut Dengis qui alla le rechercher.
    « C'était pour lui faire ramasser toutes ses affaires, objecte l'accusé.
    – Cependant, il resta encore plus d'un mois chez vous, remarque le Président.
    Le 24 juillet 1906, une nouvelle scène eut lieu.
    Une querelle éclata entre Dengis et trois logeurs, dont Van Goethem. Deux de ceux-ci quittèrent la maison en emportant leurs paquets. Dengis et son frère Arthur les rejoignirent, armés de revolver, et leur donnèrent l'ordre de réintégrer la maison Dengis, ce qu'ils firent.
    D'autre part, Dengis frappa Van Goethem – coups qui entrainèrent incapacité de travail.
    L'accusé poursuivit Van Goethem dans une maison voisine et l'aurait menacé à l'aide de son revolver.
    Cette scène est déférée au tribunal de Charleroi.
    Félix Dengis nie avoir été porteur de revolver. Il dit avoir mis Van Goethem à la porte, parce qu'il l'avait vu embrasser sa femme. Il voulait conserver son honneur. C'est son frère Arthur qui l'a poursuivi chez un voisin.
    Le ménage Dengis demeura à Marcinelle jusqu'au 10 novembre.
    Van Goethem était resté dans les environs. L'épouse Dengis s'absentait souvent. L'accusé lui reprocha de continuer à voir Van Goethem. Il nie cependant l'avoir frappée ni menacée à l'aide de son revolver. Il nie également avoir menacé Van Goethem.
    Un jour, sa femme lui dit qu'elle écrivait à sa sœur.
    Or, cette lettre était adressée à un homme.
    – Subitement, vous décidez de quitter Marcinelle. Cependant, vous gagniez de grosses journées, 8 fr. 50, quand vous travaillez, car vous chômiez souvent ?
    – Non, je travaillais tous les jours.
    Je voulais m'éloigner, parce que je soupçonnais ma femme de continuer ses relations avec Goethem. Je voulais les éloigner l'un de l'autre. Je voulais aller m'établir en Hollande.
    – Votre femme a éprouvé une grande déception à la nouvelle de ce départ. Cependant, sur les conseils de ses deux sœurs, elle décida de vous suivre.
    Vous quittez Charleroi le vendredi 16 novembre et arrivez chez votre belle-sœur Pauline, à Chokier ?
    – Oui.
    – Et votre mobilier ?
    – Je l'ai expédié à Jemeppe.
    – Cependant, vous avez déclaré plusieurs fois que vous les expédiez en Hollande. Le 19, vous dites que vous allez en Hollande chercher une maison. Au lieu de cela, n'allez-vous pas chez votre père, à Grâce-Berleur, déposer votre fils ainé ?
    – Oui. J'y ai logé.
    – Vous aviez même affirmé à votre fils que vous alliez en Hollande. Nous arrivons au 20 novembre. Qu'avez-vous fait ?
    – J'ai pris le train à 12 heures 1/2 à Flémalle-Haute et me suis rendu à Chokier. Il demande où est sa femme. Sa fillette lui répond : « Elle est en haut. Elle fait une lettre ». Je suis monté et ai demandé : « Est-ce que tu fais une lettre ? » Ma femme répondit que non.
    J'ai regardé dans le lit et j'ai trouvé une lettre sous les couvertures. Elle était dans une enveloppe portant l'adresse de Van Goethem. Je suis descendu. Elle m'a suivi.
    Ma belle-sœur est rentrée à ce moment. Les deux sœurs ont causé ensemble. Je suis remonté dans ma chambre et suis allé lire la lettre. Ma femme y disait à Van Goethem qu'elle s'enfuirait et le rejoindrait dès que le ménage serait installé en Hollande.
    J'ai fait des reproches à ma femme sur sa conduite.
    Elle m'a dit alors qu'elle resterait avec les enfants et ne ferait pas comme elle l'écrivait dans la lettre.
    J'ai dit : « Vous commencerez par écrire une lettre à Van Goethem lui fixant rendez-vous à Flémalle. Et à ce rendez-vous nous irons tous deux. » Elle a répondu : « Je veux bien. »
    Après le dîner, une des enfants a été acheter du papier.
    Puis, en haut, dans notre chambre à coucher, ma femme a écrit la lettre de rendez-vous à Van Goethem pour le vendredi suivant, à la gare de Flémalle, à la descente du train de 1 heure. Je voulais le battre, pour lui enlever l'envie de continuer ses rapports avec ma femme.
    Il n'y a pas eu la moindre dispute entre ma femme et moi. Elle m'a simplement demandé de ne montrer cette lettre à personne.
    Je décidai alors de me rendre à Jemeppe avec ma femme pour acheter des robes pour les enfants.
    J'avais les deux lettres dans ma poche. J'ai perdu de vue de mettre à la poste celle donnant rendez-vous à Van Goethem pour le vendredi suivant.
    Nous sommes partis vers 2 heures et demie pour aller prendre le train pour Jemeppe. Mais nous sommes allés à pied.
    Nous avons été acheter deux robes d'enfants. Nous avons ensuite traversé le pont de Seraing, avons circulé dans les rues et avons pris la direction du Val-Saint-Lambert. Ma femme désirait regarder les étalages. Nous ne sommes entrés nulle part. Au pont du Val-Saint-Lambert, le tram venait de partir. Il était près de 8 heures. Ma femme a proposé de retourner à pied. Nous avons passé le pont et pris le chemin de halage, comme le chemin le plus court.
    Nous discutions. Je lui ai dit : « J'ai perdu confiance en toi !2 Enfin, à un moment, pris de colère, je l'ai poussée d'un coup.
    L'ACCUSE se cache la figure dans son mouchoir et pleure.
    LE PRESIDENT, après avoir attendu quelques instants, interpelle l'accusé :
    – Allons, enlevez votre mouchoir ! Il faut continuer. N'avez-vous pas dit à votre femme : « Tu m'as assez trompé ! Tu ne me tromperas plus ! »
    – Non.
    – Vous l'avez dit à l'instruction. N'a-t-elle pas poussé un cri ?
    – Non.
    – Le chemin de halage est très large. Vous avez dû poussé très fort ?
    – Je ne m'en souviens pas.
    – Vous avez dit à l'instruction qu'elle avait poussé un cri et qu'elle était revenue une fois à la surface du fleuve.
    Il était alors vers 8 heures et demie. Vous n'êtes rentré chez votre frère qu'à 1 heure du matin. Votre belle-sœur est venue vous ouvrir.
    N'avez-vous pas dit à ce moment : « Ta sœur vient de m'en faire une belle ! »
    – Non, j'ai dit seulement : « Elle s'est sauvée pendant que j'étais entré un instant dans un magasin. Elle est probablement sauvée avec Van Goethem ! »
    – Et vous montrez alors la lettre. Pourquoi ne l'aviez-vous pas montrée à midi, au lieu d'attendre ? Le lendemain, vous vous répandez en menaces contre Van Goethem, disant que vous lui casseriez les deux jambes.
    Vous avez dormi très tranquillement auprès de vos enfants orphelins. Le lendemain vous êtes allé à Grâce-Berleur et avez montré la lettre à votre frère ainé.
    Vous louez une maison près de celle de votre frère et y demeurez quinze jours.
    Qu'est devenue la lettre ?
    – Je l'avais placée dans un tiroir.
    – Cependant, personne ne l'a vue ?
    – Ma mère l'a vue.
    – Votre mère, interpellée, a déclaré ne pas l'avoir vue. Vous êtes allé à Charleroi le 24 novembre. Pourquoi ?
    – Pour toucher ma quinzaine.
    – N'était-ce pas pour répandre le bruit que votre femme s'était enfuie ?
    – Non…
    – Vous êtes encore retourné à Charleroi d'autres fois ?
    – Deux fois.
    – N'alliez-vous pas là pour chercher Van Goethem ?
    – Le 12 décembre, une de vos belles-sœurs faisait des recherches pour retrouver sa sœur. Elle s'était adressée à un spirite. Pour détourner les soupçons, vous y êtes allé vous-même et avez interrogé le spirite.
    Enfin, vous êtes reparti pour Charleroi avec vos enfants, au moment même où on repêchait le cadavre de votre femme. Vous avez logé. Vous avez rencontré le lendemain Van Goethem.
    Avec votre frère Arthur, vous avez circulé dans les cafés avec Van Goethem. Ne lui dites-vous pas que votre femme s'était enfuie et est entrée en service près d'Engis, à vingt minutes de la gare ?
    – C'est lui qui a demandé à revenir avec moi.
    – Vous êtes allé chez votre avocat, à Charleroi, pour qu'il reconnaisse qu'il était l'amant de votre femme. Vous avez fait prendre énormément de libations à Van Goethem et ne l'avez-vous pas engagé à venir avec vous à Engis pour qu'il vienne solliciter votre femme de rentrer au domicile conjugal ?
    – Non. C'est lui qui s'est proposé de le faire.
    – Et c'est vous qui avez payé son train.
    – Oui.
    – Vous êtes arrivé avec Van Goethem à Engis vers 6 heures du soir ?
    – Oui.
    – Que s'est-il passé ?
    – Je voulais l'avoir à la même place que celle où j'avais eu ma femme, et le précipiter dans la Meuse.
    – N'aviez-vous pas déjà eu cette intention au moment où vous faisiez écrire cette lettre de rendez-vous ?
    – Non. Je pensais à mes petits enfants.
    – Singulière façon d'y penser que de tuer leur mère.
    Van Goethem a pu s'échapper et a passé la nuit dans les transes, dans une cabane de chemin de fer.
    Vous apprenez alors que le cadavre de votre femme était retrouvé, qu'on cherchait à l'identifier. Vous pénétrez à la Morgue et brisez le cercueil. Pourquoi ?
    – Je voulais revoir ma femme.
    – Vous avez circulé encore toute la journée du 14 décembre. Et, le 15, vous êtes allé vous rendre à la gendarmerie de Tilleur. Vous vous êtes débarrassé de votre revolver. Comment ?
    – Je n'en sais rien.
    – On avait confisqué votre revolver le 25 juillet. Vous vous en êtes procuré un nouveau.
    – Le 17 novembre déjà, vous aviez écrit à un homme que vous considériez comme un ancien amant de votre femme, le menaçant de mort s'il continuait à la voir.
    La lettre que votre femme aurait écrite spontanément le 20 novembre, saisie par vous et annonçant à Van Goethem qu'elle le rejoindrait prochainement, a été retrouvée, est donc reproduite. Lettre pleine de protestations passionnées. Cette lettre commence par ces mots : « Je commence par vous dicter cette lettre... »
    Quant à l'autre lettre fixant rendez-vous pour Flémalle, vous ne pouvez la reproduire. Pourquoi avez-vous conservé l'une et pas l'autre ?
   – J'avais pris l'une en poche pour la montrer à mes parents, tandis que l'autre a été déposée dans un tiroir, c'est pourquoi elle s'est égarée.

LES TEMOINS

    M. le juge BONJEAN fournit divers renseignements sur l'instruction qu'il a dirigée. Le cadavre de la femme Dengis présentait diverses blessures. Les vêtements étaient ramenés au-dessus de la tête. Mais ces circonstances s'expliquèrent par des manœuvres pratiquées dans les écluses.
    Le parquet ordonna l'autopsie. On y procédait à la morgue de Jemeppe quand Emile Dengis se présenta et raconta que sa belle-sœur était disparue depuis le 20 novembre. Il ne put reconnaître le cadavre tant il était défiguré, mais il reconnut de façon positive certains des vêtements. C'était Ferdinande Humblet.
    Emile Dengis disait que des dissentiments existaient dans le ménage de son frère Félix et que celui-ci était capable de tuer sa femme.
     Le cercueil contenant les restes de la victime fut scellé après l'autopsie. Le lendemain, 15 décembre, le fossoyeur, en pénétrant dans la morgue, trouva qu'on y était entré par effraction, que les scellés avaient été brisés.
    M. le juge Bonjean se rendit le jour même sur les lieux. Le cercueil avait été ouvert à l'aide d'un canif. Un débris du cercueil avait été brûlé. On retrouva sur le sol des morceaux d'allumettes.
    M. Bonjean apprit qu'on avait vu Dengis le matin.
    Il donna l'ordre de l'arrêter. Or, quelque temps après, la gendarmerie avertissait le juge que Dengis venait de se constituer prisonnier et avait avoué avoir noyé sa femme.
    M. le juge rapporte les résultats de son instruction très compliquée avec une clarté, une précision tout à fait remarquables.
    Au cours de son premier interrogatoire le jour même de son arrestation, Dengis déclara qu'il n'avait eu aucune discussion avec sa femme, que subitement l'idée lui était venue de se défaire de sa femme, et qu'il l'avait poussée à la Meuse. Ce n'est que plus tard qu'il ait qu'une discussion avait surgi, parce qu'on avait reparlé de la lettre.
    A la gendarmerie, il avait dit avoir décidé de tuer sa femme, dès la découverte de sa lettre à Van Goethem.
    Dengis nia avoir tenu ce propos.
    Le maréchal-de-logis interpellé, a maintenu que Dengis lui avait fait la déclaration telle qu'il l'avait actée.
    L'accusé n'a jamais dit avoir oublié de mettre à la poste la lettre de rendez-vous à Van Goethem.
    Dengis après son interrogatoire, a passé tout le reste de l'audience sans relever la tête, le coude sur le genou, la figure cachée dans la main.
    Le juge d'instruction continuera l'après-midi.

AUDIENCE DE L'APRES-MIDI

    L'audience est reprise à 3 heures précises.
    M. LE JUGE D'INSTRUCTION BONJEAN continue sa déposition.
    Après avoir précipité sa femme à l'eau, il s'est éloigné de quelques pas. Il a vu sa femme reparaître à la surface du fleuve, puis disparaître à jamais. Il a erré toute la soirée, et est rentré chez son frère vers une heure du matin. Il demanda à sa belle-sœur si sa femme n'était pas rentrée. A la réponse négative, il ajouta : « Elle m'en a fait une belle, va. » Elle a disparu pendant que, lui, était entré chez un marchand de tabac à Seraing. Il disait qu'il avait couru partout à toutes les gares, même à Longdoz à Liége pour la chercher. Elle est probablement partie avec un amant, déclarait-il.
    Il retournait souvent au bord de la Meuse et à l'endroit où il avait jeté sa femme à l'eau. « A cet endroit, j'étais plus calme, déclare-t-il ».
    A partir de ce jour, il a abandonné tout projet d'aller en Hollande. Il n'en parle plus. Il vend même son mobilier. Il cherche de la besogne.
    Le 12 décembre est le second grand jour. La sœur va consulter Antoine à Jemeppe pour savoir où est sa sœur. Depuis qu'il a été condamné, il ne fait plus le rebouteur. Antoine s'intitule maintenant spirite. Il a construit à ses frais un temple qui lui a couté 65,000 fr. Il reçoit par jour 50 ou 60 personnes. A la belle-sœur de Dengis, Antoine dit : « Envoyez-moi le mari. » Et pour détourner les soupçons, Félix Dengis se rend chez Antoine. Le spirite lui répond : « Votre femme va vous écrire. Vous saurez bientôt où elle est. »
    Le même jour, on repêchait le cadavre de la victime. Dengis s'était ce même jour aussi rendu à Charleroi. Il y rencontra Van Goethem qui lui répondit : « C'est tout de même malheureux d'avoir une femme comme la tienne. C'était moi qui avais l'air d'être le mari, et toi le simple logeur. »
    Dengis sut persuader à Van Goethem de revenir avec lui. A Engis, eut lieu une scène dans un cabaret.
    L'accusé a déclaré au juge d'instruction : « Je voulais le précipiter à la Meuse, mais non à Engis. Je voulais l'amener à l'endroit même où j'avais noyé ma femme et y jeter Van Goethem à son tour. »
    Van Goethem eut peur, n'osa pas quitter le cabaret. Des ouvriers l'emmenèrent et le cachèrent dans une cabane dépendant d'un charbonnage.
    Cette même nuit, il pénétrait à la Morgue.
    Il voulait revoir sa femme. Il fit sauter les vis du cercueil. Mais la tête avait disparu. Les magistrats l'avaient emportée, en effet. Cependant, Dengis reconnut sa femme à ses mains, à un doigt de pied qui chevauchait.
    Il alluma des allumettes, travailla dans l'obscurité, essaya de brûler une planche de cercueil pour s'éclairer, mais n'y réussit pas. Alors il s'assit.
    Cette scène d'un tragique shakespearien dura, paraît-il, plus de trois heures. Il s'assit, puis il pria.
    J'ai tenu à être tout à fait certain que le cadavre était bien celui de la femme Dengis. J'ai fait demander à Dengis si cela ne lui ferait rien de voir la tête de sa femme. Il m'a répondu que non. Au contraire. J'ai fait préparer la tête. Les docteurs lui avaient rendu expression humaine. Je suis allé avec Dengis à la Morgue. On a découvert la tête arrangée dans son lit, comme si elle tenait au corps. Dengis est entré d'un pas très ferme. J'étais à côté de lui. Dengis s'est mis à genoux, s'est écrié : « C'est bien elle. Qu'elle me pardonne. Je lui pardonne. Qu'elle ait sa place au paradis. »
    Sa douleur a été très poignante. Je crois qu'il aurait été trop ému pour signer son procès-verbal.
    Quand il parlait de sa femme et surtout de ses enfants, il se mettait à pleurer. Il m'a demandé de m'occuper de ses enfants, de tâcher de les placer dans une institution charitable.
    Je me suis adressé deux fois à la Société des Enfants Martyrs.
    Il n'y a que le mari qui a reconnu formellement sa femme. Les autres parents n'osaient pas être tout à fait catégoriques, tant elle était méconnaissable. On lui avait fait des yeux bruns et elle les avait noirs. Les cheveux étaient si emmêlés qu'on avait dû les lui couvrir à l'aide d'un mouchoir.
    M. LE PRESIDENT. La Cour vous félicite de la laborieuse et très complète instruction que vous avez faite.

La Meuse, 25 avril 1907, soir (source : Belgicapress)

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