La Révélation, Les dernières paroles du Père à ses adeptes (p.414)
Je n'ai pas fait de testament, Mère est héritière de tout, c'est Mère qui me remplacera.
La Révélation, Les dernières paroles du Père à ses adeptes (p.414)
Je n'ai pas fait de testament, Mère est héritière de tout, c'est Mère qui me remplacera.
La Révélation, Les dernières paroles du Père à ses adeptes (p.414)
La seconde fois, il se disait vicomte
Un individu se présentait un jour de Janvier 1939 chez le secrétaire-trésorier du Conseil d'administration du culte antoiniste. Il lui racontait une longue et compliquée histoire de laquelle résultait qu'il avait certaines difficultés avec le Parquet militaire. Il allait comparaitre devant le Conseil de Guerre. Il était innocent – naturellement – comme l'enfant qui vient de naître. Il devait assurer les frais de sa défense. Son oncle lui enverrait de Paris des fonds. Mais en attendant la manne avunculaire, il était dans une situation financière difficile. Pour le guérir de cette maladie, que Rabelais appelle « faulte de pécunne », le visiteur demandait un secours de 200 francs. A titre tout à fait provisoire, évidemment. Un prêt de quelques jours, que l'emprunteur s'empresserait de rembourser.
Le bon cœur de M. D... fut attendri par cette triste histoire. « Je n'ai aucune notion des choses militaires » avoue-il avec candeur à l'audience de la huitième chambre correctionnelle.
Il prêta les 200 francs.
Et – croyez-nous si vous le voulez – M. D... attend encore les 200 francs avancés à cette éventuelle victime des méchants juges du Conseil de Guerre.
Les choses en étaient là, l'incident était oublié, lorsque deux mois après environ, le secrétaire-trésorier du Conseil d'administration du culte antoiniste, se trouvant paisiblement chez lui, reçut la visite d'un malheureux qui était fort mal en point. Ce pauvre homme avait la tête complètement emmaillotée de multiples pansements. La bouche même disparaissait sous les bandes de toile. A peine apercevait-on le bout du nez et un œil – un seul – du malheureux.
Il conta sa lamentable odyssée. Il n'était rien moins que le vicomte de Jonghe d'Ardoye. Il arrivait de Bruxelles dans sa puissante automobile. Au quai de Fragnée sa limousine avait eu la malchance d'entrer en collision avec la camionnette d'un marchand de margarine. De margarine, s'il vous plait, le vicomte tenait à la précision.
Et comble de guigne, sans doute dans un carambolage, le noble chauffeur avait en même temps, renversé un pauvre ouvrier, domicilié à Angleur, qui était sorti de l'aventure, avec une blessure à la cuisse. Toujours de la précision.
Le vicomte était blessé lui-même. Mais surtout il était navré de l'infortune de ces pauvres gens. Son cœur sensible saignait au souvenir de ces infortunes. Il désirait vivement parer au plus pressé, conclure un arrangement avec le blessé. Mais pour cela, il fallait... 400 francs pour verser comme un baume sur les blessures. Ces 400 francs le vicomte les demandait à la charité bien connue du trésorier du culte antoiniste.
Le visiteur appuyait son récit de la remise d'une carte de visite au nom du vicomte de Jonghe d'Ardoye.
Cette carte portait plusieurs lignes d'écriture. Malheureusement, M. D... n'avait pas ses lunettes sous la main. S'il avait examiné la carte, il se serait aperçu qu'une ligne avait été grattée. Dans la suite, cette ligne put être reconstituée. Elle recommandait à la bienveillance Georges Raskart.
Mais revenons en arrière. M. D... n'était guère disposé à « marcher » pour les 400 francs. Il hésitait. Il se retira en chambre du conseil pour délibérer... pardon, il se rendit dans une pièce voisine et demanda l'avis de sa fille. Celle-ci lui dit : « Si tu te trouvais dans la même situation, ne serais-tu pas heureux de trouver quelqu'un de charitable qui t'aiderait ? »
Cette remarque détermina M. D... II revint trouver le vicomte et lui remit les 400 francs demandés.
Ce sont de très beaux sentiments d'altruisme, constate le président, mais...
Le vicomte sortit. Du seuil de sa demeure, M. D... le vit qui se précipitait vers une station de taxis proche et s'engouffrait dans un des véhicules.
– Il n'avait pas de bandage aux jambes ? s'inquiète, avec une apparente ingénuité, M. Leboutte, qui présidait l'audience.
– Non, répond le bénévole prêteur. Et il ajoute : « Il s'était dit cependant blessé aussi à la jambe. »
– Il trépignait plutôt d'aise de vous avoir flibusté les 400 francs. Et vous ne les-avez plus revus ?
– Non, avoue M. D... Je n'y compte plus.
– C'est probable. Il vaut mieux s'attendre au pire.
L'extraordinaire agilité du vicomte à se ruer vers un taxi avait éveillé les soupçons de M. D..., qui s'en alla narrer la visite reçue au commissaire de police. Celui-ci constata le grattage opéré sur la carte de visite.
Il rechercha et retrouva Georges Raskart, qui n'était pas vicomte, mais ouvrier d'usine, domicilié à Liège. Le véritable vicomte reconnut sa carte de visite, dont on avait abusé avec un culot digne d'admiration.
Et Raskart était invité à expliquer ses faits et gestes.
Car les juges liégeois du Parquet, plutôt méfiants par nature, estiment que Raskart est l'auteur des deux visites à M. D... La première – celle qui s'est terminée par l'obtention des 200 francs – ayant été couronnée de succès, Raskart aurait décidé de récidiver. Mais il aurait accompagné sa seconde apparition d'une mise en scène dénotant de l'imagination et un réel talent de comédien. Raskart avait imaginé le scénario que nous exposons ci-dessus. Et pour jouer la comédie, il s'était affublé de bandages ayant un triple but : donner plus de vraisemblance au récit de l'accident dont il avait été lui-même une des victimes ; apitoyer l'éventuel prêteur ; dissimuler ses traits et même sa voix, qui passait transformée à travers un linge. Ceci pour le cas où M. D... aurait le mauvais goût de se rappeler le visiteur aux 200 fr.
Cette comédie fut admirablement jouée.
Mais que dit le premier rôle ? le Frégoli, soldat en difficulté avec le Conseil de Guerre, ou vicomte, caramboleur d'auto et de piéton ?
Raskart s'est effacé modestement, n'aime pas jouer en public.
Sans doute l'indisposition subite des vedettes l'a-t-elle empêché de répondre à l'appel de son nom ?
Il avait su choisir le milieu favorable, a dit en son réquisitoire M. Bruno, Juge suppléant, faisant fonctions de ministère public. Et, après un premier essai, il a été pris d'un revenez-y.
Baskart n'a pas d'antécédent judiciaire. Il a fait des débuts prometteurs.
Le tribunal lui a, par défaut, octroyé : deux peines de deux mois de prison et de 182 francs d'amende, du chef de deux escroqueries ; plus un mois et 182 francs du chef de port de faux nom.
Il avait bien choisi : grand nom vieille noblesse... Quand on prend du galon !...
Le tribunal a accordé à Raskart le bénéfice du sursis.
Il lui avait fait passer un bon moment ! Au public aussi, d'ailleurs. Ce fut un sketche pittoresque dans le banal défilé.
La Meuse, 11 juillet 1939 (Belgicapress)
Ein Besuch bei den Antonisten
Von unserem Pariser Korrespondenten.
Jemeppes, im April.
Jemeppes an der Maas, ein kohlengeschwärzter Vorort von Lüttich, ist das Rom der neuen, seltsamen Religion, die nach ihrem Gründer „Antonismus“ genannt wird. Dieser „Père Antoine“, wie er von den Gläubigen mit ehrfurchtsvoller Liebe angerufen wird, war ein gewöhnlicher Bergarbeiter, dem vor einigen zwanzig Jahren im Verlaufe einer spiritistischen Sitzung die große Offenbarung zuteil wurde. Die Zahl seiner Anhänger vermehrte sich mit reißender Schnelligkeit. Heute verlangen 300 000 „Erleuchtete“ die Anerkennung ihres Kultus als offizielle Religion in Belgien. In der Hauptsache sind es die Ärmsten der Armen, Arbeiter, denen der Sozialismus weder innere noch äußere Rettung zu bringen vermochte. Entrechtete und Bettler unter diesem ewig grauen Himmel, in diesem trostlosesten aller Landstriche. Jemeppes an der Maas: Tausende sprechen diesen Namen voller Andacht aus, Taufende wallfahren aus allen Provinzen Belgiens, Nordfrankreichs und Luxemburgs zur „Mutter“, die den Verzweifelten Heilung spendet, Segen verleiht. Ein gutes kleines Mütterchen,
die Witwe des toten Erlösers.
In einer engen Gasse befindet sich das Heiligtum, die Peterskirche des Antonismus.
Das Wesen der neuen Lehre ist: Das Leiden, der Schmerz, die Krankheit können durch „Fluide“ gebannt werden. Sie sind Teufelswerk, gegen das sich der Gläubige zu schützen vermag. Die „Fluide“ werden allein durch ihren Glauben erzeugt, und sie erzeugen und stärken wiederum den Glauben. Sie gehen von dem Stärkeren auf den Schwächeren über. „Père Antoine“ besaß sie in unglaublicher Fülle. Eine gewöhnliche Handauflegung genügte, um auch das hartnädigste Leiden des Leibes oder des Geistes zu heilen. Diese Vollkraft ist auf die „Mutter“ übergegangen, die täglich in der kleinen, armseligen Kapelle von Jemeppes die „Operationen“ vornimmt. Gleich im Eingang das Symbol des Antonismus: Ein Baum, auf Glas mit Farben gemalt, der Baum der Erkenntnis des Bösen. Die neue Religion kennt keine Wunder, keine Gebete, keine Zeremonien. Sie predigt nicht so sehr die ewige, als die zeitliche Seligkeit, die mit jener untrennbar verbunden ist. Der Geist, einmal von seinen Fesseln befreit, bewegt sich in schmerzlosen Regionen. Die Materie mag ihn umkleiden oder nicht, er ist von ihr unabhängig. Der Antonismus lehrt, daß die erlösenden Fluide durch eine Art Massenwirkung verstärkt werden. Der einzelne muß sich mit seinen Brüdern vereinen, damit das gemeinsame heil erwirkt werde. Daher ein paar seltsame Vorschriften, die dahin zielen, eine vollkommen gleichartige Ausgestaltung der äußeren Bedingungen zu erzielen.
Die Kapellen weichen auch nicht in der unscheinbarsten Einzelheit von einander ab, sie mögen in Paris, Lyon, Brüssel, Tours oder Antwerpen errichtet sein. Es ist das gleiche Material, die gleiche Architektur, die gleichen Raumverhältnisse, die gleiche innere Einrichtung. Genau zur gleichen Stunde werden in den genannten Städten, die neben Jemeppes die Hauptzentren der neuen Religion sind,
die heilenden „Operationen“
vorgenommen. Die bestehen einfach darin, daß eine mit „Hochkraft“ ausgestattete Person ihre geheimnisvollen Fluide auf die versammelten Gläubigen wirken läßt. Durch die Gleichzeitigkeit wird über den Raum hinweg die Wirkung verstärkt, und man erzählt darüber ganz wunderbare Geschichten. Kein Verzweifelter soll noch ungetröstet die Kapelle verlassen haben, kein Leidender ohne Linderung seiner Schmerzen. Jedenfalls ist der Glaube dieser armen Leute unerschütterlich. Sie bedrückt kein Zweifel, im größten Elend weicht nicht das selige Lächeln von ihren Lippen. Die „Mutter“ breitet die Hände aus: Ein tiefes Atmen geht durch die versammelten Massen, die Augen leuchten auf in unsäglichem Glück, der Geist scheint jegliche Fessel abzustreifen...
Die Suggestion wirkt auch auf den fremden Besucher mit fast unwiderstehlicher Gewalt. In diesem grauen, trostlosen Lande, dem die Natur jeglichen Reiz, jede Poesie versagte, unter Menschen, die nur zum Leid, zu schwerster Arbeit, zum körperlichen und geistigen Elend geboren scheinen – plötzlich ein Zurücksinken der Materie, ein Triumpf des reinen Geistes, der auch das letzte dieser armen Menschenkinder über sich selber hinaus erhebt und ihm das, was wir Aufgeklärte mit „rauher Wirklichkeit“ bezeichnen, als wesenlosen Schatten erscheinen läßt! Nichts Unreines mischt sich ein: keinerlei Gewinnsucht, kein Ehrgeiz, keine eitle Phrase. Wortkarg sind sie alle,
die „Erleuchteten“ wie die gewöhnlichen „Gläubigen“.
Voll stiller Seligkeit fahren die kohlenschwarzen Männer in die Erde, vollbringen ihre schwere Tagesarbeit, gehen nach Schicht zur „Mutter“, wenn irgendein Schatten ihren befreiten Geist bedrohen will. In der ganzen Arbeiterstadt Jemeppes findet man kaum ein Wirtshaus, wenige Kinos nur, kein Theater oder gar ein modernes „Dancing“. Solcher Zerstreuungen bedürfen die Antonisten nicht.
Eine gemeinsame Sorge nur: Was geschieht, wenn die „Mutter“ diese Erde verläßt? Findet sich ein „Erleuchteter“ mit den gleichen, machtvollen Fluiden? Bleibe bei uns, denn es will Abend werden: dies einzige Gebet liegt auf den Lippen von tausenden. Denn schon machen sich die ersten Anzeichen eines gefährlichen Schisma bemerkbar: in Luxemburg und Deutschlothringen erhebt der „Wagnerismus“ sein Haupt, und gleich Simon fordert er irdische Güter für seine Fluiden, die doch nur den Armen, nicht den Reichen dieser Erde gelten sollen… Dr. F.
Westfälische Zeitung, 27.4.1928
Traduction :
Une visite chez les Antoinistes
De notre correspondant à Paris.
Jemeppes, en avril.
Jemeppe-sur-Meuse, faubourg noirci par le charbon de Liège, est la Rome de la nouvelle et étrange religion appelée "Antoinisme", du nom de son fondateur. Ce "Père Antoine", comme l'appellent les fidèles avec un amour respectueux, était un mineur ordinaire qui, il y a quelques vingt ans, reçut la grande révélation au cours d'une séance de spiritisme. Le nombre de ses adeptes s'est multiplié à une vitesse vertigineuse. Aujourd'hui, 300 000 "éveillés" demandent la reconnaissance de leur culte comme religion officielle en Belgique. Il s'agit principalement des plus pauvres parmi les pauvres, des ouvriers auxquels le socialisme n'a pu apporter aucun salut intérieur ou extérieur. Des déshérités et des mendiants sous ce ciel éternellement gris, dans cette région la plus désolée de toutes. Jemeppe-sur-Meuse : des milliers de personnes prononcent ce nom avec dévotion, des baptisés viennent de toutes les provinces de Belgique, du nord de la France et du Luxembourg en pèlerinage vers la "Mère" qui guérit les désespérés, leur donne la bénédiction. Une bonne petite mère,
la veuve du défunt Rédempteur.
Dans une ruelle étroite se trouve le sanctuaire, l'église Saint-Pierre de l'Antoinisme.
L'essence de la nouvelle doctrine est la suivante : la souffrance, la douleur, la maladie peuvent être écartées par des "fluides". Ils sont une œuvre diabolique contre laquelle le croyant peut se protéger. Les "fluides" sont générés par leur seule foi, et ils génèrent et renforcent à leur tour la foi. Ils passent du plus fort au plus faible. Le "Père Antoine" les possédait en quantité incroyable. Une simple imposition des mains suffisait à guérir même les souffrances les plus pénibles du corps ou de l'esprit. Cette plénitude a été transmise à la "Mère" qui procède quotidiennement aux "opérations" dans la petite et misérable chapelle de Jemeppe. Dès l'entrée, le symbole de l'Antoinisme : un arbre peint sur du verre avec des couleurs, l'arbre de la science du mal. La nouvelle religion ne connaît pas de miracles, pas de prières, pas de cérémonies. Elle ne prêche pas tant la béatitude éternelle que la béatitude temporelle, qui est inséparable de celle-ci. L'esprit, une fois libéré de ses entraves, se déplace dans des régions indolores. La matière peut le revêtir ou non, il est indépendant d'elle. L'Antoinisme enseigne que les fluides rédempteurs sont renforcés par une sorte d'effet de masse. L'individu doit s'unir à ses frères pour que le salut commun soit obtenu. D'où quelques prescriptions étranges qui visent à obtenir une parfaite homogénéité des conditions extérieures.
Les chapelles ne diffèrent pas les unes des autres, même dans le détail le plus insignifiant, elles peuvent être construites à Paris, Lyon, Bruxelles, Tours ou Anvers. Ce sont les mêmes matériaux, la même architecture, les mêmes proportions, le même aménagement intérieur. C'est exactement à la même heure que dans les villes citées, qui sont avec Jemeppe les principaux centres de la nouvelle religion,
les "opérations" de guérison
sont effectuées. Celles-ci consistent simplement en ce qu'une personne dotée d'une "haute force" fasse agir ses fluides mystérieux sur les fidèles rassemblés. Grâce à la simultanéité, l'effet est renforcé par-delà la salle, et on raconte à ce sujet des histoires tout à fait merveilleuses. On dit qu'aucun désespéré n'a quitté la chapelle sans être consolé, qu'aucun souffrant n'a été soulagé de ses douleurs. En tout cas, la foi de ces pauvres gens est inébranlable. Aucun doute ne les accable, dans la plus grande misère, le sourire béat ne s'éloigne pas de leurs lèvres. La "Mère" écarte les mains : une profonde respiration parcourt les masses rassemblées, les yeux s'illuminent d'un bonheur indicible, l'esprit semble se débarrasser de toute entrave...
La suggestion agit aussi sur le visiteur étranger avec une violence presque irrésistible. Dans ce pays gris et désolé, auquel la nature a refusé tout charme, toute poésie, parmi des hommes qui semblent n'être nés que pour la souffrance, le travail le plus dur, la misère physique et spirituelle – soudain, un recul de la matière, un triomphe de l'esprit pur, qui élève au-dessus de lui-même le dernier de ces pauvres enfants des hommes et lui fait apparaître comme une ombre sans essence ce que nous, les hommes éclairés, appelons la "dure réalité" ! Rien d'impur ne s'y mêle : aucun désir de gain, aucune ambition, aucune phrase vaine. Ils sont tous silencieux,
les "éveillés" comme les "croyants" ordinaires.
Pleins d'une béatitude silencieuse, les hommes noirs comme le charbon s'enfoncent dans la terre, accomplissent leur dur travail quotidien, se rendent chez la "Mère" après leur service, si une ombre quelconque veut menacer leur esprit libéré. Dans toute la ville ouvrière de Jemeppe, on ne trouve guère d'auberge, peu de cinémas, pas de théâtre ni même de "dancing" moderne. Les Antoinistes n'ont pas besoin de telles distractions.
Une seule préoccupation commune : que se passe-t-il si la "Mère" quitte cette terre ? Trouvera-t-on un "éveillé" avec les mêmes fluides puissants ? Reste avec nous, car le soir tombe : cette unique prière est sur les lèvres de milliers de personnes. Car déjà se font sentir les premiers signes d'un schisme dangereux : au Luxembourg et en Lorraine allemande, le "wagnérisme" relève la tête et, comme Simon, il réclame des biens terrestres pour ses fluides, qui ne doivent pourtant s'adresser qu'aux pauvres, et non aux riches de cette terre... Dr F.
issu de l'article Les Antoinistes demandent la personnification civile (dans La Dernière Heure, 6 mars 1921)
(source: Belgicapress)
issu d'une carte postale Les Généreux
À la fin de la cérémonie, Mère se retire par la porte qui est de plain-pied avec la grande tribune, mais lorsqu'elle est suppléée par un adepte, celui-ci ne pouvant sortir par cette porte, reste à la tribune jusqu'à la fin de la cérémonie ; alors il descend par l'escalier de douze marches. Durant tout ce temps le guérisseur du second degré (1) se tient recueilli à la petite tribune ; l'imposition des mains faite, il se retire et fait place à un autre disciple qui lit d'une voix monotone les dix principes révélés. La lecture achevée après un bref recueillement, le lecteur dit : « Mes frères au nom du Père, merci ». « L'opération est terminée, annonce un disciple. Les personnes qui ont la foi sont guéries ou soulagées » (2). La cérémonie a duré environ un quart d'heure.
Pendant l'opération, les fidèles restent debout, les mains jointes à la manière antoiniste ; en silence, ils « communient, oublieux de la matière, dans le fluide éthéré du Père » (3), attendant que la foi opère (4). Pendant la lecture ils sont debout ou assis, à leur gré ; beaucoup récitent à mi-voix les dix principes, en même temps que le lecteur.
Antoine mort, sa femme, qui « est en communication avec Lui » et « reçoit de Lui toutes les inspirations » (5), fit l'opération générale, mais elle n'est qu'un instrument, le Père continuant à présider aux opérations (6). Des adeptes s'étant arrogé le privilège d'organiser une opération générale dans leur temple, L'UNITIF (7) leur fit savoir que l'action cultuelle par excellence était l'apanage exclusif du Premier Représentant du Père, qui est unique (8).
En ces derniers temps, la situation s'est complètement modifiée à cet égard. Mère délégua ses pouvoirs à un coadjuteur et à partir du 17 juin 1930 le frère Nihoul la remplaça à la grande tribune pour l'opération générale (9). Du moment que, du vivant de Mère, Premier Représentant du Père, un adepte pouvait, à Jemeppe, imposer les mains à la foule, on ne voyait plus ce qui pouvait empêcher les desservants de temple de recevoir les mêmes pouvoirs. C'est ce qui arriva en 1932 : l'opération avec l'imposition des mains se fit dans tous les temples. Cette mesure paraissait contraire aux prescriptions de 1913. Les antoinistes se seraient-ils aperçus de la contradiction ; en tout cas, quelques mois après, le frère Nihoul dut se contenter de rester en face de la tribune ; la cérémonie étant présidée par le portrait du Père. D'ailleurs on n'annonçait plus que l'opération se faisait au nom du Père, mais bien : « Le Père fait l'opération ! » De même, dans les autres temples deux adeptes viennent se placer debout devant la tribune à laquelle est attachée le portrait d'Antoine, officiants et public restent debout pendant quelques minutes, puis un lecteur se rend à la petite tribune pour la lecture des dix principes.
Le 3 décembre 1933, nouvelle modification à Jemeppe : Mère décidait de faire de nouveau elle-même l'opération le dimanche (10), le lundi et le jeudi à 10 heures. Après qu'un adepte a annoncé : « Le Père fait l'opération suivie d'une lecture dans l'Enseignement (11). Ceux qui ont foi au Père trouveront satisfaction », trois coups de sonnette marquent le début de la cérémonie. Le second guérisseur se rend à la petite tribune et préside au recueillement préliminaire. Après quelques minutes, Mère arrive à la grande tribune par la porte qui lui est réservée. Ses bras sont étendus, puis la main droite d'un geste circulaire répand les fluides sur la foule qui est debout depuis le coup de sonnette ; de nouveau Mère reste les bras levés vers le ciel ; puis nouvelle bénédiction ; une troisième fois Mère reprend son attitude d'oraison, marmonnant des paroles que nous ne pouvons comprendre ; pour terminer elle fait des deux mains le geste de lancer à poignées les fluides sur l'assistance, au milieu, à gauche puis à droite. Elle se retire, nouveaux coups de sonnette ; le second guérisseur quitte la petite tribune où vient s'installer le frère chargé de la lecture ; celle-ci se termine, après une dizaine de minutes, par le merci et la foule se retire. Le mardi et le mercredi, le second opérateur fait l'opération de la petite tribune ; au pied de celle-ci deux sœurs sont campées dans le plus profond recueillement.
Ces modifications fréquentes, qui semblent capricieuses, ont mis à une rude épreuve la foi de certains adeptes qui ont été jusqu'à dire que Mère devenait folle. Le ministre du culte qui me rapporte ces propos irrespectueux, ajoute que Mère n'est pas folle, mais que vivant le plus souvent dans l'au-delà, elle plane au-dessus de nos petites raisons ; ce n'est point par caprice mais pour se conformer aux fluides éthérés qu'elle agit de la sorte.
(1) L'UNITIF, II, 4, p. 3.
(2) D'après KERVYN, p. 12. Ces paroles ne sont plus prononcées actuellement, mais on sonne pour marquer la fin de l'opération.
(3) L'UNITIF, janvier 1914, p. 9.
(4) « Le malade doit ressentir l'effet de son opération avant de quitter le temple. » L'UNITIF, octobre 1913, p. 15.
(5) L'UNITIF, janvier 1913, p. 4 ; juin 1913, p. 11.
(6) « Mère est l'instrument du Père, c'est Lui qui préside aux opérations générales, c'est-à-dire qu'il lui transmet le fluide divin. » L'UNITIF, juin 1913, p. 6.
(7) L'UNITIF, avril 1913, p. 5 ; novembre 1913, p. 12 ; décembre 1913, p. 13. Voir en sens contraire L'UNITIF janvier 1913, p. 7, où un adepte défend la thèse qui triompha momentanément en 1932.
(8) L'UNITIF, avril 1913, p. 4 ; juin 1913, p. 5.
(9) A remarquer toutefois que le coadjuteur n'allait pas à la tribune par le même chemin que Mère ; il partait du fond du temple, précédé d'un huissier, et se rendait à la tribune par l'escalier qui se trouve dans le temple ; il y restait jusqu'à la fin de la cérémonie. Alors l'huissier le reconduisait dans les appartements situés à gauche du temple. Un(e) adepte s'installait à la petite tribune pendant l'opération et cédait sa place à un autre pour la lecture.
(10) Encore une innovation : jamais du vivant d'Antoine l'opération n'avait eu lieu le dimanche. A Jemeppe, comme ailleurs, il y avait simplement lecture de l'Enseignement.
(11) Nouvelle innovation : antérieurement, on lisait toujours les dix principes. (On continue à lire les dix principes dans les autres temples.) Bien que Mère ait repris sa place, on annonce que c'est le Père qui opère : d'ailleurs le portrait de Mère, appendu à la tribune de Jemeppe a disparu et est remplacé par une photo représentant le temple pendant une opération du temps d'Antoine.
Pierre Debouxhtay, Antoine le Guérisseur et l'Antoinisme, d'après des documents inédits. (Liége, Fernand Gothier, 1934), p.214-217
N° 11 naissance
L’an mil huit cent douze le quatre Octobre, à neuf heures du matin pardevant nous Eustache Bougnet, Maire, officier de l’état civil de la commune de Jemeppe, Canton de Hollogne aux pierres, premier arrondissement du département de l’Ourte est comparu Lambert Collon, âgé de cinquante et un ans, houilleur, domicilié en cette commune, lequel nous a présenté un enfant du sexe masculin, né cejourd’hui à six heures du matin de lui déclarant et de Anne Bonhivers, journalière, non mariée demeurant avec lui se reconnaissant pour père de cet enfant, auquel il a déclaré donne le prénom de Denis, lesdites déclaration et présentation faites en présence de Denis Joliet, âgé de trente deux ans, houilleur, et de Jean Pierre Bougnet, âgé de cinquante neuf ans, garde champêtre de cette commune, tous deux demeurant en cette commune, lesquels premier témoin dit ne savoir signer, le second témoin a signé avec nous, le présent acte après que lecture leur en a été faite. (suivent les signatures de Jean Pierre Bougnet, garde champêtre, et Eustache Bougnet, maire).
A cette époque, la Belgique faisait partie de la France (Premier Empire français), la région de Jemeppe est donc intégrée au département de l’Ourte et la commune est sous la responsabilité d’un maire. On aperçoit le tampon de l’Empire sur la deuxième page de l’acte.
naissance
L’an mil huit cent quinze, le trois août à huit heures du matin pardevant nous maire officier de l’état civil de la commune de Grace-Montegnée, arrondissement de Liége, département de l’Ourte est comparu Gérard Gihoutte, âgé de trente trois ans, houiller, domicilié en cette commune, lequel nous a représenté un enfant du sexe féminin né hier à cinq heures du soir de Pierre Masillon et de Jeanne Poout son épouse de cette commune et auquel il a déclaré vouloir donner les prénoms de Marie Josèphe, les dires déclaration et présentation faites en présence de Jacques Biar, âgé de vingt neuf ans, houilleur et de François Bastin, âgé de vingt sept ans, métayer, domiciliés en cette commune, lesquels avec le comparant ont dit ne savoir écrire après lecture du présent acte. (suit la signature du maire, J.[ean] Riga).
A cette époque, la Belgique faisait partie de la France (Seconde Restauration), la région de Jemeppe est donc intégrée au département de l’Ourte et la commune est sous la responsabilité d’un maire.
N°62 Mariage Collon Denis et Masillon Marie-Josèphe
L’An mil huit cent quarante, le vingt-deux avril à sept heures du soir, pardevant nous Eustache Bougnet, Bourgmestre officier de l’Etat civil de la commune de Jemeppe, canton de Hollogne aux pierres, arrondissement & Province de Liége, ont publiquement comparu au bureau de l’Etat civil à la maison commune d’une part Denis Collon, journalier, âgé de vingt-sept ans & demi, domicilié au laveux, commune de Jemeppe, où il est né le quatre Octobre mil-huit-cent douze, majeur, fils légitime de Lambert Collon, décédé à Jemeppe le vingt-trois Janvier mil-huit-cent dix-sept & d’Anne Bonhivers, aussi décédée à Jemeppe le vingt-neuf Janvier mil-huit-cent trente huit, il conste des actes de naissance & décès dressés par leurs inscriptions à nos registres civils, lequel nous a justifié d’avoir satisfait à la milice nationale par la production de son certificat littéra LL lui délivré le vingt-sept mars présente année N° 21011, et d’autre part Marie Joseph Masillon, âgée de vingt-quatre ans & huit mois, journalière, domiciliée au bois de mont, commune de Jemeppe & née à Grace-Montegnée le douze Août mil-huit-cent quinze ainsi qu’il résulte d’une expédition de son acte de naissonce délivrée le quatre avril courant par l’Echevin, officier de l’Etat civil de Grace-Montegnée, qui restera ici annexé, majeure, fille légitime de Jean Pierre Masillon, décédé à Jemeppe le sept décembre mil huit cent dix neuf, & de Jeanne Pooux aussi décédée à Jemeppe, le quatorze mai mil huit cent trente huit, il conste de ces deux actes de décès par nos registres civils. Lesquels nous ont affirmé avoir les quatre témoins ci-après n’avoir plus aucune ascendante vivante & nous ont requis de procéder à la célébration du mariage, projeté entre eux & dont la publication ont été faite en cette commune, à dix heures du matin, les dimanches cinq & douze Avril, présent mois, aucune opposition à ce mariage ne nous ayant été faite ni signifiée, obtempérant à leur requisition & après avoir donné lecture de toutes les pièces ci-dessus énoncées & du chapitre six du titre du mariage, livre premier du code civil, nous avons demandé à chacun des futurs époux l’un après l’autre, s’ils veulent se prendre pour mari & femme, chacun d’eux ayant répondu séparément & affirmativement nous déclarons au nom de la Loi que Denis Collon et Marie Josèphe Masillon sont unis par le mariage de tout quoi nous avons dressé acte en présence de Henri Masillon, âgé de quarante-cinq ans, houilleur, de Louis Masillon, âgé de trente & un ans & demi, cordonnier, tous les deux frères de l’épouse, et de Jean Collon, âgé de trente-huit ans, houilleur, frère de l’époux, & de Jacques Joliet, âgé de vingt-deux ans, non parent ni allié des époux, tous les quatre majeurs, domiciliés au bois de mont & au laveux, commune de Jemeppe, lesquels ainsi que les époux ont déclaré ne savoir écrire ni signer de ce requis & avons signé, seul, après lecture. (suit la signature du Bourgmestre, Eustache Bougnet).